Lu pour vous

KLEIN, Alexandre, Hervé GUILLEMAIN et Marie-Claude THIFAULT (dirs.) (2018). La fin de l’asile? Histoire de la déhospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone au XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, 235 p.[Notice]

  • Marie-Pier Rivest

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  • Marie-Pier Rivest, Ph.D.
    Professeure adjointe, École de travail social, Université de Moncton

Lorsqu’il s’agit de parler des transformations s’étant produites au sein des services de santé mentale, le phénomène de la désinstitutionnalisation s’avère un moment incontournable à aborder. S’étant produit autant en Amérique du Nord qu’en Europe occidentale, ce phénomène est souvent décrit à l’aide de grandes certitudes ayant pour but de nous aider à comprendre de manière simplifiée ce mouvement de grande envergure ou encore, ce que certains ont appelé un changement de paradigme des services de santé mentale. Ainsi, il est commun d’évoquer de grands principes pour expliquer ce processus mis en oeuvre au cours des années 1960. Tout d’abord, la désinstitutionnalisation serait le fruit d’une révolution humaniste dans notre manière d’intervenir auprès des personnes ayant un diagnostic de trouble de santé mentale. Ensuite, la désinstitutionnalisation impliquerait une fermeture à grande échelle d’hôpitaux psychiatriques. Finalement, cette fermeture aurait été accompagnée d’un engagement envers la communautarisation des services. Certes, nous brossons ici un portrait quelque peu caricaturé de la désinstitutionnalisation. Cependant, Sealy et Whitehead (2004) ont su dans le contexte canadien complexifier le déploiement de ces transformations en observant trois phases distinctes : la désinstitutionnalisation, la transinstitutionnalisation et la communautarisation. Il reste tout de même que dans les écrits, cette période charnière demeure représentée comme un monolithe, ou encore, un processus homogène et lisse. Les écrits peuvent ainsi nous laisser croire qu’il existerait un « avant » et un « après » désinstitutionnalisation, comme si nous avions bel et bien délaissé l’asile psychiatrique pour un nouveau modèle plus humaniste, moins contraignant et axé sur les services dans la communauté. Afin d’aller au-delà de ces généralités, il importe alors de se demander ce qu’il reste de l’asile que nous avons tant essayé d’effacer et de remplacer, et même de porter une attention plus particulière au déploiement de la désinstitutionnalisation dans le contexte (plus ou moins précis) de la francophonie. Sous la direction des historiens Alexandre Klein et Hervé Guillemain, et de l’historienne Marie-Claude Thifault, La fin de l’asile? Histoire de la déhospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone au XXe siècle analyse la désinstitutionnalisation, ou pour utiliser le terme privilégié dans l’ouvrage, la « déhospitalisation », de manière plus nuancée. Ce terme nous parait d›ailleurs plus approprié, reflétant à la fois la sortie des individus de l’hôpital ainsi que la pérennité de l’institution psychiatrique, existant désormais sous plusieurs formes. L’ouvrage repose sur la contribution de quatorze autrices et auteurs au même nombre de chapitres. Il constitue le résultat d’une série de recherches financées par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ayant comme visée commune de documenter les manières dont s’est déployée la déhospitalisation dans divers espaces francophones. La prémisse servant de fil conducteur à l’ensemble de l’ouvrage est la suivante : les discours de cette période charnière auraient été élevés au statut de mythe ou de légende, et pour bien saisir l’ampleur et les particularités de ce mouvement, il importe de se pencher sur des exemples plus concrets et localisés de la déhospitalisation. L’ouvrage est divisé en quatre sections, chacune faisant l’objet d’une mise en contexte plus spécifique aux enjeux adressés et d’une présentation des chapitres subséquents. La première section porte sur les remises en question de l’asile, dans laquelle nous apprenons que les critiques de la prise en charge psychiatrique existent depuis que prise en charge il y a. Le chapitre signé Aude Fauvel et Wannel Dupont plonge dans l’expérience sociale que fut Gheel, la « colonie de fous » (pour reprendre les termes de l’époque) belge qui, plusieurs siècles avant la déhospitalisation, proposait déjà une alternative au confinement des personnes étiquetées comme étant folles. L’autrice et l’auteur de …

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