Recensions

Paul K. Moser, ed., The Oxford Handbook of Epistemology. New York, Oxford, Oxford University Press (coll. « The Oxford Handbook Series »), 2002, xi-595 p.[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Institut québécois des hautes études internationales, Québec

Directeur du Département de philosophie à l’Université Loyola de Chicago, Paul K. Moser a rassemblé dans ce volumineux livre intitulé Oxford Handbook of Epistemology une somme considérable sur les concepts et les théories épistémologiques. L’ouvrage regroupe 19 chapitres substantiels et inédits émanant d’autant d’auteurs, suivis d’une bibliographie détaillée de plusieurs centaines de titres répartis en sous-thèmes (p. 569-586) et d’un index. Dans son introduction, le Professeur Paul Moser définit dans ses propres termes sa vision de l’épistémologie, qu’il situe au sein même de la philosophie, comme étant « l’étude de la nature du savoir et de la justification », et en particulier « l’étude des éléments qui définissent le savoir, les sources, les limites du savoir et de la justification » (p. 3). Tout au long de cet ouvrage substantiel, les auteurs ne tentent pas forcément d’établir une vision monolithique de ce qu’est l’épistémologie : au contraire, plusieurs mettent en évidence les différents courants, les controverses et les débats qui animent les philosophes et les épistémologues depuis les origines jusqu’à nos jours, citant par exemple le scientisme épistémologique de Bertrand Russell et de W.V. Quine, le pragmatisme, l’intuition, la rationalité instrumentale, non sans soumettre dans certains cas leurs propres hypothèses. Pour Paul Moser, le but général de cet ouvrage est de comprendre la valeur explicative de notre système de croyances face au monde qui nous entoure (p. 16). Plus généraux, les trois premiers chapitres se concentrent sur des points particuliers de l’épistémologie générale : les conditions de la connaissance, les sources du savoir, la causalité, le jugement « a priori ». Mais la force de cet ouvrage réside surtout dans l’originalité de certains des chapitres suivants, abordant sous des angles inhabituels et souvent interdisciplinaires des questions d’épistémologie liées à la logique, aux raisonnements, à la rationalité. Ainsi, dans le chapitre 4, Alvin Goldman explore les disciplines pouvant s’inspirer de l’épistémologie sociale et articule les interfaces possibles avec l’économie, la sociologie, l’histoire (p. 169). Ici, l’auteur amorce un questionnement audacieux autour de la dynamique des forces du marché : si (du point de vue épistémologique) les messages vrais sont supérieurs aux messages faux, comment concilier cette affirmation avec la thèse économiste voulant que les meilleurs produits soient naturellement choisis par les consommateurs, ce qui en pratique n’est pas forcément le cas (p. 167). En suivant cette démonstration, on comprend qu’en fait, la publicité, le marketing et les alliances commerciales entre des entreprises peuvent contribuer à faire triompher des idées, des messages et des produits qui ne sont pas forcément indispensables, ni les meilleurs dans leurs domaines respectifs. La réflexion fine d’Alvin Goldman se poursuit autour du problème de la liberté d’expression face à la régulation des stratégies de marketing, aux États-Unis. Après des chapitres inégaux sur la diversité conceptuelle en épistémologie, les théories de la justification, le scepticisme, et les vertus en épistémologie, l’excellente contribution de Philip Kitcher sur le savoir scientifique mérite un examen attentif (chapitre 13). Partant des travaux de Hilary Putnam, l’auteur évoque certaines controverses quant aux questions de la vérité et du réalisme, selon une approche historique centrée sur les croyances, le savoir scientifique, l’opposition entre l’instrumentalisme et le réalisme classique (p. 386). Dans sa conclusion lumineuse, Kitcher soutient que « certaines formes de vérité semblent être privilégiées, et que la science doit précisément mettre à jour ces vérités “fondamentales” », afin d’analyser leurs modes de validation (p. 405). On ne saurait négliger l’un des derniers textes de cet ouvrage imposant. Après le chapitre 17 de Noah Lemos qui porte sur les liens entre l’épistémologie et l’éthique, le 18e chapitre de Philip L. Quinn (1940-2004) — …

Appendices