Recherches sémiotiques
Semiotic Inquiry
Volume 40, numéro 2-3, 2020 Économie & $émiotique I Economics & $emiotics I
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Cette livraison de RS/SI couvre exceptionnellement deux volumes (vol. 40, 2020, nos.2-3 et vol. 41, 2021, no. 1). En vertu de notre entente avec la plateforme Érudit elle est présentée ici en deux tomes (Économie & Sémiotique 1 et 2) dont l’ensemble correspond à l’intégralité de la version imprimée.
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This publication of RS/SI exceptionnally covers two volumes (vol. 40, 2020, nos.2-3 and vol. 41, 2021, no. 1). According to the terms of our agreement with the Érudit Plateform it is presented here in two tomes (Economics & Semiotics 1 and 2) which, together, correspond to the integrality of the printed version.
Sommaire (10 articles)
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Présentation : la sémiotique et l’économie - le cadre général
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Presentation: Semiotics and Economics, the General Framework
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Ferdinand de Saussure on the Affinities Between Economics and Semiotics
Winfried Nöth
p. 33–55
RésuméEN :
The paper reconstructs, from the manuscripts of the Course in General Linguistics, Saussure’s reflections on the affinities and differences between linguistics and economics, particularly his model of commodities as signs and elements of the economic system, analogous to the verbal sign as a basic unit of the language system. Key notions of this comparison are signifies vs. signifieds arbitrariness, syntagmatic and paradigmatic association, positive vs. negative value, type and token, substance and form. The paper studies how H. Lefebvre, J. Baudrillard, Rossi-Landi, and the cultural anthropologists M. Sahlins, M. Douglas, and B, Isherwood apply elements of this model in analyses of goods and commodities. The paper argues that Saussure proposes a weak analogy, that one of its weaknesses is the comparison at the level of the word instead of the one of a proposition or an argument. It concludes with the affirmation that Saussure’s analogies have a great heuristic value for cultural semiotics.
FR :
À partir des manuscrits du Cours de linguistique générale, l’article reconstruit les réflexions de Saussure sur la question des affinités et des différences entre la linguistique et l’économie, en particulier, son modèle des marchandises comme signes et éléments du système économique, analogue au signe verbal comme et unité de base du système linguistique. Les notions-clés de cette étude sont le caractère arbitraire du signifiant par rapport au signifié, les associations syntagmatiques et paradigmatiques des signes, la valeur positive par rapport à la valeur négative, type et token, substance et forme. L’article étudie comment H. Lefebvre, J. Baudrillard, Rossi-Landi, et les anthropologues culturels M. Sahlins, M. Douglas et B. Isherwood appliquent des éléments de ce modèle dans leurs analyses des biens et des marchandises. Il affirme que Saussure propose une faible analogie et qu’une de ses faiblesses est la comparaison au niveau du mot plutôt qu’au niveau d’une proposition ou d’un argument. Il conclut en affirmant que les analogies de Saussure ont néanmoins une grande valeur heuristique pour la sémiotique culturelle.
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Messages-marchandises et homologie entre linguistique et économie à partir de Rossi-Landi
Andrea D’Urso
p. 57–79
RésuméFR :
Notre contribution portera sur la méthode très singulière de la sémiotique de Ferruccio Rossi-Landi proposant une homologie entre la production linguistique et la production matérielle, qui permet de montrer les aspects sémiotiques de l’économie au sens strict. Il s’agira, tout d’abord, de relever la spécificité et l’originalité de l’approche matérialiste-dialectique de Rossi-Landi; puis, de mettre en évidence sa considération des messages comme marchandises et des marchandises comme messages; ensuite, de souligner sa reconnaissance de l’intuition sémiotique de Marx lorsqu’il a fait l’analyse du caractère purement signique de la valeur d’échange dans Le Capital. Enfin, nous présenterons quelques prolongements et intersections possibles des théories rossi-landiennes vis-à-vis des analyses récentes de l’actuelle phase capitaliste et du rôle exorbitant des messages-marchandises dans notre époque de production-communication.
