Résumés
Résumé
Cet article s’intéresse aux étapes de la transition à la parentalité dans un contexte de naissance prématurée en ciblant les répercussions perçues et les stratégies d’adaptation des nouveaux parents. Six couples hétérosexuels (n = 12) résidant au Québec ayant eu un premier enfant prématuré ont participé à des entrevues dyadiques semi-directives. Une analyse qualitative exploratoire s’inspirant de la théorisation ancrée a permis d’étudier ce passage précoce à la parentalité. La fin imprévue de la grossesse est vécue comme un déchirement, faisant osciller le parent entre la joie et la déception. L’hospitalisation du bébé peut mettre à l’épreuve la solidité du couple, étant donné le stress vécu durant cette période. Bien que le retour à la maison soit un moment de joie, il s’accompagne aussi d’insécurités et de surprotection du nouveau-né. Cet article met en lumière le rôle important du personnel soignant dans l’accompagnement des parents d’un bébé prématuré et propose des pistes d’interventions pour les intervenant.es sociaux en périnatalité.
Mots-clés :
- transition à la parentalité,
- première naissance,
- naissance prématurée,
- identité parentale,
- couple,
- recherche qualitative
Abstract
This article examines the stages of the transition to parenthood in the context of premature birth, focusing on the perceived repercussions and coping strategies of new parents. Six heterosexual couples (n = 12) living in Quebec who had their first premature child participated in semi-structured dyadic interviews. An exploratory qualitative analysis inspired by grounded theory was used to study this early transition to parenthood. The unexpected end of pregnancy is experienced as a struggle between joy and disappointment. The baby's hospitalization can put the couple's solidity to the test, given the stress experienced during this period. Although the return home is a time of joy, it is also accompanied by insecurities and overprotection of the baby. This article highlights the important role played by nursing staff in supporting parents of premature babies and suggests ways in which perinatal social workers can intervene.
Keywords:
- transition to parenthood,
- first birth,
- preterm birth,
- parental identity,
- couple,
- qualitative research
Corps de l’article
Introduction
Devenir parent est un événement important dans la vie d’un individu, tant en regard de la symbolique qui est associée à ce rôle, mais aussi pour les bouleversements identitaires qui accompagnent cette nouvelle expérience (Doss et al., 2009; Favez, 2013; Harwood et al., 2007; Molgora, Acquati, et al., 2022; Ravier et Pedinielli, 2015). La transition à la parentalité (TàP), conceptualisée comme un phénomène multidimensionnel, représente le premier passage des parents vers la parentalité (Cavanaugh, 2006; Gameiro et al., 2009; Molgora, Acquati, et al., 2022; Osofsky et al., 1985; Rossi, 1968). Durant cette période, les parents acquièrent des compétences d’apprentissage et d’adaptation relationnelle, ce qui peut avoir des conséquences tant positives que négatives sur la satisfaction conjugale et l’ajustement dyadique (Young et al., 2019). Ce processus de TàP débutant dès la grossesse constitue parfois même une forme de crise identitaire pour les nouveaux parents (Ravier et Pedinielli, 2015).
Cependant, la plupart des recherches dans ce domaine se sont concentrées sur la TàP pour les naissances survenues à terme, c’est-à-dire après neuf mois de gestation. Or, l’expérience de la TàP diffère dans le contexte d’une naissance prématurée (Aagaard et Hall, 2010; Misund, 2016; O’Donovan et Nixon, 2019) qui est un événement inattendu et stressant, ce qui augmente encore la vulnérabilité des parents (Aagaard et Hall, 2010; Misund, 2016). L’accouchement prématuré survient entre 20 et 37 semaines de gestation et implique un processus médical spécifique qui assure un transfert rapide du nourrisson né en urgence vers l’unité néonatale, compte tenu de son état de santé souvent critique (Hagen et al., 2016). Les bébés prématurés sont hospitalisés soit dans une unité de néonatalogie, soit dans une pouponnière selon leur niveau de prématurité (Prema-Québec, 2022). La prématurité est classée selon trois niveaux, soit la moyenne (entre la 33e et la 36e semaine), la grande (entre la 29e et la 32e semaine) et la très grande (avant la 28e semaine) (Préma-Québec, 2022). Au Québec, il existe six unités de néonatalogie offrant des soins intensifs (Prema-Québec, 2022). La naissance prématurée représente un phénomène qui touche un nombre considérable de parents : 7,1 % des naissances survenues en 2020 au Québec (ISQ, 2020).
La TàP renvoie à la rencontre entre un nouveau parent et un bébé imaginé et peut durer plusieurs années (Lacharité et al., 2015). Selon le modèle de Lacharité et al. (2015), le concept de parentalité comprend trois axes interdépendants : l’expérience parentale, la pratique parentale et la responsabilité parentale. Chacun de ces trois axes correspond à une dimension différente du rôle parental : l’axe de l’expérience parentale concerne les dimensions affectives et cognitives associées à ce rôle; celui de la pratique parentale renvoie à la dimension comportementale et interactive alors que l’axe de la responsabilité parentale cible la dimension de négociation des valeurs culturelles et communautaires (Lacharité et al., 2015). Ainsi, plusieurs facteurs influencent la construction des identités parentales, comme l’adéquation ou l’inadéquation entre le bébé imaginé et le bébé « réel » à travers le vécu de la grossesse et les circonstances de l’accouchement (Ravier et Pedinielli, 2015).
La transition à la parentalité et la relation conjugale
La naissance du premier enfant serait plus critique sur la relation conjugale que les naissances suivantes, car elle implique un changement majeur et un ajustement de la vie du couple (Favez, 2022; Gameiro et al., 2009). En effet, la TàP provoquerait la construction d’une relation coparentale en transformant la relation de couple en deux relations distinctes : une relation conjugale et une relation coparentale (Favez, 2013, 2022; Frascarolo-Moutinot et al., 2009; Van Egeren, 2004). Globalement, chez les futurs parents d’un enfant né à terme, la TàP entraînerait non seulement une modification du fonctionnement de la relation de couple, mais également une diminution du niveau de satisfaction conjugale en raison de la mauvaise gestion du stress inhérent à l’accouchement (Doss et Rhoades, 2017; Doss et al., 2009; Frascarolo-Moutinot et al., 2009). La qualité de la relation coparentale serait par ailleurs fortement liée à la qualité de la vie conjugale avant l’accouchement (Frascarolo-Moutinot et al., 2009; Van Egeren, 2004).
La naissance prématurée représente une transition accélérée et inattendue vers la parentalité et peut être considérée comme un événement difficile et traumatisant qui influence parfois différemment la vie conjugale des parents (Black et al., 2009; Hagen et al., 2016; Polizzi et al., 2021). Autrement dit, l’interruption soudaine de la grossesse précipite le moment de devenir parent (Polizzi et al., 2021; Ravier et Pedinielli, 2015). Ces couples sont alors plus vulnérables quant au maintien de la qualité de la relation conjugale par rapport aux couples ayant eu un enfant né à terme, en raison de leur vécu émotionnel spécifique et du contexte stressant dans lequel ils ont vécu leur TàP (Black et al., 2009; Hagen et al., 2016; Hebert, 2014; Lindberg et al., 2008; Polizzi et al., 2021; Spielman et Taubman-Ben-Ari, 2009). De plus, l’environnement néonatal intensifierait le stress des parents d’enfants prématurés par rapport aux parents d’enfants nés à terme (Treyvaud, 2013).
Globalement, la naissance prématurée amène parfois les parents à éprouver plusieurs sentiments négatifs, tels que le sentiment d’échec (Taubman-Ben-Ari et al., 2010), l’insécurité (Aagaard et Hall, 2010), la peur (Aagaard et Hall, 2010; Misund, 2016), l’inquiétude (Aagaard et Hall, 2010; Heinemann et al., 2013), la colère (Fenwick et al., 2008; Heinemann et al., 2013) et la détresse (Fenwick et al., 2008; Polizzi et al., 2021; Taubman-Ben-Ari et al., 2010). La naissance prématurée d’un enfant représente un facteur de risque important pour la mère de vivre une dépression postnatale ou de développer des symptômes psychologiques associés (Davis et al., 2003; Muller-Nix et al., 2004; Polizzi et al., 2021). Ce risque accru est attribué à une combinaison de facteurs, notamment le risque élevé de mortalité et de morbidité infantiles, la séparation rapide d’avec le bébé, l’hospitalisation prolongée et l’environnement de crise stressant dans l’unité néonatale (Davis et al., 2003; Molgora, Saita, et al., 2022; Muller-Nix et al., 2004). Plusieurs mères de nouveau-nés prématurés rapportent aussi la présence de symptômes liés au stress post-traumatique, selon les critères diagnostiques (Anderson et Cacola, 2017; Borghini et al., 2014; Golish et Powell, 2003; Howland, 2007; Kraljevic et Warnock, 2013; Lasiuk et al., 2013).
