Résumés
Résumé
Entre 1770 et 1800 se diffuse en Allemagne un ensemble de réflexions concernant l’art et la subjectivité. C’est la philosophie du romantisme. Elle amorce la transformation révolutionnaire européenne. L’essor intellectuel allemand commence par un dialogue avec les Lumières françaises chez Lessing, Herder et leurs successeurs avant de s’infléchir en une réflexion sur l’originalité des expressions culturelles. Radicalisée par Kant, Schelling ou Goethe, cette pensée de la subjectivité, où l’esthétique voisine avec la morale et la métaphysique, englobe la littérature, la philosophie et la religion. Par ses aspirations comme par ses conséquences, elle a modelé la modernité et a ouvert la voie aux formes d’action communicationnelle de cénacles spécialisés dont nos interactions numériques ont retrouvé le fil. Après ce premier article présentant ce mouvement culturel européen, un second traitera de la philosophie du romantisme allemand et de sa transformation académique avant qu’un troisième esquisse le passage de la dialectique au numérique.
Mots-clés :
- Romantisme,
- Allemagne,
- Révolution,
- Philosophie Bildung : culture « 18e siècle».
Abstract
Between 1770 and 1800, a collection of reflections on art and subjectivity was diffused in Germany. This is the philosophy of romanticism. It begins the revolutionary transformation of Europe. The German intellectual development began with a dialogue with the French Enlightenment by Lessing, Herder and their successors before turning into a reflection on the originality of cultural expressions. Radicalized by Kant, Schelling or Goethe, this thought of subjectivity in which the aesthetics is closely associated with morality and metaphysics encompasses literature, philosophy and religion. By its aspirations as by its consequences, it has shaped modernity and opened the way to the forms of communicative action of specialized cenacles whose digital interactions have rediscovered the thread. After this first article presenting this European cultural movement, a second will deal with the philosophy of German romanticism and its academic transformation before a third sketches the transition from dialectics to digital.
Keywords:
- Romanticism,
- Germany,
- Evolution,
- Bildung Philosophy : culture « 18th century »
Corps de l’article
Pour Junia
Le drame romantique est la Révolution française. Quels que furent les motifs immédiats de son déclenchement, les émotions politiques et esthétiques sont indissociables du temps, comme l’ont montré à l’envi Jean Starobinski, Theodor Zeldin ou Mona Ozouf, avant qu’une toute récente Histoire des émotions ne vienne synthétiser ces pensées (Corbin, Courtine, et Vigarello 2016). L’historienne remarque le contraste entre des attentes utopiques nourries de réflexions sur l’Antiquité et le sentiment de l’imminence de possibles retournements qui impliquent de saisir le moment favorable pour précipiter les transformations espérées.
Il est partout, le thème de l’occasion à ne pas manquer. Ce n’est pas, loin de là, une nouveauté absolue, et il semble même que le cours fiévreux de la Révolution multiplie les circonstances où il semble urgent de saisir et de comprendre un temps fugace qui ne durera guère et ne reviendra plus. Dans le débat sur la réorganisation de la justice, l’Assemblée a entendu Duport […] engager ses collègues à se hâter car […] « les nations n’ont qu’un moment pour devenir libres ». Camille Desmoulins constate « Nous n’étions peut-être pas à Paris dix républicains le 12 juillet 1789[1] ».
Ce nombre n’avait guère augmenté avant la fuite du Roi le 21 juin 1791, commente Mona Ozouf. Les émotions révolutionnaires se nourrissent de parallèles et de confrontations imaginaires où se mêlent les vestiges antiques et les expériences récentes : l’exemple américain peut servir à penser une république. Cette mutation disruptive s’étend en réalité sur les trois dernières décennies du dix-huitième siècle, et il fallut le dix-neuvième siècle entier pour assimiler ou réduire l’ébranlement révolutionnaire dont l‘écho résonne hors d’Europe. Bientôt, l’enjeu consistant à faire coexister les projets républicains avec le machinisme, l’expansion industrielle et le capitalisme, deviendra un autre paradigme de cette question. L’avons-nous résolue ? Ne risquons-nous pas, tout comme le vingtième siècle, de connaître d’inutiles efforts meurtriers pour annuler ce tournant ? Il importe d’en ressaisir la dynamique.
Le cycle du romantisme intellectuel en Allemagne trouve son achèvement dès la première décennie du dix-neuvième siècle tout comme le cycle révolutionnaire français. Sa fécondité philosophique s’épuise : Hegel critique ses expressions quasi-religieuses et donne le signal du retour à l’ordre dans la pensée. Véritable phénomène de société, l’expansion du romantisme en Europe s’effectuera donc sans revenir sur ces limites conceptuelles. Dissociée d’une pensée historique comme de la métaphysique, la subjectivité investit alors le psychisme : l’engouement romantique propagera bientôt une anthropologie plutôt qu’une philosophie. La période romantique accompagne, au dix-neuvième siècle, une transformation complexe des sociétés européennes, dominées par des idées réactionnaires et marquées par un essor industriel qui ne se préoccupe initialement pas de la condition ouvrière. Ce siècle met les principaux créateurs de plus en plus en marge des cercles dominants.
Il y a toutefois une autre approche possible de cette disruption historique. Si nous oublions les changements institutionnels pour nous concentrer sur les mentalités, il est aisé de voir comment deux registres bien aperçus par Mona Ozouf s’opposent : celui de l’école et celui de la maison.
Trouvé à l’école, l’incitation à abstraire et généraliser pour l’humanité entière me paraît toujours un projet plus ample et plus noble que le repli sur la singularité : bien des domaines, dans l’existence politique ou professionnelle, exigent la mise entre parenthèses de nos déterminations d’origine. Ici, l’abstraction est libératrice. Trouvé à la maison, le respect des différences m’a convaincue en revanche que la vie ne se réduit pas à des normes abstraites et que l’indifférenciation la priverait de beauté, de charme et d’intérêt. Ici, l’abstraction est mortelle
(Ozouf 2015, 1332).
Si Mona Ozouf parle de la Bretagne et de l’inique pression exercée sur son patrimoine linguistique, son témoignage rejoint le dix-huitième siècle. Le débat entre les sensibilités romantiques et révolutionnaires commande une représentation contrastée de l’histoire, orientée sur l’universel et sur les « petites patries », entre recherche de l’unité et force des particularismes historiques et culturels. Le romantisme s’efforce de penser l’historicité des peuples et des sociétés en même temps que ce qui fait figure d’absolu : l’individu – la république – la beauté… Drapés de références grecques et romaines, les acteurs de ce temps s’approprient les transformations morales auxquelles ils concourent. La circulation des imprimés en est le vecteur essentiel, qui autorise les traductions ou les mises en scène théâtrales, qui fixe de plus en plus les discussions critiques, qui fait paraître au grand jour les thèses avec lesquelles les lecteurs s’accordent ou dont ils discutent en se tenant à jour des dernières publications. Ces débats deviennent la norme partout où circulent les navires marchands comme au long des bonnes routes.