EN :
Our contribution will deal with the very particular method of Ferruccio Rossi-Landi’s semiotics proposing a homology between linguistic production and material production that permits to show the semiotic aspects of economics in the narrower sense. First, we will state the specificity and originality of Rossi-Landi’s Materialist-Dialectical approach. Then, we will have to highlight his consideration of messages as commodities and of commodities as messages. Thus, we will stress his recognition of Marx’s semiotic intuition, in The Capital, to analyse the sign-character of the exchange-value. Finally, we will show some possible developments and intersections of Rossi-Landi’s theories concerning recent analyses on the present phase of capitalism and the important role of the commodity-messages homology in our epoch of communication-production.
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Ordinary Language and Economic Language
Susan Petrilli et Augusto Ponzio
p. 81–103
RésuméEN :
We explore the language of economics from the perspective of the relation between signs, language and ideology. The focus is on social reproduction in global communication. From the epistemological viewpoint linguistics and economics are interrelated, both are sign sciences and value sciences. Saussure’s general linguistics is modelled on economics, particularly marginalist “pure economics” from the Lausanne school. In the 1960s Rossi-Landi reconsiders the relationship between linguistics and economics, specifically political economy in the Smith-Ricardian and Marxian tradition. In this context linguistic value is not limited to the market, the synchronic axis, and confused with price. Critical of both Saussure’s Cours de linguistique générale and of Wittgenstein’s interpretation of “meaning” as “use”, Rossi-Landi (1966, 1968) – who can be reread today in light of globalized communication as proposed by A. Ponzio (2008) – investigates the production processes of linguistic value applying the theory of labour-value, thus speaker “linguistic work” accumulated in fixed capital (language) from one generation to the next. Thematization of the relationship between linguistics and economics contributes to understanding the concepts of “sign fetishism” and “sign materiality,” while the theory of “language as work and trade” and of “ideology as social planning” throw light on the question of “social alienation”, which in the language of the sign sciences is also “linguistic alienation” and more generally “sign alienation”.
FR :
Nous explorons le langage de l’économie du point de vue de la relation entre signes, langage et idéologie. L’accent est mis sur la reproduction sociale dans la communication globale. Du point de vue épistémologique, la linguistique et l’économie sont interdépendantes, toutes deux sont des sciences des signes et des valeurs. La linguistique générale de Saussure est calquée sur l’économie, en particulier l’« économie pure » marginaliste de l’école de Lausanne. Dans les années 1960, Rossi-Landi reconsidère la relation entre la linguistique et l’économie, en particulier l’économie politique dans la tradition smith-ricardienne et marxienne. Dans ce contexte, la valeur linguistique ne se limite pas au marché, l’axe synchronique, et se confond avec le prix. Critique à la fois du Cours de linguistique générale de Saussure et de l’interprétation wittgensteinienne du « sens » comme « usage », Rossi-Landi (1966, 1968) – que l’on peut relire aujourd’hui à la lumière de la communication globalisée proposée par A. Ponzio (2008) – étudie les processus de production de la valeur linguistique en appliquant la théorie de la valeur-travail, donc le « travail linguistique » du locuteur accumulé en capital fixe (langue) d’une génération à l’autre. La thématisation des rapports entre linguistique et économie contribue à comprendre les concepts de « fétichisme des signes » et de « matérialité des signes », tandis que la théorie de « la langue comme travail et métier » et celle de « l’idéologie comme planification sociale » éclairent la question de l’« aliénation sociale », qui dans le langage des sciences des signes est aussi l’« aliénation linguistique » et plus généralement l’« aliénation des signes ».
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Revealing Homo Donans: Liberating the Unilateral Gift from Commodity Exchange
Genevieve Vaughan
p. 105–130
RésuméEN :
The nurturing of the infant from birth onwards provides an example of unilateral gift giving made necessary by the helplessness of the child who cannot exchange an equivalent for what she is given. This material transaction, the giving and receiving of goods and care, creates basic interpersonal schemas of material communication, which underlie verbal communication. They differ from the schemas created by quid pro quo exchange. The market economy is composed of both types of transactions, but unilateral gifts are given to and taken by the exchange transaction mechanism in order to create profit. Reinterpreting maternal care as a free communicative economy points towards a redefinition of the human as Homo Donans and provides a way out of the end of the world scenario to which capitalism has brought us. Using ideas of Marx, Vygotsky, Rossi-Landi, Sohn-Rethel, Lakoff, the findings of recent infancy research, interpersonal neurobiology and modern matriarchal (Goettner-Abendroth) and matricentric (O’Reilly) feminism, I propose a radical shift towards the gift paradigm.
