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Immunité innée et immunité adaptative : un flirt bénéfique ?Innate and adaptive immunity: a productive flirt[Notice]

  • Lucienne Chatenoud

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  • Lucienne Chatenoud
    Inserm U.25,
    Hôpital Necker Enfants Malades,
    161, rue de Sèvres,
    75743 Paris Cedex 15, France.

Il est habituel de distinguer, de manière, il faut le dire, un peu dogmatique, l’immunité « innée » de l’immunité « adaptative ». L’immunité innée est une réponse immédiate qui survient chez tout individu en l’absence d’immunisation préalable; elle constitue la première barrière de défense vis-à-vis de divers agents pathogènes et assure un rôle de sentinelle vis-à-vis de l’apparition de tumeurs. Elle est en grande partie assurée par les anticorps préformés, encore appelés naturels, et par des cellules phagocytaires (monocytes, polynucléaires) et des lymphocytes NK (natural killer) qui ne possèdent pas de récepteurs spécifiques de l’antigène. En revanche, ces cellules expriment des récepteurs spécialisés de description récente, les récepteurs Toll ((→) m/s 2000, n° 12, p. 1439) ou TLR (Toll-like receptors) se liant à différents composés bactériens: des peptidoglycanes et des lipoprotéines bactériennes dans le cas de TLR2 ((→) m/s 2002, n° 10, p. 931), le lipopolysaccharide de bactéries à Gram négatif dans le cas de TLR4, la flagelline dans le cas de TLR5, et les motifs CpG non méthylés, caractéristiques de l’ADN bactérien dans le cas de TLR9 [1]. Contrairement à l’immunité innée, le développement d’une immunité adaptative vis-à-vis d’un (ou plusieurs) antigène(s) découle de la reconnaissance de celui (ceux)-ci par des lymphocytes B ou T, dotés de récepteurs spécialisés, interaction qui entraîne leur prolifération et leur différenciation en lymphocytes B et T effecteurs. Dans le cas des lymphocytes T, qui ne peuvent « voir » l’antigène que sous forme de peptides associés aux molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I ou de classe II exprimées à la surface de cellules « présentatrices », l’étape de reconnaissance implique donc également ces cellules présentatrices et plus particulièrement les cellules dendritiques. À l’évidence, des données de plus en plus nombreuses s’accumulent qui montrent que cette distinction entre immunité innée et immunité adaptative, qui a certes l’avantage de la simplicité, ne correspond pas à la réalité. Il existe en effet des « ponts » majeurs entre ces deux réponses immunes, dont on commence seulement à comprendre l’importance aussi bien dans la physiologie du système immunitaire que dans la physiopathologie de l’allergie ou des maladies auto-immunes. C’est cette question qu’aborde le groupe de Marshak-Rothstein, et leurs résultats, publiés récemment dans la revue Nature Immunology, démontrent que la production d’auto-anticorps par les lymphocytes B auto-réactifs implique certains récepteurs Toll et en particulier TLR9 se liant à l’ADN bactérien [2]. Leur modèle utilise des lymphocytes B auto-réactifs, issus de souris transgéniques produisant des facteurs rhumatoïdes, c’est-à-dire des auto-anticorps reconnaissant la partie constante Fc des immunoglobulines (FcIg) normales, que l’on détecte en particulier au cours de la polyarthrite rhumatoïde. L’observation originale de ce travail est que la production de facteurs rhumatoïdes par ces lymphocytes B auto-réactifs est stimulée par des complexes immuns constitués d’ADN et d’anticorps anti-ADN comme ceux que l’on retrouve dans le sérum des patients atteints d’une autre maladie auto-immune, le lupus érythémateux disséminé. Les anticorps anti-ADN des complexes sont reconnus par les récepteurs pour l’antigène de la cellule B auto-réactive (ces récepteurs sont des immunoglobulines de surface exprimant la même spécificité, anti-FcIg, que les anticorps produits par la cellule), et transduisent un signal d’activation dont on sait néanmoins qu’il entraîne une activation incomplète du lymphocyte B, qui n’est en aucun cas suffisante pour induire la production d’auto-anticorps. Résultat surprenant: c’est l’ADN contenu dans les complexes qui, en stimulant TLR9, fournit le signal complémentaire (ou signal de co-stimulation) nécessaire à la différenciation de la cellule B en lymphocyte producteur d’anticorps. Ces données sont importantes à plusieurs égards. En premier lieu, elles permettent peut-être d’expliquer …

Parties annexes