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L’idée d’un numéro thématique portant sur les clientèles difficiles nous est apparue intéressante à la suite de nombreuses discussions sur le vécu intense des professionnels dans l’intervention auprès d’elles. À partir de ces discussions, nous avons souhaité souligner la nécessité du travail d’équipe et de la collaboration entre diverses disciplines, pour dépasser les émotions vécues par les professionnels et arriver à intervenir de façon efficace auprès de ces clientèles. Nous avons ainsi souhaité faire le portrait des principales clientèles difficiles, des points de vue des professionnels auprès d’elles et des interventions novatrices qui ont été créées face aux défis nombreux qu’elles posent pour les professionnels.
D’abord, ce numéro thématique est introduit par une réflexion critique d’Amylie Paquin-Boudreau, Karine Poitras, Julie Maheux et Geneviève Lemelin sur les clientèles difficiles et leur accès aux services psychosociaux. Elles y présentent les caractéristiques des clientèles difficiles, les défis rencontrés par les professionnels dans l’intervention auprès d’elles et les enjeux liés aux dispositifs de soins pour les accueillir. Ce premier article introduit ce numéro thématique en soulevant des questions sur les services offerts aux clientèles difficiles.
Ensuite, deux articles explorent les perceptions des professionnels qui travaillent auprès des clientèles difficiles. En premier lieu, Ann-Sophie Otis et Julie Maheux discutent du vécu des intervenants travaillant auprès des personnes présentant une déficience intellectuelle et portent un regard particulier sur l’association entre la régulation émotionnelle et le niveau de détresse psychologique, que ces intervenants rapportent. En deuxième lieu, Nathan Grenier Gauvin, Karine Poitras, Lise Laporte et Lyne Desrosiers abordent le rôle des perceptions et des émotions des professionnels travaillant auprès de parents présentant un trouble de personnalité limite dans leur intervention auprès d’eux. Ces articles illustrent bien l’expérience subjective complexe des intervenants agissant auprès de clientèles difficiles et donnent quelques pistes de réflexion pour améliorer leurs compétences relationnelles.
Pour continuer, deux articles proposent une compréhension théorique des difficultés rencontrées par les enfants et les adolescents suivis par la Direction de la protection de la jeunesse, ainsi que des repères pour guider l’intervention des professionnels auprès de ces clientèles difficiles. Ainsi, Tristan Milot, Rosée Bruneau-Bhérer, Delphine Collin-Vézina et Natacha Godbout abordent le trauma complexe pour penser l’intervention interdisciplinaire auprès d’adolescents hébergés en centre de réadaptation. De leur côté, Miguel M. Terradas, Vincent Domon-Archambault et Olivier Didier abordent la mentalisation, comme base conceptuelle pour réfléchir l’intervention auprès d’enfants ayant vécu des traumas relationnels précoces.
Enfin, trois articles abordent plus spécifiquement l’intervention auprès des clientèles difficiles. D’abord Annie Aimé, Cynthia Gagnon, Marie-Pierre Gagnon-Girouard, Catherine Bégin, Rose Poirier et Dominique Meilleur proposent une recension exploratoire des traitements utilisés pour les troubles du comportement alimentaire et discutent des avantages et inconvénients de chacun. Ensuite, tant l’équipe de Amandine Baude, que celle de Francine Cyr, proposent une intervention impliquant les milieux psychosociaux et judiciaires pour répondre aux besoins complexes des familles vivant un conflit sévère de séparation. D’une part, Amandine Baude, Geneviève Lamonde, Rebecca Angele, Véronique Lachance et Nathaly St-Arnaud discutent de l’avis des professionnels impliqués dans l’intervention sur l’efficacité de celle-ci. Francine Cyr, Karine Poitras, Élisabeth Godbout et Amandine Baude, pour leur part, réfléchissent au rôle du psychothérapeute et aux défis déontologiques auxquels il fait face dans une intervention interdisciplinaire. Ces articles nous dressent à la fois un portrait des méthodes d’intervention établies, qu’une description de protocoles d’intervention novateurs qui misent sur l’interdisciplinarité.
Ces huit articles dressent ainsi un large portrait, quoique non exhaustif, des clientèles difficiles et des défis rencontrés dans l’intervention auprès d’elles. À la lumière de tous ces articles, l’interdisciplinarité apparaît être une condition essentielle, tant pour favoriser le bien-être des professionnels, que pour assurer l’efficacité de l’intervention auprès des clientèles difficiles. En effet, ces dernières nécessitent des soins multiples et variés, alors que les professionnels réclament du soutien clinique, de même que des conditions de travail permettant la collaboration entre eux.