FR :
L’éducation de l’enfant dès sa naissance fournit un exemple de don unilatéral rendu nécessaire par l’impuissance de l’enfant qui ne peut échanger un équivalent contre ce qu’on lui donne. Cette transaction matérielle, le don et la réception de biens et de soins, crée des schémas interpersonnels de base de la communication matérielle, qui sous-tendent la communication verbale. Ils diffèrent des schémas créés par l’échange de quid pro quo. L’économie de marché est composée des deux types de transactions, mais des dons unilatéraux sont donnés et reçus par le mécanisme de transaction d’échange afin de créer du profit. Réinterpréter les soins maternels comme une économie communicative libre pointe vers une redéfinition de l’humain comme Homo Donans et fournit une issue au scénario de fin du monde auquel le capitalisme nous a conduits. En utilisant les idées de Marx, Vygotsky, Rossi-Landi, Sohn-Rethel, Lakoff, les découvertes de la recherche récente sur la petite enfance, la neurobiologie interpersonnelle et le féminisme matriarcal moderne (Goettner-Abendroth) et matricentrique (O’Reilly), je propose un changement radical vers le paradigme du don.
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The Semiotics of the Commodity in the Marxian Concept of Value
Marcos Dantas
p. 131–157
RésuméEN :
The Marxian concept of value is a cultural and hence a semiotic concept, rather than economic. Based on a scrutiny of Marx’s writings, this article proposes that Marx’s analysis of the commodity can and should also be interpreted as a semiotic treatise. This insight may also be relevant to contemporary Marxian investigations concerning labour and value in capitalism insofar as the notion of value of commodities is concerned. Whereas the literature on the crisis of value theories has focused primarily on the relationship between use value and exchange-value (and abstract labour), the present paper focuses on the aspect of the sign value of commodities in Marx’s theory and on how the notion of value represents of human labour.
FR :
Le concept marxien de valeur est un concept culturel et donc sémiotique, plutôt qu’économique. Sur la base d’un examen des écrits de Marx, cet article propose que l’analyse marxienne de la marchandise puisse et doive également être interprétée comme un traité sémiotique. Cette idée peut également être pertinente pour les recherches marxiennes contemporaines sur le travail et la valeur dans le capitalisme dans la mesure où la notion de valeur des marchandises est concernée. Alors que la littérature sur la crise des théories de la valeur s’est concentrée principalement sur la relation entre la valeur d’usage et la valeur d’échange (et le travail abstrait), le présent article se concentre sur l’aspect de la valeur-signe des marchandises dans la théorie de Marx et sur la façon dont la notion de représente la valeur du travail humain.
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C. S. Peirce’s Semiotic and Mathematical Conception of Economics
James Wible
p. 159–183
RésuméEN :
C. S. Peirce had a keen interest in the most mathematical economics of his era. We know that Peirce read and wrote about the mathematical economics of Cournot and Jevons and at least mentions the names of Ricardo, Marshall, and Walras. Peirce also provided a mathematical, optimizing model of the insurance firm as his most elaborate example of pragmatism in the Harvard Lectures of 1903. What is significant is that Peirce chose economic examples to illustrate what is really a semiotic and mathematical conception of pragmatism. Diagrams and semiotics play a central role in Peirce’s philosophy of mathematics. Just a few years ago, Carsten Herrmann-Pillath authored a long treatise on evolutionary economics with Peirce’s semiotics as a central aspect of that work. Additionally, Herrmann-Pillath makes significant use of diagrams and equations from various scientific disciplines. Diagrams are a central feature of Herrmann-Pillath’s treatise giving it something of a Peircean, qualitative mathematical character. These similarities and differences between Peirce and Herrmann-Pillath on semiotics, economics, mathematics, and evolutionary processes are quite novel and thus of intrinsic interest.
