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Introduction

Avec l’augmentation spectaculaire de la participation des femmes sur le marché du travail, la question de l’égalité professionnelle entre sexes s’est posée et est devenue incontournable pour les pouvoirs publics. La plupart des pays de l’OCDE se sont alors dotés de systèmes législatifs égalitaires, privilégiant la non discrimination. Toutefois, sans minimiser les avancées de ces dernières décennies, on doit reconnaître que d’importantes disparités entre hommes et femmes en termes de carrières et de rémunérations perdurent. Après 30 ans de réduction des écarts, la différence entre les salaires moyens des deux sexes est de l’ordre de 25 % depuis les années quatre-vingt dix et force est de constater qu’en matière d’embauche, de promotion, de conditions de travail ou de formations, hommes et femmes ne semblent toujours pas égaux. Il persiste notamment encore des différences en termes d’accession aux plus hautes fonctions que ce soit au sein même des entreprises où les femmes n’atteignent que rarement le sommet des hiérarchies, au sein des conseils d’administration où elles demeurent sous-représentées ou encore dans le monde politique.

Certains économistes se sont appliqués à décrire l’évolution temporelle des différences salariales et de la partition des emplois par sexes et notamment les changements intervenus au fur et à mesure de la mise en place de politiques gouvernementales antidiscriminatoires[1]. D’autres ont tenté de justifier ces disparités à l’aide de modélisations théoriques. L’optique de leurs recherches est de cerner leur(s) origine(s) afin d’être en mesure de recommander des politiques qui amélioreraient efficacement la situation des femmes sur le marché du travail. Le véritable enjeu de leur débat est de savoir si ces disparités sont liées à la persistance de pratiques discriminatoires, ce qui nécessiterait sans doute la mise en oeuvre de nouvelles mesures législatives, ou si au contraire elles sont simplement le reflet des préférences des femmes, qui choisissent par exemple d’occuper des emplois à moindres responsabilités afin de privilégier leur vie familiale.

Je me propose dans cet article de recenser l’apport de la théorie économique dans la compréhension des causes à la fois de la répartition différenciée des emplois selon le sexe et des écarts de salaire entre hommes et femmes. En effet, les disparités professionnelles se manifestent principalement sous ces deux formes. D’ailleurs, ces deux thèmes ont toujours été traités parallèlement dans la littérature surtout qu’il a vite été admis que la ségrégation occupationnelle était un facteur prépondérant dans les écarts salariaux. Quelques survols de la littérature plus ou moins anciens ont déjà été écrits sur le sujet[2] (Cain, 1986; Altonji et Blank, 1999; Fryer, 2001b). Celui-ci met l’accent sur la validité empirique des théories et en particulier sur leur pertinence vis-à-vis des faits stylisés caractérisant les marchés du travail actuels.

Je présenterai dans la première section les approches théoriques initiales sur les disparités professionnelles hommes / femmes issues du courant néoclassique. Les théories qui expliquaient les écarts de salaire par des critères objectifs (diplôme, expérience, stabilité dans l’emploi) s’opposaient alors à celles mettant en avant la discrimination et les préjugés des employeurs. Les approches les plus récentes de la discrimination font l’objet de la deuxième section. En se plaçant, la plupart du temps, dans un contexte informationnel plus complexe et en intégrant les concepts de la théorie du capital humain, elles parviennent le plus souvent à échapper aux limites des modèles classiques de la discrimination.

1. Les premières théories et leurs limites

Dans la littérature, la théorie néoclassique a été la première à donner un éclairage sur les différences salariales entre sexes. Elle affirme que si les deux groupes ont des productivités identiques, l’existence d’écarts salariaux hommes / femmes ne peut être qu’un phénomène transitoire en situation de concurrence. Si effectivement les femmes étaient aussi productives que les hommes mais avaient des salaires plus faibles, les entreprises auraient intérêt à n’employer que du personnel féminin selon le principe de minimisation des coûts. La demande pour le travail féminin augmenterait alors, conduisant à un accroissement des salaires des femmes jusqu’à finalement l’égalisation avec ceux des hommes. Or, dans les faits, d’importants écarts salariaux hommes / femmes persistent depuis des décennies sur l’ensemble des marchés occidentaux.

Devant cette réalité, plusieurs conclusions se sont imposées aux tenants de la théorie néoclassique : soit les hommes et les femmes ne sont pas identiquement productifs, soit des facteurs autres que la productivité marginale des salariés entrent en ligne de compte dans les politiques de rémunération des entreprises. Ces deux voies théoriques ont été explorées. Plusieurs modèles donnent une justification aux écarts potentiels de productivité entre sexes. Ils posent alors comme hypothèse que les différences en termes de salaires et d’emplois occupés sont la conséquence de différences dans les préférences ou les qualifications. En revanche, les théories de la discrimination ont pris le parti d’expliquer comment des hommes et des femmes, de productivité identique, peuvent percevoir des salaires différents.

1.1 Différences dans les préférences et les qualifications

Un argument traditionnellement avancé pour expliquer les disparités professionnelles entre sexes postule que les hommes et les femmes diffèrent dans leurs préférences pour le marché du travail, non seulement en termes de participation mais aussi en termes de choix du type d’emplois (Daymont et Andrisani, 1984; Filer, 1986). Il est souvent noté que puisque les femmes font plus fréquemment le choix d’un investissement prioritaire dans la vie familiale plutôt que dans la vie professionnelle, il existe des écarts de productivité entre sexes, justifiant d’un point de vue économique, des écarts salariaux. Un tel choix peut aussi se traduire par la concentration des femmes dans certains emplois qui sont plus compatibles ou complémentaires avec leurs responsabilités domestiques et familiales[3]. En outre, les femmes accorderaient une grande importance aux conditions de travail alors que les hommes s’intéresseraient surtout au prestige social des emplois et à leur aspect financier (England, 1992). Ces différences dans les préférences entraîneraient des différences dans les distributions d’emplois et de salaires. Par exemple, l’avantage salarial des hommes pourrait correspondre à des compensations pour leurs plus mauvaises conditions de travail[4] ou pour leurs plus grandes responsabilités.

En amont du marché du travail, ces préférences peuvent se traduire chez les femmes non seulement par un moindre engagement dans l’éducation initiale et l’accumulation d’une moindre expérience, mais aussi par le choix de filières professionnelles moins astreignantes (en termes d’horaires ou du montant de l’investissement) ou encore même par le choix de filières scolaires conduisant à des emplois « féminins » en nombre limité sur le marché.

