Résumés
Summary
This paper investigates the role of “women’s issues” in the decision to join unions by examining a successful organizing drive in a predominantly female workplace. The main focus of the discussion is the identification of women’s issues where they were not immediately apparent to workers and union representatives. The theoretical question raised by this case study is the extent to which women workers’ relationship to unions is similar to or different from men workers’. Contemporary industrial relations discourse tends to emphasize the similarities between women and men, without taking into account well-documented differences in women’s paid and unpaid work and union experiences. From a feminist perspective, the conclusion that gender is unimportant in organizing campaigns often rests on an inadequate analysis of what constitutes women’s workplace/union issues.
Résumé
Cette étude explore le rôle que jouent les enjeux spécifiques aux femmes dans la décision de joindre un syndicat. L’étude a été effectuée au cours d’une campagne de syndicalisation dans un lieu de travail où la majorité de l’effectif était féminin.
L’analyse s’en tient principalement à l’identification des enjeux chez les femmes, enjeux qui n’étaient pas évidents au départ, ni pour les travailleurs ni pour les représentants syndicaux. Les données ont été recueillies à l’aide d’entrevues semi-structurées auprès de dix femmes, un an après la signature de la première convention collective et deux ans après le début de la campagne de syndicalisation. On a demandé aux participantes de décrire leur histoire de travail (rémunéré), ce qu’elles ont aimé et ce qu’elles n’ont pas aimé dans leur travail passé et actuel, la répartition des tâches domestiques dans leur famille et, enfin, ce qu’elles pensaient de la campagne de syndicalisation. Trois organisateurs syndicaux et le représentant syndical responsable de la négociation et de l’administration de la convention collective furent également interviewés.
La question d’ordre théorique soulevée par l’étude est la suivante : dans quelle mesure la relation des travailleuses avec le syndicat est semblable ou différente à celle des travailleurs masculins ? Le discours dominant actuel en relations du travail met plutôt l’emphase sur les similitudes entre les femmes et les hommes, sans tenir compte des différences bien documentées entre le travail rémunéré et non rémunéré des femmes et les expériences syndicales. Dans une perspective féministe, la conclusion à l’effet que le sexe n’est pas important au moment des campagnes de syndicalisation demeure une analyse inadéquate de ce qui constitue les enjeux de la syndicalisation sur les lieux de travail des femmes.
À un certain niveau, on ne trouve rien dans les comptes rendus des femmes sur les raisons d’appuyer la syndicalisation venant à l’encontre de la théorie traditionnelle en relations industrielles. En effet, on peut, sans déformer la vérité, analyser les données en se servant du modèle du syndicalisme comme étant un contre-pouvoir, comme l’expression standard d’une voix. La plupart des participantes niaient la présence d’une discrimination fondée sur le sexe sur les lieux de travail et se sentaient mal à l’aise avec l’expression « d’enjeux féminins » de négociation collective. Lorsqu’on leur demandait de décrire ce qu’elles pensaient de leur employeur, toutes ont mentionné des problèmes de favoritisme, de gestion abusive, de sécurité d’emploi aléatoire et, à un degré moindre, de bas salaires; ce sont, comme on le sait, des points communs cités dans les écrits sur le sujet.
Cependant, on peut procéder à une lecture alternative de la situation. La discrimination fondée sur le sexe était bien réelle dans ce lieu de travail où la division de l’emploi sur la base du sexe servait de fondement à l’organisation du travail. D’ailleurs, un certain nombre de femmes ont souligné différents aspects de cette réalité. Des enjeux ancrés dans leurs expériences particulières comme travailleuses venaient s’entremêler avec des plaintes à l’endroit d’un traitement inéquitable. Également associées aux raisons de se joindre à un syndicat, se trouvaient des plaintes à l’endroit d’un accès bloqué aux postes mieux rémunérés, d’une rémunération trop faible lorsqu’il s’agissait d’un travail pour les femmes, des problèmes de double journée de travail et des expériences de formes de harcèlement basées sur le sexe. Les participantes n’utilisaient pas les termes d’enjeux féminins, mais parlaient plutôt d’inéquité en général de la part de leur employeur et non à l’endroit des femmes en particulier.