FR :
C. S. Peirce avait un vif intérêt pour l’économie la plus mathématique de son époque. Nous savons que Peirce a lu et écrit sur l’économie mathématique de Cournot et Jevons et mentionne au moins les noms de Ricardo, Marshall et Walras. Peirce a également fourni un modèle mathématique et optimisant de la compagnie d’assurance comme son exemple le plus élaboré de pragmatisme dans les conférences de Harvard de 1903. Ce qui est significatif, c’est que Peirce a choisi des exemples économiques pour illustrer ce qui est vraiment une conception sémiotique et mathématique du pragmatisme. Les diagrammes et la sémiotique jouent un rôle central dans la philosophie des mathématiques de Peirce. Il y a quelques années à peine, Carsten Herrmann-Pillath a écrit un long traité sur l’économie évolutionniste avec la sémiotique de Peirce comme aspect central de ce travail. De plus, Herrmann-Pillath utilise de manière significative des diagrammes et des équations de diverses disciplines scientifiques. Les diagrammes sont une caractéristique centrale du traité de Herrmann-Pillath, ce qui lui confère un caractère mathématique qualitatif de Peircean. Ces similitudes et différences entre Peirce et Herrmann-Pillath sur la sémiotique, l’économie, les mathématiques et les processus évolutifs sont assez nouvelles et donc d’un intérêt intrinsèque.
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The Semiotics of Development: Towards the Economics of Path Dependence
Luís Otávio Bau Macedo
p. 185–207
RésuméEN :
Development is a concept whose ontological foundations are include phenomena, such as technologies, institutions, and cultural traits that embody the determinants of development differentials. This contribution argues that semiotics is the science to study these complex phenomena of development. Its approach is based on Charles Sanders Peirce’s semiotics and John Searle’s analysis of social reality. Development trajectories are depicted as specific compounds of institutions (signs), technologies (objects), and markets (interpretants) that create meaningful properties depending on symbolic forms. Development is a socially structured and observer-relative phenomenon. Developmental semiosis depends upon symbolic powers that structure and assemble collective intentionality. The paper advances two critical conditions essential to development. The first is semiotic intra-coherence, which is related with the bridging of dispositional functions in a coordinated way in networks of artifacts and users. The second is inter-coherence. It takes place as the supervenient causality of social structures and the performative character of habitual patterns of behavior. Both are intertwined in syntactic and semantic forms evolving in time by forging the development of path-dependent trajectories.
FR :
Le développement est un concept dont les fondements ontologiques incluent des phénomènes tels que les technologies, les institutions et les traits culturels qui incarnent les déterminants des différentiels de développement. Cette contribution soutient que la sémiotique est la science pour étudier ces phénomènes complexes de développement. Son approche s’appuie sur la sémiotique de Charles Sanders Peirce et sur l’analyse de la réalité sociale de John Searle. Les trajectoires de développement sont décrites comme des composés spécifiques d’institutions (signes), de technologies (objets) et de marchés (interprétants) qui créent des propriétés significatives en fonction de formes symboliques. Le développement est un phénomène socialement structuré et relatif à l’observateur. La sémiosis développementale dépend des pouvoirs symboliques qui structurent et assemblent l’intentionnalité collective. Le document met en avant deux conditions critiques essentielles au développement. Le premier est l’intra-cohérence sémiotique, qui est liée au rapprochement des fonctions dispositionnelles de manière coordonnée dans les réseaux d’artefacts et d’utilisateurs. La seconde est l’intercohérence. Elle prend place comme la causalité survenante des structures sociales et le caractère performatif des schémas de comportement habituels. L’un et l’autre s’imbriquent dans des formes syntaxiques et sémantiques évoluant dans le temps en forgeant le développement de trajectoires dépendantes du chemin.
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A Semiotic Approach to Information in Economics
Carsten Herrmann-Pillath
p. 209–231
RésuméEN :
Information is central to modern economics, but mostly treated in a disembodied form. The paper suggests a semiotic approach to information that interprets information in terms of thermodynamic information theory. This builds on C. S. Peirce’s concept of finality, relating final causes to energetic transformations in the economy, which operate in the efficient-causal mode. I substantiate this argument in a semiotic analysis of design as mediating such transformations via technology.
FR :
L’information est au coeur de l’économie moderne, mais elle est le plus souvent traitée sous une forme désincarnée. L’auteur propose une approche sémiotique qui interprète l’information à l’aide de la théorie thermodynamique. Cette approche s’appuie sur le concept de finalité de C. S. Peirce, qui relie les causes finales aux transformations énergétiques dans l’économie, lesquelles fonctionnent sur le mode efficacité-causalité. Cet argument est étayé par une analyse sémiotique du design comme médiateur de ces transformations par la technologie.