Recensions

Le Canada français et la Confédération : fondement et bilan critique, sous la dir. de Jean-François Caron et Marcel Martel, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016, 174 p.[Notice]

  • Nicolas Gauvin

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L’année 2017 est celle du 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Dans la foulée de cet événement, on peut s’attendre à de nombreux bilans du fédéralisme canadien. L’ouvrage de Jean-François Caron et Marcel Martel, Le Canada français et la Confédération : fondement et bilan critique, s’inscrit dans ces bilans. Plus précisément, cet ouvrage dresse un portrait global des relations que le Canada français a entretenues avec le fédéralisme canadien. Les auteurs s’appuient sur une double démarche ; ils convient d’abord le lecteur à un retour aux pourparlers qui ont fondé la fédération canadienne. Les trois premiers textes de l’ouvrage reviennent ainsi sur les discussions fondatrices de Charlottetown et de Québec de 1864 afin de comprendre comment la « problématique de la présence d’une nation canadienne française » y fut abordée (p. 2-3). Les trois derniers textes cherchent à déterminer si l’évolution politique du fédéralisme canadien fut favorable ou non à l’épanouissement du Canada français. L’ouvrage se termine par une conclusion de Philippe Resnick qui évoque les éventuels défis auxquels devra faire face le Canada français durant le 21e siècle. Le premier texte, de Gaétan Migneault, s’interroge sur la place qu’a occupée la fondation de la Confédération dans la vie des Acadiens du Nouveau-Brunswick. En étudiant diverses revendications des acteurs de la société civile acadienne concernant les droits linguistiques, Migneault met en exergue une continuité entre ces revendications et le rejet de la Confédération par les Acadiens. Ce refus d’adhérer à la Confédération s’expliquerait selon lui par le défaut d’accorder au Nouveau-Brunswick la protection linguistique et des écoles séparées, alors que depuis 1830 les Acadiens luttaient pour obtenir des droits linguistiques par le biais de diverses démarches politiques (p. 27-28). En illustrant cette continuité entre ces démarches et le vote anticonfédéral, Migneault prend le contrepied d’une historiographie dominante qui considère que le refus des Acadiens s’explique par leur « analphabétisme » et leur « ignorance des enjeux soulevés » (p. 28). Jean-François Caron se questionne dans le texte suivant sur la place qu’a eue la théorie du pacte fondateur dans la fondation de la Confédération. Caron récuse une historiographie dominante voulant que la fédération canadienne se soit édifiée sur la non-reconnaissance de l’égalité des peuples canadiens-français et canadiens-anglais. À son avis, cette interprétation occulte la complexité de la pensée des pères fondateurs, notamment George Brown, George-Étienne Cartier et Hector Langevin. En analysant les discours de chacun de ces trois personnages, Caron arrive à confirmer « qu’un esprit d’un dualisme identitaire était présent chez les Pères fondateurs du Canada » (p. 50), dualisme qui battit néanmoins en brèche quand John A. Macdonald arriva au pouvoir (p. 51). Le dernier texte de la première partie, de Marcel Martel, s’intéresse à la place des francophones en milieu minoritaire dans l’expérience du pacte confédératif qu’a analysé Caron. Martel démontre que lors des négociations qui ont abouti à la création de la Confédération, il y avait absence de délégués canadiens-français en provenance de milieux minoritaires. En ce sens, le pacte confédératif qu’a évoqué Caron dans le texte précédent concernait surtout les francophones du Québec et non pas ceux installés dans un milieu à prédominance anglophone. Les délégués du Canada français avaient pour unique préoccupation les pouvoirs du Québec ; aucune solidarité francophone pancanadienne n’était présente (p. 58-59). Elle vint plus tardivement avec notamment la crise des écoles bilingues au Manitoba en 1890 et l’imposition de l’anglais comme langue d’enseignement en Ontario en 1912 ; ces événements suscitèrent une profonde solidarité dans l’ensemble du Canada français (p. 72-73). C’est donc durant ces événements qu’émergea la théorie du pacte fondateur entre les deux peuples ; …