Études critiques

L’étude de tout, par tous les moyens ; étude critique de Philosophie de l’esprit, état des lieux (Paris, Vrin, 2000, 337 p.), par Denis Fisette et Pierre Poirier[Notice]

  • Don Ross

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Grâce à Denis Fisette et à Pierre Poirier, les étudiants de deuxième ou de troisième cycle qui peuvent apprendre la philosophie de l’esprit en français vont — à moins que l’ouvrage ne soit traduit dans un avenir rapproché — se trouver avantagés pour un certain temps, puisque leurs collègues qui sont confinés à la langue anglaise ne trouveront aucune source comme celle-là. Le texte constitue un accomplissement pédagogique remarquable dans la mesure où il réussit à survoler avec précision et rigueur une quantité importante de matériel sans pour autant s’embourber dans les détails. Bien sûr c’est le genre de vertus auxquelles on est en droit de s’attendre de tout manuel. Ce qui distingue particulièrement le travail de Fisette et Poirier c’est qu’ils ne présentent pas le secteur simplement comme une série de thèmes. Ils en offrent au contraire une vision globale, à travers le fait de le voir lui-même comme un problème méta-philosophique ; il en résulte que leur livre a un développement logique et narratif clair qui saura aider à merveille les étudiants à situer les sous-problèmes techniques qu’ils rencontreront dans un contexte plus large et ils en comprendront les enjeux. Rien, je crois, n’est plus difficile dans l’apprentissage de la philosophie que de parvenir à une vision cohérente de la géographie logique d’ensemble à l’intérieur de laquelle les arguments sont construits et débattus. Ce texte, en se concentrant à montrer aux étudiants précisément cela, leur rendra un grand service, à un tel point que je crois que nous lui devrons d’importantes recrues pour notre profession. Il n’y a pas plus grand éloge que l’on puisse faire à l’égard d’un manuel. Le problème méta-philosophique autour duquel Fisette et Poirier organisent leur ouvrage est le suivant. Qu’est-ce qui justifie, si tant est que l’on puisse le faire, l’association lâche (apparemment) des préoccupations et des obsessions que nous trouvons dans la littérature comme constituant un domaine d’étude bien délimité ? Leur approche narrative vise à transmettre une réponse aussi sympathique que possible à cette question et à laquelle ils puissent eux-mêmes croire, mais leur chapitre de conclusion confirme l’impression du lecteur, qui croît à travers l’ouvrage, qu’ils ont en fait de sérieuses réserves quant à savoir si le domaine a posé les bonnes questions dans le cadre de présuppositions le plus approprié. C’est un point de vue avec lequel j’ai beaucoup d’affinités, lorsque je fais l’inventaire des perspectives libératrices particulières, notamment le dynamicisme cognitif, le réalisme écologique et la psychologie évolutionniste, d’où ils tirent la note optimale sur laquelle ils concluent. Mais ceci est censé être un compte rendu critique, alors, au lieu de continuer à formuler d’agréables propos, je me concentrerai à présenter des mises en garde au sujet de l’approche holistique qui est présentée par Fisette et Poirier comme constituant le nouvel horizon. Avant de m’y consacrer, laissez-moi ajouter que je pourrais formuler ces mises en garde autant pour moi-même que pour eux. Laissez-moi tout d’abord identifier ce que j’appelle la perspective « holistique » de F&P, en m’engageant dans une histoire sélective de la philosophie de l’esprit contemporaine, qui permettra de dégager la question clé. (Je devrais ajouter que la version admirablement non sélective que F&P donnent de cette histoire, effectue ce travail de façon tout simplement superbe.) Il y a plusieurs points de départ possibles le long de la route conduisant aux conclusions de F&P — nous pourrions, par exemple, commencer avec Platon. C’est, en fait, une manière courante d’introduire la philosophie de l’esprit, et pour laquelle plusieurs manuels admirables sont disponibles. F&P ne suivent pas cette tradition pédagogique, toutefois, ce que je crois sage. Le problème …

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