La théorie du capital humain formalise ces idées et insiste sur le rôle de l’attachement au marché du travail dans les disparités entre sexes. Pour Mincer et Polachek (1974, 1978), comme les femmes consacrent moins de temps au travail salarié que les hommes, elles accumuleraient moins d’expérience et s’investiraient moins dans la formation en entreprise souvent conditionnelle à une certaine stabilité professionnelle. Leur productivité n’augmenterait ainsi pas autant ni aussi vite, en moyenne, que celle des hommes; d’où des croissances salariales plus modérées au cours de leur carrière et un écart de salaire se creusant avec l’âge. Selon Zellner (1975) et Polachek (1979, 1981), le moindre engagement des femmes sur le marché rémunéré les conduiraient aussi à se spécialiser dans les occupations où leurs discontinuités de carrière sont le moins pénalisées, c’est-à-dire dans des emplois plutôt à faibles qualifications, valorisant peu l’expérience et l’ancienneté. Ainsi, les emplois occupés majoritairement par des femmes devraient offrir des salaires d’embauche plus élevés mais une progression salariale plus modérée que les emplois occupés majoritairement par des hommes. Ces derniers sont en général prêts à renoncer à une partie de leur rémunération durant les premières années de vie active en échange d’une formation qui conduit à une forte croissance des salaires, la durée disponible pour rentabiliser leur investissement étant assez longue.

Ces approches théoriques apportent un certain nombre d’éléments d’explications incontestables mais partiels aux disparités professionnelles entre sexes. D’une part, les nombreux travaux économétriques, basés sur l’estimation d’équations de salaires – des premiers effectués par (Mincer-Polachek, 1974) jusqu’aux plus récents[5] – notent que seulement un peu moins de la moitié de l’écart salarial hommes / femmes est attribuable à des différences d’investissement en capital humain. D’autre part, la validité empirique des théories de Zellner et Polachek, dont la discussion a donné lieu à de nombreuses controverses (England, 1985; Polachek, 1985) n’est encore ni établie, ni totalement infirmée aujourd’hui. La conclusion de Zellner selon laquelle les femmes vont plutôt préférer les emplois avec les salaires de départ les plus élevés mais les rendements de l’expérience les plus faibles a, par exemple, été réfutée au moins à deux reprises sur données américaines (England, 1984; England, Farkas, Kilbourne et Dou, 1988), mais confirmée très récemment sur données suédoises (Hansen et Wahlberg, 2000). De même, des recherches ont corroboré la pertinence de l’hypothèse de Polachek de dépréciation du capital humain dans l’explication de la répartition des emplois par sexe (Polachek, 1979; Mincer et Ofek, 1982; Polachek, 1985), alors que d’autres ont conclu, à l’inverse, que ce phénomène n’apparaissait nullement dans leurs résultats (Beller, 1982; England, 1982, 1984; Abowd et Killingsworth, 1983; Corcoran, Duncan et Ponza, 1984; Sofer, 1990). Enfin, on peut se demander si les choix professionnels et éducationnels des femmes ne sont pas fortement influencés par la reproduction des rôles sociaux attribués aux sexes et de ce fait relèvent de pratiques sociales discriminatoires.

Comme seule une partie des inégalités salariales et occupationnelles a pu être expliquée par les caractéristiques de l’offre de travail (préférences, capital humain), des modèles alternatifs ont suggéré de privilégier au contraire les aspects de la demande de travail féminin. C’est le cas en particulier des théories économiques de la discrimination.

1.2 Théories de la discrimination

Selon Cain (1986), les modèles de discrimination développés à l’origine peuvent être classés en deux grandes catégories : la première comporte, à la suite des travaux de Becker (1957), les théories fondées sur des préférences discriminatoires (« goût » pour la discrimination) de la part des employeurs, des collègues de travail ou des consommateurs, dans un contexte d’information parfaite. Le deuxième type de modèle se situe, à la suite de Phelps (1972), en information imparfaite et fait reposer les différences de traitement entre hommes et femmes sur des écarts de performances moyennes relativement à certaines caractéristiques.

Néanmoins, dans la littérature, il existe un autre courant que l’on se contentera de mentionner : les théories de discrimination en concurrence imparfaite, inaugurées par Robinson (1933) et Madden (1973) et qui expliquent les disparités professionnelles par le pouvoir de monopsone des hommes sur le marché du travail. Par exemple, dans le modèle de « monopole masculin » de Madden (1973), les hommes (employeurs, travailleurs, et même consommateurs) s’entendent, à la façon d’un cartel, pour négocier pour eux-mêmes des salaires élevés, ou pour se réserver certaines activités économiques, tout en maintenant les femmes à l’écart. Celles-ci auraient alors à la fois des salaires inférieurs pour des emplois de même type, et verraient leurs possibilités de promotion et d’accès à des emplois de responsabilité, en particulier, fortement réduites. Sans nier la possibilité que ces analyses offrent une partie de l’explication des différences hommes / femmes sur le marché du travail, on peut toutefois noter qu’elles n’ont pas réellement fait l’objet d’une validation empirique (Humphries, 1995)[6] et n’ont pas donné suite à de récents développements.

1.2.1 Discrimination par goût

La première version de la théorie néoclassique de la discrimination revient à Edgeworth (1922), mais les contributions les plus connues sont sans aucun doute celles de Becker (1957) et Arrow (1972a, 1972b, 1973)[7]. Elles reposent sur l’idée que les agents (employeurs, salariés ou consommateurs) ont un goût pour la discrimination, c’est-à-dire qu’ils préfèrent faire des transactions avec des hommes plutôt qu’avec des femmes. Le fait pour un employeur de recruter une femme, pour un employé masculin de travailler avec une femme ou pour un consommateur d’acheter un produit vendu ou fabriqué par une femme, comporte dans chaque cas, un coût psychologique supplémentaire qui n’existe pas vis-à-vis des hommes.

Discrimination de la part des employeurs – Formellement, au lieu de l’hypothèse habituelle de maximisation du profit, il est supposé que les employeurs maximisent une fonction d’utilité qui dépend du profit mais également du nombre respectif d’hommes et de femmes recrutés. Du fait de leurs préjugés à l’encontre des membres du sexe féminin, les employeurs retirent non seulement une utilité négative de l’embauche d’une femme mais aussi une utilité positive de l’embauche d’un homme. Dans ce contexte, un écart de salaire entre hommes et femmes, pourtant supposés de productivité identique, va s’établir sur le marché du travail. Chaque employeur est prêt à payer aux hommes une rémunération supérieure à leur productivité marginale puisqu’ils leur procurent un accroissement d’utilité (–dmi > 0) et à payer aux femmes une rémunération inférieure à leur productivité marginale à cause des coûts psychologiques qu’ils supportent à leur embauche (dfi > 0)[8].

Les modélisations de Becker et Arrow offrent aussi des conclusions sur la composition de la force de travail des entreprises. Selon elles, les employeurs comparent les avantages monétaires d’embaucher des femmes, qui sont sous-payées, avec les coûts psychologiques en découlant. Le gain réel d’embaucher une femme plutôt qu’un homme est égal à wm – wf alors que son coût psychologique pour l’employeur est di = dfidmi. Par conséquent, les employeurs pour lesquels di < wm – wf embaucheraient uniquement des femmes, ceux pour lesquels di > wm – wf embaucheraient uniquement des hommes et enfin ceux pour lesquels di = wm – wf auraient une main-d’oeuvre mixte. Ainsi, le marché du travail serait caractérisé par des écarts de salaire à court terme et par une ségrégation quasi complète des hommes et des femmes parmi les entreprises. Or, en réalité, on n’observe pas la non-mixité dans les entreprises mais plutôt la non-mixité dans les emplois.