La naissance prématurée peut aussi induire des répercussions négatives dans des dimensions ciblées (Evans et al., 2012; Feldman et Eidelman, 2007; Nelson, 2003). Plus spécifiquement, nous examinons quatre dimensions tirées des écrits scientifiques soit l’attachement à l’enfant, l’engagement envers l’enfant, l’inadéquation du rôle maternel et le tiraillement entre la joie et le deuil.
Attachement à l’enfant
Certains écrits montrent que la séparation rapide du bébé en contexte de naissance prématurée et l’absence ou le manque de contacts entre la mère et le nouveau-né à la suite de la naissance inhibent parfois le système comportemental d’attachement de la mère en interrompant sa capacité à protéger le bébé (Evans et al., 2012; Tereno et al., 2007). Ainsi, le manque de contacts entre la mère et le nourrisson à la naissance peut influencer l’engagement maternel et l’attachement (Evans et al., 2022; Evans et al., 2012; Feldman et Eidelman, 2007; Nelson, 2003).
Engagement envers l’enfant
L’engagement envers le bébé serait déterminé par l’attachement à celui-ci et la décision consciente de la mère de s’engager auprès de son enfant pour répondre à ses besoins et maintenir sa relation maternelle avec lui dans le temps (Chunuan et al., 2007; Evans et al., 2022). Tout comme l’attachement, l’engagement envers le bébé dépend de plusieurs facteurs, tels que la préoccupation pour l’état critique du nourrisson, l’adaptation émotionnelle à la crise, la qualité du soutien au sein du couple et de l’environnement, et les expériences antérieures de la mère qui peuvent moduler son niveau d’engagement envers l’enfant (Chunuan et al., 2007; Evans et al., 2022).
L’implication des parents dans les soins prodigués au bébé et la pratique du contact peau à peau parent-enfant, facilitée par le personnel soignant des unités de néonatalogie, permettent l’établissement de liens entre l’enfant et ses parents malgré son hospitalisation (Adama et al., 2022; Furtak et al., 2021; Hebert, 2014; Noy et al., 2015). À l’inverse, la différence dans l’apparence physique du bébé par rapport à celle d’un bébé né à terme et son faible poids de naissance ont un impact non seulement sur l’engagement et l’attachement des parents envers lui, mais aussi sur les sentiments négatifs qu’ils peuvent éprouver envers leur bébé prématuré (Feldman et Eidelman, 2007; Hebert, 2014; Nelson, 2003; Noy et al., 2015; Taubman-Ben-Ari et al., 2010).
Inadéquation du rôle maternel
Le processus médical inhérent à la naissance prématurée provoque parfois un sentiment d’impuissance et d’incertitude chez les mères, en raison notamment de l’implication importante du personnel médical à la naissance et pendant l’hospitalisation du nouveau-né (Feldman et Eidelman, 2007; Reid, 2000; Spielman et Taubman-Ben-Ari, 2009). Ce sentiment d’impuissance peut évoluer vers un sentiment d’inadéquation du rôle maternel étant donné la dépendance auto-rapportée de la mère à l’égard du personnel médical pour s’occuper de son bébé (Feldman et Eidelman, 2007; Reid, 2000; Spielman et Taubman - Ben-Ari, 2009). Dans les unités de soins intensifs néonataux, la plupart des mères décrivent la période post-partum comme « irréelle » ou « incertaine » (Al Maghaireh et al., 2016; Hagen et al., 2016; Watson, 2011). Cette incertitude les empêche de se sentir pleinement mères. Elle entraîne chez elles un sentiment de déception de ne pas avoir pu remplir adéquatement, et comme souhaité, leurs rôles maternels compte tenu de l’état de santé souvent critique du bébé (Hagen et al., 2016).
Tiraillement entre la joie et le deuil
Golish et Powell (2003) ont documenté le traumatisme causé par une naissance prématurée à l’aide d’un modèle appelé « the joy-grief contraction ». Il décrit un processus de tiraillement entre la joie et le deuil, qui génère chez les parents des sentiments contradictoires. Ils sont à la fois heureux d’avoir leur premier enfant, et tristes de la perte de l’image idéale qu’ils ont construite au fil des mois, soit celle d’une grossesse idéale qui se poursuit jusqu’à son terme, et se termine par la naissance d’un bébé en bonne santé. De même, Druon (2005) a montré que la naissance prématurée place la mère devant un triple deuil : celui d’une grossesse telle qu’idéalisée, d’un accouchement sans complications et d’un nouveau-né en santé.
Stratégies parentales déployées en réaction à la naissance prématurée
L’épreuve de la naissance prématurée incite les parents à déployer plusieurs stratégies d’adaptation (Al Maghaireh et al., 2016; Anderson et Cacola, 2017; Bréhat et Thévenot, 2018; Golish et Powell, 2003; Hagen et al., 2016; Heinemann et al., 2013; Howland, 2007; Lasiuk et al., 2013; Watson, 2011). Plus précisément, nous discutons quatre stratégies tirées des écrits scientifiques, déployées par ceux-ci à savoir, l’isolement, la communication, la réponse optimiste ainsi que la croyance religieuse et la spiritualité.
Isolement
Le traumatisme induit par l’accouchement prématuré provoque parfois une réponse d’isolement chez les parents qui choisissent de se déconnecter de leur cercle social pour éviter de penser et/ou de discuter de l’état de santé de leur bébé (Kantrowitz-Gordon et al., 2016). Toutefois, loin d’être vécu comme négatif, cet isolement permet aux parents de se concentrer sur l’état de santé critique de leur nouveau-né, de mieux comprendre la situation et de surveiller l’état de santé de leur enfant (Aagaard et Hall, 2010; Black et al., 2009; Greco et al., 2005; Hagen et al., 2016; Noy et al., 2015). Cet isolement se poursuit après la sortie de l’hôpital (Kantrowitz-Gordon et al., 2016; Quist et al., 2022). En effet, la vulnérabilité permanente du système immunitaire du bébé et la crainte des parents que ce dernier ait une infection qui nécessite une réadmission à l’hôpital les incitent à s’isoler à la maison pour le protéger (Kantrowitz-Gordon et al., 2016; Quist et al., 2022).
Communication
Certains parents mettent en place une bonne communication et des interactions positives au sein de leur couple, de leur réseau familial et amical et avec le personnel médical (Al Maghaireh et al., 2016; Haemmerli et al., 2020; Watson, 2011). La communication avec le personnel médical est cruciale pour les parents, car elle leur permet de demander l’aide nécessaire et influence la façon dont ils perçoivent l’admission de leur bébé à l’hôpital (Al Maghaireh et al., 2016; Golish et Powell, 2003; Haemmerli et al., 2020; Watson, 2011).
De nombreux parents de bébés prématurés rapportent vivre un stress dyadique durant leur TàP (Schmöker et al., 2020). Le concept de « we-stress » ou le stress dyadique, fait référence au stress subi par les deux partenaires et à la manière dont ils y font face conjointement (Çankaya et Buran, 2023; Cutrona et al., 2018; Falconier et Kuhn, 2019; Molgora, Acquati, et al., 2022; Molgora, Saita, et al., 2022). En reconnaissant que le stress est une expérience partagée par les deux partenaires, ces derniers passent d’une perspective de stress individuel (« I-stress ») à une approche collective où ils font face au stress ensemble (« we-stress ») (Cutrona et al., 2018). Le concept d’adaptation dyadique a été largement étudié dans la littérature et plusieurs dimensions ont été proposées pour le décrire (Alves et al., 2020; Falconier et Kuhn, 2019; Meier et al., 2020; Molgora, Acquati, et al., 2022; Molgora, Saita, et al., 2022). Parmi les différentes dimensions de l’adaptation dyadique, nous distinguons la communication du stress, qui concerne la manière dont le stress est exprimé et partagé avec le partenaire (Falconier et Kuhn, 2019; Molgora, Acquati, et al., 2022; Molgora, Saita, et al., 2022). L’adaptation dyadique positive d’un partenaire, quant à elle, renvoie à sa capacité à s’ajuster de manière constructive et harmonieuse aux besoins de son partenaire (Falconier et Kuhn, 2019; Molgora, Acquati, et al., 2022; Molgora, Saita, et al., 2022). Enfin, l’adaptation dyadique conjointe positive correspond à l’ajustement mutuel constructif et harmonieux des partenaires à leurs attentes et besoins réciproques. (Falconier et Kuhn, 2019; Molgora, Acquati, et al., 2022; Molgora, Saita, et al., 2022). Des études ont montré que la communication à propos du stress est bénéfique pour les couples et qu’elle est associée à une plus grande probabilité que les partenaires recherchent du soutien (Falconier et Kuhn, 2019; Molgora, Acquati, et al., 2022; Molgora, Saita, et al., 2022).
