Résumés
Résumé
L’implication du public dans la gouvernance des organisations participant à des activités risquées est un enjeu important. Nous proposons de contribuer à la compréhension de cette implication et de ses effets en étudiant à un niveau micro le dialogue entre experts institutionnels et membres de la société civile autour du « Dossier d’Options de Sûreté » de l’installation de stockage profond des déchets nucléaires « CIGEO » dans l’Est de la France. Nous montrons que, malgré les contraintes liées à la structuration de l’expertise dans la filière nucléaire en France, le dialogue conduit à des changements réels mais limités. Nous discutons les possibilités et conditions de dépassement du cadre du dialogue technique entre experts en introduisant la notion de pluralisme.
Mots-clés :
- Gouvernance,
- Nucléaire,
- Démocratie technique,
- Expertise,
- Participation,
- Pluralisme
Abstract
Involving the public in the governance of activities that present a high level of risk for society is an important concern. We propose to contribute to understanding public involvement and its effects by studying, at the fine-grained level of practices, the dialogue between institutional experts and members of civil society around the “Safety Options File” for the ‘CIGEO deep underground storage facility for nuclear waste in eastern France. We show that, despite the constraints resulting from the organization of expertise in the French nuclear industry, the dialogue could lead to real but limited changes. In the light of this experience, we discuss the conditions to go beyond the framework of technical dialogue between experts by developing the notion of pluralism.
Keywords:
- Governance,
- Nuclear,
- Technical democracy,
- Expertise,
- Participation,
- Pluralism,
- Public
Resumen
Involucrar al público en la gobernanza de organizaciones implicadas en actividades que presentan un alto nivel de riesgo para la sociedad es una cuestión importante. Nos proponemos contribuir a la comprensión de tal implicación y de sus efectos estudiando a nivel fino de las practicas el diálogo entre expertos institucionales y miembros de la sociedad civil, en torno al «Expediente de opciones de seguridad» para el depósito profundo de residuos nucleares «CIGEO» en Francia. Demostramos que, a pesar de limitaciones resultando de la estructuración de la pericia en la industria nuclear en Francia, el diálogo ha permitido cambios reales, aunque limitados. Debatimos entonces las condiciones para superar el marco del diálogo técnico entre expertos introduciendo la noción de pluralismo.
Palabras clave:
- Gobernanza,
- Nuclear,
- Democracia técnica,
- Pericia,
- Participación,
- Pluralismo,
- Publico
Corps de l’article
L’implication du public dans la gouvernance des organisations participant à des activités présentant un niveau de risque élevé pour la société ou des effets environnementaux significatifs, dans des secteurs variés, tels que l’aménagement du territoire, les grands projets d’infrastructures et de transports, les activités industrielles à risque, est un enjeu important. La thématique de la cohabitation des populations avec des activités industrielles est sensible à plusieurs égards : la potentielle atteinte à l’intégrité de l’homme et de l’environnement; les éventuels enjeux de développement économique; les perceptions très différentes des risques (Kamaté, 2016). Reconnaître un droit de regard du public sur les choix industriels représente un changement majeur par rapport aux modes de fonctionnement habituels de ce secteur, et les acteurs ne sont pas forcément prêts à franchir ce cap (Kerveillant, 2017). De plus, la participation rencontre de nombreuses contraintes : complexité, respect de la confidentialité des activités et de l’information, culture du secret, etc. Compte tenu de ces contraintes, l’ambition participative dans le domaine des risques industriels est difficile à mettre en oeuvre, et représente donc un sujet d’étude particulièrement intéressant.
Le domaine du nucléaire est particulièrement touché par cette ambition participative avec des approches variées selon les pays, notamment des niveaux et des formes d’implications du public différents. Ainsi, aux Etats-Unis, la gouvernance est caractérisée par la recherche de transparence; par exemple, les réunions de l’ACRS américain (groupe d’experts du nucléaire au sein duquel sont discutées les questions de sûreté) sont publiques, alors qu’au Japon, la gouvernance est plus opaque comme l’accident nucléaire de Fukushima l’a montré (IAEA, 2015). Le « dialogue technique » entre l’expert public (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, IRSN) et les exploitants d’installations nucléaires (EDF[1], ORANO,[2] le CEA[3], etc…) est une spécificité française historique de la gouvernance de la sûreté nucléaire dans ce pays (Foasso, 2012; Mangeon & Pallez, 2017). Ce mode de gouvernance laisse une plus grande place à la négociation (Stimec & Journé, 2021) entre les différentes parties prenantes que dans d’autres pays (Lévêque, 2013). Dans le passé, en France, ces échanges techniques étaient limités à un nombre d’acteurs restreint (Mangeon, 2018), mais ils tendraient depuis quelques années à s’ouvrir à des membres de la société civile (Kerveillant, 2017).
Ainsi, le projet de l’ANDRA[4] d’installation de stockage géologique profond de déchets radioactifs dénommé « CIGEO[5] », très controversé depuis son démarrage au début des années 1980, a fait l’objet de plusieurs dispositifs d’ouverture au public (Blanck, 2021). En 2016, au moment du « Dossier d’options de sûreté[6] » (DOS), l’IRSN, qui est l’expert public en matière de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques en France, décide d’ouvrir son travail d’expertise sur ce projet à la société civile lors de réunions d’échange avec des représentants de la société civile. Ce dispositif inédit vise à recueillir les questions de la société civile le plus en amont possible et y répondre dans un souci de transparence. Cet article s’appuie sur des observations du fonctionnement de ce dispositif.
La littérature présente les avantages et les limites de l’implication du public, ainsi que ses effets, sans aboutir à un consensus. Mais elle se situe à un niveau macro. Quant à nous, nous adoptons une nouvelle perspective en nous plaçant à un niveau micro, celui des interactions entre les participants au cours de réunions d’échanges entre les représentants de l’IRSN et ceux de la société civile.
Nous utilisons à ce sujet le concept de « cadrage-débordement » (Callon, 1999), selon lequel toute tentative de cadrage d’une interaction sociale ou institutionnelle produit simultanément des voies de débordement du cadre proposé. Nous montrons ainsi comment les questions posées par les représentants de la société civile débordent le cadrage initial apporté par les organisations en charge de la gouvernance de la sûreté. Nous étudions deux cas de débordement du cadrage technique du DOS CIGEO et analysons comment les représentants de l’IRSN tentent de maitriser, contrôler et/ou prendre en considération ces débordements. Cela nous conduit à mettre en question la vision d’un dialogue construit sur une dualité expert/profane.
Partie I : La sûreté nucléaire et l’ouverture au public
Après avoir donné quelques éléments historiques sur la sûreté nucléaire en France, nous analysons la littérature sur les avantages, les limites et les effets de l’ouverture au public dans les activités à haut risque.
Quelques éléments historiques sur la sûreté nucléaire en france
Jusqu’au milieu des années 1980, il n’y avait pas de séparation effective entre les enjeux politiques, économiques et techniques dans le domaine de la sûreté nucléaire. Avec la création d’un contrôleur en 1973 (SCSIN[7]) et d’un expert public (IPSN[8]) en 1976, les rôles institutionnels semblent mieux définis entre les différents acteurs (industriels, experts et politiques). Dans les faits néanmoins, cette séparation ne se traduit pas par des frontières nettes, car l’IPSN demeure une structure interne au Commissariat à l’Energie Atomique, lui-même opérateur nucléaire, et le SCSIN est un service du ministère de l’Industrie, qui pilote le développement du programme nucléaire (Foasso, 2012). Dans un contexte de forte pression industrielle avec le développement massif du nucléaire, les différents acteurs de ce « petit monde de la sûreté » (Mangeon & Pallez, 2017) développent alors des compromis entre sûreté et développement industriel (Roger, 2020).