Cette lecture de la situation a été confirmée par les organisateurs syndicaux et le représentant syndical, qui ont soutenu également que le sexe n’était pas pertinent dans cette campagne de syndicalisation, pas plus que dans aucune autre campagne. Selon leur point de vue, les femmes comme les hommes joignent un syndicat pour des raisons qui sont avant tout propres à tous les travailleurs, par exemple, la sécurité d’emploi, l’équité et la dignité, et qui ne sont pas spécifiques au sexe. Dans cette perspective, les questions féminines sont considérées comme peu ou pas significatives à cause de leur attrait perçu comme limité. Ce qui d’un point de vue féministe se présentait comme une évidence de discrimination à l’endroit des femmes apparaissait chez les organisateurs syndicaux comme étant le lot quotidien des relations du travail dans tous les lieux de travail.
Ces femmes ont bien perçu ce qu’était une « mauvaise gestion » sans pour autant identifier les racines structurelles de ces pratiques. La discrimination sexuelle au travail passait inaperçue justement à cause de sa nature systémique. Dépasser cette interprétation de « mauvaise gestion » aurait exigé de la part des femmes qu’elles relient leurs conditions de travail à la division sexuée du travail dans une industrie où la surreprésentation des femmes dans des emplois faiblement rémunérés et à forte densité de main-d’oeuvre est tellement habituelle que cette situation perd toute sa visibilité auprès des travailleurs et des représentants syndicaux.
Les femmes qui ont contribué à cette étude ont fait montre d’un double niveau de conscience, à la fois comme travailleuse et comme femme. Cependant, on accorde une crédibilité à un seul niveau dans l’analyse courante en relations industrielles en donnant préséance aux préoccupations des travailleurs en général et moins aux enjeux qui seraient spécifiques aux femmes. Cette manière d’effectuer des catégories n’a rien d’objectif : elle découle de celle dont les relations du travail sont enseignées et pratiquées avec le temps. Par conséquent, quand les raisons s’entremêlent, tel qu’on l’a vu dans ce cas, c’est la façon bien établie de penser qui façonne la compréhension de la situation, alors que l’information qui pourrait remettre en question cette perspective se perd ou bien est délaissée, n’étant pas considérée comme importante.
Là où la théorie traditionnelle des relations industrielles fait de la conscience du sexe une chose à part et la place en compétition avec les concepts de conscience syndicale-ouvrière, la thèse féministe ne le fait pas. À l’intérieur du paradigme féministe, il n’y a aucune raison de penser que la conscience du sexe peut détourner les femmes d’un projet syndical : le résultat devient une question de pratique et non de théorie. À savoir si le fait de soulever cette conscience féminine va attirer les femmes dans le mouvement syndical ou si elle va les en éloigner, tout dépend de la mesure dans laquelle les syndicats sont prêts à répondre aux demandes de participation et d’implication formulées par les femmes.
Resumen
Este artículo investiga el papel que juega la « problemática femenina » en la decisión de adherir a un sindicato, basándose en el estudio de una exitosa campaña de organización en un medio de trabajo predominantemente femenino. El enfoque principal de la discusión es la identificación de la problemática femenina allí donde éstas no eran inmediatamente visibles para los trabajadores y los representantes de los sindicatos. La cuestión teórica derivada del estudio de caso se plantea así : hasta qué punto el vínculo de las mujeres trabajadoras para con los sindicatos es similar o diferente al de los hombres. El discurso contemporáneo en relaciones industriales tiende a enfatizar las similitudes entre mujeres y hombres, sin tomar en cuenta las diferencias bien documentadas respecto a la remuneración de las mujeres y el trabajo no renumerado y respecto a las experiencias sindicales. Desde una perspectiva feminista, la conclusión que el género no es importante en las campañas de organización se basa a menudo en un análisis inadecuado de lo que constituye la problemática especificamente femenica respecto al trabajo y al sindicato.
Parties annexes
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