Réponse optimiste
Certains parents tirent de cette expérience un sentiment de responsabilité familiale, bien que moins fréquent, qui est fondé principalement sur ses aspects positifs. Chez ceux-ci, le côté positif de la naissance prématurée prend le dessus, ce qui amène les couples non seulement à accepter leur situation, mais aussi à en apprécier certains aspects (Hebert, 2014). Ces effets positifs incluent le renforcement de la relation conjugale, l’opportunité de découvrir son conjoint en situation de crise et d’apprendre à prendre soin de son bébé, et de devenir plus patient et empathique (Hebert, 2014).
Alors que l’état des connaissances actuelles permet de documenter un certain nombre de conséquences associées à la naissance prématurée et les stratégies déployées par les parents qui y font face, force est de constater que cet état des connaissances est limité. D’une part, les études menées ont surtout porté sur le vécu des mères (Misund, 2016; Polizzi et al., 2021; Rossman et al., 2017) ou d’un point de vue individuel (Ionio et al., 2016; Treyvaud et al., 2019), mais peu d’un point de vue dyadique. D’autre part, peu d’études ont examiné cette transition à la parentalité en contexte de naissance prématurée comme un processus, ce que nous ferons dans le cadre de cet article. Bien que des publications récentes aient abordé ce sujet, notre article apporte une contribution significative à l’avancement des connaissances scientifiques en abordant spécifiquement le contexte québécois de la prématurité. Nous estimons que notre étude offre une perspective unique et pertinente qui enrichit la littérature existante, permettant ainsi une meilleure compréhension du parcours des parents québécois face à la naissance prématurée. Cette approche permet de combler une lacune dans la recherche actuelle et de favoriser une meilleure prise en charge des parents québécois concernés par la prématurité. Ainsi, en l’absence d’études québécoises s’intéressant à la TaP en contexte de prématurité, cet article vise à documenter ce processus à partir de la perspective de parents concernés par cette question. Plus précisément, il s’applique à 1) mieux comprendre le développement des identités et des rôles parentaux; 2) explorer les répercussions de la TàP en contexte de naissance prématurée sur la vie conjugale; et 3) documenter, le cas échéant, les mécanismes d’adaptation dyadiques déployés par les parents ayant eu un bébé prématuré.
Méthodologie
Nous avons privilégié une méthodologie qualitative exploratoire pour documenter les expériences subjectives des couples pendant leur passage précoce à la parentalité (Gauthier, 2003; Savoie-Zajc, 2003). Nous avons ainsi observé la complexité des différentes expériences des couples et exploré les répercussions de la TàP précoce sur leur vie coparentale et conjugale. Compte tenu des connaissances limitées associées à la TàP en contexte de naissance prématurée, une approche inductive était appropriée afin de permettre l’émergence de nouvelles connaissances. Ce travail s’inspire de la théorisation ancrée qui permet de mieux étudier le processus de la TàP (Charmaz et Belgrave, 2007).
Recrutement et collecte des données
Entre juin 2019 et décembre 2019, nous avons recruté un échantillon de convenance de six couples hétérosexuels cisgenres, soit un total de 12 participants, ayant vécu une naissance prématurée pour leur premier enfant. Les critères d’inclusion étaient les suivants : 1) avoir eu un premier bébé (pour les deux membres du couple) né avant 37 semaines de gestation et actuellement âgé de 6 à 18 mois; 2) vivre ensemble depuis au moins 9 mois; 3) s’identifier comme un couple hétérosexuel; 4) résider au Québec; et 5) être capable de s’exprimer en français.
Nous avons utilisé deux méthodes de recrutement : 1) en distribuant du matériel promotionnel dans 17 organismes communautaires situés à Montréal qui accueillent les nouveaux parents; et 2) par échantillonnage en boule de neige, en invitant les parents participants à parler du projet de recherche à leurs amis qui étaient parents pour la première fois d’un enfant prématuré ayant été hospitalisé. Cette seconde voie de recrutement s’appuie sur l’idée que les parents rencontrent d’autres parents lors de l’hospitalisation de leur bébé né prématurément. Nous avons informé le personnel des organismes communautaires par courriel puis l’avons joint par téléphone pour lui présenter cette recherche, ses objectifs et les critères d’inclusion. Parmi la vingtaine d’organismes contactés, la majorité a accepté de participer au recrutement des participant.es et a partagé avec ses membres l’affiche de recrutement qui invitait les participant.es à contacter directement la chercheuse principale.
Les six dyades de parents ont participé à des entretiens de recherche dyadiques semi-structurés enregistrés d’une durée allant de 100 à 140 minutes (la durée moyenne était de 120 minutes). Ce type d’entrevue a permis d’orienter les réponses vers les thèmes recherchés, sans influencer les témoignages des participant.e.s (Gauthier, 2003). Afin de couvrir les trois objectifs de l’étude, plusieurs thèmes ont été abordés, tels que la relation conjugale et la sexualité avant la naissance prématurée; les défis rencontrés lors de la naissance prématurée et les stratégies d’adaptation déployées; l’identité et les rôles parentaux ainsi que la vie conjugale, coparentale et sexuelle à la suite de la naissance prématurée. Tous les couples ont été rencontrés à leur domicile. Les formulaires de consentement ont été signés tout juste avant le début des entretiens, après une relecture et des réponses aux questions des participant.es, le cas échéant. Ces documents avaient été envoyés par courriel pour que les participant.es puissent en prendre connaissance à l’avance. Une anonymisation des verbatim a été assurée et nous avons retiré certaines informations liées aux participant.es pouvant mener à leur identification lors de la transcription des entrevues, notamment le nom, le statut social, la ville des participants, le nom de leur enfant, les dates importantes, etc. Il s’agit d’un processus amplement utilisé dans le cadre des études de recherche en sciences sociales pour garantir la confidentialité des données (Crête, 2003). Le projet a reçu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres humains (CERPE) de l’UQAM (certificat n° 3496).
Analyse des données
Les six entretiens ont été intégralement retranscrits, anonymisés et codés à l’aide du logiciel NVivo12. L’analyse des verbatims s’est inspirée des trois premières étapes de la théorisation ancrée (Paillé, 1994), soit : 1) la codification; 2) la catégorisation; et 3) la mise en relation. La codification a consisté à identifier, nommer et résumer presque chaque ligne du contenu du verbatim afin d’associer des étiquettes aux éléments du verbatim, et à regrouper ces étiquettes pour créer un arbre de codification qui permet de les classer en fonction de leurs similitudes (Paillé, 1994). Cette codification a été validée en utilisant la méthode inter-juges par les deux autrices de cet article. Cette méthode a été assurée par des évaluations et des réévaluations successives, la discussion en cas de faible accord inter-juges et l’ajustement des critères de la codification afin d’améliorer la concordance. Cette stratégie permet d’améliorer la validité de la codification et la rigueur des résultats. La seconde étape, la catégorisation, consiste à placer l’analyse à un niveau plus conceptuel donnant ainsi une signification plus profonde aux données recueillies. Tout d’abord, il faut prendre connaissance des données. La catégorisation permet ensuite de regrouper les données similaires en catégories pour faciliter leur interprétation et leur compréhension dans leur contexte. La mise en relation a consisté à comparer les témoignages par une analyse horizontale afin d’identifier les différents liens entre les éléments des catégories conceptuelles (Paillé, 1994). Cette analyse a impliqué des allers-retours entre les catégories formées et le matériel, ce qui a permis l’émergence de nouvelles catégories et l’ajustement subséquent du matériel (Horincq Detournay, 2021). Cette approche itérative a permis d’inférer le sens d’un événement et de dépasser le stade de l’analyse descriptive par une analyse approfondie (Paillé, 1994).
Malgré la collecte des données par le biais d’entretiens dyadiques, l’analyse ne s’est pas concentrée sur les interactions entre les partenaires, mais plutôt sur leur expérience commune de l’entretien dyadique. Cette méthode de l’entretien dyadique offre un aperçu relationnel unique en encourageant un échange direct entre les participant.es (Hudson et al., 2020). Elle nous permet ainsi de saisir des aspects qui pourraient ne pas ressortir des entretiens individuels ou d’autres approches de recherche (Hudson et al., 2020).
Profil des participant.e.s
Les participant.e.s formaient six couples hétérosexuels cisgenres (six mères et six pères) ayant des bébés prématurés nés entre 25 et 35 semaines de gestation (28,5 semaines en moyenne). Au moment de l’entretien, les bébés avaient entre 6 et 18 mois (13,7 mois en moyenne). La durée des relations conjugales variait de 2 à 10 ans (6,3 ans en moyenne). L’âge des participant.e.s variait entre 28 et 43 ans (l’âge moyen des femmes, tout comme celui des hommes, était de 33,3 ans) (voir le Tableau 1).
Tableau 1
Profil des participant.e.s
Résultats
Les expériences des parents rencontrés permettent de dégager quatre grands ensembles de résultats, distinguant les étapes qu’ils traversent. Chacune de ces étapes met de l’avant les défis rencontrés et les stratégies déployées pour y faire face.