Milad Doueihi a perçu la part d’exaltation religieuse présente chez les geeks qui rêvent aujourd’hui de casques de réalité virtuelle et de posthumanisme par comparaison avec le jansénisme de Port-Royal, autour d’Arnault et Nicole, de Pascal et Racine (Doueihi 2008). On pourrait objecter, avec Richard Sennett, que les standards du numérique confinent la créativité à des techniques calculatoires où se perd le geste créateur ou, avec Zygmunt Bauman, que notre temps efface toute capacité autonome tant les monopoles structurent aujourd’hui des industries culturelles[2] transformées en d’invraisemblables empires financiers. La dialectique entre les initiatives locales et les conglomérats numériques ne rejoue-t-elle pas la partition révolutionnaire, à une toute autre échelle, et la métaphysique en moins ? Selon cette intuition, nous hériterions aujourd’hui de transformations qui ont pris naissance durant ce moment européen. En l’absence de toute innovation technique, sauf celles liées au perfectionnement de l’imprimerie, à l’effacement progressif de la censure et à l’élargissement relatif de la population urbaine cultivée, les acteurs du temps, emportés par une dynamique sur laquelle chacun tente de peser, assistent au bouleversement des sensibilités individuelles et des règles de gouvernement. Sous l’effet de discussions menées par un petit nombre d’individus, la norme change : le contemporain fugace supplante l’ancien conservé.
Ce grand mouvement esthétique et politique s’étend sur trois générations et transforme de fond en comble les horizons d’attente humains. Il succède à ce que Paul Hazard nommait la crise de la conscience européenne (Hazard 2005) : après un siècle marqué par des guerres et des affrontements religieux, l’Europe du Nord est en paix, cela importe. Une conversation européenne commence, faite de correspondances et de publications théologiques, historiques, philosophiques et scientifiques, de l’accueil des nombreux récits de voyages en des terres encore mal connues, avec leur cortège de cartes géographiques, de planches botaniques et zoologiques et des coutumes étrangères dont le public cultivé s’informe en même temps qu’il lit des romans, s’imprègne de débats politiques, parcourt des ouvrages poétiques, goûte parfois des œuvres théâtrales ou musicales, déployant ainsi une réflexion de mieux en mieux informée sur l’histoire des arts. De nouveaux systèmes – mot capital en ce temps – sont perfectionnés pour rendre raison des phénomènes. De Newton à Kant, en passant par Montesquieu et l’Encyclopédie, une organisation générale des savoirs, qui débouchera bientôt sur les projets de constitution d’universités modernes fondées sur des champs disciplinaires spécialisés, se précise. Cette première opinion publique européenne s’empare avec gourmandise de la moindre nouveauté intellectuelle et s’enthousiasme pour les automates, l’électricité et l’aérostat.
Malgré cela, aucune linéarité simple n’est perceptible, et les événements révolutionnaires mettent en perspective des interventions fort différentes et inconciliables. Par exemple, la pensée politique de Rousseau sur la paix universelle, inspirée de l’Abbé de Saint-Pierre, se nourrit directement de la lecture des Jurisconsultes, mais diverge des opinions dominantes. Ses écrits sur l’éducation enthousiasmeraient-ils le public ? Ils sont loin de provoquer une révolution pédagogique : les réflexions de Condorcet pour une éducation nationale et le futur Lycée napoléonien n’en conservent pas grand-chose.
La critique, terme essentiel, développe une ample matière d’interprétations et de discussions à propos de toute initiative ou création. La critique picturale présente dans les Salons de Diderot relève d’un genre en voie de codification. Elle accélère la circulation et la reprise des nouveautés par contraste avec un fonds culturel partagé d’œuvres souvent reproduites. Il s’agit aussi de critique historique : l’histoire de la grandeur et de la décadence des Romains par Montesquieu succède aux commentaires de Machiavel sur Tite-Live, quelque sulfureuse que soit la réputation de leur auteur. Le déclic en est la « relation critique » à l’histoire et la tentative de compréhension de ses formes à la lumière d’une sensibilité en quête d’autonomie et de liberté. Le débat sur ce qui relève des circonstances ou de l’universel est de rigueur. En 1784, Herder publie ses Idées pour une philosophie de l’histoire de l’humanité dont Kant donne une recension (Kant 1912, 45 sqq). La création a bien pu insuffler des sentiments aux singes, note le pasteur Herder, mais seule la religion donne à l’humanité l’espérance et la foi dans l’immortalité. Alors que la nature ne fait pas de saut, l’écart inconcevable qui nous sépare des primates exige l’intervention d’un doigt divin. Un schème évolutif aveugle implanterait-il dans un organisme corporel les conditions d’accès au questionnement métaphysique ou moral ? Kant rejette cette fusion de l’évolutionnisme avec l’idée d’une vocation humaine. Dire que l’humanité tient son corps pour instrumental relativement à des fins suprasensibles suppose un saut qualitatif originel (Urpsrung) qui dépasse le cadre des théories de l’organisation et de la complexité pour ouvrir un champ purement spéculatif[3]. Poursuivant sa lecture à la parution du second volume, Kant critique sévèrement le ton poétique et allégorique qui confond une approche continuiste avec une autre plus essentialiste. Il est contradictoire, explique-t-il, de prétendre assigner les peuples à ce que leur mode de vie a fait d’eux après avoir glosé sur l’adaptabilité remarquable de l’espèce humaine à tous les climats. Ce serait même suggérer une rupture de l’unité génétique de l’espèce[4]. Puisque Herder fait de la conscience intime du bonheur une marque de l’excellence humaine, Kant conclut sur l’indolence tahitienne comme marque d’une prédestination qui se serait épargné la connaissance du Bien et du Mal, une humanité préadamique en quelque sorte. L’ironie kantienne fustige l’hypothétique destin extra-politique de l’humanité et manifeste l’enracinement historique de la pensée critique et sa défiance vis-à-vis de toute tentation mystique… ou multiculturelle.
La cohérence intellectuelle devient le critère premier, hors de tout dogmatisme. Lessing ou Herder et le mouvement Sturm und Drang ont assimilé Montesquieu et Voltaire, Diderot et l’Encyclopédie. La critique consiste à se tenir à jour des données que réunissent les bibliothèques – celle constituée par Leibniz à Wolfenbüttel est un modèle du genre – et à raisonner à partir d’elles. Sans aucun anachronisme, l’éditorialisation est au cœur de la pensée critique, elle est à l’origine des débats de l’époque du romantisme. Associer la réflexion sur les arts visuels et la littérature à des pensées anthropologiques et historiques engendre au dix-huitième siècle les débats que nous poursuivons selon la logique du meilleur argument, dont hérite Habermas, ou de la falsifiabilité chère à Karl Popper. Si nous traitons d’intermédialité, l'équivalent baroque est la transposition entre genres : l’opéra est le creuset de sentiments neufs à propos de figures mythologiques ou chrétiennes. L’édification du Teatro Olimpico par Palladio à Vicence voit cette dynamique s’ouvrir à une histoire universelle qui sera illustrée par Giambattista Vico et qui deviendra un genre à part entière. Si Kant réprouve l’excès d’enthousiasme pour les idées spéculatives, Herder et la génération 1760-1810 pensent l'histoire à partir de visions métaphoriques qui stimulent l’action. On peut se rêver en Brutus ou en Cincinnatus (comme George Washington) et penser une histoire « pré-figurée » en fonction d’une vocation de l’humanité.