L’accident de Tchernobyl (avril 1986) marque un tournant majeur dans l’histoire de la gouvernance des risques nucléaires. Médiatisé et politisé, cet accident constitue un « événement focalisant » (Birkland, 1998) qui déclenche une série de changements toujours en cours. En effet, en France, cette crise reste pour une partie du public associée à un mensonge de l’industrie nucléaire destiné à cacher les conséquences réelles de l’accident (Meyer, 2022) : certaines autorités ont propagé l’idée évidemment erronée que le nuage radioactif ne serait pas passé au-dessus du territoire français. Après plusieurs crises sanitaires dans les années 1990 (vache folle, sang contaminé) et l’entrée des Verts au gouvernement, en 1997, le contexte est favorable pour poser la question de l’indépendance des organisations en charge de la régulation des risques nucléaires. La régulation de la sûreté nucléaire se restructure alors progressivement autour d’une agence[9] d’expertise, l’IRSN, et d’une autorité administrative indépendante chargée du contrôle (AAI)[10], l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire). Cette transformation repose sur la séparation entre l’évaluation scientifique et la gestion des risques (au sens de la décision politique, de la police et du contrôle), devenue un principe générique en matière de gouvernement des risques (Boudia & Demortain, 2014).
Ce processus conduit peu à peu l’expertise à s’éloigner des enjeux politiques et économiques, même si de nombreux travaux ont montré l’existence d’une frontière poreuse entre ces différents domaines (Jasanoff, 1990; Borraz, 2008; Boudia & Demortain, 2014).
La gestion des risques réputationnels (Henry, Gilbert et al., 2015) devient un enjeu central dans un environnement où les nouvelles organisations doivent rendre compte de leurs activités à la société et dans lequel vont être progressivement développés des dispositifs à cet effet.
Avantages de l’ouverture au public
Selon Jasanoff (2005), l’implication du public contribuerait à la transformation de ce qu’elle nomme « l’épistémologie civique », c’est-à-dire les « règles » formelles et informelles d’administration des preuves publiques. Ces règles concernent la production des connaissances et leur mise à l’épreuve, les formes de fabrique de l’expertise et les modes de raisonnement des autorités publiques pour leur prise de décision (Jasanoff, 2019). En ce sens, les bénéfices attendus ne concernent pas exclusivement le projet qui fait l’objet de la concertation, mais, de manière plus générale, le degré de maturité de la culture démocratique et les capacités de dialogue entre experts, autorités publiques et citoyens.
De façon plus spécifique, les démarches de démocratie participative permettraient d’imaginer collectivement des solutions nouvelles en éclairant toutes les facettes de la situation évaluée et en confrontant les points de vue des diverses parties prenantes (Blondiaux & Sintomer, 2009). Selon Callon et al. (2001), les controverses sociotechniques qui ont lieu grâce à la participation du public permettent aux experts et aux non experts de confronter leurs points de vue, ce qui est assez inhabituel. Par ailleurs, ces deux catégories d’acteurs détiennent des savoirs spécifiques et leur confrontation permet de mieux se connaître, de s’enrichir et de se féconder mutuellement, donc de monter en compétence. Ces démarches d’ouverture peuvent donc amorcer un cycle vertueux d’apprentissage collectif (Kamaté, 2016).
Avec Bherer et al. (2016) et Kerveillant (2017), nous pensons que la société civile, à la faveur de sa participation à des enquêtes, construit en effet sa propre expertise. En ce qui concerne les experts, l’intervention de la société civile leur permet de prendre un recul critique sur leur expertise en intégrant des considérations de sens commun et d’élargir leur vision, par exemple sur la gestion du temps, les questions de sous-traitance, l’impact économique sur la région concernée, etc. Ces sujets, parfois fondamentaux, peuvent être perdus de vue par des experts fortement spécialisés qui éprouvent parfois des difficultés pour sortir de leurs cadres habituels de compréhension des situations (Kerveillant & Lorino, 2020).
Enfin, pour Callon et al. (2001), qui théorisent la « démocratie technique », le dialogue avec le public constitue un puissant dispositif d’exploration et d’apprentissage des mondes possibles. Ces auteurs proposent donc une lecture positive des incertitudes sur les projets et de leur discussion avec la société civile, car ces incertitudes, qui représentent généralement des menaces à maitriser pour les experts, offriraient à la société civile une véritable occasion de co-construire avec les experts une forme de démocratie « dialogique » permettant de partir à la recherche d’un monde commun, encore inconnu. Leur vision diffère ainsi de celle d’Ulrich Beck (1992), qui associe les incertitudes aux effets secondaires indésirables de la technique.
Plus spécifiquement, comme certains auteurs, nous pensons que l’implication de la société civile dans la gouvernance du risque nucléaire peut contribuer à améliorer la vigilance sociétale, les processus et dispositifs de régulation (e.g. O’Connor & van den Hove, 2001), et générer de nouveaux savoirs. Certains auteurs défendent même la thèse selon laquelle cette implication est indispensable pour gouverner certaines activités très controversées, comme la gestion des déchets radioactifs (Bergmans et al., 2015), ou encore dans les situations post-accidentelles où les populations demandent à être associées à la gestion de crise et prennent des initiatives en ce sens (Tillement & Journé, 2016; Fassert & Hasegawa, 2019).
Limites de l’ouverture au public
La littérature traite abondamment des limites de l’ouverture au public. Ainsi, des travaux ont montré l’importance que les participants à ces démarches d’ouverture n’aient pas l’impression que leur parole citoyenne est confisquée au profit de celles des spécialistes, techniciens, professionnels de la concertation et élus (Goëta & Prothais, 2017), au risque de mener à leur désertion. L’engagement des parties prenantes peut aussi soulever des questions que les experts considèrent comme non pertinentes pour le travail d’expertise en cours (Jonker & Foster, 2002). La rencontre entre les marges de manoeuvre des experts et les aspirations des citoyens est donc complexe. Le risque existe que les échanges ne deviennent la simple reproduction d’un dialogue technique institutionnel.
Enfin, sur les enjeux techniques, le déséquilibre entre les moyens et compétences considérables dont bénéficient les experts institutionnels et ceux dont disposent le public ou les instances qui le représentent risque de rendre difficile pour le public de s’aventurer sur le seul terrain de la science et de l’expertise (Topçu, 2013). Il semble donc essentiel, pour le public, de dépasser les seules questions techniques et de s’intéresser plus largement aux enjeux sociaux, politiques et économiques des projets.
Effets de l’ouverture au public
Il existe de nombreux travaux visant à étudier les effets de la participation. Selon Mazeaud et al. (2022), « Ils convergent dans leurs conclusions sur le caractère limité de leurs effets sur l’action publique ». Cette conclusion est discutée et Bherer et al. (2016) soulignent que définir les frontières de la participation est complexe, ce qui rend difficile d’en développer une compréhension globale, notamment en ce qui concerne ses effets. La littérature met en avant des expérimentations fructueuses d’ouverture : dans le domaine médical avec par exemple le cas de l’association AFM étudié par Callon et al. (2001) ou encore sur des grands choix technologiques pouvant impacter la société civile dans son ensemble avec le débat sur les OGM et la création de la conférence des citoyens (étudié notamment par Marris & Joly, 1999; Boy et al., 2000; Gaudillière & Bonneuil, 2001). Cependant, les résultats de chaque expérimentation dépendent fortement de son contexte. Chaque cas hérite en effet d’une situation qui lui est propre, d’un passé de discussions entre parties prenantes, de mobilisations d’activistes sur le sujet, d’un écosystème d’acteurs s’intéressant aux différents enjeux, etc.
Selon Mazeaud et al. (2022), la recherche est trop focalisée sur la démonstration de liens entre des dispositifs et leurs effets directs sur l’action publique. Une partie de la littérature s’intéresse néanmoins à des effets intermédiaires. Par exemple, certains travaux montrent que la participation des citoyens fait évoluer les représentations et pratiques des agents publics impliqués dans ces dispositifs (Bherer, 2003; Bacqué & Sintomer, 2001). Barthe (2002) a aussi montré que les débats publics contribuent à rendre discutables des enjeux auparavant bloqués par les experts techniques. Mais ces effets sont étudiés à un niveau macro : les travaux de recherche s’intéressent peu à ce qui se joue à l’intérieur des dispositifs de participation. Par exemple, Blanck (2021) analyse trois dispositifs de participation visant à intégrer les critiques d’acteurs de la société civile dans le projet de stockage CIGEO et met en lumière la stratégie globale d’assimilation des critiques, mais sans entrer dans le détail des débats.
