Corps de l’article

Les évolutions rapides de l’environnement international doivent être envisagées sous l’angle de l’influence aux réticences aux changements. Il est donc primordial d’adapter les structures aux nouveaux besoins en ajustant les informations à la capacité d’analyse pour se projeter dans le contexte en construction après avoir détecté les signaux faibles et intelligents favorisant la bonne décision au bon moment. Ainsi, le programme « Énergie 2020 » (décembre 2010) est d’autant plus essentiel que les importations énergétiques de l’Union européenne (UE) ont augmenté de 30% entre 1991 et 2011, en raison de la conjonction de la diminution de production d’énergie fossile et de l’accroissement du recours au gaz pour la production d’électricité (surtout au lendemain de l’accident nucléaire de Fukushima). Cette situation met en relief les problématiques de sécurisation des approvisionnements et les vulnérabilités des 27 États membres de l’UE face aux pays exportateurs. Dès lors, la diversification des sources géographiques d’approvisionnements et des modes de transport s’impose comme un impondérable. La solution à long terme est l’établissement d’une véritable politique énergétique commune, où Bruxelles s’orienterait vers un monopole européen des réseaux de distribution et des infrastructures (du transport à la production en passant par la distribution) afin de réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, le Conseil européen, le 4 février 2011, a précisé :

« l’énergie sûre, durable et abordable contribue à la compétitivité européenne et représente une priorité pour l’UE (…) : efforts importants dans la modernisation et l’extension de l’infrastructure énergétique de l’UE, ainsi que dans le branchement des réseaux des États membres (…) pour mettre en place un marché d’énergie électrique et de gaz commun pour 2014 (…) car dans le cas contraire l’approvisionnement énergétique pourrait être menacé »[1].

Ainsi, la présidence hongroise de l’UE s’est fixée pour enjeux une « stratégie énergétique et les objectifs sur l’infrastructure jusqu’à 2020 » et une « feuille de route contenant des options stratégiques énergétiques jusqu’en 2050 » visant à la création d’un marché intérieur de l’énergie (établissement d’un marché européen de l’énergie et résolution du morcellement de l’infrastructure énergétique européenne), la connexion énergétique Nord-Sud et les moyens de réduire la dépendance énergétique européenne, toujours en augmentation[2].

De son côté, la présidence polonaise de l’UE (juillet-décembre 2011) s’est fixée comme un de ses objectifs principaux, la sécurité énergétique. Ainsi de la Pologne :

« […] qui souhaite adopter une série de mesures en vue de renforcer la position de l’Union face aux principaux producteurs, consommateurs et pays de transit des matières énergétiques. Parallèlement, et en dépit des revendications des écologistes, Varsovie compte exploiter rapidement ses énormes réserves de gaz de schiste. En matière environnementale en effet, le pays riche en charbon et qui recherche avant tout l’indépendance énergétique vis-à-vis du voisin russe, n’a pas brillé par son engagement : il a ainsi été le seul à s’opposer, lors du Conseil environnement du 21 juin 2011, à la Feuille de route 2050 visant une réduction des gaz à effet de serre. Une position marquée, qui donne le ton à l’approche de la Conférence mondiale de Durban sur le changement climatique en décembre 2011 »[3].

La géopolitique de l’énergie (ou géoénergie) permet l’analyse anticipatrice des situations par le truchement d’expertises ciblées. Les récentes « Révolutions arabes »[4], conjuguées aux nouvelles découvertes technologiques et énergétiques amènent à une recomposition de la géopolitique qui domina jusqu’au début du 21e siècle. Les révolutions arabes, si elles ont soumis la Communauté internationale à rude épreuve politique et diplomatique, amènent une réflexion sur la coopération voire le soutien des démocraties occidentales à ces pays. Plus largement, c’est toute la problématique du contrôle des ressources issues du pétrole qui s’impose. Au Moyen-Orient, la géopolitique est en pleine mutation, surprenant experts et communauté internationale dans leurs certitudes. Les populations ne veulent plus s’accommoder des régimes en place depuis des décennies. Un nouvel équilibre géostratégique et géoénergétique en découle, amenant les grandes puissances à revoir leurs prospectives stratégiques en terme de stabilité et d’équilibre[5] (ex. : approvisionnements en hydrocarbures). Les processus à long terme, engendrés par les « révolutions arabes » sont intimement liés à des enjeux profonds, auxquels l’Iran entend, à terme, jouer un rôle (direct ex. : Bahreïn avec le poids sur le clergé chiite ; indirect sur les politiques étrangères dans ces pays face au programme nucléaire iranien)[6]. Quelle stratégie de sécurisation des approvisionnements énergétiques mettre en place afin que l’UE s’émancipe, du moins en partie, des contraintes géopolitiques et géostratégiques ? L’UE a-t-elle les moyens de ses ambitions ? L’étude ci-après se focalisera sur trois axes de cette problématique : l’indépendance et la diversification considérées comme une question de survie ; vers une politique européenne de sécurisation des approvisionnements stratégiques ? Entre rigidités du secteur énergétique et évolution géopolitique, l’intelligence économique et stratégique comme aide à la décision stratégique ?