Par ailleurs, sous l’hypothèse la plus réaliste de présence d’entreprises sans préjugés contre les femmes, la ségrégation de la main-d’oeuvre entre entreprises et l’écart salarial de court terme s’éliminent tous deux à long terme. En effet Becker (1957) et Arrow (1973) concluent que, s’il existe une ou plusieurs entreprises sans goût pour la discrimination (di = 0), ce seront les seules à rester sur le marché à long terme. Elles gagnent des profits supplémentaires en embauchant plus de femmes par rapport à leurs rivales puisqu’elles bénéficient des salaires féminins plus faibles tout en évitant une partie des coûts psychologiques que les employeurs avec un goût pour la discrimination plus prononcé supportent. Cet avantage en termes de profits leur permet d’éliminer leurs concurrents. Or comme elles sont indifférentes entre embaucher un homme ou une femme, leurs demandes pour le travail masculin et pour le travail féminin deviennent identiques et donc les différences de salaire entre les deux groupes ne sont plus justifiées. La discrimination salariale disparaîtrait alors totalement à long terme. Cependant, cette conclusion n’est pas compatible avec la réalité : certes les inégalités de salaire entre sexes ont diminué dans le temps mais elles stagnent depuis une décennie sur les marchés du travail occidentaux. C’est pourquoi, Arrow (1972b : 192) écrit que « le modèle de discrimination des employeurs de Becker prédit l’absence du phénomène qu’il était censé expliquer ». En outre, les rares études empiriques testant ces théories (Moore, 1983; Reilly et Wirjanto, 1999) ont émis des doutes sur l’existence d’une discrimination initiée par les employeurs dans les grandes entreprises.

Plusieurs conclusions s’imposent alors : soit la discrimination de la part des employeurs n’est pas la principale forme de discrimination sur le marché du travail, soit tous les employeurs potentiels ont un goût pour la discrimination et / ou d’autres facteurs entravent l’expansion des entreprises sans préjugés, tels que des coûts d’ajustements. C’est pourquoi Becker (1957) et Arrow (1973) discutent des effets de pratiques discriminatoires provenant des employés et des consommateurs, alors que les modèles les plus récents de discrimination par les employeurs incorporent les coûts liés aux ajustements de la main-d’oeuvre.

Discrimination par les salariés ou par les consommateurs – Les modèles de discrimination issue des travailleurs supposent que certains salariés masculins ont des préjugés contre leurs collègues féminins et qu’ils demandent une prime compensatrice dans le cas où on les oblige à travailler avec des femmes. Dans sa version la plus simple où les hommes et les femmes sont de parfaits substituts dans le travail, la transposition directe des modèles de discrimination de la part des employeurs au cadre d’une discrimination initiée par les salariés est incapable d’expliquer la présence et la persistance d’inégalités salariales entre sexes. En effet, selon Becker (1957) et Arrow (1973), cette forme de discrimination mène à une partition complète du marché entre entreprises n’employant que des hommes et entreprises n’employant que des femmes puisque les employeurs n’ont pas intérêt à embaucher une force de travail mixte car ils paieraient alors aux hommes un taux de salaire plus élevé qu’aux hommes d’une main-d’oeuvre entièrement masculine. Or, grâce à cette partition, tous les travailleurs sont payés à leur productivité; aucun écart salarial entre sexes ne devrait apparaître.

C’est pourquoi quelques modèles plus complexes qui partent du postulat de forces de travail complémentaires ont été proposés (Arrow, 1972b, 1973; Welch, 1975; Rothstein, 1997). Par exemple, Rothstein (1997) considère le cas où les salariés masculins n’aiment pas avoir une femme comme supérieur hiérarchique. Comme les employés masculins exigeraient une prime salariale pour être sous l’autorité d’une femme, les entreprises apparieraient systématiquement ceux-là à des hommes cadres alors que les employées seraient elles appariées avec des supérieurs hommes ou femmes. Si la proportion de cadres masculins est suffisante pour encadrer tous les employés masculins, aucune prime salariale ne serait alors versée; les hommes et les femmes de qualification identique percevraient les mêmes rémunérations. Sinon, certains employés masculins auraient une femme comme supérieur hiérarchique et demanderaient une prime salariale (d). Tant que possible, les employeurs vont apparier les hommes des deux classes ensemble et n’envisageront pas de mettre des femmes sous les ordres de supérieurs masculins. Comme les employées seraient très prisées mais relativement rares, elles verraient leurs salaires se valoriser pour atteindre (we + d) et elles gagneraient en moyenne des salaires plus élevées que leurs homologues masculins vu qu’une partie d’entre eux – ceux encadrés par des hommes – ne percevrait qu’une rémunération égale à we. De même, du fait de leur rareté relative, les cadres masculins devraient recevoir des rémunérations plus élevées que les femmes de même qualification. Ainsi, le modèle de Rothstein (1997) conclut bien à des écarts de salaires entre hommes et femmes au sein des deux classes d’emplois, mais de sens opposé.

Comme le souligne Polachek (1997), Rothstein arrive à deux résultats irréalistes : les employées seraient mieux payées que leurs homologues masculins et l’offre des femmes cadres serait excédentaire. Or, si à l’inverse on suppose que ce sont les supérieurs masculins qui sont abondants, on trouve que les femmes cadres gagnent plus que les hommes de même qualification ce qui est exagéré au vu des observations du marché du travail. Ainsi quel que soit le scénario envisagé, cette théorie de la discrimination ne tient pas debout, pas plus que toutes les extensions précédentes du modèle de Becker (1957). D’ailleurs Ragan et Tremblay (1988) et Ferber et Green (1991) qui ont testé plusieurs modèles de discrimination par les salariés masculins, n’ont trouvé aucune preuve de leur validité empirique.

Enfin, la troisième forme de discrimination envisagée par Becker (1957) est celle provenant des consommateurs. Néanmoins, ce type de discrimination est bien pauvre pour traiter des disparités salariales entre sexes. Il ne semble pas qu’en général, les hommes éprouvent la moindre répugnance à acheter des biens vendus par des femmes. L’intérêt principal de cette approche est qu’elle a donné lieu, la première, à des développements intéressants en termes de modèles de recherche d’emploi[9]. En tout cas, ces modèles de discrimination initiée par les salariés masculins et les consommateurs donnent de nouveau un éclairage peu convaincant sur les écarts de salaire hommes / femmes. En outre, ils restent silencieux sur la partition par sexe des emplois.

