Recensions et comptes rendusThéologie

Jean Desclos, L’aide médicale à bien mourir. Les grands enjeux. Montréal-Paris, Médiaspaul, 2020, 13,9 × 21 cm, 330 p., ISBN 978-2-89760-285-7[Notice]

  • Thomas de Gabory

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  • Thomas de Gabory, o.p., m.d.
    Faculté de théologie, CDEVS (Centre dominicain d’éthique et de vie spirituelle), Collège universitaire dominicain, Ottawa

Le propos du livre est d’approfondir les enjeux éthiques autour de l’Aide Médicale à Mourir (AMM) qui est légale depuis 2015 au Québec et depuis 2016 au Canada. L’A., prêtre et bioéthicien, ambitionne de mieux comprendre les fondements de la décision d’aider quelqu’un à mourir. Il cherche à démontrer qu’il serait périlleux de condamner sans précaution le geste d’aider quelqu’un à mourir. Il reconnaît dès les premières pages que sa réflexion se fonde sur ses expériences personnelles d’accompagnement de personnes en fin de vie, notamment de proches, et avoue volontiers l’évolution récente de ses propres convictions. L’ensemble du livre montre incontestablement sa grande expérience acquise dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Tout au long des dix chapitres qui composent le livre, l’A. pose de justes questions, légitimes et complexes, se plaçant parfois du côté des soignants, parfois du côté des patients. Du point de vue des soignants, les questions sont par exemple : « Jusqu’où les soignants peuvent-ils empêcher la décision libre et éclairée de quelqu’un qui entend finir ainsi sa vie souffrante ? » (p. 24). Prenant en compte l’autonomie de la personne souffrante, « doit-on accéder à la demande de quelqu’un traité en soins palliatifs qui veut qu’on mette fin à sa vie ? » (p. 74), ou : « Si quelqu’un estime que le temps qu’il lui reste ne vaut pas la peine d’être vécu et préfère sortir au plus tôt de ce monde, allons-nous accéder à sa demande ou la refuser ? » (p. 100) L’A. aborde aussi l’immense question de la souffrance : « Jusqu’où peut-on soulager la souffrance qui torture sans compromettre la vie de la personne ? » (p. 195) ou : « Est-ce si mal de libérer quelqu’un de sa souffrance absurde ? » (p. 77) Du point de vue des patients, les questions sont tout aussi fondamentales : « La personne qui souffre peut-elle réclamer le droit de ne plus souffrir et d’en finir au plus vite ? » (p. 197). Évoquant encore l’AMM, il se demande « pourquoi la personne malade y a-t-elle recours : est-ce en raison d’une peur de la solitude ? La permission que donne la loi permet-elle de se déculpabiliser de commettre ce geste ? » (p. 76). Les réponses apportées par l’A. sont ancrées dans son expérience et enrichies par des histoires cliniques. Le livre donne ainsi une analyse extrêmement profonde et détaillée des enjeux éthiques des soins en fin de vie. En revanche, la réflexion autour de l’AMM apparaît souvent en fin d’argumentaire, ce qui peut donner l’impression que l’A. force la démonstration du bien-fondé moral de cette pratique légale au Canada et au Québec. Pour sa démonstration, il tord parfois les concepts et force l’argumentaire de manière légèrement artificielle, ce qui aboutit à un raisonnement parfois peu convaincant. Dans le chapitre premier où il aborde la tension entre la vie et la mort, l’A. tente de démontrer que l’AMM n’est pas un meurtre, la différence se situant selon lui sur le volontaire : le meurtre va contre la volonté du tué, l’AMM va dans le sens de la volonté du patient. L’A. affirme qu’elle ne contredit pas l’interdit biblique de tuer qui ne concernerait que la « mise à mort injustifiée sur le plan moral » (p. 23). En montrant que la mort n’est pas toujours un mal, il en conclut que l’AMM pourrait être justifiée dans certains cas : « Si la mort est aussi un bien, en hâter la venue le serait également, comme une forme de complicité heureuse et bienfaisante avec elle. » (p. 49) Dans le chapitre …