Introduction

Éclatement des formes, des théories et des pratiques didactiques de la littérature sous l’impact du numérique[Notice]

  • Eleonora Acerra et
  • Jean-François Boutin

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  • Eleonora Acerra
    Université du Québec à Montréal

  • Jean-François Boutin
    Université du Québec à Rimouski, campus Lévis

Le présent numéro est issu des travaux réalisés lors du 3e colloque international sur l’enseignement de la littérature avec le numérique, qui a eu lieu à Montréal dans le cadre du 90e Congrès de l’Acfas (Montréal, 10-12 mai 2023). Inscrite dans la continuité des évènements précédents, qui avaient analysé respectivement « l’influence des ressources numériques sur l’enseignement » (Grenoble, 2017) et les enjeux de « form[ation] de l’adulte de demain » (Montréal, 2019), la troisième édition du colloque a été l’occasion d’interroger l’évolution des formes artistiques et littéraires numériques, des approches théoriques et didactiques ainsi que des pratiques d’enseignement de la littérature sous l’impact du numérique. Des chercheur·se·s d’horizons différents, allant de la didactique de la lecture-écriture-littérature aux sciences de l’information et des communications, des études littéraires aux arts médiatiques, ont été invité·e·s à réfléchir sur la protonotion d’éclatement, et ce dans une perspective double, littéraire et didactique. D’une part, dans le sillage de travaux ayant interrogé l’éclatement des genres et des supports culturels depuis le 20e siècle (Béhar, 2010 ; Dambre et Gosselin-Noat, 2001 ; Soulier et Ventresque, 2003), on souhaitait documenter « l’émergence, le bourgeonnement, la floraison de combinaisons inédites » (Béhar, 2010, p. 49), littéraires, artistiques et médiatiques, qui décloisonnent, ébranlent, reconfigurent ou réaffirment les horizons génériques. D’autre part, on se proposait d’observer comment s’incarne dans la classe l’éclatement des pratiques littéraires, artistiques et documentaires numériques contemporaines, de quelle manière il est scolarisé et éventuellement reconfiguré par les cadres disciplinaires et institutionnels. Dès lors, l’évènement a été l’occasion idéale pour partager les plus récentes avancées en matière d’enseignement/apprentissage de la littérature (avec le) numérique, mais également pour témoigner de phénomènes, littéraires et scolaires, propres à une époque « post-révolution » digitale, les « mutations » (Bessard-Banquy, 2012) des pratiques de lecture et les « métamorphoses du livre » (Chartier, 2001) à l’ère numérique ayant progressivement mené à une reconfiguration du « fait littéraire » (Monjour, Vitali-Rosati et Wormser, 2016), du discours critique et social sur les écrits d’écran (Souchier, 1996) ainsi que des attentes concernant la formation littéracique des jeunes. Cinquante ans d’expérimentations technolittéraires et technoartistiques ont en effet mené au développement d’une production vaste et éclatée, dont la richesse et la diversité formelle, générique et technologique sont bien illustrées par les outils de catalogage développés au fil des années pour en documenter les manifestations et en favoriser la découvrabilité (Bisaillon, 2018), tels le Répertoire des écritures numériques, Lab·yrinthe ou le nouveau Catalogue des oeuvres littéraires numériques du Québec. Les oeuvres de première génération (hypertextes narratifs, poèmes et récits génératifs, performances littéraires en ligne, etc.), tout comme les formes d’arts littéraires numériques (Bisenius, Audet et Gervais, 2022) plus récentes, souvent sociales, ludiques, géolocalisées, issues de combinaisons de flux de données ou de systèmes d’intelligence artificielle (Grumbach, 2022), témoignent d’expérimentations, technologiques et littéraires qui, constamment, interrogent les rapports aux supports, aux médias et aux espaces (médiatiques et analogiques), en mettant à l’épreuve, en repoussant et en éclatant les frontières génériques, formelles et techniques de la littérature. Ce faisant, elles révèlent également leur potentiel heuristique (Bouchardon, 2014). Non seulement elles se prêtent à (ré)interroger des concepts clés de la théorie littéraire, de la narratologie, de la sémiotique ou de la linguistique, comme ceux de « genre », de « littérarité » ou de « récit », mais elles invitent à renverser la focale et à observer, analyser et penser leurs manifestations et spécificités à l’aune de cadres théoriques mixtes, issus, entre autres, des études littéraires, vidéoludiques ou cinématographiques. Comment s’actualise alors cette métamorphose formelle, générique et technologique dans la création numérique contemporaine …

Parties annexes