L'histoire, chez les Romantiques, est un effort pour situer le sujet au cœur de la transformation des temps selon un point de vue interculturel et intertemporel. L’avenir est en partie prescrit par nos préférences entre les passés. La confrontation des œuvres entre elles est essentielle, car le principal moyen de s’informer est la lecture. Nous pouvons parler d’une éditorialisation du sujet comme d’un fait majeur d’une modernité qui situe l'ego subjectif au sein d’un ensemble avant tout intertextuel et intersubjectif. La subjectivité moderne et l’intériorité psychique se seraient ainsi déployées à partir des pratiques documentaires et des variations sémantiques qu’elles favorisent. Le sujet contemporain existe à partir des œuvres, il est produit par les réseaux culturels et ne saurait se prévaloir d’aucune naturalité. Tel est le point commun avec nos pratiques numériques où se perd toute intériorité supposée. Mais notre fixation sur l’économie et la technologie nous masque peut-être l’origine esthétique et métaphysique de nos pratiques cognitives.
De Herder à Constant, la nouvelle culture allemande.
L’univers romantique est polymorphe, mais le contexte de sa formulation philosophique originale est clairement attesté. Elle a eu lieu en allemand durant les années qui précèdent juste la Révolution française. C’est aussi en allemand que les premiers jugements critiques internes furent pensés, en particulier par Hegel. Dès 1810, le romantisme aura accompli son parcours métaphysique, ce qui n’empêchera aucunement sa diffusion européenne au dix-neuvième siècle. Mesurer l’ambition de ce mouvement, c’est parcourir certains des jalons sans lesquels le paysage intellectuel du romantisme reste inintelligible. Un pasteur de vingt-quatre ans publie à Riga ses opinions esthétiques : les Kritische Wälder (1769) indiquent dès leur titre (Les Sylves critiques) cette mutation. Herder dédie son ouvrage au Laocoon de Lessing, paru trois ans plus tôt, qui discutait lui-même l’Histoire de l’art antique de Winckelmann (1764). La figure du critique et la critique ne quitteront plus le devant de la scène, jusqu’à s’accomplir pleinement avec la philosophie de Kant. L’idéalisme transcendantal relance magistralement le débat dans les années 1780, jusqu’à ce que Hegel vienne en quelque sorte le clore. Au même moment, l’herméneutique et les sciences historiques délaissent progressivement le champ spéculatif pour s’attacher à l’établissement de preuves. À l’enthousiasme intellectuel succède l’organisation universitaire pensée par Humboldt, devenu la référence : le modèle d’une université de recherche, implanté aux États-Unis dans les années 1930 et 1940 par les chercheurs européens émigrés, devient le cœur des avancées conceptuelles du vingtième siècle. La combinaison unique entre l’esthétique, la réflexion historico-politique et l’inquiétude métaphysique bouleverse les modes de pensée et ouvre intellectuellement l’époque moderne autrement que les Lumières françaises, avec lesquelles ce mouvement entretient des rapports à la fois profonds et ambigus. La rencontre entre l’éducation de la sensibilité et les perspectives de transformer les règles sociales est toutefois un point central pour tous les acteurs de ces débats : La Nouvelle Héloïse, immense succès européen dès sa parution en 1761, entre parfaitement dans ce cadre.
Révisant vingt ans plus tard sa « Préface » de 1809 à son Wallstein d’après Schiller, Benjamin Constant indique que la pensée allemande contemporaine de la Révolution, si elle n’était pas en vogue dans le Paris impérial, allait cependant au devant des attentes frustrées d’une génération qui avait exposé au monde la discordance entre les formes galantes et la corruption des mœurs aristocrates.
Les Allemands tiennent le sentiment pour la base de la morale, tandis que pour nous cette base est la raison. Un sentiment sincère, complet, sans bornes, leur paraît non seulement excuser ce qu’il inspire, mais l’ennoblir, et, si j’ose employer cette expression, la sanctifier. Cette manière de voir se fait remarquer dans leurs institutions et dans leurs mœurs, comme dans leurs productions littéraires. […] J’avais donc rapproché Thécla des proportions françaises, en m’efforçant de lui conserver quelque chose du coloris allemand. J’avais tâché de transporter son caractère, sa douceur, sa sensibilité, son amour, sa mélancolie ; mais tout le reste m’avait paru trop directement opposé à nos habitudes, trop empreint de ce que les littérateurs français qui possèdent la langue allemande, appellent le mysticisme allemand. Par cette altération, sans ôter à Thécla la teinte étrangère, trop vague et trop rêveuse pour plaire à nos classiques français, je ne lui avais pas donné la couleur régulière requise pour nos héroïnes turques, grecques ou romaines, mais toujours convenablement nationalisées. Le résultat m’a prouvé que j’avais eu tort. Plus prévoyant, ou plus hardi, j’aurais évité la plupart des fautes que je viens d’indiquer dans mon propre ouvrage. J’aurais dû pressentir qu’une révolution politique entraînerait une révolution littéraire, et qu’une nation qui n’avait renoncé que provisoirement à la liberté que pour se lancer dans tous les hasards de la conquête ne se contenterait plus des émotions faibles et incomplètes qui pouvaient suffire à des spectateurs énervés par les jouissances d’une vie paisible et d’une civilisation raffinée[5].