Indépendance et diversification : une question de survie

L’UE s’est imposé comme objectif de réduire drastiquement sa dépendance énergétique vis-à-vis de ses principaux fournisseurs. Le schéma ci-après permet une vision plus globale[7] :

Figure 1

-> Voir la liste des figures

L’impact de la libéralisation de ces marchés sur la sécurité énergétique de l’UE se traduit par une ouverture de l’espace européen, en supprimant les monopoles et en assurant une efficacité plus importante. Cette libéralisation n’a cependant pas empêché le maintien de mesures nationales destinées à garantir la sécurité d’approvisionnement[8].

La diversification géographique des sources d’approvisionnement énergétiques n’est pas suffisante pour inverser la dépendance du Moyen-Orient, région qui cumule 40% des ressources pétrolières (dont 10% rien que pour l’Arabie saoudite) sont utilisées par l’ensemble du monde ; le gaz représentant 11,5% des ressources mondiales[9]. Ainsi, pour paraphraser Edward Lorenz[10], en matière de « prédictibilité : le battement d’ailes d’un papillon au Moyen-Orient peut-il provoquer une tornade dans le reste du monde ? ». Le pétrole, le gaz mais aussi le GNL (gaz naturel liquéfie), le gaz de schistes, vont-ils modifier en profondeur nos mix énergétiques et nos relations politiques et économiques avec le Moyen-Orient ?

En dépit d’une dépendance énergétique importante et croissante en raison du plafonnement ou du déclin des ressources locales, l’Europe a su conquérir une position forte dans le domaine des technologies énergétiques, notamment au niveau de l’accès aux ressources[11]. La sécurité énergétique est en mutation. Les stocks stratégiques ne sont qu’une solution partielle au risque de rupture des approvisionnements pétroliers. Ces réserves, limitées en volume, ne permettraient pas de faire face à une rupture majeure et durable des approvisionnements énergétiques. Ces réalités et l’absence de véritable modèle de stocks expliquent que les pays européens aient choisi des systèmes nationaux différents (gestion des stocks par des agences parapubliques spécialisées en Allemagne, opérateurs privés en Belgique, système mixte en Espagne ou France) et non un système européen unique[12]. La politique des stocks stratégiques devrait, à terme, être partie intégrante des problématiques sécuritaires de l’UE et, à ce titre, être incluse dans la PESC comme axe déterminant de la gestion des incertitudes géopolitiques.

Concernant le stockage, les pays producteurs constituent des stockages régulateurs du marché ; alors que dans le même temps, les pays consommateurs constituent des réserves stratégiques pour amoindrir la hausse des cours en cas de rupture des approvisionnements. Ainsi, les stocks régulent aussi les pics de production[13]. Pour ce faire, il existe différents types de stockage[14], aériens: réservoirs métalliques ou en béton cryogénisés (-165°C) ; et souterrains : palier au manque de place (dans le calcaire, grès, parfois à haute pression avec une couverture imperméable ou dans le sel). Ainsi les axes de solutions à envisager, seraient, outre un cadre de politique énergétique générale (plan d’urgence pour l’énergie, définition de stratégies énergétiques, instaurer une coresponsabilité entre les clients et les fournisseurs, développer les énergies renouvelables), d’instaurer un pavillon européen pour les méthaniers, butaniers d’une part ; et d’autre part, un accroissement des stocks en cas de crise (stocks de sécurité)[15]. La sécurisation physique des infrastructures est soumise à la permanence de la menace terroriste : attaques contre des sites de stockage, sources et sites de stockage, robinets, gazoducs, méthaniers et butaniers, terminaux portuaires… ce sont les nœuds de cibles privilégiées.

Les entreprises du secteur énergétique ont ainsi fortement accentué les contre-mesures pour éviter un blocage des approvisionnements : des méthodes de contournement ont été mises en place ainsi que des politiques plus globales. Actuellement, les Majors ont développé de nombreuses stratégies fondées sur l’intelligence économique, afin de ne plus être pris en défaut et/ou au dépourvu.

Avec l’ouverture de nouvelles routes d’approvisionnement, certains de ces mouvements (Ex. : mafias, terroristes, piraterie…) pourraient détourner des butaniers ou des méthaniers, afin de les utiliser comme des bombes. Dès lors, une nécessaire coopération entre les États et les compagnies énergétiques doit s’instaurer et ce, même si les entreprises sont actuellement indépendantes des pouvoirs publics[16]. Ainsi, « l’identification précoce des menaces et des opportunités émanant de l’environnement est devenue une condition de rentabilité voire de survie »[17] en raison des évolutions et mutations géopolitiques et géostratégiques qui obligent à une meilleure détection et prise en compte dans la décision d’éléments d’anticipation des ruptures stratégiques[18]. Dès lors, une veille active pragmatique et efficace est nécessaire. Ainsi, l’UE oriente sa diversification énergétique essentiellement vers le gaz (et dans une moindre mesure le charbon) et vers le nucléaire[19]. La croissance des besoins en gaz va en s’accroissant de 30% au niveau mondial, 20% en Europe et 21% en France. La sécurité des approvisionnements est un enjeu croissant car d’une part, entre 2011 et 2035, la consommation mondiale devrait augmenter de 50% ; et d’autre part, en 2030, les gazoducs de Gazprom pourraient représenter 50% des approvisionnements gaziers européens.[20] L’Union européenne est vulnérable face au secteur gazier[21] :