Les méthodologies mises en oeuvre pour étudier la participation sont remises en question (Mazeaud et al. 2012; 2022). Nous proposons une approche susceptible de contribuer à analyser et mieux comprendre ce qui se joue à un niveau micro dans les interactions entre les participants. Nous étudions notamment les inflexions dans les interactions qui peuvent, au-delà des résultats immédiats, témoigner d’évolutions culturelles notables dans la perception des enjeux par les principaux acteurs.
Partie II : Description du dispositif de participation
CIGEO est le projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs qui vise à stocker les déchets de moyenne activité à vie longue et les déchets de haute activité[11] issus des installations nucléaires actuelles. Ce projet fait suite à une histoire longue et tumultueuse de recherche de solutions pour ce stockage (Blanck, 2017; Patinaux, 2017).
C’est en 2016 que l’ANDRA a transmis à l’ASN le dossier d’options de sûreté (DOS) du projet CIGEO, marquant ainsi l’entrée du projet dans un processus encadré par la réglementation relative aux installations nucléaires de base. Les controverses sur la priorité donnée à l’option de stockage en couche géologique profonde par rapport aux autres options ne sont alors pas éteintes. Elles sont portées notamment par des associations locales, dont les positionnements variés vont de la franche opposition au projet à son accompagnement vigilant, avec divers modes d’action (participation à des séminaires, interpellation publique, action en justice, blocage de débats, etc.). Ces associations ont progressivement pris connaissance de la problématique des déchets nucléaires. Certaines entretiennent des relations de longue date avec les différents acteurs de la régulation du risque. Le CLIS[12] de Bure, commune qui accueillera la future installation, joue à cet égard un rôle essentiel pour organiser la confrontation des points de vue et partager l’information sur le projet.
Parallèlement, les acteurs de la régulation ont développé différents dispositifs d’échange avec la société civile. C’est dans ce contexte que l’autorité régulatrice, l’ASN, demande à l’agence d’expertise publique, l’IRSN, d’évaluer le DOS de l’installation CIGEO. Une démarche de dialogue avec la société civile est alors engagée par l’IRSN avec un groupe composé de membres des institutions représentatives du public (ANCCLI[13], CLIS de Bure, Conférence des citoyens[14] constituée à l’occasion du débat public CIGEO de 2013) et d’experts non institutionnels (WISE-Paris[15]). Les personnes impliquées sont issues de catégories socio-professionnelles différentes, originaires de différentes régions de France, et se connaissent généralement depuis plusieurs années.
La forme du processus d’échange étudié ici est directement liée à l’objectif défini par l’IRSN : recueillir les préoccupations de membres de la société civile et, après analyse, présenter et expliquer les modalités de leur prise en compte dans l’évaluation du DOS par l’IRSN. Cet objectif et les modalités d’échange sont présentés et discutés avec les participants lors de la première réunion en octobre 2016, à Paris. La seconde réunion, qui a lieu à Bar-le-Duc, près du site, en novembre 2016, permet de recueillir les questions des participants, regroupées par les experts de l’IRSN autour de 7 thèmes : déchets, sûreté en exploitation, récupérabilité — fermeture, sûreté après fermeture, phase pilote, questions transverses, autres. La troisième réunion, en février 2017, permet à l’IRSN de présenter l’avancement de son instruction technique sur les questions posées. Ce sont les experts en charge de l’évaluation de chaque thème qui assurent eux-mêmes les présentations suivies de discussions.
Le fait que l’échange soit structuré autour de l’évaluation menée par l’IRSN a pour effet de délimiter le champ du dialogue avec la société civile sur la base des missions assignées officiellement à l’IRSN. Ce cadrage conduit à préciser les questions qui entrent dans le périmètre de l’échange (principalement les questions techniques et liées à la sûreté de la future installation) et celles qui sont hors champ. Il s’avère parfois complexe pour l’IRSN d’expliquer aux participants que certaines questions ne pourront pas être abordées.
Partie III : Méthodologie
Ce travail s’appuie sur un suivi des échanges organisés par l’IRSN avec la société civile autour de l’expertise du DOS CIGEO, entre octobre 2016 et juillet 2017. Une autrice de l’article était observatrice du dispositif, dans une démarche de recherche-action sollicitée par l’IRSN. Elle a assisté aux quatre réunions d’échange, les a enregistrées et retranscrites intégralement, et a réalisé une quarantaine d’entretiens auprès de la grande majorité des participants à la démarche (experts IRSN, membres de la société civile, représentants de l’ANDRA et de l’ASN, etc.). L’étude des échanges est fondée sur une micro-analyse des interactions entre participants, en essayant d’identifier les thèmes qui revenaient souvent dans les discussions. Certains thèmes ont donné lieu à de nombreux échanges, comme par exemple les discussions sur les transports routiers autour de la future installation ou encore son caractère irréversible et la possibilité (ou non) d’intervenir en cas de nécessité, comme un incendie. Notre choix s’est porté sur deux thèmes car ils ont donné lieu à des débordements : les coûts économiques du projet et le choix entre puits et descenderie[16].
Partie IV : Deux exemples de débordement
Lors des réunions, des membres de la société civile se sont emparés de deux thématiques qui ne faisaient pas partie du cadrage initial de l’expertise du DOS :
-
Les coûts du projet,
-
Le choix entre deux solutions d’ingénierie : le puits et la descenderie.
Nous analysons ici les deux cas en nous appuyant sur les verbatims anonymisés des réunions.
1er cas : les coûts du projet
Dans cette section, nous analysons un dialogue extrait de la seconde réunion qui a eu lieu le 9 novembre 2016. L’un des représentant de la société civile, opposant au projet, interpelle l’IRSN dès le démarrage de la réunion sur la problématique du coût du projet. La discussion soulève alors deux interrogations principales : celle du périmètre d’expertise, et les raisons pour lesquelles les questions financières se trouvent hors-cadre de l’expertise de l’IRSN; et celle du lien entre cadrage financier du projet et sûreté. Un dialogue s’installe ainsi entre un responsable de l’IRSN et un représentant de la société civile, au cours duquel intervient un expert non-institutionnel. Le verbatim est présenté en annexe 1[17].
Dans ce dialogue, l’échange conduit à faire reconnaitre à l’IRSN les limites d’une discussion séparée des questions de sûreté et des questions de coûts, deux angles de vue distincts (coût, sûreté) sur le même objet, à savoir la conception et le fonctionnement des installations nucléaires. Or, le cadrage initial du DOS CIGEO exclut de fait les questions économiques et les deux sujets sont assignés à des expertises séparées.
A la suite de la question du représentant de la société civile, c’est un responsable de l’IRSN qui prend la parole, car il s’agit de sujets stratégiques pour son institution. Au début de l’échange, il déclare que les coûts du projet sont hors du cadre de l’expertise de l’IRSN. Le membre de la société civile, qui semble rompu à ce type d’exercice, s’attend à cette réponse de la part de l’IRSN et en conteste la pertinence sur le fond. Le responsable de l’IRSN évoque alors ses propres doutes sur la pertinence du cloisonnement. Les entretiens font d’ailleurs ressortir que le doute qu’il exprime au sujet de la position de l’IRSN a été apprécié par les membres de la société civile. Néanmoins, il reste fidèle au cadre IRSN : les coûts ne pourront pas être abordés dans les discussions du groupe d’échange, car cette thématique n’est pas incluse dans l’évaluation du DOS. Dans un deuxième temps, avec l’intervention d’un expert non-institutionnel, s’opère une traduction ou transformation de l’objet « coût » en objet « optimisation des coûts » du projet, qui vise à faire rentrer la question des coûts dans le cadre de l’expertise de l’IRSN. Par « optimisation des coûts », les acteurs entendent en fait optimisation du couple coût-sûreté, ou arbitrage coût-sûreté. Le responsable de l’IRSN reconnaît alors que l’IRSN aborde indirectement les questions de coût en examinant la démarche d’optimisation des coûts développée par l’ANDRA.