Une grossesse désirée : une période appréciée malgré une durée plus courte
Pour tous les couples, le désir d’avoir un enfant était mutuel et a précédé la décision d’avoir un enfant et la grossesse proprement dite, comme l’exprime Chloé : « Je l’ai amené [l’idée d’avoir un enfant], mais Jacob était d’accord. J’aurais pas fait un enfant avec quelqu’un qui n’aurait pas voulu ; puis Samuel : « C’est venu comme naturellement. On s’en parlait puis comme les deux, on voulait avoir un enfant ensemble. C’est pas un qui a forcé l’autre. C’était vraiment une décision de couple ». Cependant, deux des six couples n’étaient pas d’accord sur le meilleur moment pour avoir un enfant. Un couple souffrant d’infertilité a connu un processus de conception particulièrement long par rapport aux autres. Cela les a même amenés à multiplier les démarches pour vivre cette grossesse, ce qui a intensifié leur désir de parentalité selon eux.
Tous les couples ont apprécié la période de grossesse malgré sa durée réduite (allant de 25 à 35 semaines). Les femmes ont toutes relevé des points positifs en lien avec celle-ci : elles étaient actives et énergiques et se sentaient confiantes. Chez tous les couples, la grossesse a eu un impact positif sur la vie conjugale. Par exemple, Maude rapporte que son conjoint s’est montré plus investi dans le couple; il passait plus de temps à s’occuper d’elle.
La naissance prématurée : un événement qui génère un choc et un traumatisme
Tous les couples ont été déçus par l’interruption soudaine de la grossesse qui a mis fin à une période heureuse. L’interruption prématurée de la grossesse a été particulièrement choquante et inexplicable pour deux participantes qui n’avaient eu aucun problème médical pendant leur grossesse. De même, la naissance prématurée inattendue a été un événement traumatisant pour certaines, auquel elles n’étaient absolument pas préparées, comme l’exprime Maude : « Au début, je ne savais pas quoi faire, j’étais sous le choc. Je ne m’attendais pas à un accouchement aussi tôt que ça ». Certain.e.s participant.e.s ne savaient pas que la grossesse risquait d’aboutir à un accouchement prématuré, ce qui semble aggraver leur traumatisme selon Jacob : « J’avais zéro idée en tête que ça allait se passer là ainsi ».
Plusieurs participant.es ont rapporté des effets traumatiques différents. Selon William, l’expérience de la naissance prématurée a été si traumatisante qu’il a commencé à anticiper le pire, par exemple le décès de sa femme et de son enfant. Cependant, quatre pères estiment s’être remis de ce choc émotionnel plus rapidement que leur partenaire. Cela pourrait s’expliquer par le rôle actif qu’ils ont joué dans les premières heures qui ont suivi la naissance. En effet, contrairement à leur conjointe qui était moins mobile après la naissance, notamment après une césarienne, deux pères ont vécu le stress lié aux soins immédiats du bébé en l’accompagnant à l’unité néonatale. Ils ont aussi rencontré leur bébé en premier, ce qui correspond à une particularité de la naissance prématurée. En revanche, chez les deux autres couples, le choc de l’accouchement prématuré n’a pas été facile à surmonter pour les pères qui ont eu besoin d’être soutenus par leur conjointe. À cet effet, Gustave a déclaré : « Moi je pleurais plus qu’elle, c’est elle qui m’a ramené à l’ordre ».
L’accouchement par césarienne d’urgence et le transfert vers l’unité néonatale peuvent générer des sentiments d’irréalité chez les femmes qui le vivent. Léa raconte n’avoir pris conscience de son accouchement que lorsqu’elle s’est réveillée aux soins intensifs quelques jours plus tard « avec le ventre vide ». Ce même sentiment d’irréalité a également été noté par Catherine. En effet, bien qu’elle ait accouché par voie basse, l’accouchement a été extrêmement rapide, ce qui lui a semblé irréel : « Puis là, une minute, je n’ai plus mon mari, je n’ai plus mon bébé dans mon ventre. Je n’ai plus aucun médecin, ils sont comme tous partis ».
Faire le deuil du plan d’accouchement et vivre la séparation rapide et précoce du bébé comme une dépossession corporelle
Malgré les différentes circonstances associées à l’accouchement prématuré, toutes les participantes ont vécu un deuil lié à un plan de naissance idéalisé, qui comporte généralement moins d’interventions médicales et n’est pas sujet aux urgences médicales imprévues. Chloé considère cet accouchement prématuré comme un deuil non seulement de sa grossesse parfaite et sans complication, mais aussi de l’image qu’elle avait d’elle-même, celle d’une femme « enceinte au dernier trimestre ». Léa pour sa part a trouvé cet événement très traumatisant et le considère comme un deuil du bonheur vécu pendant sa grossesse.
Selon plusieurs participantes, l’accouchement prématuré représente également un passage rapide « du statut de femme à celui de mère ». Pour Catherine, cette perte soudaine de son identité de femme a été très difficile, la grossesse lui ayant permis d’apprécier son image corporelle et d’augmenter son estime de soi. Toutes les participantes s’accordent à dire que la séparation précoce de leur bébé leur a laissé un sentiment de vide. Elles indiquent que la rapidité de l’accouchement qui crée cette séparation brutale a été l’un des aspects les plus difficiles de l’expérience globale. Pour Léa, la séparation précoce a été ressentie comme une dépossession corporelle : la perte de l’image corporelle parfaite d’un ventre rond en fin de grossesse : « Je ne m’étais jamais sentie aussi vide parce que ça faisait quand même six mois et trois semaines là que je le portais, et que là, je n’étais plus accompagnée ». Alice attribue ce sentiment de vide à son incrédulité quant à la possibilité d’une naissance prématurée de son bébé. Cette incrédulité rend difficile l’acceptation de la situation : « C’est supposé être dans mon ventre, elle est supposée être dans mon ventre. Elle est supposée être avec nous ». Catherine a relié ce sentiment de perte à l’absence physique de son bébé dans son corps alors qu’il devrait encore y être : « Tu sais, moi j’ai perdu mon enfant dans le sens que là, il n’est plus dans mon ventre ».
En dépit de tout, l’accouchement est aussi un moment de joie
Malgré la déception et le choc, la naissance a également été perçue comme un moment heureux, notamment par les quatre couples dont les femmes ont accouché par voie basse. Lors de l’accouchement, ces couples rapportent s’être sentis en contrôle malgré l’imprévisibilité de la naissance. L’accouchement est interprété positivement, car il facilite la prise de conscience du pouvoir de donner la vie à un bébé.
Bien que les participantes ne soient pas préparées à vivre ces contractions douloureuses pour la première fois, elles les ont particulièrement appréciées. Chloé, par exemple, a refusé la péridurale pour vivre pleinement son accouchement. Bien qu’il ait été prématuré, elle rapporte avoir pu exercer un contrôle sur cette situation inattendue. Pour elle, cela a permis non seulement d’apaiser son sentiment de déception et de choc, mais aussi de surmonter l’échec de la grossesse interrompue prématurément en ayant un accouchement qu’elle estime réussi. Ainsi, malgré le stress et l’imprévisibilité, quatre des six couples mentionnent la joie intense qu’ils ont ressentie pendant et après la naissance. Samuel l’a exprimé ainsi : « C’était tellement la plus belle chose que je pouvais voir, voir la personne que j’aime permettre de faire naître une autre personne que j’aime, je suis comme : « Wow! ».
La première rencontre avec le bébé à l’hôpital : à la fois un choc et une joie
L'environnement des soins intensifs néonataux a été profondément choquant pour tous les couples. Pour Anne et Samuel, la vue de leur bébé dans une couveuse, avec un masque et entouré de fils et d'équipements médicaux, a été traumatisante. Cette situation a entraîné une difficulté à écouter attentivement le personnel médical et les a laissés complètement perdus comme l’explique Samuel : « T’écoutes pas vraiment, même s’il fallait que tu portes attention, parce qu’ils t’expliquent que ton enfant va bien. »
Pour tous les couples rencontrés, la première rencontre avec le bébé a été très émotive, étant donnée l’apparence chétive du bébé. Thomas l’a exprimé ainsi : « J’étais content, j’étais fier, mais ça a été un choc parce que les premières secondes que je l’ai vu, il venait de sortir puis là, il était comme gris bleu ». Pour Chloé et Jacob, la très petite taille de leur nouveau-né a été l’élément le plus difficile à accepter lorsqu’ils l’ont rencontré la première fois, car elle a perturbé l’image qu’ils s’étaient faite de leur bébé.
Sortir de l’hôpital sans bébé : le ventre et les bras vides
Pour tous les couples, le moment le plus difficile a été de quitter l’hôpital après le rétablissement de la mère, sans le bébé, « avec un siège pour bébé vide ». Pour Maude, avoir son bébé à l’hôpital signifiait qu’elle ne pouvait profiter de rien. Rien ne l’a soulagée ni intéressée pendant cette période, à part les bonnes nouvelles et l’évolution positive progressive de la santé de son nouveau-né. D’ailleurs, deux participantes ont même sauté les examens médicaux post-partum pour s’occuper du bébé à l’hôpital. Selon Maude, sa santé était devenue secondaire par rapport à celle de son nourrisson.