Thématisant remarquablement la difficulté des transferts culturels, ce texte atteste la profondeur du mouvement qui fit des Lumières la prémisse d’une complète transformation de la pensée européenne plongeant au cœur des manières de sentir[6]. Parlant de la France, Constant renvoie à la Révolution pour situer le moment qui la légitime. Refuserait-il pourtant de faire remonter cette rupture au Rousseau des Rêveries du Promeneur solitaire ? Constant mentionne un milieu conducteur, les littérateurs bilingues, sachant que les Allemands étaient bien plus nombreux à connaître le français que l’inverse. Cette communauté admettra qu’il est délicat de faire passer le mysticisme allemand sur une scène française. Mais ce consensus ne suffit pas : il fallait comprendre que les temps nouveaux balayent ces contrastes devenus proverbiaux. Au lendemain de la Révolution, il est temps de renvoyer les clichés culturels à leur futilité. Pour porter sur d’autres objets que ceux du cercle des frères Schlegel ou des frères Humboldt, la dimension émotionnelle de l’agitation des clubs révolutionnaires n’est pas moins expressive que celle des cénacles allemands. L’enthousiasme de 1789 reste celui des Libéraux : il fallait alors, et aujourd’hui encore, clamer la liberté. Censuré en 1809, le courant essentiel de l’esprit européen innerve la littérature allemande comme il marquait l’élan révolutionnaire parisien. Constant s’en réclame en adaptant Wallstein à contretemps. Le passage d’un corpus littéraire d’une langue à l’autre exhibe un écart sur lequel s’étendent toutes les théories de la traduction. Constant pointe qu’il n’était pas de forme heureuse pour ce transfert en 1809. Il avait jugé impossible de le mettre en français : « dans une jeune fille cette exaltation, cette indépendance, d’autant plus étrangère à nos idées qu’il ne s’y mêle aucun égarement, aucun délire […] enfin dans une absence si complète de soumission (Millet 1994, pp. 155-156) ». Mais,
ce qui m’a trompé, c’est l’espèce d’immobilité dont le régime impérial avait frappé toutes les âmes, et qu’il avait gravé sur tous les visages. La littérature partageait cette immobilité. Bonaparte aimait la discipline partout, dans l’administration, dans l’armée, dans les écrivains, et la soumission de ces derniers n’était ni la moins prompte, ni la moins empressée
(Millet 1994, pp. 155-156).
Pour le compagnon de Germaine de Staël[7], nulle vraie liberté ne peut exister là où les écrivains sont soumis. La question du transfert culturel intègre pleinement les conditions de la réception de ce qui circule. La soumission des écrivains sous l’Empire censurait par avance le personnage de Thecla. L’indépendance de la jeune fille eut fait voir la servilité des écrivains et la chape de plomb dont la scène intellectuelle française était provisoirement recouverte. Après avoir vibré aux accents révolutionnaires, l’Europe entière se demandait comment reprendre le flambeau de la liberté des mains françaises qui le laissaient échapper – de là les Discours à la nation allemande de Fichte en 1808. Constant s’autorise rétrospectivement d’avoir été un pionnier de la pénétration des nouvelles idées allemandes en France. Si les circonstances empêchaient son explicitation, le nouveau subjectivisme esthétique était finalement indissociable d’un libéralisme idéologique, alors rejeté à Paris, mais que pratiquèrent tous les plus francophiles des intellectuels européens. S’il avait eu raison trop tôt, la révision de sa « Préface » indiquait que le combat libéral restait d’actualité à la veille des ordonnances sur la presse qui précipitèrent la chute de Charles X en 1830. Ce testament littéraire indique la foi de son auteur en une transformation réciproque des mœurs et des idées par la confrontation active des formes les plus significatives de chaque culture. C’était justifier le Kulturkampf des élites allemandes et prôner la confrontation permanente des sensibilités, ouvrant une voie pour « achever la révolution » selon le motif d’Edgar Quinet[8]. Mais Quinet, auteur en 1832 d’un De l’Allemagneet de la révolution, s’insurge contre les illusions libérales qui feront, demain, le jeu des forces réactionnaires. Son pamphlet (Quinet 1832) expose la rupture de l’Allemagne avec la génération romantique. Si le « pays qui avait fondé une réforme philosophique qui devait plus tard nous envahir et saper nos traditions (Quinet 1832) » surprenait, mais restait pétri de rêveries littéraires renfermées sur elles-mêmes[9], Quinet expose simplement que tout est changé en son temps : « Je connais une foule d’hommes à qui le souvenir de telle théorie métaphysique inspire la même épouvante que chez nous le fantôme de 93. […] Le parti démagogique a fait sa paix avec le pouvoir à condition de reprendre les provinces d’Alsace et de Lorraine (Quinet 1832, pp.10-11) ».
Voyant naître un nationalisme coupé de l’esprit démocratique, Quinet anticipe l’unité allemande comme une victoire de la Prusse sur la France et les entités germaniques ouvertes à son influence. Pour résister à ce projet, il adjure la France de reprendre la marche démocratique qui lui confère son seul avantage sur les autres nations. Quinet diverge d’avec Constant qui pense que les libertés publiques viendront de l’évolution des sensibilités et non des barricades, qui accouchent de pouvoirs autoritaires. À l’opposé, Quinet anticipe exactement le mouvement qui vit le Second Empire abdiquer ses pouvoirs face à la Prusse au terme d’une combinaison entre le libéralisme et le pouvoir personnel.
Sans se référer explicitement à Herder, Constant synthétise cependant les idées présentes dans Une autre Philosophie de l’Histoire (1774). Si chaque peuple tient pour barbare ses voisins, c’est sur la base de la différence linguistique, écrit-il dans son Essai sur les langues. Herder s’est tôt initié au comparatisme et exige du critique un regard d’empathie avec son objet. Si elle a été assez isolée des autres peuples pour développer une langue qui lui soit propre, une nation forme une unité originale. La créativité de sa langue porte un peuple à développer son originalité. Rien là de bouleversant en apparence. Mais cette idée, accompagnée de la promotion du luthéranisme de l’Europe du Nord, porte en elle une revendication politique d’émancipation de la culture allemande Herder envisage pour toute langue le mouvement que Dante avait insufflé à l’italien[10]. En ce milieu du dix-huitième siècle, les langues slaves se dotent de dictionnaires et d’instruments linguistiques pour donner au fait national la dignité lexicale et grammaticale qui fait défaut aux cultures populaires orales. Parallèlement commençait la collecte et la rédaction d’épopées où l’expression de traditions locales anciennes est réputée plus authentique. Cela vaut pour la musique et les danses, c’est aussi porteur de créations multiples en littérature.
Faire place au génie de chaque langue représente pour les peuples une révolution comparable à celle, philosophique, qu’accomplit le kantisme en faisant du sujet le siège de la connaissance. La conscience européenne est ainsi marquée par un tournant réflexif qui porte simultanément sur les bases linguistiques et culturelles communes à chaque peuple et sur le statut de la subjectivité vis-à-vis de toute autorité, même rationnelle. Ainsi se définit le criticisme à l’aube du romantisme. Opposer le « monde » des objets de connaissance à celui de la conscience singulière, susceptible d’une introspection permanente, élevait la subjectivité au rang occupé jusqu’alors par l’objectivité du monde connaissable dont la raison humaine s’efforçait de pénétrer les arcanes selon le modèle galiléen. « La philosophie est écrite dans ce livre gigantesque qui est continuellement ouvert à nos yeux (je parle de l'Univers), mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas à comprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langage mathématique, et les caractères sont des triangles, des cercles, et d'autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible d'y comprendre un mot. Dépourvu de ces moyens, on erre vainement dans un labyrinthe obscur », écrivait le célèbre florentin promoteur de la rationalité scientifique (Galilei et Chauviré 1980).