Préférences discriminatoires et partition par sexe des emplois – Pour Becker (1957), c’était l’employeur qui embauchait les femmes qui était responsable des écarts de salaire alors que dans les modèles de cantonnement (Edgeworth, 1922; Zellner, 1972), ce sont les entreprises qui les excluent de certains emplois considérés comme « masculins »[10]. Cette situation peut provenir soit d’une meilleure organisation des hommes – par exemple, dans les syndicats –, soit d’une discrimination par les employeurs. Bergmann (1971, 1974) montre que les conséquences de l’exclusion des femmes de certaines professions dépend de la taille relative de la force de travail féminine par rapport aux restrictions imposées. Si le nombre de femmes actives est supérieur au nombre d’emplois permis par les employeurs, on notera bien un écart de salaire entre emplois « masculins » et emplois « féminins » et donc une différence salariale au profit des hommes du fait de l’offre de travail féminine abondante pour le nombre restreint d’emplois. En revanche, si le nombre de femmes actives est inférieur au nombre d’emploi permis, il n’y aura pas d’effet sur les salaires. En outre Bergmann émet des doutes sur la persistance de ces différences hommes / femmes à long terme. Certes, si seul un rare employeur est prêt à embaucher des femmes dans un emploi masculin, il leur offrira probablement un salaire plus faible qu’aux hommes car il sait que les seules alternatives des candidates sont des emplois féminins surchargés. En revanche, si la proportion d’employeurs ne pratiquant pas le cantonnement augmente, on se retrouve dans le cas où il y a moins de femmes actives que de postes contraints et donc la discrimination salariale disparaît.

En tout cas, si les restrictions des employeurs sont suffisamment contraignantes, les modèles de cantonnement offrent trois prédictions majeures testables empiriquement. Premièrement, toutes choses étant égales par ailleurs, le salaire moyen des hommes et des femmes dans un emploi donné serait négativement corrélé avec la proportion de femmes qui y est embauchée. Deuxièmement, les femmes devraient percevoir des salaires plus faibles que les hommes à emploi et caractéristiques individuelles similaires et enfin, l’écart salarial entre sexes serait plus important dans les emplois où les femmes sont sous-représentées. Or, la plupart des travaux empiriques se sont limités à vérifier la première prédiction; il faut dire que l’existence d’un écart salarial entre hommes et femmes à emplois et qualifications identiques est un résultat largement admis et commun à beaucoup de théories alternatives. Les premières études à documenter l’effet négatif de la « féminité » d’une profession donnée sur les salaires utilisaient des données agrégées et prenaient les professions comme unité de base de leur analyse (Ferber et Lowry, 1976; England, Chassie et McCormack, 1982; England, Herbert, Kilbourne, Reid et Megdal, 1994). Cependant, ces estimations étaient incapables de distinguer adéquatement l’effet pur de la ségrégation occupationnelle de celui des variables de capital humain, non incluses à ce niveau d’agrégation. C’est pourquoi, les études les plus récentes ont pris comme unité de base de leur analyse les individus, à l’exemple de Johnson et Solon (1986), Miller (1987), Sorensen (1990), Groshen (1991), Bayard, Hellerstein, Neumark et Troske (1999). Elles estiment des équations de salaires, au niveau individuel, qui incluent les caractéristiques personnelles de l’individu (éducation, expérience, âge, ancienneté, etc.), les caractéristiques de son emploi j (conditions de travail, industrie, région, etc.) et une mesure du taux de féminité T f de sa profession p :

Les résultats obtenus par ces études sont mitigés. Certes, en général, elles suggèrent qu’il y a une relation significative et négative entre la proportion de femmes dans une profession et les salaires. Cependant, on peut émettre des réserves sur les conclusions de la plupart d’entre elles car elles négligent le fait que leurs estimations de (1) par moindres carrés ordinaires peuvent être biaisées dans la mesure où le terme d’erreur est corrélé entre les personnes au sein d’une même profession[11]. Or, parmi les huit travaux qui tiennent compte de ce problème en estimant des modèles à effets fixes sur données de panel (England et al.,1988; Gerhart et Cheikh, 1991; Kilbourne, England et Beron, 1994; Macpherson et Hirsch, 1995) ou des modèles de sélection en deux étapes (Sorensen, 1989; Baker et Fortin, 1999, 2000; Hansen et Wahlberg, 2000) seulement deux valident les prédictions de l’hypothèse de cantonnement : Sorensen (1989) et Macpherson et Hirsch (1995). On peut donc avoir des doutes quant à la réelle capacité des modèles de cantonnement à expliquer l’écart salarial hommes / femmes.

Ainsi, ce type de modèles, pas plus que les précédents ne fournit de réponse satisfaisante à la question de l’évolution à long terme des différences entre sexes sur le marché du travail et sa pertinence empirique est faible. Mais surtout, il ne fournit pas d’explications aux goûts pour la discrimination de la part des employeurs ou des salariés, supposés exogènes. D’où l’émergence d’une autre génération de modèles qui fondent les pratiques discriminatoires sur les observations du marché : la discrimination statistique.

1.2.2 Discrimination statistique

Arrow (1972a) lui-même évoque la possibilité d’une discrimination de type statistique qui repose sur l’hypothèse d’imperfection de l’information. L’idée de base est que les entreprises ont une information limitée sur les qualifications et l’attachement au marché du travail des candidats à un emploi, et ce particulièrement pour des jeunes travailleurs sans véritable parcours professionnel. Or, il est en général extrêmement coûteux d’affiner cette information et de connaître avec exactitude la véritable productivité d’un salarié. Dans cette situation, les entreprises sont incitées à utiliser des caractéristiques facilement observables telles que la race ou le sexe pour évaluer les productivités individuelles et déterminer les salaires si ces caractéristiques sont corrélées avec les performances. C’est dans les jugements statistiques à travers lesquels les employeurs projettent sur les individus certaines caractéristiques de groupe que réside l’origine de la discrimination.

Il existe deux courants dans la littérature de la discrimination statistique. Le premier courant initié par Arrow (1973) examine comment des croyances (fondées ou non) sur la productivité des différents groupes peuvent influencer les décisions d’embauche et les rémunérations. Le deuxième courant s’intéresse aux conséquences d’une discrimination fondée sur la précision des mesures de la productivité. L’hypothèse centrale est qu’il existe des différences entre sexes dans la précision de l’information dont dispose les employeurs pour évaluer les productivités individuelles. Phelps (1972) et Aigner et Cain (1977) furent à l’origine de cette approche et c’est ce type de modèle qui est véritablement à l’origine de la dénomination de « discrimination statistique ».