Pour surmonter cet aspect difficile, certains couples ont réagi de manière optimiste en pensant à la survie du bébé. Cependant, le fait de rentrer à la maison sans leur nouveau-né a amené certains couples rencontrés à rechercher la cause de la naissance prématurée. Ainsi, ils peuvent se remettre en question, ce qui suscite parfois un sentiment de culpabilité. Cette culpabilité concerne également l’exposition du bébé aux interventions médicales supplémentaires pratiquées après sa naissance prématurée et son hospitalisation :
Alice : C’est de la voir en fait, c’est surtout en tant que maman, avec les remords, tu te dis « Si j’avais fait attention, elle n’aurait pas vécu tout ça dans le fond ». Elle n’aurait pas eu, c’est ça des cicatrices. Elle n’aurait pas eu toutes ces piqûres tous les matins, ce qui faisait en fait c’est ça, c’est le remords de ne pas avoir fait attention.
L’hospitalisation du bébé : une immersion dans le monde médical et ses effets de montagnes russes
La durée de l’hospitalisation du nouveau-né et les complications liées à la prématurité et à l’hospitalisation diffèrent selon les couples. Dans cette étude, la durée d’hospitalisation variait entre deux semaines et trois mois. La moitié des participant.e.s ont rapporté des complications pour le bébé, ce qui a accru le niveau de stress perçu par les couples. Comme l’a expliqué Arthur : « [...] La petite, par la suite, elle était malade. Elle a fait une méningite à sa sortie de l’hôpital, on découvrait qu’elle était malade. C’était encore un autre stress. »
L’hospitalisation génère une évaluation constante de l’état de santé du nourrisson, ce qui entraîne de bonnes et de moins bonnes nouvelles. Les couples ont utilisé à ce sujet la métaphore des montagnes russes. Selon tous les couples, ce flux de nouvelles met au défi leurs capacités psychologiques à s’adapter aux changements et à gérer le stress qui en découle.
Catherine : Moi j’ai pleuré comme je n’ai jamais pleuré dans ma vie. J’ai appelé ma mère en hurlant de pleurs pendant un moment en disant « Je n’y arriverai pas ». Ça fait physiquement trop mal de voir mon fils comme ça puis de recevoir autant de mauvaises nouvelles.
Face à cette succession de progrès et de rechutes, certains parents se sentent impuissants, puisqu’ils sont incapables d’intervenir concrètement pour améliorer la santé de leur bébé. Bien que le personnel médical veille à ce que les parents participent aux soins périnataux, ces derniers se sentent parfois comme des spectateurs passifs et souffrent de cette situation.
Léa : Ben oui ça vient apaiser [le fait de savoir que le bébé est entre de bonnes mains], mais tu sais la douleur est quand même là. Puis je dis souvent à Thomas « J’ai le ventre vide, puis j’ai les bras vides ».
La couveuse dans laquelle se trouve le bébé pendant l’hospitalisation est non seulement un équipement complexe et choquant pour la plupart des parents, mais aussi un intensificateur du sentiment d’impuissance, puisqu’elle provoque une déconnexion partielle entre les parents et leur nourrisson. Ces derniers passent la plupart de leur temps derrière la vitre de l’unité néonatale et participent peu au maintien de la santé de leur nouveau-né, comme l’exprime Maude : « On est là, mais on ne peut rien faire. C'était ça, on va dire, la plus grande douleur. C’est de voir ton bébé dans une couveuse, branché à pas mal d’appareils. »
La majorité des couples a reconnu l’utilité du soutien du personnel médical pendant cette période. En effet, sa présence, ses conseils et ses soins les ont aidés à surmonter cette période difficile. Cependant, certains couples ont également évoqué des expériences moins positives avec le personnel médical. Cette situation a augmenté leur stress puisque, ne faisant plus confiance à certains membres de l’équipe médicale, ils ont commencé à surveiller d’encore plus près les soins prodigués à leur bébé. Comme l’a expliqué Alice : « On voulait vérifier tout ce qu’ils faisaient parce qu’on a eu une mauvaise expérience avec une infirmière, puis plus jamais je laisse ça se reproduire. »
Se forger une identité parentale solide pendant l’hospitalisation
L’identité parentale s’est développée chez tous les couples pendant l’hospitalisation et les couples ont déployé différentes stratégies pour solidifier leur identité de parent. La première stratégie consiste à créer un lien physique avec l’enfant. Le contact peau à peau, activité très appréciée par tous les parents rencontrés, représente une étape cruciale dans l’attachement et le développement de l’identité parentale pendant l’hospitalisation selon ces derniers. Ce contact peau à peau leur permet d’abolir la distance causée par l’isolement du bébé en couveuse. Il confirme leur parentalité et rétablit le lien interrompu avec le bébé par la naissance prématurée. Maude l’a exprimé ainsi : « On attendait impatiemment le moment où on pouvait faire le peau à peau. On visait le maximum. D’ailleurs, on faisait une petite course « premier arrivé, premier servi » pour faire le peau à peau entre moi et son père. »
La deuxième stratégie vise à s’impliquer activement dans les soins prodigués au bébé. Les couples ont également souligné que le personnel médical tente d’inclure les parents dans les soins apportés à leur nouveau-né. En étant encouragé.e.s à s’initier à diverses tâches telles que changer les couches, donner le biberon et le bain, ils ont peu à peu cessé de se sentir spectateurs et ont eu le sentiment de jouer un rôle plus actif dans le rétablissement de leur bébé. Catherine a été invitée par un médecin à noter dans un cahier toutes les bonnes et les mauvaises nouvelles ainsi que tous les changements dans la santé de son nouveau-né. Cela lui a permis d’apaiser ses inquiétudes et de libérer son anxiété par l’écriture.
Maude : Ils nous laissaient faire. Ils étaient tout le temps présents, mais ils nous apprenaient les bonnes manières et nous expliquaient les choses. Donc, c’était pas vraiment « Ah non tu touches pas au bébé ». Le personnel, il était souple et très présent, il donnait beaucoup de conseils, nous expliquait.
Cette implication est importante pour les couples. En effet, c’est par cette implication à l’hôpital qu’ils expérimentent et intègrent leur rôle de parents. La troisième stratégie repose sur une présence constante dans l’unité néonatale, qui a été rapportée par tous les couples. Ils ont veillé à être présents au chevet du bébé 24 heures sur 24, lorsque cela était possible selon leur disponibilité. Selon eux, cette présence continue est non seulement un besoin ressenti par les parents pendant cette période, mais aussi une forme d’assurance pour le bébé qu’il ne se sentira pas abandonné. Selon Catherine, sa présence aidait son fils à guérir plus vite et a réduit la durée de son hospitalisation. Une quatrième stratégie identifiée est l’allaitement maternel, aussi très apprécié par tous les couples. De leur point de vue, l’allaitement aide le personnel médical à « sauver leur bébé », pour reprendre les termes d’un.e participant.e, et contribue au développement et à la santé du nourrisson. Cette étape est cependant difficile, étant donné l’inexpérience et la séparation d’avec le bébé pendant cette période.
Chloé : C’est un défi sûr l’allaitement quand il est prématuré, parce que t’as pas les premiers pleurs, t’as pas la montée de lait, puis là il faut que tu tires puis là ils [les infirmier.es] disent :« Regardez une photo de votre enfant ». Là, […] tu tires le lait puis tu regardes l’enfant, puis là il faut que ça monte. C’est comme ça, j’ai trouvé ça difficile au début.
Surmonter l’épreuve ensemble
Lorsque nous leur avons demandé comment ils ont fait face aux difficultés rencontrées, les couples nous ont expliqué que les stratégies suivantes (couper les liens avec l’entourage, former une équipe, s’impliquer dans les soins, intégrer leurs croyances spirituelles et religieuses et comparer l’état de leur bébé à celui d’autres nourrissons) leur ont permis de surmonter les obstacles.
Quatre couples ont choisi volontairement de s’isoler et ont réduit les contacts avec leur famille et leurs amis. Ils ont préféré ne pas expliquer la situation à leur entourage, car ils partageaient l’impression que personne ne pouvait comprendre ce qu’ils vivaient. Selon certains couples, expliquer la situation demande non seulement du temps, mais aussi une force mentale supplémentaire pour pouvoir répondre aux nombreux commentaires, et parfois aux jugements négatifs de la part de l’entourage. Les couples se sont quant à eux servis de l’isolement à leur avantage en s’alliant et en se concentrant exclusivement sur les progrès de leur bébé. Cependant, un couple a choisi l’isolement après des conflits avec la famille et les amis en raison de leurs commentaires négatifs lors de l’annonce de la naissance prématurée, comme l’explique Thomas : « On s’est vraiment soudé, et puis on s’est détaché, mettons, de la pollution externe. On avait des énergies négatives autour de nous, puis on s’est vraiment détaché de ça, là ».