Figure 2

-> Voir la liste des figures

A l’avenir, ce sont les gaz non conventionnels qui vont dominer le marché et notamment des réserves de méthane associées à des gisements de charbon ou le gaz de schiste[22]. De son côté, la France, en raison d’une absence de connaissance et d’une désinformation a, le 30 juin 2011, adopté une loi, stipulant une « interdiction de recours à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides et gazeux (…) ; autorise des expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public »[23]. Dans ce contexte, les récentes découvertes de gaz de schistes dans de nombreux pays (Ex. : États-Unis, Pologne, Canada, Norvège, Allemagne, Australie, Chine, Inde…) pourraient amener une redéfinition des cartes géopolitiques de l’énergie : rééquilibrage des flux entre les marchés locaux et internationaux, entre transport par méthaniers-butaniers et gazoducs, proximité des gisements des marchés de distribution, sécurisation des approvisionnements, protection de l’environnement, choix des investissements… Le programme « Gas Shales in Europa » (GASH) a mis en relief que l’Union européenne ne détiendrait que 5% des réserves internationales de gaz de schistes, où les richesses du sous-sol appartiennent à l’État, contrairement aux États-Unis où c’est le propriétaire du terrain qui possède également le sous-sol[24].

Dans un horizon proche, ce sont les gaz non conventionnels qui vont dominer le marché et notamment des réserves de méthane associées à des gisements de charbon ou le gaz de schiste[25]. L’exemple du gaz de schiste est intéressant, car il permet à Washington de réorienter son surplus de gaz naturel vers l’Union européenne. L’accroissement de la production de gaz de schiste aux États-Unis est dû à un double phénomène : la maîtrise de la technique de fracturation de la roche et la maîtrise du forage horizontal[26]. De son côté, la Pologne a déjà mis en exploitation 56 licences de gaz de schiste[27]. Ainsi, Varsovie se perçoit comme un nouvel Eldorado énergétique, grâce à ses 5.300 m3 de gaz de schistes. Actuellement, près de 90 licences ont été délivrées[28].

Dès lors, l’Union européenne doit s’imposer comme une véritable puissance crédible, dont la diplomatie allie les intérêts et les enjeux tant du Moyen-Orient que du reste du monde. Le repli sur soi (ou les tentations de protectionnisme) est sans doute la pire des solutions, tant l’énergie de demain devra être plurielle. L’exemple actuel de l’Allemagne est révélateur : le développement des énergies renouvelables (ou le développement des centrales à gaz naturel dans les régions industrielles) ne peut pas se passer du nucléaire pour son financement... A l’UE de trouver sa place sur l’échiquier international et de parvenir à obliger la Communauté internationale à prendre en compte ses impératifs stratégiques, moteur de sa politique étrangère, dans un monde en mutation rapide. De nouvelles alliances se mettent en place, affaiblissant le système international qui a prévalu jusqu’alors (ex. : BRICS, OSC,…), instaurant de nouveaux courants et tendances, porteurs de tendances lourdes (ex. : relations germano-russes…).[29]

Dans ce contexte, les énergies renouvelables (17% au niveau mondial en 2010) apparaissent comme une alternative aux énergies classiques, compte-tenu de ce qu’elles ne peuvent pas se passer du nucléaire pour leur financement. De plus, elles ne délivrent qu’une fluctuation d’énergie par intermittence, et le captage et le stockage n’ont pas trouvé de solutions pragmatiques[30].

Vers une politique européenne de sécurisation des approvisionnements stratégiques ?

La sécurité des approvisionnements critiques et particulièrement énergétique est une priorité majeure pour la France[31] et les pays membres de l’Union européenne qui nécessite une coopération internationale et des partenariats public/privé, au-delà de l’UE à 27. Ainsi, le séminaire de l’OTAN des 5-6 mai 2010, sur « la sécurité énergétique et les infrastructures énergétiques critiques », s’inscrit dans cette logique ; à cette occasion, le secrétaire d’État pour les Affaires stratégiques, Bogdan Aurescu, rappela que :

« la sécurité ne concerne pas uniquement la stabilité et la fiabilité de la fourniture d’énergie, la diversification des itinéraires, des fournisseurs et des ressources énergétiques, et l’interconnexion des réseaux, elle a également trait à la mise en application de mesure de sauvegarde de l’environnement et de protection des infrastructures énergétiques critiques »[32].