1.2.2.1 Discrimination fondée sur des croyances

Arrow (1972a) présente une première tentative d’explication des écarts salariaux entre sexes par la présence d’information imparfaite. Néanmoins, son idée est très proche de celle de discrimination par goût de Becker (1957). Il suppose qu’au moment où les employeurs embauchent des salariés, ils ne connaissent pas avec certitude la productivité de chacun d’eux dans l’emploi à pourvoir mais qu’ils ont en revanche des croyances qui peuvent être fondées sur certaines observations du marché ou être de purs préjugés sur la manière dont les performances et le sexe sont reliés : ils ont en tête que les distributions de productivités des hommes et des femmes sont différentes et plus précisément que la probabilité qu’une femme soit qualifiée est plus faible que celle d’un homme. Sous cette hypothèse, il devient alors évident que les entreprises concurrentielles verseront des salaires plus élevés aux hommes qu’aux femmes en réponse à une productivité supposée plus importante.

Toutefois, on peut avancer les mêmes critiques à ce modèle que celles faites aux modèles de discrimination par goût. Non seulement les perceptions des employeurs ne sont pas justifiées mais surtout les écarts de salaire ont peu de chances de perdurer à long terme. En effet, si les croyances des employeurs sont erronées, la viabilité de leur politique salariale ne peut être assurée que si tous les employeurs ont la même conception erronée de la réalité ce qui constitue une hypothèse peu réaliste. Dans le cas contraire, les employeurs qui se trompent le moins et donc les moins discriminants vont éliminer leurs concurrents. Arrow se retrouve ainsi confronté aux mêmes problèmes qu’avec sa théorie de discrimination par goût.

1.2.2.2 Discrimination fondée sur des erreurs de mesure

Le modèle de Phelps (1972) repose sur l’idée que les employeurs ont plus de difficultés à cerner la productivité des femmes que celle des hommes. Lors de l’embauche des salariés, ils basent leurs décisions sur un signal s des compétences individuelles comme par exemple le résultat à un test d’embauche ou le niveau de diplôme. Cette variable les intéresse uniquement parce qu’elle fournit de l’information sur la véritable productivité q des salariés, qui est elle inobservable. Ainsi, on a :

où ε et q ne sont pas corrélés entre eux. Les distributions de productivité sont supposées identiques pour les deux sexes. En revanche, les signaux de productivité féminins sont supposés moins fiables que ceux des hommes ce qui se traduit par equation: 010752are005n.png

Sous l’hypothèse que le marché du travail est concurrentiel et constitué d’entreprises et de salariés neutres au risque, les salaires offerts par les entreprises vont être égaux à la productivité espérée des salariés, conditionnellement à l’information dont elles disposent :

où ρj est le coefficient de corrélation entre qi et si, soit equation: 010752are007n.png

Les contrats salariaux sont ainsi une moyenne pondérée de la productivité moyenne (α) et du signal individuel (sji). Chaque salarié a comme rémunération de base celle de l’employé moyen avec un supplément ou une réduction selon que sa productivité est supposée supérieure ou inférieure à la moyenne. Plus le signal est fiable (plus ρ2j est élevé), plus les employeurs en tiennent comptent pour établir les salaires et plus ils individualisent leurs rémunérations en s’écartant de celle de base. Or, comme les erreurs de mesure sont plus fréquentes chez les femmes, les employeurs se basent moins sur le signal s lors de la détermination des salaires féminins. En conséquence, les femmes avec un fort signal initial seront moins bien payées que leurs homologues masculins; en revanche, l’inverse est vrai pour les salariés avec un faible signal de productivité. Le profil salarial des femmes est donc moins pentu que celui des hommes.

Cependant, même si le modèle de Phelps (1972) conclut que la structure salariale diffère entre sexes, il est incapable de générer un écart entre les salaires moyens des hommes et des femmes ce qui est pourtant au coeur des inégalités observées. En effet, le salaire moyen de chaque sexe s’écrit :

En moyenne, les travailleurs des deux sexes sont payés selon leur productivité moyenne, supposées identiques. Ainsi, dans sa version originale, la discrimination statistique est une théorie bien pauvre pour expliquer la discrimination salariale existante entre sexes sur le marché du travail. Comme le souligne à juste titre Cain (1986), des différences dans les salaires moyens ne peuvent apparaître dans ce modèle que si l’on postule des différences dans les productivités moyennes (αh ≠ αf). Or dans ce cas, les écarts salariaux ne reflèteraient pas une « discrimination de groupe ».

Aigner et Cain (1977), pour combler cette lacune, introduisent de l’aversion au risque chez les employeurs et rationalisent le paiement d’un salaire moyen plus faible pour les femmes malgré une productivité moyenne identique aux hommes. L’écart salarial représente alors une compensation pour le manque de fiabilité non désirée des signaux féminins. Cependant, Aigner et Cain (1977) reconnaissent eux-mêmes que l’hypothèse d’entreprises averses au risque est particulièrement critiquable.

Les modèles initiaux de discrimination statistique et de discrimination par goût sont peu convaincants dans leur explication sur la présence et la persistance des écarts salariaux hommes / femmes. Toutefois, les extensions récentes de ces modèles leur ont redonné du crédit. C’est pourquoi, j’examinerai maintenant les modèles de discrimination de la « deuxième génération » qui parviennent, mieux que les approches originales, à expliquer les disparités professionnelles entre sexes.

2. Les théories récentes de la discrimination

Les approches de discrimination précédentes ont été développées dans diverses directions pour permettre de modifier un certain nombre de résultats, peu satisfaisants, tirés des premiers modèles tels que la disparition à terme des écarts de salaire et de la ségrégation hommes / femmes des emplois pour les théories reposant sur les préférences discriminatoires, ou l’égalité des salaires moyens pour la discrimination statistique. J’examinerai tout d’abord les prolongements des modèles de type beckérien, fondés sur un goût pour la discrimination. Ils font intervenir le plus souvent des coûts d’ajustement reliés, en particulier, au processus de recherche d’emploi. Je présenterai ensuite les différents prolongements de l’approche par la discrimination statistique. Les modèles récents dans la lignée de Phelps (1972) montrent que la différence dans la qualité de l’information existant entre sexes peut avoir des répercussions directes sur la productivité des salariés. Certains relient la fiabilité des signaux à la qualité de l’appariement tandis que d’autres la relient aux investissements en capital humain. Les modèles de discrimination statistique reprenant les idées de base de Arrow (1973) vont, eux, davantage s’intéresser à la persistance des écarts de salaire dans le cas de convictions erronées de la part des employeurs.

2.1 Les préférences discriminatoires : les prolongements

La plupart des modèles récents visent à intégrer et modéliser les coûts d’ajustement – frais fixes de recrutement, coûts d’investissement en capital humain ou en formation spécifique – évoqués par Arrow (1972a) afin d’expliquer les freins à l’évolution vers la situation de long terme décrite par Becker (1957). Les extensions les plus convaincantes reposent sur la représentation des coûts d’ajustement à partir de la formalisation complète du processus de recherche d’emploi. Elles intègrent dans les modèles standards de recherche d’emploi les concepts beckériens de discrimination. Black (1995), Bowlus et Eckstein (1998) et Rosen (1998) se placent dans le cadre d’une discrimination par les employeurs alors que Sattinger (1996) et Sasaki (1999) adaptent le même raisonnement à la discrimination de la part des salariés masculins. Ils obtiennent ainsi un certain nombre de résultats intéressants quant à la formation des inégalités entre sexes mais ils apportent une réponse plus mitigée sur la question de la pérennité des écarts salariaux hommes / femmes.