En effet, si l’IRSN ne peut pas se prononcer sur l’estimation du coût global du projet, il peut cependant formuler un avis sur la démarche d’optimisation des coûts et relier le sujet « coût » au sujet « sûreté », via l’évocation implicite d’un portefeuille de solutions jugées économiquement acceptables sur lesquelles l’IRSN peut effectuer une évaluation en termes de sûreté. L’expert non-institutionnel, en mobilisant le vocabulaire technique de l’IRSN, offre une porte de sortie, alors que le débat sur cette question est dans une impasse. Dans ce processus de traduction, le représentant de la société civile et l’expert non-institutionnel ont des rôles complémentaires : le membre de la société civile est militant et semble très informé des processus de gouvernance (il sait notamment qu’une commission sur le volet financier existe). L’expert non institutionnel relance les discussions en mobilisant sa connaissance du fonctionnement de l’IRSN et en ouvrant des perspectives d’extension du cadre d’évaluation.
La reformulation introduite par le terme « optimisation des coûts » ne change rien au fond de la question soulevée par la société civile : est-il pertinent de parler de sûreté sans parler de coût ? Mais elle semble importante ici pour favoriser le dialogue entre les parties prenantes sur ce sujet. C’est après l’introduction de ce terme que l’IRSN reconnaît que la séparation entre coûts et sûreté constitue une limite de l’exercice, laissant entendre que cette séparation n’est pas vraiment défendable devant la société civile. Dans ce cas précis, la société civile permet de remettre en question le positionnement institutionnel selon lequel « il n’y a pas d’arbitrage entre coûts et sûreté », qui ne résiste pas au débat. Certes, il n’est pas décidé d’introduire les coûts dans le dialogue. Cela impliquerait d’ailleurs une réflexion approfondie, car la question des « frontières » de l’acceptabilité économique de la sûreté est complexe et a priori porté par un autre acteur, l’ASN. Néanmoins, la participation du public conduit l’IRSN à sortir du cadrage initial du dialogue et à admettre des limites sur la non-prise en considération des liens entre coûts et impératifs de sûreté, ce qui, en soi, peut être considéré comme un changement significatif. En effet, en mettant en question la séparation entre perspective « sûreté » et perspective économique, il touche à un élément structurant, jusqu’ici non contesté, de la façon dont sont abordées les questions de sûreté. Il n’y a pas de conséquence organisationnelle immédiate, car les participants à cette réunion n’ont évidemment pas le pouvoir de modifier les équilibres institutionnels et politiques, mais le déroulement du dialogue manifeste dans le discours un jugement critique sur le dispositif de concertation.
2ème cas : Choix entre puits et descenderie
Jusqu’en 2009, la solution envisagée par l’ANDRA pour descendre les colis dans l’installation était un puits. Mais en 2009, l’ANDRA propose une nouvelle solution : la descenderie. Le choix entre puits et descenderie devient progressivement un sujet majeur de controverse pour certains membres de la société civile. En effet, le point de départ de la descenderie est alors le village de Saudron, en Haute-Marne, et l’installation CIGEO se trouve dans le département de la Meuse. Certains critiquent alors un choix politique et financier, les deux départements devant bénéficier des retombées financières de l’installation. Lors de la seconde réunion, le 9 novembre 2016, un expert IRSN (IRSN 1) déroule l’ensemble des questions posées par la société civile, thème après thème. Lorsque le thème « Architecture » est abordé, il énonce la question suivante : « Quelle est la justification du choix de la descenderie versus un puits et quelle est la démonstration de sûreté associée ? » Ces questions ont été recueillies par l’IRSN lors de la réunion de lancement du 20 Octobre 2016 à Paris. Un expert de l’IRSN est appelé pour répondre à cette question. L’extrait du dialogue correspondant est présenté en annexe 2[18].
La sûreté nucléaire en France est basée sur un principe fondateur et intangible, celui de la responsabilité première de l’exploitant : l’Etat, à travers l’ASN, fixe des obligations de résultats aux exploitants mais pas les moyens pour obtenir ces résultats. L’exploitant — ici l’ANDRA — est donc responsable de démontrer la sûreté de son installation et de proposer les moyens qu’il juge les plus pertinents. L’IRSN ne propose pas de solutions mais simplement donne un avis en matière de sûreté nucléaire sur les solutions proposées par l’exploitant. De plus, l’IRSN n’est pas censé réaliser une étude comparative de solutions techniques. Dans les faits, cette frontière est néanmoins poreuse puisque les experts de l’IRSN participent, par des échanges successifs, des jugements d’experts ou des contre-calculs, à la construction de la démonstration de la sûreté nucléaire des installations sur la base de solutions proposées par l’exploitant.
Dans l’extrait analysé, l’intervenant de l’IRSN ne respecte pas ce principe puisqu’il se voit contraint de comparer les deux options, en donnant des exemples précis sur leurs avantages et inconvénients. Il introduit ensuite l’intervenant de l’ANDRA et l’axe donné à son exposé : la flexibilité offerte par la solution de la descenderie, par rapport à la solution du puits. Il apparait judicieux aux experts de l’IRSN de faire venir une personne de l’ANDRA pour comparer les deux solutions, distinguer les points de vue IRSN/ANDRA et fournir des réponses aux représentants de la société civile. En fait, ce cas nous montre qu’il y a une comparaison permanente entre les deux solutions et la société civile compte sur un positionnement clair de l’IRSN sur celles-ci.
Ici, le principe de responsabilité de l’exploitant est mis en question par le dialogue avec la société civile. Comme pour le cas des coûts du projet, c’est une demande de membres de la société civile qui pousse l’IRSN à sortir de son cadre d’expertise en comparant les options puits et descenderie. Les représentants de la société civile forcent les experts de l’IRSN à admettre que le principe de responsabilité de l’exploitant ne peut être considéré comme une règle absolue et que, sur des grands choix de ce type, ils fonctionnent par comparaison de solutions et arbitrages. Transparaît donc dans cet échange la contradiction potentielle entre la prérogative managériale et la responsabilité exclusive de l’exploitant, d’une part, et la volonté d’ouvrir la gouvernance du projet à la société civile et donc d’expliciter les termes du choix.
Partie V : Discussion
Nous revenons tout d’abord sur les effets du dispositif mis en évidence dans la section précédente. Nous discutons ensuite ce que nos observations apportent à la question du rôle de l’expertise (technique et non technique) dans les dispositifs de participation. Enfin, nous envisageons la possibilité d’un dispositif pluraliste de participation.
Une ouverture au public qui permet des debordements malgre un cadre contraignant
Le cadrage initial, réalisé par les acteurs du nucléaire, excluait a priori certaines questions du périmètre du dialogue. La participation de membres de la société civile à l’évaluation du DOS CIGEO est définie par l’IRSN comme association au dialogue technique qui se déroule entre l’Institut et l’ANDRA. Cela conduit à retenir pour cet échange les frontières institutionnelles et réglementaires propres à l’évaluation d’un DOS (pas de prise de position sur les questions économiques, responsabilité première de l’exploitant sur le choix des solutions…).
Notre analyse du dispositif d’échange montre que certaines demandes des membres de la société civile ont conduit à des débordements du cadre d’évaluation établi. En effet, là où, pour les experts institutionnels, il était exclu de prendre en considération certaines questions dans le cadre de l’évaluation du DOS, nous avons montré que ces questions ont de fait été prises en compte, à travers des argumentations complexes. Pour certains membres de la société civile, la stratégie consiste à questionner toutes les dimensions du projet, sans s’arrêter au cadrage réalisé par l’IRSN, qui ne fait pas vraiment sens pour eux. Cela les conduit à s’engager sur d’autres terrains que celui de l’expertise technique, ce qui est cohérent avec les observations de Kerveillant (2017) sur le fait que les représentants de la société civile s’intéressent généralement plus aux périphéries de l’expertise qu’à ses détails techniques et peut s’expliquer par les difficultés d’aborder les questions techniques pour la société civile (Topçu, 2013).