Ainsi, la Communauté internationale s’insère dans une nouvelle stratégie de la sécurisation par les pays dépendants de leurs approvisionnements en hydrocarbures, de la guerre en passant par la piraterie, les revendications régionales sur des richesses accaparées par les États centraux ou encore les tentatives de certaines producteurs de devenir acteurs des résultats mitigés. Aujourd’hui, l’économie de la rareté est généralisée[33]. La sécurité des approvisionnements comprend des risques tant à court terme, tels que la rupture des approvisionnements techniques et politiques qu’à long terme, comme l’adéquation entre la demande et l’offre disponible, la diversification des sources, le rapport de négociation avec les fournisseurs. Depuis août 2009, la création de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie s’inscrit dans le but de « remédier aux problèmes de sous investissements du marché européen de l’énergie dans sa capacité de transport transfrontalier et au manque de coordination entre les régulateurs nationaux et les gestionnaires des réseaux de transport. Elle élargit les compétences des régulateurs nationaux en leur conférant un pouvoir de contrôle sur l’indépendance des gestionnaires de réseaux »[34].

La prise de conscience des vulnérabilités stratégiques des approvisionnements critiques se focalise sur des indicateurs forts qui agissent comme autant d’électrochocs sur les États, comme l’indique le schéma ci-après, face aux inquiétudes de différentes natures :

Figure 3

-> Voir la liste des figures

Actuellement, l’insécurité en mer et sur terre permet d’entretenir des liens importants avec des systèmes parallèles, pas toujours contrôlables ni directement identifiables (mafias, réseaux terroristes, blanchiment d’argent, déstabilisation ou contrôle d’États…). La sécurité des approvisionnements est tout aussi importante que la solution du marché qui porte sur l’efficacité énergétique, la diversification des sources d’énergies, la diversification géographique des sources d’approvisionnements. Winston Churchill précisait « Safety and certainty in oil lie in variety alone ». De plus, il existe à cet effet, des moyens et des menaces. Les moyens sont les gazoducs et les menaces sur les approvisionnements, le risque de rupture physique des réseaux de transport (infrastructures terrestres, zones géographiques stratégiques, détroits, canaux). La sécurisation militaire des approvisionnements s’assimile à un monopole militaire américain. L’Union européenne devra là aussi se positionner comme un acteur majeur. Les 27 États s’en donnent-ils les moyens ?

L’union européenne (UE) et la France en son seing agissent comme des acteurs clefs de la géopolitique et de la géostratégie du 21e siècle. Ainsi, les approvisionnements critiques[35] connaissent des évolutions nécessitant une analyse approfondie des vulnérabilités stratégiques[36] au regard des risques[37] et des menaces[38].

Le 2 février 2011, la Commission européenne a instauré une nouvelle « vision stratégique intégrée tendant à surmonter les obstacles sur les marchés des matières premières » dont l’objectif poursuivit repose sur quatre axes[39] :

« l’identification des matières premières critiques ; l’amélioration du cadre réglementaire facilitant l’extraction durable des matières premières au sein de l’Union européenne ; la dynamisation de l’efficacité des ressources et la promotion du recyclage ; le renforcement de la promotion des efforts de recherches et d’innovation durant toute la chaîne de valeur des matières premières, de l’extraction à la substitution, en passant par le traitement, le recyclage et l’utilisation efficace des ressources ».

Toutefois, l’expansion économique sous l’égide des compagnies pétrolières internationales augmente et est souvent le seul moyen pour les États de développer leurs potentialités. En effet, pour les pays nouvellement indépendants, il n’est pas toujours aisé de pouvoir libérer les crédits nécessaires pour les investissements importants, de se remettre de graves crises économiques comme celle qui eut lieu à la suite de la chute de l’URSS ou la crise financière asiatique de 1997, la crise des subprimes en 2007 et d’acquérir les moyens financiers et industriels ainsi que l’expertise technique nécessaire. Les entreprises du secteur énergétique se trouvent confrontées à de nouveaux risques qu’elles doivent gérer, en protégeant leurs actifs tant avec leurs propres moyens qu’avec l’aide de partenaires et/ou concurrents. Les risques économiques et géopolitiques pourraient faire connaître aux marchés pétroliers internationaux de nouvelles perturbations dans les prochaines années[40]. Dans ce contexte, l’autosuffisance énergétique européenne est un objectif difficile à atteindre, même à long terme[41]. Ainsi, les mesures à prendre[42] pourraient être d’améliorer la transparence des statistiques pétrolières en Europe afin de limiter la spéculation et d’augmenter la prévisibilité des marchés à court terme ; de favoriser le développement des investissements afin d’assurer une meilleure sécurité d’approvisionnement et rééquilibrer l’offre de produits raffinés ; de relancer les économies d’énergie ; de renforcer le dialogue entre les pays producteurs et les pays consommateurs pour parvenir à une meilleure stabilité des cours, nécessaire à la croissance économique mondiale ; et d’engager une réflexion pour évaluer les conséquences d’un renforcement de l’Euro comme référence monétaire internationale dans la facturation des achats de pétrole et de gaz.