Tous les couples ont mentionné le travail d’équipe comme une stratégie d’adaptation importante. Le soutien mutuel a fait d’eux une bonne équipe, résiliente aux chocs, à l’anxiété et aux mauvaises nouvelles qu’ils ont vécues lors de l’hospitalisation du bébé. Toutefois, pour Catherine et Arthur qui connaissaient des problèmes conjugaux avant la naissance prématurée de leur nourrisson, la période d’hospitalisation a causé plus de tensions. Selon ce couple, le fait de ne pas avoir réussi à former une équipe pendant cette période les a séparés, chacun s’occupant du bébé seul. Arthur a déclaré à cet effet : « Mais ça a été quasiment un deuil pour moi de pas vivre ce moment en trio, d’être détaché, d’être seul. »
Quatre couples ont constaté que leurs croyances religieuses ou spirituelles les ont beaucoup aidés à surmonter le choc émotionnel. Elles les ont guidés vers une réflexion spirituelle qui les a amenés à accepter la situation et à se concentrer sur l’évolution de l’état de santé de leur bébé.
Maude : Moi je suis croyante, donc je me dis c’était le destin donc c’était voulu. C’est arrivé, on ne peut pas changer, on ne va pas changer les faits. Donc, elle est arrivée, je dois m’adapter aux faits et attendre l’évolution, c’était ça.
Certains couples ont comparé l’état de leur bébé à celui d’autres bébés prématurés hospitalisés dans la même unité néonatale. Ainsi, le couple peut comparer l’état du bébé à celui d’un autre nouveau-né dont l’état est plus critique, ce qui est une forme d’adaptation pour le couple qui considère que leur situation est moins grave. Selon Alice, cette comparaison lui a permis de se consoler. En revanche, tous les couples ont souligné que la comparaison de leur bébé avec un autre se rétablissant plus rapidement a probablement intensifié leur niveau de stress.
La joie de quitter l’hôpital
La sortie de l’hôpital est un événement très attendu. Chaque couple a mentionné la particularité de cette journée qualifiée de marquante et joyeuse. C’est le moment le plus heureux de toute l’expérience, comme le dit Alice :
Alice : La plus grande réjouissance, c’est le congé, les premiers 24 heures qui te donnent dans le fond là quand tu te dis : « Ah c’est, on peut partir avec elle à la maison ». Ça, je pense, c’est le plus beau moment après avoir accouché que tu te dis « Wow! ».
Ce retour à la maison représente non seulement la fin d’une période stressante, mais aussi l’occasion de profiter de moments de complicité, ce qui n’était pas possible à l’hôpital.
Catherine : Puis, les moments d’arrêt quand on est arrivé à la maison. Les moments d’arrêt qu’on avait les trois ensemble, les moments où on s’est collés nous deux avec notre fils, puis qu’on se posait collés. C’est comme si ça remplissait le seau de bonheur puis d’énergie qui avait peut-être été mis dans le rouge pendant les deux semaines.
Le retour à la maison : un sentiment d’insécurité et la concrétisation des rôles parentaux
Malgré la joie de quitter l’hôpital, la majorité des couples, et particulièrement les pères, se sont sentis anxieux lors de leur retour à la maison, puisque toutes les machines présentes dans l’unité néonatale avaient disparu. Ils avaient l’impression que ces appareils constituaient une sorte d’assurance quant à l’état de santé de leur bébé alors qu’à la maison, sans ces appareils ni le personnel médical, ils devaient se fier à eux-mêmes.
Maude : Il y avait la crainte : « Ah oui il n’y a pas d’appareil, est-ce qu’elle va désaturer? Est-ce qu’elle va avoir des apnées? ». C’était ça, mais on était là, on a fait de notre mieux.
En s’adaptant à l’environnement familial, les couples participants ont établi une routine qui leur a permis d’avoir une nouvelle vie de famille à trois. Ainsi, le rôle de parent s’est concrétisé par le fait d’avoir l’entière responsabilité de s’occuper du bébé, sans l’intervention du personnel médical. Certains couples ont partagé leurs activités quotidiennes à travers le réaménagement et la répartition égalitaire du travail domestique afin que les deux partenaires puissent s’occuper du nourrisson.
Alice : Avant [la naissance du bébé], moi je cuisinais, lui [Gustave] il écoutait sa télé. Maintenant [après la naissance du bébé], c’est comme tu ne peux pas aller faire ce que tu veux. Si tu veux qu’on mange, il faut que tu t’occupes de la petite. (Rire) Là, t’as pas le choix.
Attitudes surprotectrices des parents qui restent « prématurés »
Le sentiment d’insécurité a été remplacé par un besoin de surprotection. La majorité des couples a indiqué que la prématurité de leur bébé avait entraîné chez celui-ci une fragilité immunitaire. Ils se sont sentis obligés d’être plus vigilants que les autres parents pour assurer la bonne santé de leur enfant, ce qui a eu des répercussions sur les soins et la proximité de l’enfant. Catherine l’a exprimé ainsi : « Puis elle [notre bébé] a longtemps dormi dans notre chambre, très, très longtemps, elle avait une bassinette moïse. Puis elle est restée dedans jusqu’à neuf mois ». La plupart des parents ont maintenu un certain isolement afin de limiter le risque de contamination du nouveau-né, notamment en limitant les sorties dans des lieux publics fermés pour éviter les germes et les microbes provenant de personnes extérieures.
Léa : Puis c’est après, quand les gens viennent ici, d’être inquiets qu’il [notre bébé] attrape quelque chose, les petits microbes. On demandait toujours aux gens qu’ils se lavent les mains. On était invité quelque part, on sortait, on préservait sa santé, puis nos énergies aussi. Mais, la première année on n’est pas allé à l’épicerie, pas une fois avec lui, pas à la pharmacie, on est vraiment restés…
Selon la plupart des couples, la prématurité ne s’arrête pas à la sortie de l’hôpital et se fait toujours sentir dans leur vie plusieurs mois après la naissance, ce qui peut avoir des effets persistants sur la vie du couple. En effet, trois couples n’envisagent pas une deuxième grossesse, soit par crainte que cette expérience se répète, soit en raison des séquelles médicales résultant de cette naissance prématurée. Deux autres couples indiquent qu’ils seront plus vigilants dans le suivi de leur deuxième grossesse pour tenter d’éviter une autre naissance prématurée. Le couple restant a quant à lui constaté que l’expérience de la naissance prématurée ne correspondait pas à leur plan initial de première naissance. En effet, l’accouchement a été si rapide que les parents attendent avec impatience leur prochaine naissance pour enfin vivre les moments souhaités et imaginés dont ils n’ont pas pu profiter à cause de la naissance prématurée de leur premier enfant.
Étant donné que la naissance prématurée peut entraîner un retard de développement physique et psychosocial chez le nouveau-né comparativement aux bébés nés à terme, les parents font état d’une inquiétude et d’une anxiété constantes, ce qui explique pourquoi la prématurité fait toujours partie de leur vie.
Catherine : Je pense que la prématurité ne s’arrête pas à sa sortie de l’hôpital. Puis, ça va faire partie du quotidien. Je pense que ça dépend du niveau de prématurité là. C’est parce que nous, notre fils, tu le vois son un mois de prématurité, on le sent au quotidien. On le sent avec la relation avec les autres. On le sent dans son développement.
Le modèle conceptuel de la transition à la parentalité en contexte de naissance prématurée
Les résultats présentés ci-dessus ont contribué à l'élaboration d'un modèle conceptuel de la transition à la parentalité dans le contexte de naissance prématurée (voir Figure 1), illustrant le parcours des couples depuis la grossesse jusqu'au retour au domicile à la suite de la naissance prématurée. L'initiation de ce parcours repose sur le désir mutuel de parentalité. Toutefois, la naissance prématurée interrompt brutalement la grossesse, une expérience appréciée par tous les participants, ce qui suscite de la déception et un traumatisme chez certains. Malgré cet événement marquant, les parents continuent à apprécier l'accouchement et leur nouvelle identité parentale. Durant l'hospitalisation, les parents font face à des montagnes russes émotionnelles à la suite des successions d'événements et d'ajustements requis par leur nouvel univers médicalisé. Pour y faire face, ils déploient diverses stratégies, facilitant l'acceptation de leur nouveau rôle parental. La sortie de l'hôpital est perçue comme un événement d'une grande importance, porteur de joie pour les parents. Cependant, une fois à domicile, ils sont confrontés à de nouvelles épreuves et à l'évolution de leur identité parentale. Certains expriment un sentiment d'insécurité alors qu’ils passent d'un environnement hautement médicalisé à celui de leur domicile. Cette insécurité les incite à surprotéger leur enfant, alimentant la persistance du concept de prématurité même plusieurs mois après la naissance.
Dans l'ensemble, notre modèle conceptuel met en lumière l'importance des différents facteurs liés à la transition à la parentalité dans le contexte de naissance prématurée. Il souligne également l'importance du soutien, de la communication, de la formation du personnel de santé et de l'adaptation dyadique.