Nous comprenons mieux, dans ce contexte, le crédo libéral de Constant. L’enjeu du transfert culturel est de changer la vie ! Quoi de plus important que de favoriser la porosité des idées et des représentations entre les diverses cultures ? Tel fut l’enjeu de la pensée romantique allemande dès avant 1789. Initialement inspirée de modèles humanistes, la Révolution allait lui permettre une éblouissante apothéose intellectuelle. Mais comment passer de la métaphysique à une réforme politique libérale ? En bon connaisseur de cette histoire, Jean Grondin, le dit nettement :
Même s’il a exalté la performance de l’entendement pur dans la constitution de la nature, c’est finalement une humiliation de la raison théorique que Kant avait consignée dans la Critique de la raison pure de 1781. Selon les prémisses du rationalisme, l’esprit humain, en dépit de sa finitude, demeure capable de percer l’ordre logique et rationnel du monde. Il n’est pour cela que de suivre le principe de raison, dont le siège se trouve en notre esprit. C’est à partir de lui que notre entendement peut déduire a priori toutes les « vérités de raison », selon l’expression de Leibniz. Notant que le principe de raison, ou de causalité, ne procède en fin de compte de notre entendement – ce fut la leçon qu’il tira de Hume –, Kant en vient à la conclusion que l’ordre rationnel que nous croyons retrouver dans la nature ne vaut que pour le monde des phénomènes, c’est-à-dire des choses telles qu’elles nous apparaissent après avoir été travaillées par nos schèmes de pensée. Le monde des choses en soi se trouve dorénavant relégué à l’ordre de l’inconnaissable. Cette distinction, banale tant elle a été ressassée, entre phénomènes et choses en soi n’en représente pas moins l’une des racines secrètes du romantisme et de l’essor dont a profité l’herméneutique depuis
(Grondin 1993, 81).
La prédominance progressive de la subjectivité s’établit donc dans les expressions culturelles européennes du dix-huitième siècle. Songeons aux deux frères Fragonard. L’un réalise des cires anatomiques et allie une précision inégalée dans la représentation tridimensionnelle du corps humain à une expressivité paradoxalement suggestive de la vie des corps ainsi présentés. De fait, autant la cire est un matériau d’une grande fragilité, autant elle permet de présenter tous les signes visibles d’une expression singulière du visage ou d’une quelconque partie du corps. L’autre, peintre portraitiste, associe aux visages une expressivité nouvelle qui tend à traduire une vérité « intérieure » du sujet qui ne se laisse pas pleinement fixer. Pour ce faire, il s’ingénie à conserver une expression ouverte sur des pensées encore inaccomplies à ses modèles : à rebours de la précision anatomique c’est au flou que revient la charge de figurer l’infigurable de la pensée. C’est la gloire de Chardin que d’avoir semblablement conféré une quasi-expressivité aux objets inanimés qu’il dépeint – un ustensile de cuivre, une volaille préparée pour la cuisson. Ses peintures intègrent savamment les émotions potentielles des spectateurs et les provoquent. Disons donc que la révolution philosophique de la fin du siècle s’inscrit dans un grand mouvement des créateurs européens vers la libre expression de pensées intimes portées à la connaissance du public dans les Salons et par les imprimés, traduites, débattues et devenues autant de motifs d’enthousiasmes. Le siècle des révolutions commence par une mutationdes sensibilités au contact des œuvres. Le style baroque a longtemps cultivé l’illusion d’optique (en architecture, par exemple) pour inviter au dépassement de la forme par un spectateur situé au point défini par le concepteur du dessin, et on pourrait dire que, ce faisant, il demeurait dans le cadre du principe de raison. Mais lorsque le jeu des proportions se trouve brisé au profit de contrastes entre éléments irréconciliables, il en résulte une perte des repères convenus qui restitue au visiteur une forme d’autonomie. De là la promotion du paysage au titre d’élément culturel majeur à la fin du dix-huitième siècle et la transformation du regard sur la nature, apprêtée ou sauvage. Tout paysage demeure en effet métonymique, il ne s’épuise nullement à sa seule apparence, mais indique ou évoque ses opposés comme ses analogues. Le paysage s’inscrit dans le cadre d’une sensibilité plus largement transformée à cette période. Tant que règne l’idée d’une vérité religieuse unique dont les autorités garantissent le monopole, tant même que l’autorité du monarque prime toute autre, fût-elle bien informée, tant enfin que le débat public n’est pas formellement devenu cette nouvelle agora dont rêvaient les penseurs, toute œuvre demeure enclose dans un monde de finitude. Tout change si le public devient le seul juge, si le goût devient sujet à de libres débats, si les polémiques forment l’opinion. S’ouvre alors une époque de profusion, un temps où la multiplicité des idées et des ouvrages passe tout ce qui peut être connu de chacun. Chaque création ouvre sur l’infini du pensable ! L’exemplarité d’une œuvre cesse de produire une règle à imiter, comme chez les classiques : devenue singulière, se signalant par son caractère inimitable, elle est dotée d’une individualité. C’est la personnalité qui intéresse dans une création, fût-elle difforme ou exagérée selon les codes en vigueur. De ce temps datent des formes jusqu’alors inconcevables. Deux des romans les plus exemplaires de cette période, symptomatiquement demeurés inédits du vivant de leur auteur, traduisent l’inépuisabilité du monde et les péripéties de l’existence humaine par la création d’une trame intentionnellement ouverte dans laquelle s’engouffre l’imprévu et l’inimaginable : de Diderot, Jacques le Fataliste (édité en 1796), et de Potocki, le Manuscrit trouvé à Saragosse (rédigé en 1804 et 1810 (« Читать онлайн “Manuscrit Trouvé à Saragosse” автора Потоцкий Ян - RuLit - Страница 4 » 2017)). L’ouverture intellectuelle à ce qui n’est pas concerté, voire au déconcertant, marque cette période. C’est le cas d’un écrit ironique à succès qui dit bien la vitesse des changements culturels de la période. Le Voyage autour de ma chambre, rédigé par Xavier de Maistre durant le mois de captivité auquel il fut condamné à la suite d’un duel, présente le poncif nouveau qu’est le spectacle de la nature. Xavier de Maistre le confirme à sa manière : l’esthétique romantique résulte d’une évolution culturelle dont on peut déjà rire avant 1800.
Le spectacle de la nature et sa contemplation dans l'ensemble et les détails ouvrent devant la raison une immense carrière de jouissances. Bientôt l'imagination, planant sur cet océan de plaisirs, en augmente le nombre et l'intensité; les sensations diverses s'unissent et se combinent pour en former de nouvelles; les rêves de la gloire se mêlent aux palpitations de l'amour; la bienfaisance marche à côté de l'amour-propre qui lui tend la main; la mélancolie vient de temps en temps jeter sur nous son crêpe solennel, et changer nos larmes en plaisirs. – Enfin, les perceptions de l'esprit, les sensations du cœur, les souvenirs même des sens sont, pour l'homme, des sources inépuisables de plaisirs et de bonheur. – Qu'on ne s'étonne donc point que le bruit que faisait Joannetti, en frappant de la cafetière sur le chenet, et l'aspect imprévu d'une tasse de crème aient fait sur moi une impression si vive et si agréable
(Maistre 1796).