2.1.1 Modèles de recherche d’emploi avec détermination des salaires par les entreprises

Black (1995) part de l’hypothèse qu’il existe sur le marché deux types d’employeurs p et u qui se distinguent par leurs pratiques discriminatoires : les employeurs de type p qui constituent une proportion θ des entreprises, ont de tels préjugés contre les femmes qu’ils n’embauchent que des salariés masculins, pour un taux de salaire wmp, et les employeurs de type u qui n’ont pas de goût pour la discrimination, embauchent à la fois des travailleurs masculins et féminins pour des taux de salaires respectivement de wmu et wfu. En ce sens, son modèle se rapproche plus du modèle de cantonnement de Bergmann (1971, 1974) que de celui de discrimination salariale de Becker (1957). Contrairement aux postulats néoclassiques, les salaires ne sont plus considérés comme fixes et définis par le marché mais ils sont déterminés par les entreprises elles-mêmes et ils vont dépendre du comportement de recherche d’emploi des salariés.

Comme dans les modèles traditionnels de recherche d’emploi, Black suppose que chaque individu reçoit l’offre d’emploi d’une seule entreprise par période et qu’il l’accepte si l’utilité lui étant associée est supérieure à son utilité de réservation uir, qui a les propriétés suivantes :

où βα est un vecteur de paramètres reflétant les conditions de travail.

L’utilité de réservation des hommes et des femmes est décroissante avec les coûts de recherche d’emploi, κ, et croissante avec les offres de salaire proposées par les entreprises. Un accroissement de la proportion θ d’entreprises discriminatrices sur le marché réduit les opportunités d’embauche des femmes et donc augmente leurs coûts de recherche et de façon indirecte, diminue leur utilité de réservation. En revanche, le signe de dumr / dθ est le même que celui de wmpwmu; une augmentation de la proportion des employeurs offrant les salaires les plus élevés accroît l’utilité de réservation des hommes.

Les entreprises, qui déterminent les taux de salaire offerts, doivent ainsi faire un compromis entre offrir un salaire suffisamment attractif pour que le (la) candidat(e) soit intéressé(e) et proposer une rémunération pas trop élevée afin d’accroître leurs bénéfices par rapport à la productivité du candidat. Black démontre que les offres de salaire optimales pour les hommes et les femmes – de productivité identique V – vérifient :

Les deux types d’employeurs ont intérêt à traiter les salariés masculins de façon identique en alignant leurs offres. Les femmes vont gagner des salaires plus faibles que les hommes alors qu’elles ont pourtant la même productivité. Puisque dans la modélisation de Black (1995), les femmes sont uniquement employées par des entreprises non discriminatrices, comment expliquer ces écarts de salaire entre sexes? En réalité, les entreprises sans goût pour la discrimination vont exploiter le fait que les femmes ont des coûts de recherche d’emploi plus élevés que les hommes puisqu’elles gaspillent du temps pour rentrer en contact avec des entreprises non discriminatrices. Comme les femmes ont de moindres opportunités sur le marché du travail, elles ont une utilité de réservation plus basse que les hommes et les entreprises peuvent se permettre de leur offrir des salaires plus faibles. Au final, le marché tout entier discrimine contre les femmes : les entreprises avec des préjugés refusent de les embaucher et les entreprises sans préjugés leur offrent des salaires plus faibles. La présence de quelques entreprises avec des préjugés contre les femmes (θ > 0) suffit à faire apparaître un écart salarial hommes / femmes. Les employeurs ont alors un certain pouvoir de monopsone qu’ils exploitent.

Or Black (1995) démontre aussi que les entreprises de type p (les plus discriminatrices) gagnent des profits plus faibles que les entreprises de type u. Selon les mêmes arguments que ceux développés pour les modèles de Becker (1957) et Arrow (1973), les entreprises de type p devraient donc être éliminées à long terme et les écarts de salaire devraient disparaître entre les deux groupes. Ainsi, le modèle de Black (1995) ne fournit pas non plus d’explication pour la persistance à long terme de la discrimination.

Bowlus et Eckstein (1998) développent un modèle qui est similaire dans l’esprit à celui de Black (1995), mais dans lequel ce sont les entreprises plutôt que les salariés qui s’engagent dans la recherche. Contrairement au modèle de Black, les entreprises ayant des préférences discriminatoires (type p) embauchent des salariés féminins même si c’est à un taux plus faible que les entreprises non discriminatrices (type u). La discrimination a ainsi deux implications directes : les entreprises de type p maximisent leurs profits nets de la désutilité occasionnée par l’embauche de femmes et elles cherchent moins intensément leurs futurs salariés parmi les candidates que parmi les candidats. Il est alors immédiat que les femmes reçoivent beaucoup moins d’offres d’emploi que les hommes. Selon le même argumentaire que Black, ces différences vont conférer aux entreprises un pouvoir de monopsone dont l’exploitation va se traduire par un écart salarial entre sexes – croissant avec la proportion d’entreprises discriminatrices présentes sur le marché du travail.

Ce modèle paraît plus réaliste que celui de Black puisque toutes les entreprises embauchent des salariés masculins et féminins. Par ailleurs, il donne un résultat très intuitif : la proportion de femmes embauchées dans les entreprises discriminatrices est inférieure à leur proportion dans la population alors que la proportion de femmes dans les entreprises non discriminatrices est au contraire supérieure à celle-ci. Ce modèle prédit donc une disparité de salaire entre sexes et une ségrégation partielle à l’encontre des femmes ce qui est cohérent avec les observations empiriques. Toutefois, Bowlus et Eckstein (1998) ne résolvent pas de façon convaincante le problème de la persistance des écarts de salaire à long terme. Ils trouvent eux-aussi que les entreprises discriminatrices qui ont des profits plus faibles que les entreprises n’ayant aucun préjugé contre les femmes devraient être éliminées du marché.

En résumé, Black (1995) et Bowlus et Eckstein (1998) offrent des pistes intéressantes pour l’explication des écarts de salaire en intégrant les concepts de recherche d’emploi à ceux de la discrimination par les employeurs. Toutefois, leurs modèles restent quelque peu décevants sur le thème de la persistance de ces inégalités à long terme. Sur ce point, les adaptations par Sattinger (1996) et Sasaki (1999) au contexte de discrimination par les salariés ne sont pas plus concluantes[12]. Rosen (1998) propose un modèle plus robuste sur la question de la pérennité des disparités entre sexes, simplement en modifiant le processus de détermination des salaires.