Ces débordements permettent parfois de faire converger certaines positions antagonistes et de reformuler des enjeux pour ne pas bloquer la discussion, comme nous l’avons vu sur la question des coûts, pour laquelle l’échange a conduit à mettre en doute la pertinence d’une discussion sur la sûreté excluant les coûts. Ces débordements conduisent aussi à élargir le cadre de la discussion à des sujets moins techniques et à dévier ainsi de la simple reproduction du dialogue technique entre experts. Cet élargissement est bien une source d’apprentissage, comme la littérature le défend. Par exemple, il conduit l’IRSN à admettre que la séparation des questions de coûts et de sûreté est problématique et à reconnaitre les limites d’un processus qui ne permet pas la comparaison technico-économique de deux options.
Mais cet élargissement reste cependant limité. En effet, comme pour les dispositifs participatifs étudiés par Blanck (2021), le dispositif analysé ici ne permet pas d’introduire de nouvelles informations, de nouvelles solutions ou de nouvelles connaissances sur le sujet, bien que les questionnements introduits par la société civile soient jugés pertinents par les représentants de l’IRSN. La structure du dialogue, selon laquelle l’IRSN est le seul expert institutionnel, alors que son champ de compétence ne couvre pas tous les enjeux du projet, ne permet pas de tirer les conséquences de ces questionnements. Ce constat est particulièrement flagrant sur la question des coûts. Sur ce sujet, l’institut ne semble, du fait de ses missions et des données dont il dispose, ni compétent ni légitime pour fournir une réponse aux participants.
La séparation entre analyse économique et expertise, tout comme la décision de ne pas se positionner sur le choix industriel de l’exploitant, sont des pratiques discutées de façon critique par la société civile. Ces discussions et les débats qui s’ensuivent contribuent à la montée en compétence et à la prise de parole de la société civile sur ces sujets. A travers le cas, nous montrons donc comment, dans ce type de réunions, il y a des sauts qualitatifs ouvrant des possibilités de transformation, sans nécessairement les conduire à leur terme. L’IRSN reconnait que la société civile a raison sur ces deux cas, mais l’impact de cette reconnaissance est difficilement quantifiable, car cette prise de conscience n’est pas suivie d’effet immédiat. Le principal effet à court-terme pourrait être que les experts de l’IRSN confrontés à la société civile, un autrui généralisé[19], à qui ils doivent rendre des comptes et qui observe leur travail et leurs choix, modifient la conception qu’ils se font de leur mission.
Quel rôle de l’expertise technique ?
La littérature montre qu’il n’est pas nécessaire que le public dispose d’une expertise sur les questions posées pour avoir une contribution significative. Callon et al. (2001) s’appuient sur le cas de l’association française de myopathie (l’AFM) pour montrer que l’intervention des « profanes » permet de développer de nouvelles pratiques de recherche et de nouvelles connaissances.
De façon similaire, Fiorino (1990) identifie plusieurs effets positifs de la participation des « profanes » dans les dispositifs d’analyse des risques : leur cadrage des problèmes est souvent plus large que celui des experts car ils ne sont pas contraints par leurs frontières disciplinaires; leur participation permet de mobiliser un spectre d’expertise plus large; elle permet d’identifier certaines limites des modèles d’experts; les « profanes » sont parfois plus aptes à identifier des solutions alternatives que ne le sont les experts; ils sont aussi plus aptes à identifier des possibilités d’erreurs dans les décisions. Pour Joly (2001), inclure les « profanes » dans des échanges permet de remettre en question certains grands principes, certaines pratiques ou certains modes de raisonnement présents dans le champ d’expertise. Blondiaux et Sintomer (2009) montrent que les collectifs mobilisés permettent souvent de subvertir des processus assez rigides et obligent ainsi l’autorité responsable de la démarche à une certaine cohérence.
Qu’en est-il dans nos observations ? Il est difficile de qualifier de « profanes » les participants aux réunions observées, car ce sont des acteurs engagés sur les questions nucléaires. Ils ont acquis, au fil du temps et de leur participation à différents dispositifs d’échange, une forme d’expertise scientifique et technique, qui leur permet d’être crédibles auprès des experts institutionnels (Kerveillant et Lorino, 2020; Topçu, 2013, Kamaté, 2016). Cette crédibilité ainsi que l’habitude qu’ont les représentants de la société civile de ce type d’arène sont importantes lorsqu’il s’agit d’introduire des sujets qui peuvent déstabiliser les experts. En somme, ces participants, s’ils n’ont pas les compétences et connaissances en sûreté nucléaire qu’ont les experts de l’IRSN, savent comment animer les échanges, questionner et déborder le cadrage institutionnel du dispositif de participation. Ils sont porteurs de la dimension holistique des grands choix technico-économiques au travers de leur expérience de citoyens « qui habitent sur place », comme le formule le représentant de la société civile dans le premier exemple. De plus, ces acteurs portent la voix de ce que l’on pourrait appeler le « sens commun » (Kerveillant, 2017), ce qui nous semble mieux refléter l’apport spécifique de la société civile, plutôt que de la renvoyer au terme de « profane ».
Ainsi, même dans le cas où les représentants de la société civile n’auraient pas eu l’occasion de développer une expertise approfondie sur les sujets techniques liés au nucléaire, ils ont néanmoins une expertise propre utile à l’apprentissage. La terminologie retenue par Callon de « profanes » et « experts » semble renvoyer à une dichotomie entre connaissance et expérience ordinaire, qui enfermerait chaque catégorie dans un rôle. Or, nous avons montré que les débordements ne nécessitent pas d’expertise technique poussée. Cette terminologie n’est donc pas adéquate pour décrire les enjeux de la participation et risque même d’enfermer le dialogue avec le public dans des représentations qui nuiraient à son efficacité. Il nous semble primordial de sortir sans ambiguïté de la dualité sachant/apprenant et d’une vision de la transmission de savoirs à sens unique, des experts vers le public : les membres de la société civile sont détenteurs d’une expérience propre et développent, au fil du temps, des expertises spécifiques qui méritent d’être prises en compte. Par ailleurs, comme on le voit au travers des deux exemples retenus, les représentants de la société civile ont une véritable liberté de parole qu’ils utilisent souvent en remettant en cause ce qui leur est exposé, de façon franche et sans détour, ce qui tranche avec les prises de paroles des experts institutionnels, cadrées par des textes normatifs.
Un dispositif pluraliste : un objectif atteignable ?
Dans le cas étudié, nous sommes encore loin de ce que Callon et al. (2001) appellent « forum hybride », qu’ils définissent comme des espaces ouverts de controverses, constitués de groupes engagés hétérogènes conduisant à « explorer » l’univers des possibles. En effet, les représentants de la société civile sont des acteurs engagés sur les questions nucléaires et ont acquis le savoir nécessaire pour « jouer le jeu » du dialogue technique mais également pour élargir et/ou déborder cet espace de jeu. Mais le dispositif ne conduit pas à « explorer » l’univers des possibles. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le terme « hybride » dans « forum hybride », qui renvoie tacitement à l’hybridation entre expertise et sens commun. Pour mettre l’accent sur ce qui nous semble constituer un élément-clé de cette réflexion, à savoir le pluralisme des perspectives, des compétences et donc des formes d’expertise, nous suggérons de substituer à « forum hybride » la notion de « forum pluraliste ».
