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L’ouvrage fait suite à un colloque « Adaptation et socialisation des minorités culturelles en région » qui s’est tenu à l’Université Laval à Québec en juin 2008 et qui a réuni une dizaine de chercheurs de France et du Québec. Les textes rendent compte de recherches empiriques quantitatives ou qualitatives, ou les deux, tout en s’insérant dans des cadres théoriques communs ou ne s’éloignant pas trop les uns des autres. L’ancrage psychosociologique domine l’ensemble et l’approche de John W. Berry qui « considère la diversité humaine (tant culturelle que psychologique) comme une série d’adaptations individuelles et collectives en contexte » (p. 24) sert de toile de fond à plusieurs contributions.
Par ailleurs le titre de l’ouvrage laisse perplexe ; il est même trompeur à certains égards. En effet, comment comprendre les chapitres 2 et 3 sur les Basques, fort intéressants par ailleurs, comme des études sur l’adaptation et la socialisation d’une minorité culturelle en région alors que les Basques étudiés sont toujours au pays basque… qu’ils occupent depuis des temps immémoriaux ? Il en est de même, pour le cas des autochtones du nord du Québec (chapitre 4), constatent d’ailleurs les auteurs du chapitre, Michel Tousignant et Nathalie Morin, qui mentionnent « que les défis rencontrés par les peuples autochtones à travers le monde divergent considérablement de ceux rencontrés par les migrants qui élisent domicile dans un nouveau pays, les premiers étant l’objet d’une invasion de l’étranger colonial qui les contraint à un espace de vie de plus en plus réduit » (p. 88). Or, le titre de l’ouvrage les réduit ici… à une minorité culturelle en région ! Un choix malheureux. Les Basques et les autochtones du nord du Québec sont bien des minorités culturelles ; ils le sont devenus en fait. Peut-on parler de leur adaptation et de leur socialisation en région alors qu’il s’agit de leur région d’origine, leur région de toujours ?
Le titre choisi renvoie plutôt à l’image de minorités culturelles issues de l’immigration qui s’installeraient en région, ce qui est le cas dans un certain nombre de chapitres comme celui des Marocains en Aquitaine ou des réfugiés colombiens dans la région de Québec. En fait, comme le soulignaient Tousignant et Morin, on mélange ces réalités bien différentes, migrants en région et minoritaires locaux marginalisés, sans trop chercher à éclairer cette question dans la présentation et la construction de l’ouvrage… et dans le titre. En fait, il aurait été préférable de remplacer « en région » dans le titre par « au Québec, en France et en Espagne », rendant ainsi certains cas, comme celui des Basques et des autochtones du nord du Québec, moins incongrus. Cela dit, il y a matière à connaissance et à réflexion dans l’ouvrage dirigé par Yvan Leanza, Camille Brisset et Colette Sabatier, notamment sur l’identité basque et sur l’intégration de différents types d’immigrants souvent négligés par les recherches : réfugiés, enfants adoptés à l’international, travailleurs agricoles migrants, étudiants migrants. De plus, les questions abordées sont souvent nouvelles, par exemple : la perception par les travailleurs agricoles migrants des soins de santé qui leur sont offerts ou l’effet sur la confiance des réfugiés victimes de violence dans leur pays et laissés à eux-mêmes une fois installés par les responsables de l’accueil dans leur nouveau pays.