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Ce numéro thématique de notre revue sur les relations entre la cognition et les émotions est une excellente porte d’entrée dans un domaine scientifique qui influence désormais notre compréhension et nos interventions dans le domaine de la santé mentale. Les trois chercheurs du Québec qui en sont responsables ont intelligemment invité d’éminents experts pour illustrer cette interface cognition-émotion. David Luck, Isabelle Souilères et Marc Lavoie du centre de recherche de l’IUSMM ont réussi à regrouper, à la suite d’un symposium, des chercheurs familiers avec les techniques d’imagerie cérébrale et des neurosciences cognitives pour nous livrer plusieurs articles illustrant les progrès cruciaux dans le fonctionnement cérébral ordonnant les interactions entre le raisonnement et les émotions. C’est la première fois que la revue Santé mentale au Québec invite une telle thématique pour une publication. En effet, le traitement de l’information émotionnelle est intrinsèquement un traitement de l’information. Au même titre que l’on étudie la mémoire, le langage, l’attention ou l’exécution, l’on fait de l’émotion une composante pratiquement cognitive qui obéit comme un module à des lois, des processus et des algorithmes. Non seulement elle est modulaire dans son premier abord, mais elle est aussi un réseau de connectivité puis un objet de modulation. Dans la présentation de nos trois responsables de la thématique, il est clairement introduit la succession des articles illustrant la contribution des neurosciences affectives dans la compréhension des tableaux cliniques. Nous devons les féliciter, car les articles ont su employer un langage clair, didactique, pour un lectorat habituellement plus accoutumé au discours psychosocial et clinique. Nous espérons qu’il incitera le lecteur à approfondir encore plus les sujets éclairés par cet angle des neurosciences affectives. Nous ne sommes pas cependant convaincus qu’il faille retrouver chez Descartes une erreur majeure concernant les relations entre le corps et le cerveau comme le prétend Damasio, auquel on nous demande de nous référer. Il nous semble que Descartes n’est pas suffisamment lu et que son oeuvre ne se limitait pas à la dualité corps-esprit. À ce que je sache, le dualisme cartésien se définit par 4 thèses fondamentales : 1) Il y a dualité substantielle entre l’esprit et le corps ; 2) Il y a dualité de nature entre l’esprit et le corps ; 3) L’esprit est identique à la conscience ; 4) Le corps et l’esprit interagissent causalement. « C’est pas pire » comme on dit au Québec. En attendant, relisons Descartes : « Il est faux aussi qu’une pensée se fasse en un instant, puisque toutes mes actions se font dans le temps, et on peut dire que je continue et persévère dans la même pensée pendant un certain temps. » (Entretien avec Burman du 16 avril 1748). Ce n’est donc probablement pas tout à fait un nouveau thème que d’examiner les interactions entre les processus cognitifs émotionnels, mais il était temps qu’on lui consacre une thématique spécifique, car les approches sont toutes nouvelles. Il suffit de penser à la cognition sociale ou à la Théorie de l’Esprit (Theory of Mind). Merci aux éditeurs et aux auteurs de nous donner cette occasion.