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31.Plus d’information
Poursuivant les récentes discussions concernant les recoupements entre la philosophie de Paul Ricoeur et les éthiques du care, cet article a pour objectif de clarifier le statut de la pratique dans l'oeuvre de Ricoeur. Je soutiendrai que même si la philosophie ricoeurienne est bien marquée par un « désir d'un fondement », ainsi que l'éthicienne du care Joan C. Tronto le souligne, cet objectif repose plus sur un pari que sur un véritable principe, et risque toujours d'être renversé par les pratiques ou d'autres visions du monde. Je démontrerai cela en soutenant trois arguments. 1) L'approche herméneutique de Ricoeur concernant la pratique mène à penser que les méthodes objectives de connaissance et d'explication sont toujours soutenues par une tâche herméneutique plus large de la compréhension pratique et du souci de soi. 2) En ce qui a trait au raisonnement moral, l'analyse de Ricoeur sur le conflit entre le respect de la règle et le respect de la personne accorde la priorité au respect de l'autre singulier plutôt que de la règle universelle. Ainsi, l'autre peut toujours perturber et réorienter l'universel ou les modes fondateurs du raisonnement. 3) Réfléchissant aux relations thérapeutiques (healthcare relations), Ricoeur tend à suggérer une nouvelle compréhension du respect qui se place dans une relation dialectique avec le souci (care). Ces lectures – de l'herméneutique, de la moralité et du respect – orientées vers la pratique ouvrent la voie à un dialogue entre les éthiques du care et des approches philosophiques que l'on considère souvent éloignées de celles-ci.
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33.Plus d’information
Le phénomène de la vie — toujours mienne ou tienne — se donne à voir et à comprendre dans sa cohésion et son identité propre à partir d'un montage narratif. C'est l'hypothèse qu'explore cet article en tâchant de déterminer si ce montage narratif renvoie à un « coup monté », comme le suggère Artaud, ou s'il s'agit, selon l'analyse très différente de Ricoeur, d'une intrigue dans laquelle un personnage, intriqué dans ses propres expériences, lutte contre l'éparpillement de soi, ou encore, comme chez Schapp, si chacun est empêtré dans ses histoires et dans celles des autres, sans pouvoir s'atteindre autrement qu'à travers ces empêtrements.
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34.Plus d’information
Tout en appréciant le « structuralisme dynamique » de Hayden White, Paul Ricœur s'engage dans un débat avec la démarche « métahistorique ». C'est la constitution du champ historique qui est l'objet principal de la controverse. Pour White, c'est le discours sur l'histoire qui constitue ce champ ; la tâche métahistorique consiste, donc, dans une analyse de la structure tropologique et des modes explicatifs de ce discours. Ricœur considère, au contraire, la vie dans l'histoire comme la véritable base de toute constitution du champ historique ; c'est pourquoi il cherche à substituer une phénoménologie herméneutique de l'expérience historique au structuralisme dynamique de White. Pourtant, grâce au caractère dynamique du structuralisme whitien, même la démarche métahistorique laisse entrevoir au moins des traces de l'expérience historique. En effet, des traces de cette espèce peuvent être découvertes dans les études consacrées par White aux grands historiens et philosophes de l'histoire du xixe siècle. Mais ce fait ne supprime pas la différence fondamentale entre les deux penseurs. C'est seulement Ricœur qui assigne à l'expérience historique un rôle fondamental dans la constitution du champ historique. Pourtant, quant à la description précise de ce rôle, il y a aussi une certaine différence entre Temps et récit, d'une part, et La mémoire, l'histoire, l'oubli, de l'autre. Dans le premier ouvrage, Ricœur met l'accent sur la redescription ou refiguration de la réalité par le récit. C'est seulement dans le dernier ouvrage qu'il parvient à mettre en évidence que la question d'une reconstruction vraie du passé ne relève pas seulement d'une approche purement épistémologique de l'histoire, mais qu'elle rend nécessaire également une analyse ontologique de la condition historique. C'est dans cette analyse ontologique que la mémoire et l'oubli trouvent leur lieu, qui est, par ailleurs, central.