Les deux exemples de débordements abordés dans ce papier soulèvent de manière forte la question des frontières de l’enquête du public. Kerveillant et Lorino (2020) montrent que dans le reporting d’incidents fait à certaines CLI[20], les facteurs organisationnels et managériaux sont tacitement exclus des discussions. Ces auteurs montrent que les frontières imposées à l’implication du public sont artificielles et contre-productives, et difficilement acceptables par la société civile. Dans les cas étudiés ici, il est difficilement acceptable pour les représentants de la société civile de découpler les considérations de sûreté des considérations économiques, ou d’éviter d’exposer les avantages et inconvénients de certaines grandes options industrielles historiques, comme l’arbitrage entre puits et descenderie. Cette attitude, comme expliqué précédemment, provient d’une volonté de laisser les arbitrages finaux à l’exploitant et aux politiques, mais elle est peu pertinente dans un contexte d’ouverture au public. Selon nos analyses, ces frontières réduisent les capacités d’apprentissage. L’atteinte des objectifs de l’ouverture au public nécessite une réflexion sur les missions et les compétences des institutions qui sont amenées à conduire cette ouverture, afin de s’assurer qu’elles permettent d’aborder les questions que le public est amené à poser. Cette question se pose aussi dans d’autres secteurs que le nucléaire.
Sur le plan opérationnel, nos résultats montrent l’importance d’intégrer la question de la cohérence du périmètre des institutions en charge du dialogue avec le public avec les enjeux de ce dialogue. In fine, malgré les débordements, l’apprentissage reste assez limité pour l’ensemble des acteurs participant à ce dispositif d’échange. On peut donc s’interroger sur la pertinence de la structure institutionnelle existante et la répartition des missions entre les différents acteurs pour mettre en oeuvre de façon fructueuse des dispositifs de dialogue avec le public. Il ne s’agit pas seulement d’une réflexion sur l’élargissement nécessaire du champ d’expertise mais aussi sur l’intégration de l’expertise technique dans des débats plus larges sur les choix de société liés à l’environnement. Enfin, en faisant l’hypothèse d’un fonctionnement sous la forme d’un dispositif pluraliste et sans cadrage trop limitant de la part des experts institutionnels, on peut imaginer que la prise de risque est importante pour des organismes comme l’IRSN et l’ANDRA. Ce mode de dialogue pourrait, et c’est l’objectif de certains membres de la société civile opposés au projet CIGEO, remettre en cause l’existence même du projet et des dizaines d’années d’expertise et de travaux sur ce sujet.
Une piste pour sortir de l’impasse éventuelle entre cadre trop limitant des débats et remise en question totale du projet pourrait être d’impliquer des acteurs aux positions variées, de manière forte, très en amont dans le projet, avant que les choix fondamentaux apparaissent comme largement irréversibles. Cette implication, en amont, de la société civile, sans garantir que certaines oppositions ne se maintiennent durablement, pourrait permettre à certains groupes de la société civile, favorables, inquiets ou réticents de faire entendre leur point de vue et d’émettre leurs suggestions avant que le projet n’atteigne un degré élevé d’irréversibilité et de co-construire des solutions innovantes avec les experts et les exploitants. Cette forte implication, en amont, serait donc de nature à réduire la probabilité que le projet soit totalement remis en question par la société civile ou imposé autoritairement à celle-ci.
Conclusion
Cet article présente l’analyse d’un dispositif d’ouverture au public : le dialogue avec la société civile et les experts du nucléaire autour du DOS du projet CIGEO. A travers deux études de cas, qui montrent des formes de débordements par les acteurs de la société civile du cadre formulé par les organisations en charge de la sûreté nucléaire, nous avons tenté d’analyser les effets de la mise en oeuvre d’un dispositif de dialogue avec la société civile. En nous plongeant dans les échanges entre les représentants de la société civile et les experts du nucléaire, nous avons mis en évidence les potentialités et les limites du dispositif de dialogue observé. Ces potentialités sont cohérentes avec les objectifs de l’ouverture au public formulés dans la littérature : elles permettent un apprentissage collectif en introduisant des questions jugées pertinentes par les experts que ceux-ci peuvent ne pas s’être posées en raison notamment d’une forme d’« effet-tunnel » ou de contraintes institutionnelles.
Les effets se situent à un niveau tel qu’ils ne pourraient pas être constatés en dehors d’une analyse micro des interactions, notamment discursives, entre acteurs, ce qui légitime a posteriori notre méthode de recherche. Il est possible de les caractériser comme incrémentaux, rejoignant ainsi les résultats de la littérature empirique. Ces effets peuvent alternativement être qualifiés de significatifs dans un domaine aussi sensible que le nucléaire dans lequel la question de la séparation entre les questions de sécurité et de coût semble un principe indiscutable et où les possibilités d’apprentissage sont limitées par la structure et le cadrage du dialogue. Ainsi, un effet majeur de ce dispositif participatif est l’évolution culturelle que nous avons constatée chez les experts IRSN qui admettent désormais que lorsque la société civile est sollicitée, séquencer les sujets abordés en en excluant certains d’emblée prive l’échange d’une part de sa signification et de son efficacité. Ce séquencement est difficilement acceptable pour la société civile, qui s’intéresse forcément à la globalité des enjeux, en n’attachant qu’une importance mineure au cadrage initial, qui peut s’avérer peu pertinent. Cela implique pour les organisateurs de tels dispositifs d’ouverture au public d’accepter le fait que le cadrage ne peut pas être intangible, car il constitue un artefact du dialogue lui-même et peut être redéfini en cours de dialogue. Une future recherche pourrait s’intéresser au cadrage de ces discussions et à ce que l’évolution culturelle a permis, ou non, de changer concrètement concernant l’ouverture au public, à l’IRSN.
Notre analyse met en question les termes et rôles d’« experts » et de « profanes » pour privilégier une vision pluraliste des perspectives et des savoirs, et conduit à privilégier la notion de « dispositif pluraliste » — au sens de création d’une communauté où la diversité des points de vue et les échanges, la coopération et la négociation entre eux sont la norme. Si ce nouvel idéal de « dispositif pluraliste » semble prometteur, notre cas en est encore éloigné. En effet, nous avons pu observer les difficultés rencontrées par les experts de l’IRSN pour traiter des questions sortant du cadre de leur expertise, malgré un travail de reformulation pour tenter de concilier les différentes parties en présence. Si le processus est inabouti, c’est également que les organisations en charge de la sûreté nucléaire sont au centre d’une tension entre la volonté de dialogue avec la société civile et la volonté de maîtrise des échanges techniques en restant dans leur champ de compétence et leurs missions, définis institutionnellement. Nous pouvons alors nous interroger sur l’évolution future du mode de fonctionnement du dialogue avec la société civile, afin de comprendre si cette innovation observée dans les échanges du DOS CIGEO conduira à de nouvelles formes d’expérimentation, et, in fine, à des modifications plus profondes des relations entre les organisations en charge de la sûreté nucléaire et la société civile. A contrario, on peut imaginer que cette expérimentation puisse conduire à un processus de fermeture et/ou de cadrage encore plus prononcé pour éviter de futurs débordements.
Les enjeux liés à ces questions d’ouverture à la société civile sont considérables pour de nombreux pays qui ont une industrie nucléaire. Certes, chaque contexte national est unique, avec un paysage institutionnel qui lui est propre et une implication citoyenne spécifique, ce qui rend la comparaison compliquée. Cependant, lors de la construction de projets importants de ce type, il serait intéressant de comparer les différentes approches d’ouverture au public, afin d’évaluer quels sont les dispositifs d’ouverture innovants et permettant un réel partage de connaissance entre les représentants de la société civile, les entreprises exploitantes, les experts institutionnels et les différentes institutions de contrôle du risque. L’analyse d’autres formes de participation de la société civile aux échanges techniques, dans d’autres pays, permettrait de compléter nos conclusions et constitue une piste intéressante pour de futures recherches.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1. Dialogue extrait de la réunion du 9 novembre 2016 sur les coûts du projet
Annexe 2. Dialogue extrait de la réunion du 9 novembre 2016 sur le choix entre puits et descenderie
Notes biographiques
Marie Kerveillant est ingénieur de recherche à l’Essec ainsi que directrice académique adjointe du programme Essec MGO, et enseignantes. Elle a obtenu son PhD en 2017 sur la thématique de la gouvernance du risque nucléaire. Elle est aujourd’hui titulaire de la chaire jeune chercheur SHS de la région Ile de France sur la gestion de crise à l’hôpital.