2.1.2 Modèles de recherche d’emploi avec négociation de Nash des salaires

L’article de Rosen (1998) s’inscrit dans la lignée des modèles de discrimination avec recherche d’emploi de Black (1995) et de Bowlus et Eckstein (1998). Néanmoins, trois hypothèses originales et généralisant ces modèles sont introduites. D’une part, il n’existe plus seulement deux types d’employeurs (p et u) mais un continuum d’entreprises qui se différencient par leur goût pour la discrimination, c, lui-même distribué continûment. D’autre part, aussi bien les employeurs que les salariés sont engagés dans une stratégie de recherche : les chômeurs sont à la recherche d’un emploi et les employeurs ayant des postes vacants recherchent des candidats pour les combler. On suppose qu’un chômeur reçoit des propositions d’emplois et une entreprise des dossiers de candidature au même taux et que ces contacts conduisent à une embauche si et seulement si elle est préférable à la situation de recherche à la fois pour le salarié et l’entreprise, c’est-à-dire :

Ji(c, x) est la valeur de l’utilité d’un individu s’il est embauché dans un emploi proposé par une entreprise de type c et où il a une productivité x, Ui la valeur de son utilité s’il reste chômeur, Hi la valeur de l’embauche pour l’entreprise et V la valeur pour l’entreprise de l’emploi s’il reste vacant. Enfin, l’élément crucial du modèle de Rosen est l’hypothèse de négociation des salaires. Ces derniers ne sont plus décidés unilatéralement par les entreprises; ils sont déterminés selon un processus de négociation non coopératif de type Nash :

Avec ces hypothèses, Rosen (1998) aboutit à des prédictions à la fois sur la partition des emplois par sexe et sur les disparités salariales. Rosen montre que les conditions de recrutement (équation 7) sont équivalentes à l’existence d’un seuil de productivité en-dessous duquel l’entreprise de type c n’embauchera pas le salarié. La conséquence directe est que les entreprises avec un goût pour la discrimination trop marqué n’embaucheront pas de femmes. Ainsi du point de vue de la caractérisation des entreprises, Rosen réconcilie les approches de Black (1995) et de Bowlus et Eckstein (1998) : certaines entreprises ont un coefficient de discrimination si élevé qu’elles n’embauchent pas de femmes (hypothèse de Black) alors que d’autres employeurs ont certes de l’aversion à l’encontre des femmes mais suffisamment faible pour tout de même en embaucher (hypothèse de Bowlus et Eckstein).

En ce qui concerne les inégalités entre sexes, le modèle de Rosen (1998) offre trois prédictions intéressantes. La première est commune à tous les modèles de la littérature sur la discrimination : à productivité équivalente, les femmes perçoivent des salaires plus faibles que leurs homologues masculins à cause des préjugés des employeurs. Mais dans la modélisation de Rosen, un deuxième élément est à l’origine de cette différence. Les hommes ont un avantage salarial même dans les entreprises non discriminatrices car sur le marché, ils sont préférés aux femmes et ont donc un meilleur pouvoir de négociation.

Le deuxième résultat est que, plus une entreprise a des préférences discriminatoires, plus l’écart salarial entre sexes est important. Plus précisément, Rosen démontre que plus une entreprise a de forts préjugés à l’encontre des femmes, plus son pouvoir de négociation est faible. Ainsi, le goût pour la discrimination des employeurs a une double répercussion sur les salaires féminins : il a un effet direct négatif et un effet indirect positif via le pouvoir de négociation des entreprises. Or ce deuxième effet est de second ordre par rapport au premier : les salaires féminins sont donc décroissants avec le coefficient de discrimination. En revanche, les entreprises ne subissent pas de pertes d’utilité quand elles emploient des hommes, donc l’effet direct de la discrimination sur leurs salaires est nul. Cependant, les entreprises discriminatrices ont des pouvoirs de négociation plus faibles et donc doivent offrir aux salariés masculins des rémunérations plus élevées. Les salaires masculins sont donc croissants avec le coefficient de discrimination. Au contraire, Black (1995) concluait à un taux de salaire masculin unique pour toutes les entreprises car seul l’effet direct de la discrimination était considéré. Par conséquent, Rosen retrouve un résultat déjà évoqué par Bowlus et Eckstein (1998) : l’augmentation de l’écart salarial avec les préférences discriminatoires.

La vraie originalité du modèle de Rosen est surtout qu’il donne une explication robuste à la persistance des inégalités hommes / femmes à long terme. Le goût pour la discrimination des employeurs a deux influences contraires sur les profits : un effet positif via le coût de la main-d’oeuvre et un effet négatif via les politiques d’embauche. Effectivement, plus une entreprise est discriminatrice, plus les salaires qu’elle offre aux femmes sont faibles; la discrimination réduit donc le coût d’utilisation d’une main-d’oeuvre donnée ce qui se traduit bien par une augmentation des profits. Cependant, la discrimination conduit aussi à des décisions d’embauche sous-optimales : une entreprise avec de forts préjugés contre les femmes aura tendance à embaucher davantage d’hommes qui ont pourtant des rémunérations plus élevées, ce qui a un effet négatif sur les profits. Par conséquent, l’effet d’une augmentation de la discrimination serait a priori ambigu. Toutefois, Rosen démontre que les profits les plus élevés sont réalisés par des entreprises avec un coefficient de discrimination positif, car l’effet via le coût de la main-d’oeuvre domine celui des embauches sous-optimales lorsque les préjugés des entreprises à l’encontre des femmes ne sont pas trop marqués. Ce résultat se démarque de celui de tous les modèles de discrimination présentés précédemment, dans lesquels c’était les entreprises non discriminatrices qui réalisaient toujours les profits les plus élevés. Dans ce cadre, la discrimination ne peut pas être éliminée par les forces du marché. Rosen (1998) résout par là-même l’énigme de la persistance des disparités salariales entre sexes à long terme.

Les modèles récents de discrimination reposant sur des préférences discriminatoires et surtout celui de Rosen (1998) redonnent de l’intérêt et de la pertinence à ce champ de la littérature pour l’explication des écarts salariaux. Certes, ils reprennent l’intuition originale mais la robustesse de leurs conclusions nécessite l’abandon de nombreuses hypothèses du cadre néoclassique initial (information parfaite, absence de coûts d’ajustements, non-négociation des salaires, etc.). En tout cas, ils permettent de résoudre un certain nombre de paradoxes et de conclusions peu réalistes des modèles de première génération. Il en va de même pour l’approche à partir de la discrimination statistique.

2.2 Les nouveaux modèles de discrimination statistique

Le premier type de prolongement des modèles initiaux de discrimination statistique reprend l’hypothèse de base de Phelps (1972), d’une différence dans la qualité de l’information sur la productivité fournie par chaque sexe, en modélisant explicitement cette information. Les deux principaux changements, qui améliorent sensiblement les résultats, sont de deux ordres : Lundberg et Startz (1983) et Brinch (1999) endogénéisent l’investissement en capital humain et Oettinger (1996) intègre les concepts de la théorie de l’appariement.