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35.Plus d’information
Les mouvements féministes transnationaux se sont développés ces dernières décennies pour éviter les impasses des logiques de revendications nationales, internationales et pour combattre de manière générale la rhétorique de l'universel. Afin de lutter contre la mise en place de discours hégémoniques dont le pouvoir est souvent hérité d'une histoire coloniale et patriarcale, les théoriciennes des mouvements féministes transnationaux ont souvent cherché à définir les conditions d'une politique de la traduction qui permettrait de lutter contre la mise en place d'un discours de l'universel, unifié et dominant. Une politique de la traduction semble alors recouvrir deux choses. Elle désigne tout d'abord les implications politiques de la pratique de la traduction. Elle désigne ensuite la traduction en tant que paradigme pour penser le politique, compris comme l'ensemble des implications politiques du rapport à l'autre. C'est dans ce cadre que l'oeuvre de Ricoeur propose des solutions théoriques importantes. Sans renoncer à la catégorie de l'universel, Ricoeur la pense « en traduction ». Ses propositions théoriques permettent ainsi de réconcilier les critiques théoriques qui ont été adressées à l'universalisme, notamment par les féministes, avec le projet d'une politique féministe de la traduction. Or cette réconciliation passe, dans l'oeuvre de Ricoeur, par la formulation d'une véritable éthique de la traduction, au coeur de laquelle se trouve une éthique de la sollicitude à rapprocher des éthiques du care. Cet article se propose de montrer comment la mise en oeuvre d'une éthique de la traduction fondée sur des valeurs de caring et de sollicitude permet de repenser une politique féministe de la traduction ouverte sur l'universel. Après avoir montré comment le féminisme transnational s'est construit contre l'universel, cet article explore la possibilité de penser celui-ci « en traduction », pour articuler une politique et une éthique de la traduction dont les termes peuvent être définis avec Ricoeur par un principe d'hospitalité qui trouve son complet déploiement dans une éthique du care.
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37.Plus d’information
RésuméCet article se présente comme une réflexion sur un écrit de Paul Ricoeur concernant l'herméneutique du témoignage chrétien. À la simple confession de foi, « Jésus est le Christ », le témoignage ajoute un noyau narratif, comme on voit dans les évangiles. Il ajoute aussi la dimension existentielle de l'expérience personnelle. Car le témoignage de foi est plus qu'un simple reportage. Il exprime l'engagement du témoin dans la cause pour laquelle il témoigne. Le témoignage devient ainsi profession de la foi personnelle, où le témoin s'identifie avec la cause de celui pour lequel il témoigne. Ricoeur peut parler alors du « témoignage absolu de l'absolu ».
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39.Plus d’information
Agités, opposants, turbulents ; les tumultes intérieurs de l'adolescence transcendent parfois les difficultés « classiques » de l'émergence pubertaire pour s'inscrire dans un tout autre registre : celui de la terreur. Ces enfants et ces adolescents « mis à mal » s'adonnent parfois à des agirs transgressifs d'une violence inouïe. Face à l'effraction répétée du système de pare-excitation, aux carences traumatiques primaires et à la violence, comment ces enfants peuvent-ils symboliser ? Comment forgent-ils leur subjectivation ? La violence de ces adolescents nous sidère et nous interpelle tout à la fois. À travers ce texte, l'auteur explore l'articulation entre la littérature, l'écriture de soi et le processus de subjectivation et souligne en quoi une telle démarche d'écriture peut s'avérer thérapeutique et salutaire pour les enfants qui ont connu la terreur.
Mots-clés : terreur, adolescence, philosophie de Ricoeur, narration subjective, terror, adolescence, Ricoeur's philosophy, subjective narration
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