Il revenait certes à Constant de faire état de la révolution philosophique et esthétique allemande. Edgar Quinet, Jules Michelet ou Victor Cousin lui emboitèrent le pas : on vit se constituer une synthèse franco-allemande en philosophie. Ralentie par les conflits politiques, idéologiques et militaires entre 1870 et 1945, mais portée par d’intenses transferts culturels, elle forme aujourd’hui l’un des courants dominant la pensée mondiale, parallèlement aux théories du langage et aux modalités de l’interaction interpersonnelle des penseurs anglo-saxons.
Lessing et l’humanisme européen à l’âge baroque
Le tournant entrepris par le mouvement Sturm und Drang est symptomatique d’une promotion de l’individualisme qui recouvrit en quelques décennies toutes les traditions rationalistes ou communautaires qui fournissaient jusqu’alors le cadre dominant de la pensée européenne. Les références allemandes de ce mouvement qui promeut la sensibilité et l’émotion, signes tangibles de la moralité, ouvrent la voie à nombre des pensées actuelles. Ces attestations sincères du rapport entre une subjectivité et le monde qui l’entoure résonnent encore chez Jacques Derrida. Évoquant dans Psyché (Jacques. Derrida 1998, 57) la question de l’originalité chez Schelling, qui marque combien l’imagination libre est un supplément central de la pensée (Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling 1978), Derrida indique le point névralgique du débat. Si le réel est le produit de l’invention divine, c’est participer à la création que d’exercer un pouvoir d’invention pour « développer ce qui manque à la totalité de la révélation de Dieu[11]». L’originalité créative humaine vient remplir le plan de la création qui inclut le fait de laisser s’exprimer la liberté humaine. Exercer librement des facultés d’invention, c’est participer à la création, selon des thèses élaborées chez Malebranche. En ce sens, le génie incarne un plan divin. Derrida pointe immédiatement le fait que l’invention proprement originale, vraiment inventive, excède tout développement virtuel du plan divin. Seule l’invention de l’impossible ou de l’incalculable est une véritable invention. Faire ainsi événement serait une totale émancipation – et nous ne pouvons pas la « produire » : c’est elle qui « nous invente ».
On ne fait pas venir l’autre, on le laisse venir en se préparant à sa venue […] Nous ne pouvons pas davantage dire que nous cherchons : ce qui se promet ici, ce n’est pas ce n’est plus ou pas encore le « nous » identifiable d’une communauté de sujets humains, avec les traits de tout ce que nous connaissons sous les noms de société, de contrat, d’institution, etc. […] un nous qui ne s’invente pas lui-même : il ne peut être inventé que par l’autre, depuis la venue de l’autre qui lui dit « viens » et auquel la réponse d’un autre « viens » paraît la seule invention désirable et digne d’intérêt. L’autre, c’est bien ce qui ne s’invente pas, et c’est donc la seule invention au monde, la nôtre, mais celle qui nous invente
(Derrida 1998, 60).
Derrida pointe ce qui se joue chez les penseurs « romantiques » allemands. Soucieux de développer une pensée de l’originalité créative conforme à certaines métaphysiques religieuses, ces poètes et philosophes oscillent entre la vénération de la nature dans ce qu’elle a de spontané ou d’émergent et la promotion de l’intellect humain comme acteur de la révélation divine à travers ses imaginations créatrices (Bergson). Le contrepoint de cette pensée est le nouveau statut de la subjectivité selon Kant, qui asservit nos capacités de connaître aux limites de notre entendement subjectif :
Si tout accès au monde et dans notre cas au texte, s’accomplit par le biais d’une perception ou d’une interprétation subjectives, la réflexion philosophique qui se voudra fondamentale devra partir du sujet connaissant lui-même. [Au principe des pensées modernes de la subjectivité, il y a donc une] rupture avec l’idée d’un accès non-problématique et strictement rationnel au monde objectif des choses en soi. Réduit à se propres ressources, à sa propre créativité, le sujet humain se découvre de plus en plus sans monde, sans point d’orientation fixe dans quelque monde objectif. C’est dans cette situation d’incertitude chronique de la subjectivité que la sérénité du monde grec s’est mise à exercer une fascination presque magique sur toute une génération d’Allemands, mouvement qui commença avec Goethe, Schiller et Winckelmann, avant de se radicaliser dans le romantisme. […] L’herméneutique idéaliste s’est donné pour tâche de ressusciter l’esprit du monde grec où une modernité en mal de certitude a espéré se ressourcer
(Grondin 1993, 81).
Puisque les réflexions de Schlegel sont restées inédites de son vivant, c’est son ami Schleiermacher qui montra comment mesurer l’originalité géniale d’une pensée au fait qu’on reste face à elle dans une forme d’incompréhension : « la mécompréhension ne veut jamais se dissiper complètement », écrira-t-il en 1829 (Schleiermacher, s. d., cité in Jean. Grondin (1993), p.92) . On mesure le chemin parcouru depuis le temps où Leibniz, le principal penseur allemand de l’époque classique, imaginait que le calcul infinitésimal permettrait de combler de manière systématique les lacunes de notre connaissance du plan divin et d’agir de manière conforme à lui. Le subjectivisme cognitif kantien met un terme à cette illusion et pose un principe d’incomplétude qui ouvre la voie aux métaphysiques existentielles dont l’idéalisme allemand de la fin du dix-huitième siècle est le moment originel. Kant fonde les deux orientations principales du « postkantisme » – une philosophie du sujet et une philosophie de l’histoire.
