De nombreux travaux ont été consacrés ces dernières années au rôle de l’alimentation dans la fréquence de problèmes souvent graves tels que l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, ainsi qu’à la part qu’une prédisposition génétique et/ou un mode de vie peuvent jouer dans leur apparition. Des différences interindividuelles sont évidentes, mais le choix de notre alimentation retentit aussi sur notre poids. Quel est l’impact de la sensation buccale ? Pourquoi aimons-nous les corps gras ? Un article récent, qui cible la protéine CD36 comme récepteur du goût, est publié par une équipe de Dijon (France), ville de gastronomie [1]. On connaissait la sensation de satiété que provoque l’ingestion de matières grasses, et on a évoqué, à ce propos, la notion d’un 6e sens gustatif. Les mécanismes de signal évoqués incluaient l’élévation d’opiates endogènes, l’inhibition d’un canal K+ normalement rectificateur. L’expression de CD36 au pôle apical des cellules gustatives a été notée dès 1997 [2]. Plus récemment, on a montré que le stimulus buccal s’exerce sur les acides gras à longue chaîne (LCFA), et mis en évidence le rôle de la lipase linguale, exprimée dans les papilles à proximité de CD36, dans la transformation des triglycérides en LCFA [3]. Le travail actuel a précisé, chez des souris, le rôle de CD36 dans le choix de l’alimentation, et le déclenchement d’un signal améliorant la digestion : (1) la localisation de CD36 au pôle apical des cellules gustatives est spécifique et strictement restrictive ; (2) l’invalidation du gène abolit la préférence spontanée pour les LCFA (comparaison de souris sauvages et de souris LCFA-/- en présence de solutions d’acide linoléique ou de gomme xantha). Cette préférence ne joue que sur les lipides ; (3) l’absorption orale d’acides gras déclenche une modification des sécrétions hépatobiliaires chez des animaux oesophagectomisés. CD36 se présente donc comme un senseur buccal. Cette propriété semble en accord avec la structure de la protéine qui comporte une boucle hydrophobe extracellulaire, deux domaines transmembranaires et deux extrémités cytoplasmiques. Cette structure, facilitant la capture d’acides gras et la transduction d’un signal, est comparable à celle de la protéine SR-B1, capteur spécifique du cholestérol. On a constaté aussi que les animaux CD36-/- utilisent uniquement le glucose pour leurs besoins métaboliques. D’autres questions restent encore en suspens [4]. Il y aurait, en cas de besoin énergétique, relocalisation de CD36 des lysosomes vers la membrane. Divers mécanismes ont été proposés pour la transduction du signal : association avec des Src-like tyrosine-kinases, activation de la NO synthase, rôle des intégrines membranaires, inhibition d’un canal K+. Il semble en tout cas intéressant de noter que des polymorphismes ont été observés au niveau du locus CD36, et qu’un certain haplotype serait associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires [5]. L’importance physiologique est évidente. Y aurait-il une implication clinique, en particulier dans le traitement de certaines obésités ? Le rapport avec des changements environnementaux mérite aussi d’être exploré. Tous les organismes, du plus élémentaire jusqu’à l’homme, fonctionnent, on le sait, selon un rythme d’environ 24 heures, maintenu dans l’obscurité (DD), atténué seulement de façon progressive par la rotation de la terre. Ce rythme est retrouvé en culture de cellules. Une nouvelle de médecine/sciences a présenté récemment les travaux menés chez la drosophile simultanément par deux équipes de recherche ((→) m/s 2005, n° 10, p. 808). Ces travaux montraient que la distribution de l’activité, matin et soir, est sous le contrôle de deux oscillateurs, localisés eux-mêmes dans deux groupes de neurones, l’un latéro-ventral, l’autre dorsal. L’oscillateur du matin exprimerait un neuropeptide PDF (pigment-dispersing factor), alors que …
Parties annexes
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