Figure 1
Modèle conceptuel des étapes de la transition à la parentalité en contexte de naissance prématurée
Discussion
Dans le cadre du modèle conceptuel de la transition à la parentalité en contexte de naissance prématurée développé à partir des témoignages des parents rencontrés (Figure 1), il est important de rappeler que la transition à la parentalité (TàP) fait référence au premier passage des couples vers la parentalité, impliquant l'acquisition de compétences d'adaptation relationnelle spécifiques à la naissance prématurée (Cavanaugh, 2006; Molgora, Acquati, et al., 2022; Young et al., 2019). Ce processus séquentiel débute par le désir de grossesse et atteint son point culminant lors de l'accouchement prématuré. Cette période de transition peut avoir des conséquences tant positives que négatives sur la satisfaction conjugale et l'ajustement dyadique (Cavanaugh, 2006; Gameiro et al., 2009; Molgora, Acquati, et al., 2022 2022; Osofsky et al., 1985; Rossi, 1968; Young et al., 2019). En effet, diverses recherches ont décomposé la TàP en contexte de naissance prématurée en différentes étapes distinctes, notamment l'hospitalisation (Aagaard et Hall, 2010; Hebert, 2014) et le retour au foyer (Hebert, 2014; Polizzi et al., 2021) tout en soulignant les stratégies d'adaptation déployées (Hagen et al., 2016; Hebert, 2014). Il convient de souligner une caractéristique fondamentale de notre modèle : la persistance de la naissance prématurée. Cette caractéristique suggère que la prématurité a un impact durable qui transcende le retour à la maison, inscrivant ainsi sa marque indélébile sur l'expérience de la parentalité.
Plusieurs résultats découlant de ce projet méritent une attention soutenue. Le premier résultat renvoie au désir de grossesse et à la décision du projet d’enfant qui ont procuré une grande joie à tous les couples rencontrés. Pour ceux-ci, la grossesse représente non seulement la réalisation d’un objectif de parentalité, mais aussi un épanouissement personnel et conjugal (Harwood et al., 2007). La naissance prématurée a interrompu cette grossesse idéalisée et a perturbé le projet des couples. Le modèle conceptuel révèle une rupture dans la notion de « grossesse appréciée » due à la survenue d'une naissance prématurée, ce qui peut amplifier les sentiments de déception et d'insatisfaction. Il devient dès lors primordial d’informer correctement les futurs parents au sujet de la possibilité qu’un bébé arrive prématurément. Un tel accès à l'information faciliterait leur préparation mentale et émotionnelle, atténuant ainsi les répercussions psychologiques d'une naissance prématurée.
Le second résultat renvoie au choc que vivent les nouveaux parents surpris d’une fin prématurée de la grossesse et à la persistance de cette prématurité dans le temps. En effet, les couples rencontrés ont identifié la naissance prématurée comme un traumatisme, en cohérence avec les résultats de plusieurs études (Black et al., 2009; Hagen et al., 2016; Hua et al., 2022; Ionio et al., 2016; Kantrowitz-Gordon et al., 2016). Chez certaines participantes, la naissance prématurée a provoqué des sentiments d’injustice et de culpabilité qui les ont amenées à se comparer aux femmes accouchant à terme. Cette observation est cohérente avec plusieurs études montrant la présence de culpabilité chez les mères (Druon, 2005; Ionio et al., 2016; Kantrowitz-Gordon et al., 2016; Rosati et al., 2019). Ionio et al. (2016) proposent l’idée que cette culpabilité sert à la récupération de l’événement traumatique choquant. Ainsi, les parents donnent la priorité à la culpabilité plutôt qu’à la confrontation avec la réalité face à laquelle ils sont impuissants. Pour mieux gérer ces sentiments, il apparaît donc crucial d'instaurer un accompagnement des parents par des professionnels spécialisés dans le domaine de la santé mentale périnatale. Cette collaboration proactive pourrait atténuer la culpabilité ressentie, favoriser l'adaptation et garantir une TàP moins traumatisante, en alignement avec les besoins psychologiques des parents.
Le troisième résultat sur lequel nous nous attardons est le sentiment d’être « spectateurs », comme plusieurs parents rencontrés l’ont exprimé. L’hospitalisation d’un bébé prématuré est associée à des émotions en « montagnes russes », en raison des fluctuations successives de bonnes et de mauvaises nouvelles vécues par les parents durant cette période, ce qui les stresse et les perturbe (Treyvaud, 2013). L’implication et l’intervention importantes du personnel médical lors d’une naissance prématurée provoquent un sentiment d’impuissance et d’incertitude chez les couples (Feldman et Eidelman, 2007; Reid, 2000; Spielman et Taubman-Ben-Ari, 2009). Cela conduit certains parents à se sentir comme des « spectateurs » puisqu’ils ne sont pas, ou peu, en mesure d’intervenir concrètement pour améliorer la santé de leur bébé. Nous avons constaté que l’environnement d’urgence de l’unité néonatale et de la couveuse pour le nourrisson augmente le stress des parents et leurs sentiments d’impuissance et de passivité. Cette constatation s’aligne avec les résultats obtenus par Evans et al. (2012) qui indiquent qu’une séparation induite par l’hospitalisation entre le parent et l’enfant pourrait susciter la passivité, la culpabilité et l’anxiété des parents. Il est indéniable que la survie du nouveau-né est une priorité lors d'un accouchement prématuré. Notre modèle souligne l'importance primordiale d'une communication efficace avec les parents au sein de l'unité néonatale. Cette démarche vise à les éclairer sur le protocole mis en place et à atténuer les conséquences psychologiques potentielles liées à une séparation précoce avec leur nouveau-né. Au-delà de son rôle informatif, cette communication s'avère rassurante pour les parents, enrichissant ainsi leur expérience globale au sein du parcours de la parentalité. Ces constatations sont soutenues par plusieurs études qui soulignent l'impact positif de cette communication sur les parents (Al Maghaireh et al., 2016; Watson, 2011).
En outre, notre modèle met en évidence l'importance du travail d’équipe qui renvoie au concept de « we-stress » et de la gestion dyadique du stress durant la TàP en contexte de naissance prématurée (Cutrona et al., 2018; Falconier et Kuhn, 2019; Schmöker et al., 2020). L'adaptation dyadique, favorisée par des stratégies telles que la communication et le soutien mutuel, renforce la résilience de chaque partenaire (Falconier et Kuhn, 2019). En effet, en identifiant le stress ressenti par les deux partenaires comme étant un stress commun, ces derniers vont passer du stade « I-stress » au stade « we-stress » et donc faire face à celui-ci ensemble (Cutrona et al., 2018). Cette adaptation renforce le sentiment de solidarité et d'unité entre les partenaires, les amenant à partager la charge émotionnelle et à travailler « en équipe » pour trouver des solutions. Ainsi, les couples apprennent à mieux gérer le stress, à améliorer leur communication et à renforcer leur relation conjugale (Falconier et Kuhn, 2019; Schmöker et al., 2020; Schwenck et al., 2022).
Pendant l’hospitalisation, certains couples ont choisi de s’isoler du monde extérieur, soit individuellement (chaque partenaire seul) en raison de tensions au sein du couple, soit dyadiquement pour se concentrer sur la santé du bébé (Aagaard et Hall, 2010; Black et al., 2009; Greco et al., 2005; Hagen et al., 2016; Noy et al., 2015). Les participants qui ont opté pour l'isolement n'ont pas bénéficié d'un soutien social adéquat, ce qui a rendu leur expérience plus difficile. Une approche alternative aurait pu consister à mobiliser le soutien de leur entourage, permettant ainsi à ces personnes de jouer le rôle d'alliés et d’aider les parents pendant cette période difficile. À l’inverse, certains couples rencontrés se sont plus impliqués dans les soins prodigués au bébé, ce qui leur a permis de se sentir « véritablement parents » et de façonner leur rôle parental. Ces résultats font écho au modèle de Lacharité et al. (2015). En effet, nous constatons que l’axe des pratiques parentales est celui le plus mobilisé par les couples et sert d’assise au développement de l’identité parentale. Ces résultats correspondent aussi à ceux d’Ibáñez (2005), qui ont montré que les interactions entre les parents et les bébés prématurés sont cruciaux pour la santé des nouveau-nés prématurés à long terme et pour le développement des identités et des rôles parentaux.