Cependant, cela n’est envisageable qu’avec, en parallèle, le maintien de mesures nationales destinées à garantir la sécurité des approvisionnements en maîtrisant la demande (politique d’économie d’énergie, d’efficacité énergétique, de fiscalité des produits énergétiques), développant des politiques d’actions sur l’offre (mesure de diversification des sources d’approvisionnement et développement des énergies nouvelles), modernisant le parc énergétique (réseaux transeuropéens). Dès lors, l’UE doit diminuer sa consommation et développer de nouveaux projets avec des pays fournisseurs pour soutenir le renouvellement des champs gaziers et diversifier ses approvisionnements. Dès lors, il est impératif de garantir la sécurité des approvisionnements en diversifiant. l’origine des importations et en participant directement ou indirectement à la mise en valeur de nouveaux champs gaziers avec ses principaux fournisseurs[43]. Ainsi, une politique commune de l’énergie devient de plus en plus indispensable, comme l’indique le schéma ci-après :

Figure 4

-> Voir la liste des figures

En termes de solutions il conviendrait donc « de renforcer les politiques publiques avec un développement de la libéralisation des marchés et de l’accessibilité aux ressources stratégiques ; une hausse de la solidarité des États membres ; une hausse de la diversification énergétique (nouvelles routes d’approvisionnement, modes de transports…) ; une hausse des capacités industrielles européenne afin de réduire la dépendance en identifiant les dépendances technologiques, en priorisant les technologies indispensables, en cartographiant les acteurs de R&D et en sensibilisant les décideurs politiques et économiques ; et une hausse de l’implication industrielle en accroissant la veille sur les structures de marché, l’anticipation des besoins, l’aide à l’investissement en priorisant les infrastructures, développer le recyclage, et en instaurant une nouvelle relation client-fournisseur[44].

Entre rigidités du secteur énergétique et évolution géopolitique, l’intelligence économique et stratégique comme aide à la décision stratégique ?

Les innovations qui ont permis l’exploitation de ces gaz amènent à avoir recours à de nombreuses méthodes d’IES, notamment en matière de gestion de l’information, maîtrise de la chaîne de commandement, compatibilité des systèmes de management des différents opérateurs…[45]. Dès lors, en termes de solutions, il conviendrait d’accroître les interconnexions électriques, de viser des entreprises « champions européens », d’instaurer une réelle politique européenne et, à terme, sans doute, un partage du nucléaire.

L’IES pourra, si utilisée à bon escient, être une véritable arme pour la géoénergie de demain. Les grandes manœuvres dopent les cours en bourse en augmentant le montant des réserves détenues par ces entreprises, mais il s’agit surtout de l’ultime artifice d’une industrie en déclin[46]. En guise de scénarios d’occurrence, il convient d’envisager quelques pistes pour accroître l’efficacité des stratégies énergétiques européennes, telles que l’analyse des situations énergétiques respectives des États membres et l’analyse des stratégies pour les principaux acteurs mondiaux de l’énergie ; l’entente sur trois axes énergétiques pour limiter la dépendance : diversifier l’offre énergétique ; limiter la demande ; sécuriser les approvisionnements sur la base  de critères économique, énergétique, structurel et militaire ; le soutien à l’effort de rénovation et de mise aux normes environnementales ainsi qu’un développement de nouvelles capacités de raffinage ; la concertation État/entreprises afin de rationaliser la défense des intérêts européens dans le monde et/ou de procéder à des échanges d’information à plus grande échelle ; une plus grande fluidité des marchés dans les meilleurs délais ; la stratégie européenne en matière nucléaire ; l’économie d’énergie et un véritable changement des comportements des consommateurs ; le système européen de surveillance maritime et la création d’unité de gardes-côtes européens ; les intérêts économique, politique et militaire communs ; et le dialogue avec les pays producteurs sur le modèle euro-méditerranéen[47].

Au sein de l’UE, le gaz naturel[48] représente 24% du bilan primaire, soit un quart des besoins importés de Russie, d’Algérie, ou encore de Norvège. Le taux de dépendance s’élèvera à 80% en 2030. Le gaz importé est vendu par contrat à long terme (20-25 ans) avec des clauses rigides (clause « Take or pay » obligeant l’importateur à payer le gaz même si les livraisons sont interrompues à sa demande ; Clause d’indexation sur les prix des produits pétroliers et prix du brut)[49].

