PrésentationLa glocalisation alimentaire[Notice]

  • Christine Jourdan et
  • Kathleen C. Riley

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  • Christine Jourdan
    Department of Sociology and Anthropology, Concordia University, 1455, Maisonneuve Ouest, Montréal (Québec), H3G 1M8, Canada
    christine.jourdan@concordia.ca

  • Kathleen C. Riley
    Department of Anthropology, Queens College, City University of New York, 314G Powdermaker Hall, 65-30 Kissena Blvd, Flushing (NY) 11367, États-Unis
    Kathleen.Riley@qc.cuny.edu

Le numéro que nous proposons examine la façon dont les changements alimentaires façonnent et ont été façonnés par des interactions socioculturelles complexes. La circulation (et les contacts que cette circulation engendre) des mangeurs eux-mêmes, des idéologies, des pratiques culinaires et des denrées alimentaires sont au coeur des questions soulevées ici. Les articles montrent que les contacts culturels produits par la globalisation ont donné lieu à des pratiques et symboliques alimentaires remaniées et diversifiées, conséquences des contraintes subies et des choix faits par des producteurs et des consommateurs, des transformateurs et des distributeurs, des cuisiniers et des mangeurs dans des contextes variés et spécifiques, manipulés par des forces politiques, économiques, et socioculturelles. Pour étudier ces changements alimentaires, le volume met de côté la représentation des contacts culturels comme collision newtonienne (la « culture clash ») et fait appel au contraire aux cadres d’analyse plus proches du dialogue bakhtinien (Bakhtin 1981) : syncrétisme (Wallace 1956 ; Shaw et Stewart 1994 ; Greenfield 1998, entre autres), créolisation (Drummond 1980 ; Hannerz 1987 ; voir Friedman 1994 pour une critique et Palmié 2006 pour une analyse complète ; Glissant 1997 ; Benoist 1999 ; Palmié 2009 ; Tibère, ce volume) ; translocalité (Brickell et Datta 2011) ; cosmopolitisme (Hannerz 1996 ; Appiah 2006) et hybridité (Garcia Canclini 1995 ; Pieterse 2009). Ces modèles mettent l’accent sur l’appropriation d’idéologies et pratiques, technologies et biens, informations et institutions, par le producteur et le consommateur, de façon éclectique et fusionnante dans diverses parties du monde même lorsque ces mélanges se font en regard des impositions structurelles. En général, ces approches sont basées sur une vision du changement comme processus inhérent à toute société et qui comprend non seulement des « dialogues » entre les interlocuteurs égaux, mais aussi les discours imposés et hégémoniques ; ce qui a des résultats divers : acquiescence ou rejet presque total, accommodements (par politesse ou par peur), compromis exigé ou stratégique. Notons cependant que pour parler des phénomènes d’appropriation, Appadurai montre toute l’importance de processus tels que « l’agencéité, la sélectivité, mais aussi sur l’ironie et la résistance » (Appadurai 1996 : 7). Cependant, le paradigme fusionniste principal que nous souhaitons utiliser et reformuler ici est celui de glocalisation. Mot valise qui combine globalisation et localisation, le terme a été introduit dans le lexique académique par le sociologue Roland Robertson (1994, 1995). Emprunté aux commerciaux japonais, le terme décrit le moyen par lequel des compagnies multinationales peuvent améliorer de façon stratégique la vente de leurs produits en adaptant ces derniers aux goûts des consommateurs locaux. En fait, la première occurrence de ce mot décrit la façon dont les techniques agricoles doivent être adaptées aux nouveaux environnements dans lesquels elles sont introduites (Khondker 2004). Mais en marketing, ce terme fait surtout référence à la façon dont McDonalds, par exemple, a dû transformer le sandwich Big Mac pour satisfaire le palais des consommateurs dans le monde entier. Quoiqu’il en soit, le sens donné à ce mot-valise attrayant a été modifié selon les auteurs travaillant dans le domaine du marketing (Kjeldgaard et Askegaard 2006), de l’économie politique (Mendis 2007), de l’anthropologie linguistique (Roth-Gordon 2007), et de l’anthropologie de l’éducation (Jungck et Kajorsin 2003). Le terme a aussi été utilisé dans certaines analyses des changements alimentaires par Wilk (1999), Matejowsky (2007), Möhring (2008), et Jourdan (2010). Bien qu’il ait été parfois mis de côté à cause de son association avec la rhétorique du développement néolibéral, nous souhaitons jeter un regard neuf sur les possibilités qu’il offre, particulièrement en ce qui a trait à l’analyse des multiples formes d’interdépendance dialogique du local et du global. De …

Parties annexes