Philippe Lorino est Professeur Émérite à l’ESSEC Business School et expert auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, après une expérience de fonctionnaire, puis de manageur dans un grand groupe industriel. Sa recherche est fondée sur la philosophie pragmatiste. Il a publié « Pragmatism and Organization Studies » (2018, Oxford University Press), lauréat 2019 du EGOS Book Award.
Michaël Mangeon, docteur en sciences de gestion, est chercheur associé au laboratoire Environnement ville et société (UMR 5600 CNRS) de l’université de Lyon, consultant et enseignant. Ses travaux portent notamment sur le système de contrôle et d’expertise en sûreté nucléaire.
Olivier Saulpic, professeur à ESCP Business School, a consacré ses recherches à comprendre les effets des dispositifs de gestion dans une perspective de recherche appliquée, notamment dans le secteur de la santé. Il s’intéresse aussi au lien entre recherche et enseignement.
Notes
-
[1]
Electricité De France (EDF) est une entreprise de production d’électricité détenue en majorité par l’Etat Français.
-
[2]
ORANO (anciennement Areva) est une entreprise française spécialisée dans les métiers du combustible nucléaire, et en particulier dans le retraitement des déchets radioactifs.
-
[3]
Le CEA est le Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives.
-
[4]
Agence nationale (française) pour la gestion des déchets radioactifs
-
[5]
Centre industriel de stockage géologique
-
[6]
Le dossier d’options de sûreté détaille les principales caractéristiques de sûreté d’un projet d’installation nucléaire, afin de recueillir un avis de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire).
-
[7]
Service central de sûreté des installations nucléaires.
-
[8]
Institut de protection et de sûreté nucléaire.
-
[9]
Nous faisons le choix d’utiliser le terme d’agence pour l’IRSN et d’autorité administrative Indépendante (AAI) car la littérature reprend également ces terminologies et elles sont aujourd’hui intégrées et définies dans les textes du conseil d’Etat.
-
[10]
Cette nouvelle organisation remplace respectivement et par étapes, l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) rattaché au Commissariat à l’Energie Atomique et la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN), rattachée au ministère de l’Industrie.
-
[11]
La vie d’un déchet radioactif dépend de sa période radioactive. Plus la décroissance de la radioactivité d’un déchet est lente, plus sa durée de vie est longue.
-
[12]
Le Comité Local d’Information et de Suivi a une mission de suivi, d’information et de concertation en matière de sûreté nucléaire de la future installation CIGEO.
-
[13]
Association Nationale des Comités et Commissions Locales d’Information, associations qui ont une mission de suivi, d’information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, pour chaque installation nucléaire civile.
-
[14]
Ce dispositif consultatif a pour objectif de permettre à une vingtaine de citoyens d’exprimer leur point de vue, après avoir préalablement reçu une information reflétant la diversité des positions sur le sujet.
-
[15]
Wise-Paris est une agence indépendante d’information, d’étude et de conseil sur le nucléaire et les politiques énergétiques.
-
[16]
Une descenderie est une galerie inclinée, prenant la forme d’un long tunnel, servant d’accès depuis l’extérieur à un plateau bas (ici 500 mètres sous terre).
-
[17]
Il est possible de poursuivre la lecture de l’article sans lire l’extrait. Nous recommandons toutefois de lire cet extrait.
-
[18]
Il est possible de poursuivre la lecture de l’article sans lire l’extrait. Nous recommandons toutefois de lire cet extrait.
-
[19]
En 1934, George Herbert Mead introduit le concept d’Autrui Généralisé : toute personne est soumise au regard de cet « Autrui Généralisé », acteur collectif fictif et invisible, mais primordial, qui l’observe, le juge et lui répond.
-
[20]
Commission Locale d’Information.
Bibliographie
- Bacqué, M-H. and Sintomer, Y. (2001). « Gestion de proximité et démocratie participative », Les Annales de la Recherche urbaine, 90, p. 148-155. https://doi.org/10.3406/aru.2001.2418
- Beck, U. (1992). Risk Society : Towards a New Modernity. Sage Publications Ltd, London. ISBN : 9780803983465
- Bergmans, A. Sundqvist, G. Kos, D. and Simmons, P. (2015). “The participatory turn in radioactive waste management : deliberation and the social–technical divide ”, Journal of Risk Research, Vol. 18, n° 3, 347-363. https://doi.org/10.1080/13669877.2014.971335
- Bherer, L. (2003). Une lecture institutionnaliste du phénomène participatif. La politique consultative de la Ville de Québec, Thèse pour le doctorat de science politique, IEP de Bordeaux.
- Bherer, L. Dufour, P. and Montambeault, F. (2016). The participatory democracy turn : an introduction, Journal of Civil Society, 12 : 3, 225-230. https://doi.org/10.1080/17448689.2016.1216383
- Birkland, T. A. (1998). “Focusing Events, Mobilization, and Agenda Setting ”, Journal of Public Policy, Vol. 18, n° 1, 53-74. https://doi.org/1017/S0143814X98000038
- Blanck, J. (2017). Gouverner par le temps. La gestion des déchets radioactifs en France, entre changements organisationnels et construction de solutions techniques irréversibles (1950-2014). Centre de Sociologie des Organisations. Paris, SciencePo Paris.
- Blanck, J. (2021). Des dispositifs pluralistes sous contrôle : internaliser les critiques pour gouverner le stockage des déchets radioactifs. Natures Sciences Sociétés, (Supp. 5), 33-42. https://doi.org/10.1051/nss/2021042
- Blondiaux, L. (2008). « Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de la démocratie participative ». La république des idées. Seuil. EAN 9782020966757
- Blondiaux, L., and Sintomer, Y. (2009). « L’impératif délibératif. Presses Universitaires de France, Rue Descartes”, Vol. 1, 28-38. https://doi.org/10.3917/rdes.063.0028
- Boudia, S. and D. Demortain (2014). “La production d’un instrument générique de gouvernement. Le “livre rouge” de l’analyse des risques », Gouvernement et action publique, Vol. 3, n° 3, 33-53. https://doi.org/10.3917/gap.143.0033
- Boy D., Donnet Kamel D. and Roqueplo P. (2000). Un exemple de démocratie participative : la « conférence de citoyens » sur les organismes génétiquement modifiés. In : Revue française de science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 779-810. https://doi.org/10.3917/rfsp.504.779
- Callon, M. (1998). « Des différentes formes de démocratie technique », Annales des Mines — Résponsabilités et environnement, Vol. 9, 63-73.
- Callon, M. (1999). La sociologie peut-elle enrichir l’analyse économique des externalités ? petit essai sur le cadrage-débordement. Innovations et performances, dans D. FORAY et J. MAIRESSE (dir.), Editions de l’EHESS, Paris, 399-431.
- Callon, M., P. Lascoumes, et al. (2001). Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Le Seuil, Paris. EAN 9782020404327
- Dewey, J. (1925). The Public and Its Problems : An Essay in Political Inquiry. In Dewey, J., & Boydston, J. A. 2008. The later works, 1925-1953 (Vol. 7). SIU Press. EISBN 978-0-271-05932-7
- Fassert, C. and R. Hasegawa (2019). Shinrai research Project : The 3/11 accident and its social consequences. Case studies from Fukushima prefecture, IRSN / SciencesPo / Tokyo Institute of Technology, Fontenay-aux-Roses.