Le nucléaire est une énergie aux multiples facettes qui pourrait jouer un rôle majeur dans la nouvelle donne internationale en construction. Il représente 38% de la production d’électricité de l’UE. Dès lors, l’IES aura une place prépondérante dans les indépendances énergétiques des pays favorisant des stratégies à faible risque vis-à-vis des fluctuations des prix, de la maîtrise des ressources d’uranium ou encore de la sécurité des approvisionnements. Les vulnérabilités stratégiques du nucléaire reposent essentiellement sur la disparité de niveaux de dépendance des États membres, le risque terroriste et/ou accidentel, le déficit d’image du secteur, les boycotts, et la hausse des concentrations. L’exemple d’Areva Mines est intéressant car l’État français envisage, afin d’accroître ses liquidités, de faire entrer dans son capital, un partenaire étranger (Corée du Sud, fonds souverain du Qatar ou de Chine, groupes étrangers…)[50] ; se dirige-t-on vers une fin programmée de l’indépendance énergétique basée sur le nucléaire ?

Cependant, l’avenir géoéconomique du gaz se situe dans une potentialité de renversement de l’équilibre géopolitique actuel, en raison des récentes découvertes de gaz de schistes. Ainsi, la présidence polonaise de l’UE envisage le gaz de schiste (à côté du charbon) comme la meilleure stratégie à appliquer pour une diminution conséquente des prix tout en favorisant l’indépendance énergétique européenne[51].

L’intelligence économique et stratégique (IES) apparaît donc ici comme un outil indispensable aux innovations induites afin de créer de la valeur et d’expérimenter de nouvelles trajectoires et opportunités d’innovation favorisant l’émergence de nouvelles segmentations de marché.

La chancelière Angela Merkel, à dessein politique, a décidé que l’Allemagne abandonnerait le nucléaire, d’ici à 2022, à la suite d’une nouvelle analyse des risques après l’accident de Fukushima. En attendant le développement et la maturation des énergies renouvelables, Berlin devra importer de l’énergie nucléaire, sans doute de France… et de Russie. Dans le même temps, l’Allemagne devra construire de nouvelles centrales thermiques au gaz et au charbon et ne pourra plus respecter ses engagements avec l’Union européenne, concernant la réduction des gaz à effet de serre. Si l’Allemagne s’est lancée dans un véritable « tournant stratégique » au plan énergétique, ce dernier est la confirmation d’un choix stratégique industriel, lancé en 1990 et « visant à faire de l’Allemagne un champion international des technologies vertes et des énergies renouvelables »[52]. Qui payera pour le basculement énergétique fondé sur les énergies renouvelables ? Par qui et comment sera payé la décroissance induite ? Par qui et comment vont être indemnisé les entreprises nucléaires allemandes ? Qu’adviendra-t-il du partenariat industriel entre Siemens et Rosatom ? L’Allemagne pourra-t-elle éviter un black-out électrique, dès l’hiver 2011 ?

L’IES va bien au-delà d’une simple démarche de lobbying ou de structures en réseau car cette stratégie va opérer une réelle influence sur les acteurs économiques. Les entreprises énergétiques maîtrisent l’ensemble des systèmes. Ces grandes manœuvres dopent les cours en bourse et augmentent le montant des réserves détenues par ces entreprises mais il s’agit surtout de l’ultime artifice d’une industrie en déclin[53]. Le rôle des compagnies pétrolières et gazières s’est accru depuis 1996 à travers le monde[54] :

« les concentrations récentes entre grandes compagnies ont conféré à chacune de nouvelles entités et une plus grande assise financière ; certains pays producteurs (Algérie, Libye…) ont décidé d’ouvrir plus largement leur exploration/production aux compagnies internationales ; la maîtrise technologique de ces compagnies demeure inégalée et reste indispensable au développement de la production de la plupart des grands pays producteurs ».

Les tensions actuelles ne sont pas une source d’inquiétude pour le long terme dans la mesure où les seules ressources déjà identifiées de la planète sont suffisantes pour alimenter le parc actuel pendant plus de 60 ans. D’un autre côté, l’approvisionnement en uranium reste fragile pour le court terme[55] car le marché de l’uranium est tendu même si les prix restent relativement faibles car de nombreux producteurs d’uranium ont gardé leur production hors marché en attendant leur hausse. Dans le même temps, des acheteurs tentent de se procurer des contrats sûrs pour des livraisons d’uranium à un prix et à une date fixes[56]. L’uranium se négocie par des contrats à long terme[57]. Ainsi, la rente de l’uranium[58] s’inscrit dans le cadre plus général des matières premières, où l’hyperinflation sur le marché à terme est en constante évolution[59], notamment en raison de l’émergence industrielle de la Chine, voire de l’Inde, dans cet environnement (cours multipliés par quatre entre 1998 et 2006) ; du déficit d’investissement pendant 15 ans (1955-2010) ; et du cours du pétrole[60]. L’enlèvement le 16 septembre 2010 de 5 employés d’AREVA et de Vinci à Arlitt au Niger par AQMI (Al Quaida au Magreb Islamique) fragilise l’approvisionnement par le premier fournisseur d’uranium à la France

Dès lors, il est nécessaire de prendre en compte les variations des prix de l’énergie qui est soumise certes à des fondamentaux mais fait aussi l’objet de spéculations, notamment de la part des fonds d’investissement. Avec l’économie virtuelle, les acteurs spéculent sur des occasions et anticipent un retournement économique favorable aux compagnies pétrolières. Le marché des hydrocarbures est dominé par la concurrence oligopolistique où l’offre est loin d’être une expression libre. Actuellement, le secteur énergétique semble se diriger vers la formation d’oligopoles européens où la sécurité des approvisionnements sera un enjeu sous haute tension.

