Le séquençage du génome humain a montré l’existence de 30000 à 40000 gènes codant pour des protéines [1, 2], nombre beaucoup plus faible que ne le laissaient prévoir les estimations initiales ((→) m/s 2001, n° 3, p. 294, p. 309, p. 399). En effet, comment expliquer la complexité de l’organisme humain si celui-ci ne dispose que du double de gènes que possède la drosophile ou C. elegans? Cela s’explique principalement par l’existence de mécanismes cellulaires qui permettent la synthèse de plusieurs protéines fonctionnellement différentes à partir d’un même gène, le plus important étant l’épissage alternatif de molécules d’ARN pré-messagers (pré-ARNm). En effet, chez tous les organismes multicellulaires, l’information génétique contenue dans les gènes est fractionnée. Les courtes séquences codantes, nommées exons, sont séparées par de longues séquences non-codantes appelées introns. Après transcription de l’ADN en molécules de pré-ARNm, les introns sont éliminés par un mécanisme d’épissage, rassemblant les exons en une séquence continue assurant la production d’une protéine. Les exons peuvent également être combinés de différentes façons, ce processus est alors appelé épissage alternatif du pré-ARNm. Ainsi, une multitude d’ARNm peuvent être synthétisés à partir d’un pré-ARNm et permettre l’expression de protéines fonctionnellement distinctes à partir d’un gène unique. Au moins 40 % à 60 % des gènes humains subissent un processus d’épissage alternatif du pré-ARNm [1], mais pour que les variants d’épissage puissent intervenir efficacement dans les processus physiologiques et durant le développement, ils doivent être produits dans la bonne cellule au bon moment. Le processus d’épissage alternatif doit donc être soumis à un contrôle spécifique, dont l’altération est impliquée dans des maladies, comme les maladies neurodégénératives, les myopathies ou certains cancers [3-5]. Pour que l’expression d’isoformes protéiques spécifiques par épissage alternatif soit adaptée aux contraintes spatiales et temporelles, il faut donc postuler un transfert d’information, de l’environnement aux cellules, qui à leur tour transmettront des signaux intracellulaires jusqu’au complexe d’épissage. Cela sous-entend que des facteurs de contrôle de l’épissage alternatif soient induits en réponse à des signaux extracellulaires. C’est effectivement ce que nous avons démontré en identifiant la première protéine régulatrice d’épissage, qui couple une cascade de signalisation cellulaire à l’épissage alternatif du gène CD44 [6]. Des expériences de liaison in vitro et in vivo ont montré que Sam68 liait spécifiquement certains éléments régulateurs de l’ARN de l’exon V5 de CD44. Afin de déterminer si Sam68 peut affecter l’inclusion de l’exon V5 de CD44 dans l’ARNm, en réponse à des signaux cellulaires, un minigène reporteur d’épissage contenant la séquence de l’exon-V5 de CD44 a été cotransfecté avec un vecteur d’expression de Sam68 murin dans des cellules de lymphome T. La surexpression de Sam68, seule, n’a pas d’effet significatif sur l’inclusion de l’exon V5 de CD44, mais elle l’augmente significativement en réponse au traitement des cellules avec un ester de phorbol, promoteur de tumeurs, le TPA, qui active la voie de signalisation des Ras-ErK-MAP-kinases. Sam68 est phosphorylé lors de l’activation des cellules par le TPA et ce d’une façon ErK-dépendante (Figure 1). De fait, il existe différentes séquences cibles de phosphorylation par la kinase ErK dans la séquence protéique de Sam68, et nous avons montré qu’in vitro, Sam68 est un substrat direct de ErK. La mutation de certains sites cibles de la phosphorylation par ErK, ou l’inhibition de l’expression de Sam68 dans les cellules par des techniques d’anti-sens, inhibent l’activation de l’inclusion de certains exons de CD44. Nos résultats ont permis d’identifier un premier facteur d’épissage, réglé par la transduction des signaux oncogènes et mitogènes, et phosphorylé directement par ErK [6]. Ainsi, Sam68 peut coupler l’épissage alternatif à une voie …
Parties annexes
Références
- 1. International human genome sequencing consortium Initial sequencing and analysis of the human genome. Nature 2001; 409: 860-921.
- 2. Venter JC, Adams MD, Myers EW, et al. The sequence of the human genome. Science 2001; 291: 1304-51.
- 3. Cooper TA, Mattox W. The regulation of splice-site selection, and its role in human disease. Am J Hum Genet 1997; 61: 259-66.
- 4. Dredge BK, Polydorides AD, Darnell RB. The splice of life: alternative splicing and neurological disease. Nat Rev Neurosci 2001; 2:43-50.
- 5. Charlet BN, Savkurs RS, Singh G, Philips AV, Grice EA, Cooper TA. Loss of the muscle-specific chloride channel in type 1 myotonic dyxtrophy due to misregulated alternative splicing. Mol Cell 2002; 10:45-53.
- 6. Matter N, Herrlich P, König H. Signal-dependent regulation of splicing via phosphorylation of Sam68. Nature 2002; 420: 691-5.
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- 10. Weg-Remers S, Ponta H, Herrlich P, König H. Regulation of alternative pre-mRNA splicing by the ERK-MAP-kinase pathway. EMBO J 2001; 20: 4194-203.
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