- Fiorino, D. J. (1990). Citizen participation and environmental risk : A survey of institutional mechanisms. Science, Technology, & Human Values, 15(2), 226-243. https://doi.org/10.1177/016224399001500204
- Foasso, C. (2012). Atomes sous surveillance — Une histoire de la sûreté nucléaire en France, Peter Lang, Paris. https://doi.org/10.3726/978-3-0352-6224-7
- Gaudilliere, J. P. and Bonneuil, C. (2001). A propos de démocratie technique. Mouvements, (5), 73-80. https://doi.org/10.3917/mouv.018.0073
- Goeta, S. and Prothais, D. (2017). January. Comment ouvrir la boîte noire de l’expertise ? Le recours aux données brutes et à la cartographie pour débattre de la troisième ligne de métro de Toulouse, Colloque du GIS « Participation, décision, démocratie participative », Jan 2017, Paris. DOI : https://doi.org/10.35007/gdp.8p89-7e47
- Henry, E., C. Gilbert, et al. (2015). Dictionnaire critique de l’expertise, Santé, travail, environnement, Paris. https://doi.org/10.3917/scpo.henry.2015.01
- IAEA. (2015). The Fukushima Daiichi Accident. Report by the director general. International atomic energy agency (IAEA).
- Jasanoff, S. (1990). The Fifth Branch : Science Advisors as Policymakers, Harvard Univ Press, Cambridge. ISBN : 9780674300620
- Jasanoff, S. (2005). Designs on Nature Science and Democracy in Europe and the United States, Princeton University Press, Princeton Oxford. ISBN : 9780691130422
- Jasanoff, S. (2019). « Sheila Jasanoff : au-delà de la société des risques, faire science en société », Natures Sciences Sociétés, Vol. 27, n° 4, 452-459. https://doi.org/10.1051/nss/2020011
- Joly, P. B. (2001). Les OGM entre la science et le public ? Quatre modèles pour la gouvernance de l’innovation et des risques. Économie rurale, 266(1), 11-29. https://doi.org/10.3406/ecoru.2001.5273
- Jonker, J. and Foster, D. (2002). « Stakeholder excellence ? Framing the evolution and complexity of a stakeholder perspective of the firm ». Corporate Social Responsibility Environnemental Management, Vol. 9, n°4, 187–195. https://doi.org/10.1002/csr.23
- Kamaté, C. (2016). Participation citoyenne et risques industriels : quelques pistes pour engager. Les cahiers de la sécurité industrielle. FONCSI.
- Kerveillant, M. (2017). The role of the public in the French nuclear sector : The case of « local information commissions » (CLIs) for nuclear activities in the West of France, Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales.
- Kerveillant, M. and Lorino, P. (2020), “Dialogical and situated accountability to the public. The reporting of nuclear incidents”, Accounting, Auditing & Accountability Journal, Vol. 34 No. 1, p. 111-136. https://doi.org/10.1108/AAAJ-04-2019-3983
- Lévêque, F. (2013). Nucléaire On/Off. Analyse économique d’un pari, Dunod, Paris. EAN : 9782100705108
- Mangeon, M. (2018). Conception et évolution du régime français de régulation de la sûreté nucléaire (1945-2017) à la lumière de ses instruments : une approche par le travail de régulation. Mines ParisTech. Paris, Paris Sciences et Lettres.
- Mangeon, M. and Pallez, F. (2017). « Réguler les risques nucléaires par la souplesse : genèse d’une singularité française (1960-1985) », Annales des Mines — Gérer et comprendre, Vol. 130, n° 4, 76-87. https://doi.org/10.3917/geco1.130.0076
- Marris, C., and Joly, P. B. (1999). Between consensus and citizens : public participation in technology assessment in France. Science & Technology Studies. https://doi.org/10.23987/sts.55116
- Mazeaud, A., Sa Vilas Boas, M. & Berthomé, G. (2012). Penser les effets de la participation sur l’action publique à partir de ses impensés. Participations, 2, 5-29. https://doi.org/10.3917/parti.002.0005
- Mazeaud, A., Gourgues, G. & Nonjon, M. (2022). Du tournant participatif des administrations à la bureaucratisation de la démocratie participative. Étude à partir du cas français. Revue Internationale des Sciences Administratives, 88, 921-936. https://doi.org/10.3917/risa.884.0921
- Meyer, T. (2023). Tchernobyl et la frontière : qui a menti ? In Nouveaux Mondes Editions (Ed.), Mensonges d’Etat : Une autre histoire de la Ve République (pp. 290-295). Paris.
- O’Connor, M and Van den Hove, S. (2001). « Prospects for public participation on nuclear risks and policy options : Innovations in governance practices for sustainable development in the European Union ”, Journal of hazardous materials, Vol. 86, 77-99. https://doi.org/10.1016/s0304-3894(01)00256-4
- Patinaux, L. (2017). Enfouir des déchets nucléaires dans un monde conflictuel. Une histoire de la démonstration de sûreté de projets de stockage géologique, en France (1982-2013). Institut Francilien Recherche, Innovation et Société. Paris, Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
- Roger, M. (2020). Le séisme, la centrale et la règle : instaurer et maintenir la robustesse des installations nucléaires en France. Université Paris Cité.
- Stimec, A &, Journé, B. (2021), « Faire face à la complexité par le dialogue technique et la négociation. Le cas de la sûreté dans l’industrie nucléaire », Revue française de gestion, 2021/4 (N° 297), p. 123-140. https://doi.org/10.3166/rfg.2021.00539
- Tillement, S. and B. Journé (2016). « La résilience à l’épreuve des frontières », Libellio d’AEGIS, Vol. 12, n° 3, 7-13
- Topçu, S. (2013). La France nucléaire. L’art de gouverner une technologie contestée. Seuil, Paris. EAN : 9782021052701
- Zask, J. (2008), « Le public chez Dewey : une union sociale plurielle », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 15 | 2008. https://doi.org/10.4000/traces.753
Parties annexes
Biographical notes
Marie Kerveillant is a research engineer at Essec as well as academic director, and a teacher. She obtained her PhD in 2017 on the theme of nuclear risk governance. She currently holds the SHS researcher chair for the Ile de France region on crisis management in hospitals.
Philippe Lorino is Professor Emeritus at ESSEC Business School and an expert with the French Nuclear Safety Authority, after a career as a civil servant and then as a manager in a major industrial group. His research is based on pragmatist philosophy. He has published “Pragmatism and Organization Studies” (2018, Oxford University Press), winner of the 2019 EGOS Book Award.
Michaël Mangeon, PhD in management science, is a research associate at the Environnement ville et société laboratory (UMR 5600 CNRS) at the University of Lyon, as well as a consultant and teacher. His work focuses in particular on the nuclear safety control and expertise system.
Olivier Saulpic, professor at ESCP Business School, has devoted his research to understanding the effects of management systems from an applied research perspective, particularly in the healthcare sector. He is also interested in the link between research and teaching.
Parties annexes
Notas biograficas
Marie Kerveillant es ingeniera de investigación en Essec, así como directora académica adjunta del programa Essec MGO y profesora. Obtuvo su doctorado en 2017 sobre el tema de la gobernanza del riesgo nuclear. Está titular de la cátedra de investigación en ciencias sociales de la Région Ile de France sobre la gestion de crisis en los hospitales.
Philippe Lorino es Profesor Emérito en ESSEC Business School y asesor de la Autoridad de Seguridad Nuclear francesa, tras haber trabajado como funcionario y luego como directivo en un gran grupo industrial. Sus investigaciones se basan en la filosofía pragmatista. Ha publicado “Pragmatism and Organization Studies” (2018, Oxford University Press), ganador del EGOS Book Award 2019.
Michaël Mangeon, doctor en Ciencias de la Gestión, es investigador asociado en el laboratorio Environnement ville et société (UMR 5600 CNRS) de la Universidad de Lyon, además de consultor y profesor. Sus trabajos se centran en el sistema de control y peritaje de la seguridad nuclear.
Olivier Saulpic, profesor de la ESCP Business School, ha dedicado sus investigaciones a comprender los efectos de los sistemas de gestión desde una perspectiva de investigación aplicada, en particular en el sector sanitario. También se interesa por el vínculo entre investigación y docencia.