Ainsi se dirige-t-on vers la mise en place d’une nouvelle politique énergétique : à l’horizon 2050, la fourniture d’énergie primaire mondiale ne diminuera pas à cause de la décroissance des hydrocarbures et des limitations intrinsèques du charbon. De nouveaux comportements devront alors se développer : une meilleure maîtrise de la manière de consommer de l’énergie ; le recours aux énergies renouvelable ; le nucléaire rendu compétitif par un prix du gaz plus élevé et une prime CO² devenue importante : une percée technologique dans le solaire et des progrès importants sur la fusion nucléaire. Dans les prochaines années, il est certain que les risques économiques et géopolitiques augmenteront inévitablement, compte tenu du contexte actuel[61].

En 2009, les États-Unis ont supplanté la Russie et pourraient, d’ici 2030, devenir exportateur. Dans le même temps, les Majors s’intéressent de plus en plus au gaz de schistes (Total, Exxon Mobil, BP, Eni, Shell…) menaçant à terme l’utilisation du GNL, comme en témoigne le report à 2011 du projet de liquéfaction du gisement de Chtokman (Gazprom, Statoil, Total). De plus, la durée de vie des puits de gaz de schistes (décrue dès trois ans d’exploitation) est inférieure à celle des gaz conventionnels (décrue dès cinq à vingt ans)[62].

Cependant, l’avenir géoéconomique du gaz se situe dans une potentialité de renversement de l’équilibre géopolitique actuel, en raison des récentes découvertes de gaz de schistes. Tout événement (économique, politique, religieux…) a un impact direct sur les marchés des hydrocarbures et sur l’Occident. Dans le même temps, la demande énergétique va conserver, sur le moyen terme, ses tendances lourdes, en dépit de progrès technologiques et scientifiques probants qui impacteront à terme l’avenir. Le Moyen-Orient est au cœur d’une mine géologique et les avancées du nucléaire, des énergies renouvelables, du gaz de schiste (…) ne sont pour un temps du moins, qu’une énergie d’appoint (exception du nucléaire français qui représente 80% de son électricité). Le pétrole de schiste connaît les mêmes problématiques que le gaz de schiste (même technologie : fracturation hydraulique ou forage horizontal ; opposition d’une frange de l’oppinion publique, manque d’infrastructure…). Toutefois, les États-Unis pourraient y voir une alternative complémentaire pour leur indépendance énergique. En effet, s’il ne représente actuellement que 9% de la production d’hydrocarbure, les prévisions pour 2030 l’estiment à 20%. Quelques entreprises se sont déjà positionnées en leader sur ce secteur : Apache, Chesapeake, Continental, Devon Energy, ConocoPhilips. En France, le bassin parisien en recèlerait.

L’Union européenne cherche à mettre en place une politique commune afin de sécuriser ses approvisionnements énergétiques, d’où la « nécessité d’une politique extérieure en matière d’énergie vis-à-vis de l’OPEP comme des fournisseurs de gaz, sous peine de s’exposer à des revirements géopolitiques (…) ». Prenant l’exemple des pays de la Baltique « la prédominance du gaz russe si elle s’accentue, serait parfaitement capable de reconstituer la sphère soviétique d’autrefois »[63]. Il est donc impératif de briser l’oligopole énergétique européen et de rendre compatible une politique industrielle européenne et une ouverture des marchés à la concurrence.

L’amélioration de la sécurité énergétique de l’Union européenne (UE) vise à faire face à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement. A la suite de la crise du gaz, en juin 2010, entre la Russie et la Biélorussie, la Commission européenne a autorisé, le 23 juin 2010, « la Pologne à octroyer 390 milliards d’euros d’aides publiques pour des projets visant à augmenter ses capacités et à mieux faire face aux ruptures d’approvisionnement ou aux pics de consommation »[64]. D’une façon générale, le stockage du gaz naturel est aisé – il peut être effectué sous sa propre tension de vapeur. Il existe trois modes de stockage du gaz de pétrole liquéfié (GPL) : soit sous pression à température ambiante, soit réfrigérée sous pression à 0°c, soit cryogénisé par le gaz incondensable à température ambiante (approximativement une valeur de la température d’ébullition du produit)[65]. Ainsi, l’utilisation du gaz naturel est une variable importante à prendre en compte. En effet, dans tous les secteurs où la production de chaleur est nécessaire (à titre d’exemple : résidentiel, commercial, industriel, agricole[66]), le gaz est utilisé pour faire du méthanol[67].