La vertu est dans les larmes, et non point dans le froid calcul des attitudes bienséantes. Si le critère formel de moralité est pour Kant l’universalisation possible de la maxime d’une action, son analogue sensible est le respect, sentiment moral par excellence. Ma crainte d’une transgression sacrilège relève de l’émotion subjective et atteste ma vocation. Les dates importent ici : Lessing est parfaitement représentatif des Lumières allemandes (Aufklärung) dotées d’une parfaite connaissance de la vie intellectuelle parisienne. Traducteur de Diderot[12], il a déployé une exceptionnelle énergie, infatigable écrivain et homme de théâtre, il multiplie recensions et articles critiques : on verra en lui un précurseur de nos blogues en lisant ses cent chroniques rédigées durant la saison 1767-68 de la scène théâtrale de Hambourg, juste après avoir publié l’imposant texte concernant le groupe sculpté antique Laocoon. Ce texte traverse la culture classique tout entière pour étudier un problème de sémiologie artistique, dirait-on aujourd’hui. Comment en effet comparer les moyens de la sculpture et de la poésie pour rendre une même scène mythologique ? La grande sculpture antique manifeste une exceptionnelle expressivité pour rendre l’effroi et les vains efforts de Laocoon et de ses fils pour échapper à l’étreinte du gigantesque serpent. Là où les poètes nous font entendre les cris et lamentations de Laocoon, le mutisme de la sculpture et la nécessité de fixer dans le marbre un unique instant de ce combat désespéré poussent l’artiste à montrer le personnage principal serrant les dents au moment d’une suprême tension musculaire. Lessing fait preuve d’une étonnante érudition classique et indique au passage nombre de questions dont l’histoire des arts développera les éléments depuis lors[13]. Si ce texte est entièrement consacré à l’expressivité – y compris pour aborder la question de l’expressivité de la laideur et autres questions de cet ordre, il témoigne d’un contexte encyclopédique qui, à première vue, thématise peu la dimension subjective de la création artistique : tant les passions que les mythes font partie d’une culture classique disposant de règles et d’un corpus définis. À ce sujet, Wilfried Barner écrit :
De même que Lessing refusait que sa Dramaturgie de Hambourg fût désignée comme un « système dramatique », de même, dans l’avant-propos du Laocoon le renvoi ironique aux « ouvrages systématiques » des Allemands est suffisamment clair : une étude attentive de la structure argumentative de ce texte révèle qu’il ne fait que tirer parti de formes de pensée et de procédés systématiques. Il les utilise comme base pour ses positions critiques dont l’évidence doit perpétuellement être reconquise par une démarche inductive, même après le chapitre XV, et encore dans les analyses consacrées au Gladiateur Borghese. Herder a mis ce trait en évidence, dans son premier Bosquet critique, avec une très grande perspicacité, montrant que ce mode de pensée et d’écriture est un processus et reprenant lui-même un théorème du Laocoon (formulé à propos du bouclier d’Achille) : « La manière de Lessing est un style de poète, c’est-à-dire d’un écrivain, dont on ne dira pas qu’il a produit, mais qu’il est en train de produire, ni qu’il a réfléchi, mais qu’il est en train de réfléchir, nous voyons son œuvre en devenir. » Se mouvant en les pôles de la déduction et de l’induction, la forme interne du Laocoon se déploie en veillant ex necessitate à ne pas perdre de vue les exemples concrets. Herder a souligné une autre caractéristique que les analyses du Laocoon, quand elles ne s’intéressent qu’à son contenu théorique, mettent volontiers entre parenthèses comme un élément périmé : « Parler contre le mauvais goût poétique, [...] tel était son but. »
(Barner 2003)
Comment questionner l’expressivité des œuvres les plus remarquables sans faire porter l’accent sur l’engagement du spectateur ou du lecteur dans la cocréation de celles-ci, prises ici comme manifestations d’une haute culture autant qu’expression d’un génie individuel ou d’une communication interpersonnelle qui se réaliserait à travers elles ? Le sens de ce texte repose donc sur le projet d’une sorte de cocréation appropriante de l’œuvre et du spectateur au contact de l’un de l’autre. Lessing formule donc en premier ce qui allait devenir le sens même de l’accueil des œuvres artistiques. Bientôt, l’éducation esthétique selon Schiller liera la liberté subjective à la fréquentation des œuvres.
Dramaturge et critique, Lessing témoigne de ce qu’est l’Europe cultivée : multilingue, avertie des publications les plus diverses, ouverte sur les nouveautés qui intéressent, préoccupée de comprendre comment le créateur connaît assez les règles pour s’en affranchir, mû par une impulsion non contrôlée, signe du génie (« Aufbau Verlag » 1982) . Commentateur des idées françaises, il est cependant très sensible à la nécessité de faire de l’allemand une langue aussi légitime que le français. Il note avec Wieland que le caractère autoritaire du gouvernement pénalise l’expression des meilleurs auteurs français – c’est par avance le thème de Constant... On remarque son insistance sur la question des langues : dans sa pièce Minna v. Barnheim (« Aufbau Verlag » 1982, 186‑87), Lessing ridiculise les huguenots qui continuent de ne pas parler allemand et s’insurge contre la pratique des langues anciennes dans la pratique religieuse, destinée principalement à interdire toute critique aux profanes (« Aufbau Verlag » 1982, 190) . Si le latin reste la seule langue du salut, rétorque l’ironiste Lessing, est-il impossible de chercher la vérité à qui n’en possède pas les arcanes (« Aufbau Verlag » 1982, 6) ? Lessing participe à la déconstruction de l’édifice rationaliste et de ses impensés en matière religieuse et morale en forgeant dans un style alerte nombre d’arguments pour la libre pensée. D’esprit franc-maçon, il est particulièrement sensible à la coexistence des cultures et se soucie de recueillir ce que chacune des traditions du Livre peut apporter au concert de l’humanité. Son universalisme demeure dans l’orbe de l’encyclopédisme : il publie en 1778 un ensemble d’esprit voltairien concernant la religion, puis en 1779 son grand poème dramatique Nathan le Sage, ouvert au pluralisme religieux dans un esprit de tolérance et de synthèse spiritualiste et maçonnique. Le tournant romantique est donc préparé, avant 1780, par cette pointe avancée de la pensée, marquée par le comparatisme, et par le début d’une herméneutique générale[14]. Ce cadre se voit bouleversé en 1781 lorsque Kant publie sa Critique de la raison pure. Cette nouvelle philosophie explore la réflexivité du sujet et les manières dont notre esprit accueille les manifestations sensibles et les met en forme de telle manière que leur connaissance devient possible. L’Encyclopédisme se voit alors subordonné au choc d’une possible connaissance du Sujet, une réflexivité énonçant les conditions de possibilité du savoir, que Kant nomme philosophie transcendantale. L’ancien régime des idées est soudain voué à s’étioler, car le criticisme substitue l’énoncé des conditions d’exercice de la liberté aux traditionnelles raisons de la tolérance. L’Europe pourra bientôt proclamer les Droits de l’Homme après avoir longtemps imploré la Providence.
Parties annexes
Notes
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[1]
Ozouf (2015), p.789. Ce thème n’est en effet pas neuf, même chez Lessing quarante ans plus tôt : Wilfried Barner écrit « l’idée de ‘‘l’instant fécond’’ (fruchtbar) ou ‘‘décisif’’ (prägnant), une idée qui, comme on l’a vu depuis longtemps, ne date pas de Lessing, mais remonte au moins à Shaftesbury ; il est vrai qu’Ernst Gombrich déclarait sarcastiquement à propos de ce ‘‘ Lessingianum ’’ qu’il n’était plus valable que pour les photographes de presse » Cf : Barner (2003), p. 140.
-
[2]
Voir par exemple à propos de L’industrialisation des biens symboliques : les industries créatives en regard des industries culturelles (Buxton 2014) de Philippe Bouquillion, Bernard Miège et Pierre Moeglin, dont un compte rendu de ce travail sous la plume de David Vandiedonck : Vandiedonck (2013). Pierre Moeglin est aussi l’auteur de Une théorie pour penser les industries culturelles et informationnelles ? (Mœglin 2012).