En outre, pendant l'hospitalisation du nourrisson, les participant.es ont beaucoup apprécié de pouvoir s’impliquer dans la pratique du contact peau à peau, comme le montre notre modèle conceptuel. Ces résultats peuvent être interprétés en se référant à la théorie de la transition (Meleis, 2010). En effet, la rupture de l’attachement et de l’engagement envers le nouveau-né causée par la séparation mère-bébé à la naissance est restaurée par le contact peau à peau et l’allaitement (Meleis, 2010). Cela fait écho à Lasiuk et al. (2013), qui ont montré que ces stratégies aident les parents à établir leur rôle de parents en leur procurant une autonomie qui neutralise leur sentiment d’impuissance. En effet, les pratiques d’allaitement et de contact peau à peau favorisent la résilience positive en facilitant l’adaptation des parents à leur situation (Føreland et al., 2022; WHO, 2022; Widström et al., 2019). Dans ce cadre, notre modèle met en exergue la nécessité de valoriser et de promouvoir les pratiques de peau à peau et d'allaitement par le personnel de santé. En outre, les professionnels de santé jouent un rôle crucial pour encourager les parents à participer aux soins de leur enfant et interagir avec lui, ce qui peut aider les parents à mieux s'adapter à leur nouveau rôle. Ces actions pourraient ainsi optimiser l'accompagnement et adapter la prise en charge des parents à leurs besoins spécifiques.
Selon les écrits mobilisant la théorie de la transition, les parents passent par le choc et l’incertitude avant de déployer des stratégies d’adaptation, ce qui les conduit parfois à une réaction de surprotection en raison de craintes accrues pour le bébé et de peur d’une réadmission en unité néonatale (Kantrowitz-Gordon et al., 2016; Meleis, 2010). Le choix délibéré de l'isolement vécu par les couples, d’abord à l’hôpital puis à leur domicile, met en évidence la persistance de la prématurité même après le retour à la maison, ce qui est cohérent avec Kantrowitz-Gordon et al. (2016). De plus, la notion de persistance est particulièrement pertinente et s’accorde avec les résultats de Quist et al. (2022) qui soulignent les effets durables de l'expérience vécue par les mères de bébés prématurés sur leur santé mentale à long terme. Ceci a été souligné dans le modèle conceptuel, en mettant de l’avant la tendance des parents à surprotéger leur nouveau-né. Pour faire face à ce phénomène, nous soulignons l'importance de la continuité des soins, ce qui signifie que le retour à la maison ne doit pas marquer une rupture dans la relation entre les parents et le personnel médical. Ainsi, le maintien d’un contact régulier avec un.e infirmier.ère de l'unité néonatale ou un.e travailleur.euse social.e peut être rassurant pour les parents et constituer un filet de sécurité qui leur permet de poser des questions au besoin et de se sentir moins seuls. Ce partage de responsabilité a probablement des effets bénéfiques sur la relation coparentale et le comportement des parents envers leur bébé. En outre, il est essentiel que des interventions futures se concentrent sur ces éléments afin de favoriser une meilleure adaptation du couple à la naissance prématurée. De plus, ces interventions devraient également mettre l'accent sur la persistance de la prématurité pour aider les parents à surmonter les obstacles constants qui surviennent après leur retour à la maison.
Limites
Bien que notre article ait généré un modèle conceptuel reliant les différentes étapes de la naissance prématurée, trois limites sont à souligner. La première concerne le processus de recrutement qui nous a permis d'inclure six dyades de parents, soit un total de 12 participants. Il est possible que cela ait réduit la diversité des trajectoires des participants. Il est important de reconnaître que chaque parcours de naissance prématurée est unique, et une plus grande diversité de participants aurait pu fournir des perspectives et des expériences encore plus variées. Lors de futures recherches, le fait d’inclure un échantillon plus large nous permettrait d’élargir notre compréhension et de valider davantage notre modèle conceptuel. Cela pourrait confirmer l’atteinte de la saturation théorique et empirique ainsi que la transférabilité des connaissances générées (Savoie-Zajc, 2007).
Les deux autres limites concernent le type d’entrevue utilisé. En effet, comme les entrevues sont basées sur le souvenir que les couples ont conservé de leurs expériences, les individus peuvent omettre des détails de l’expérience ou réduire l’intensité des émotions décrites. En outre, bien que l’entretien dyadique ait permis de saisir l’expérience de la naissance prématurée en écoutant le discours partagé par les deux partenaires, cela aurait pu affecter le discours d’un des partenaires ayant des difficultés à se confier à l’autre.
Implications pratiques et recherches futures
Nos résultats ont plusieurs implications pratiques, puisqu’ils apportent notamment des connaissances utiles aux praticien.ne.s et aux professionnel.le.s qui travaillent avec des couples ayant un bébé prématuré. Tout d’abord, le manque de connaissances de nombreux couples sur la naissance prématurée montre qu’il est nécessaire de sensibiliser davantage les futurs parents à ce sujet durant le suivi de grossesse. Les services de santé et les services sociaux oeuvrant en périnatalité et qui offrent divers services de soutien prénatal aux futurs parents pourraient assurer cette sensibilisation (Hetherington et al., 2015). Pour les parents confrontés à une naissance prématurée, les témoignages recueillis permettent d’identifier des stratégies facilitant cette expérience, notamment l’importance du contact peau à peau avec le bébé et de l’allaitement maternel dans le rétablissement du lien d’attachement entre les parents et le bébé. De plus, un service spécialisé dans l’aide à l’allaitement serait pertinent pour soutenir les mères, puisque tous les couples ont trouvé sa mise en oeuvre difficile. Une collaboration entre le système de santé et les services sociaux faciliterait la mise en place de ce service. En effet, certains organismes communautaires en périnatalité offrent déjà différents services tels que l’accompagnement à la naissance, les cours prénataux, le soutien à l’allaitement, les groupes de discussion, etc. (CDEACF, 2000; Guilbert et al., 2009). Ainsi, ces organismes font la promotion du soutien communautaire en fournissant aux parents des espaces collectifs et des ressources gratuites (CDEACF, 2000). Nous avons constaté que les parents font face à des difficultés lorsqu’ils sont de retour à la maison; ils ont par exemple des craintes persistantes quant à la santé de leur enfant. Le soutien d’un membre de l’équipe soignante ou d’un.e intervenant.e d’un organisme en périnatalité permettrait une transition du monde hypermédicalisé, où se trouvait le bébé pendant ses premières semaines de vie, vers le milieu familial non médicalisé. Ainsi, le support médical et l’assistance sociale diminueraient le stress et l’insécurité ressentis par les parents et préviendraient la surprotection du bébé (Hetherington et al., 2015; Kantrowitz-Gordon et al., 2016).
Malgré la pertinence indéniable des propos entourant la sortie de l’hôpital et les sentiments de vide, d’injustice et de culpabilité que cet événement entraîne, ceux-ci ont été peu documentés. Ainsi, nous suggérons que les recherches futures soient menées en tenant compte de cette limite afin d’étudier les processus émotionnels de cette expérience. Cette étude n’ayant pas exploré en profondeur la notion d’attachement parental au nourrisson, il serait pertinent de l’approfondir compte tenu des propos de certain.e.s participant.e.s à ce sujet (Bréhat et Thévenot, 2018; Druon, 2005; Shah et al., 2011). Par ailleurs, il serait intéressant de comparer un groupe de parents de bébés prématurés à un groupe de parents de bébés nés à terme et/ou de comparer des groupes ayant différents niveaux de prématurité. Cela permettrait d’étudier comment l’attachement varie en fonction du type de naissance et du niveau de prématurité. Enfin, cette étude ne s’est intéressée qu’à l’expérience des parents 6 à 18 mois après la naissance de leur enfant, alors que des études de recherche longitudinale menées à plusieurs moments seraient pertinentes afin d’observer les effets de la prématurité sur la relation de couple dans le temps.
Conclusion
Grâce à une méthodologie qualitative exploratoire basée sur la méthode d'analyse de théorisation ancrée, cette étude a permis de développer un modèle conceptuel décrivant de façon temporelle et conceptuelle les différentes composantes de la TàP dans le contexte de la naissance prématurée. Elle a également examiné les stratégies d'adaptation mises en oeuvre par les couples pendant cette expérience, ainsi que l'impact de la TàP précoce sur la coparentalité et la conjugalité. Les résultats de cette étude suggèrent que la TàP dans le contexte particulier d’une naissance prématurée est constituée de plusieurs composantes interconnectées, dont les plus notables sont la grossesse désirée et appréciée, la naissance prématurée, l’hospitalisation du bébé et le retour à la maison. La spécificité des composantes liées à la naissance prématurée confère une pertinence particulière aux résultats obtenus. Force est de constater que la compréhension de ces composantes est essentielle pour fournir un soutien adéquat aux parents et favoriser leur adaptation tout au long de cette expérience. Bien que les résultats obtenus dans le cadre de ce projet exploratoire ne constituent pas des données probantes permettant d’élaborer des interventions, nous croyons qu’ils peuvent résonner lorsqu’ils sont combinés à l’expérience clinique des intervenant.es. En effet, nous sommes d'avis qu’il serait inspirant de mettre en évidence les spécificités des expériences vécues par les parents afin de favoriser la création de nouvelles pistes d’intervention adaptées aux besoins particuliers des parents d’un bébé prématuré.
Parties annexes
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Liste des figures
Figure 1
Modèle conceptuel des étapes de la transition à la parentalité en contexte de naissance prématurée
Liste des tableaux
Tableau 1
Profil des participant.e.s