Le 13 novembre 2008, la « deuxième analyse stratégique de l’énergie » qui est le plan d’action européen prévoit six axes forts[68] :

« réviser périodiquement les besoins en gaz et infléchir la tendance de la consommation croissante ; construire les infrastructures de la solidarité européenne : interconnexions transfrontalières des terminaux de GNL ; nouer des partenariats énergétiques avec la Russie, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient ; développer des partenariats entre les opérateurs de l’amont et de l’aval ; organiser la mise en place et la coordination de stocks européens autour d’un programme pluriannuel allongeant progressivement la durée des stocks nationaux ; organiser une centrale d’achat de gaz en autorisant les entreprises gazières européennes à se regrouper pour négocier avec les pays fournisseurs et développer les infrastructures de sécurité ».

La politique européenne de l’énergie s’est construite sur le développement de la concurrence et ne prend pas suffisamment en compte les questions de sécurité stratégique.

Les États sont ainsi les acteurs aux avant-postes de la guerre économique qui se déroule actuellement et dont les guerres sur le terrain en sont le symbole (Iraq, Libye…). Tous les acteurs de la recherche d’information et de renseignement sont concernés. En effet, maîtriser la connaissance revient à détenir la puissance. Ainsi, les compagnies d’État sont internationalisées, afin de rivaliser avec les Majors occidentales, grâce à deux stratégies : Downstram vers le monde (avec des Joint Ventures, des prises de participation dans des entreprises occidentales. Ex. : Gazprom) et la diversification du portefeuille des réserves (ex. : Iran, Iraq, Nigéria, Libye, Kazakhstan, Turkménistan…)[69].

L’Union européenne est ainsi passée d’une logique offensive à celle de partenaires obligés. Cette nouvelle coopération entre État et industries stratégiques est intéressante et permet de détecter le plus en amont possible, les besoins stratégiques grâce à une nouvelle politique industrielle prenant en compte davantage les vulnérabilités des approvisionnements critiques. Ainsi, les terres rares (métaux rares) sont composées de dix-sept éléments[70] qui se trouvent en grande quantité aux États-Unis[71], en Chine[72], mais aussi en Russie et dans la Communauté des États Indépendants (CEI), en Pologne, en Autriche, en Inde, au Canada et, dans une moindre mesure, au Brésil, en Malaisie, en Afrique du sud, au Burundi, en Tanzanie, au Sri Lanka… La demande mondiale de terres rares est estimée à 134.000 tonnes par an avec une production globale qui avoisine les 124.000 tonnes par an. Les estimations, pour 2012, s’élèvent à 180.000 tonnes par an. Toutefois, il convient de ne pas négliger le fait que les nouveaux projets miniers peuvent prendre dix ans environ avant d’être opérationnels. L’utilisation des terres rares se révèle capitale dans de nombreuses applications, telles que les nouvelles technologies de l’énergie (craquage catalytique des fluides dans le pétrole, batteries rechargeables des véhicules électriques et hybrides, génératrices pour éoliennes…), applications à la sécurité et la défense nationale (moteur d’avions de chasse, de guidage de système de missiles, défense antimissile, satellites, systèmes de communication, système d’armes militaires, systèmes électriques des aéronefs, systèmes de détection de mines sous-marines, télémètres laser ou non…), applications plus courantes (phosphore dans les téléviseur couleur à écran plat, téléphones portables, DVD portables, ordinateurs portables, aimants permanents, dispositifs médicaux…)[73].

La sécurité des approvisionnements stratégiques concerne également les terres rares. Actuellement, ces métaux présentent deux types de risques bien spécifiques : une vulnérabilité aux ruptures d’approvisionnement et une radioactivité issue des éléments contenant du thorium (ex. : monazite, bastnaésite). Il devient ainsi nécessaire d’envisager un financement approprié pour la recherche et l’exploitation des terres rares[74]. En termes de vulnérabilités stratégiques des approvisionnements en terres rares, une domination de la Chine (en situation monopolistique) est à envisager dans la mesure où Pékin détient 1/3 des réserves mondiales et assure 97% de la production mondiale. La récente découverte de terres rares au fond du pacifique (estimation évaluée à 90 milliards de tonnes) n’est cependant pas une alternative, d’autant que se pose la question des droits d’exploitation des gisements situés dans les eaux territoriales qui seraient alors sous administration de l’agence internationale des fonds marins (ONU)[75]. De plus, avec la hausse des coûts, l’exploitation de nouveaux gisements devient rentable (ex. : Australie, Kazakhstan…). Il est donc impératif afin de réduire la dépendance européenne, de réactiver des sources d’approvisionnements alternatives, de développer de nouvelles techniques d’extraction, de mettre en place une filière de recyclage performante (collecte, démontage, prétraitement, raffinage). Plus largement, il apparaît donc indispensable d’identifier les moyens de transformations adaptés et de sécuriser les sources, mettre en place des stratégies de contournement (alternatives technologiques, regroupements industriels, mutualisation, prise de participation…)[76]. Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur la compétitivité des terres rares recyclées (coût de la collecte, des investissements…) rapportée à leur importation de Chine.