-
[3]
Pour une pensée rationnelle, les conditions doivent rendre possible le conditionné. Il nous faut alors penser qu’un tel saut résulte de facteurs endogènes – piste qu’explorent les pensées de l’intelligence artificielle inspirées par Turing, mais aussi la neurologie et les théories de l’organisation, faute de quoi un facteur exogène serait requis pour implémenter des facultés exceptionnelles dans un corps non-préparé à cela : cette voie fut indiquée par Leroi-Gourhan, qui fit de la station debout une disruption générative pour l’espèce humaine : en raison de la « déprogrammation » de nos membres supérieurs, le couplage main-cerveau aurait précipité une improbable évolution neurologique. Herder insinue que seule une intuition du but final peut expliquer le saut que représente l’intelligence humaine, inexplicable par un simple hasard évolutif: « Bildung (genesis) ists, eine Wirkung innerer Kräfte, denen die Natur eine Masse vorbereitet hatte, die sie sich zubilden, in der sie sich sichtbar machen sollten. Nicht unsere vernünftige Seele ists, die den Leib bildete, sondern der Finger der Gottheit, organische Kraft. » et « Das Menschengeschlecht kann man als den großen Zusammenfluß niederer organischen Kräfte ansehen, die in ihm zur Bildung der Humanität keimen sollten. ». Herder Ideen zu einer Philosophie der Geschichte der Menschheit, cité par Kant AKVIII49 (Kant (1977)).
-
[4]
Kant (1912), p.63. Le texte de Herder sera lu par les futurs théoriciens du racisme, mais cet usage potentiel, même déjà pointé et rejeté par Kant, est bien loin des idées de l’auteur. Noter des différences culturelles ou différents niveaux d’organisation techniques des sociétés, ce n’est pas être raciste, et la doctrine d’un progrès historique de l’humanité peut tout autant masquer des thèses reléguant certains peuples dans la stupidité. Sur Herder, voir par exemple Ravagli (2013) ; Max Caisson fait un vibrant éloge de Herder : « Il y a donc chez Herder une sorte d'eudémonisme relativiste que Kant ne pourra supporter, et qui signifie que, pour Herder, l'individu n'est pas fait pour l'État ni, d'ailleurs, pour l'espèce. Les générations antérieures ne sont pas faites pour les dernières venues, ni les dernières venues pour les futures. Ainsi le sens de la vie humaine n'est pas dans le progrès de l'espèce, mais dans la possibilité pour chacun, à toute époque, de réaliser son humanité, quelle que soit la société dans laquelle il vit et la culture propre à cette société. […] Ce qu'on retrouve dans le pluralisme littéraire de Goethe, de Herder et des romantiques d'Allemagne et d'ailleurs, c'est la volonté de réhabiliter le sensible et de fonder une esthétique, au sens large et au sens étroit. Peut-être même faut-il dire que le romantisme est là d'abord, et, de ce point de vue, il est déjà chez le Kant de la Critique du jugement, voire même chez Leibniz ». Cf : Caisson (1991).
-
[5]
Constant, B., « Préface » à Wallstein, citée in Millet (1994), pp. 155-156. Il s’agit du remaniement par Constant en 1829 de la « Préface » de 1809. Voir Franco (2004) ; ou Frantz (2013).
-
[6]
Voir Corbin, Courtine, et Vigarello (2016).
-
[7]
Son De l’Allemagne donna à Germaine de Staël une stature intellectuelle de premier rang alors même que son séjour allemand était lié à l’interdiction dont l’avait frappée Napoléon de tenir salon en France.
-
[8]
Repris par François Furet, ce motif est presque devenu un poncif de la pensée française depuis 1980.
-
[9]
À propos de la littérature allemande, Quinet a ces mots : « elle se décida si imperturbablement à rester indigène qu’aucune littérature ne donne mieux en effet, dans un instant déterminé, l’impression et presque le souvenir de toute la vie passée d’un peuple et d’une race d’hommes ; ce fut une littérature de réaction. D’un autre côté, dans le manque absolu d’institutions, les lettres en servirent. Il y eut pour l’art quelques années éternellement regrettables, où il fut véritablement ce qu’il avait été chez les Grecs, une force sociale, un lien politique, un pouvoir dans l’état. [...] c’est sa gloire dans les temps modernes qu’en l’absence de toute loi organique, à deux siècles de distance de toute ce qui l’entourait, l’Allemagne se soit maintenue l’égale des autres peuples par le seul effort de sa pensée » (Quinet 1832, pp.17-18).
-
[10]
Voir par exemple Carrière et al. (2009). Dante aurait fusionné des parlers régionaux sans crainte de futures transformations : elles maintiendront la vitalité de la nouvelle langue.
-
[11]
« zur Totalität des Offenbarung Gottes fehlt » in Vorlesungen über die Methode des akademischen Studiums (« zur Totalität des Offenbarung Gottes fehlt » 1803) (en fr. Schelling et al. (1979), pp.49-50). Cet argument inverse celui du « doigt de Dieu » que nous avons rencontré plus haut : l’invention ajoute un saut à la création.
-
[12]
Si son nom ne figure pas dans l’édition de 1760, il sera fier de le faire imprimer en 1781. Voir (« Aufbau Verlag » 1982).
-
[13]
Voir le dossier de la Revue germanique, Covindassamy (2015).
-
[14]
Sur la postérité de Winckelmann et de Lessing, la Revue germanique internationale a publié d’importants dossiers, dont le n° 19 | 2003 : « Le Laocoon : histoire et réception », (« Le laocoon : histoire et réception » 2017) – Elisabeth Décultot traite de Winckelmann (Décultot 2003a) et poursuit sur Lessing dans Les Études philosophiques : (Décultot 2003b), où elle écrit « Cet étonnant processus de symphilosophein par écrit entre Lessing, Nicolai et surtout Mendelssohn se révèle doublement important pour ma problématique. Il démontre la simultanéité et l’interpénétration d’une démarche philologique et humaniste de type ancien et de questionnements relevant du jugement esthétique (dans les passages consacrés à Homère, dans le choix d’exemples comme Thersite, Hélène, etc.), la nouvelle passion antiquaire à la mode, lancée essentiellement par Winckelmann, et enfin la discussion, menée entre philosophes, à propos d’une esthétique procédant sur le mode déductif qui est indissociable du nom de Baumgarten. Ces trois éléments permettent de caractériser la situation de Lessing, telle qu’elle apparaît dans les documents qui témoignent de la formation de ses concepts. Autre dimension qui retient l’intérêt du point de vue de Lessing : ce processus de discussion lui montre, à lui l’inductiviste par penchant, tel qu’il apparaissait dans son avant-propos de 1756 à la traduction de Thomson, que le principe de l’effet défini en fonction du domaine particulier des arts peut être replacé dans un contexte d’argumentation déductive ».
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