Le deuxième type de modèles de discrimination s’inscrit dans la lignée de Arrow (1973) et reprend l’hypothèse fondamentale que les employeurs sont incapables de connaître parfaitement la productivité des salariés dans un emploi particulier. Or, contrairement aux précédents modèles, les chefs d’entreprise vont baser leurs politiques salariales et organisationnelles, non pas sur des signaux individuels de productivité dont la fiabilité diffère entre sexes, mais sur leurs idées préconçues – fondées ou non – des performances des deux groupes. Ainsi, les employeurs vont avoir un comportement discriminatoire à l’encontre des femmes s’ils croient que ces dernières sont en moyenne moins qualifiées, ou encore plus susceptibles de quitter leur emploi que les hommes et que le coût d’acquisition d’une information complémentaire sur chaque candidate est excessif. Par exemple, si la plupart des employeurs pensent que les femmes ont en moyenne un plus faible attachement au marché du travail, celles-ci vont recevoir peu d’offres d’emplois pour des postes qui nécessitent une formation intensive financée par l’entreprise. Dans le même esprit, une jeune femme pourra se voir refuser certains emplois à hautes responsabilités car l’employeur peut craindre qu’une prochaine maternité ne l’oblige à s’absenter du marché du travail pendant une période donnée. Le comportement des employeurs est alors dicté par des stéréotypes.

2.2.1 Une discrimination basée sur l’imperfection des mesures de productivité

Contrairement à Phelps (1972) et Aigner et Cain (1977), les modèles récents de discrimination statistique concluent à des écarts dans les salaires moyens et les taux de rendement de la formation des deux sexes sans postuler de différences de capacités ou d’aversion au risque. Ils montrent que la qualité de l’information peut avoir des répercussions directes sur la productivité des salariés via l’accumulation de capital humain et / ou via la qualité des appariements formés.

2.2.1.1 Qualité de l’information et capital humain endogène

Lundberg et Startz (1983) associent dans un cadre unifié les concepts de la théorie du capital humain et ceux du modèle de Phelps (1972) de sorte que les salaires et les investissements en formation soient endogènes. Ils supposent que la productivité d’un salarié dans un emploi donné dépend à la fois de ses capacités innées, ai et de son niveau d’investissement en capital humain, Xi :

Ils reprennent aussi les hypothèses centrales de discrimination statistique en considérant que les employeurs ne disposent que d’une mesure imparfaite, si, de la productivité de chaque salarié :

et que l’incertitude entourant la productivité des femmes est plus importante que celle affectant les hommes equation: 010752are018n.png

Comme dans l’article de Phelps (1972), les rémunérations offertes à chaque salarié par les entreprises – supposées concurentielles – sont égales à la productivité attendue compte tenu des signaux observés, soit une moyenne pondérée entre le signal de productivité individuelle et la productivité moyenne du groupe (cf. équation 3). La pondération associée au signal est plus importante dans la détermination des salaires masculins que féminins à cause de leur plus grande fiabilité.

Anticipant parfaitement ces profils salariaux offerts par les entreprises, les salariés choisissent leur niveau de formation. Pour ce faire, ils comparent les coûts d’acquisition d’une unité supplémentaire de capital humain à l’accroissement de salaire qu’elle génère. Or pour les hommes et les femmes, le coût d’augmenter son signal en suivant une formation est le même alors que le bénéfice attendu ne l’est pas. En effet, si les employeurs savent que les mesures de productivité sont moins fiables pour les femmes, alors ils vont faire peu de cas des signaux élevés qu’elles présentent et ils vont leur offrir des augmentations de salaire plus faibles qu’à leurs homologues masculins. En conséquence, les femmes vont être moins incitées que les hommes à investir en formation, ce qui va se traduire par une productivité moyenne plus faible malgré des capacités innées identiques. C’est pourquoi, un écart entre les salaires moyens des deux sexes va apparaître. Lundberg et Startz (1983) rendent ainsi les intuitions de Phelps (1972) cohérentes avec les faits observés sur le marché du travail.

Brinch (1999) étend le modèle de Lundberg et Startz (1983) afin d’y intégrer explicitement les idées de la théorie du signal. Il affirme que tout investissement en éducation peut se décomposer en deux éléments : 1) l’acquisition de connaissances qui augmentent la productivité des futurs travailleurs mais qui ne sont pas parfaitement observables; 2) les références scolaires (diplôme, réputation de l’établissement, etc.) qui n’accroissent pas la productivité mais qui servent de signal pour les employeurs. Chaque salarié décide alors de son investissement dans ces deux aspects de l’éducation en fonction de leurs rendements respectifs en termes de salaires. Brinch (1999) retrouve les résultats originaux de Lundberg et Startz (1983) : pour un niveau donné de références scolaires, les femmes investissent moins en moyenne en capital humain productif – dont le rendement est croissant avec la fiabilité des signaux – et ont des salaires moyens plus faibles. En fait, les profils salariaux des femmes sont, dans ce contexte, plus plats que ceux des hommes avec le capital humain productif et plus pentus avec les références scolaires. Les femmes ont ainsi une moins bonne situation sur le marché du travail car elles dépensent plus de ressources que les hommes dans les aspects non productifs de l’éducation pour finalement obtenir des rémunérations moyennes plus faibles.

Lundberg (1989) complète l’analyse de Lundberg et Startz (1983) en réinterprétant leurs résultats sur les salaires en termes d’emplois occupés. Elle suppose qu’à chaque niveau de salaire correspond un emploi différent. En déterminant les salaires, les employeurs prennent alors des décisions d’embauche et de promotion. Dans ce contexte, les femmes ont moins de chances de se retrouver dans un emploi à hautes responsabilités que les hommes. Par ailleurs, elles devront présenter des diplômes, tests d’embauche ou autres signaux de productivité plus élevés que leurs homologues masculins afin d’être embauchées ou promues dans des emplois hautement qualifiés. Ce modèle de discrimination statistique donne ainsi une explication non seulement aux écarts salariaux hommes / femmes mais aussi à la ségrégation occupationnelle existante entre sexes sur le marché.

D’autres auteurs ont modélisé explicitement les implications de la précision de l’information sur la qualité de l’appariement. Cependant, la contrepartie est qu’ils négligent les investissements en capital humain.

2.2.1.2 Fiabilité de l’information et qualité des appariements

Rothschild et Stiglitz (1982) obtiennent une discrimination de groupe en postulant une fonction de production dans laquelle la productivité dépend de la qualité de l’appariement. Intuitivement, comme les compétences des femmes sont moins bien évaluées par les employeurs à cause du manque de fiabilité de leurs signaux, elles ont moins de chances que les hommes d’être véritablement bien « appariées » avec leur emploi. Ainsi leur productivité et, par voie de conséquence, leur salaire sont en moyenne plus faibles.

Oettinger (1996) reprend cette idée en la transposant dans un modèle dynamique à deux périodes. Avec leur cadre statique, les précédents modèles de discrimination statistique imposaient implicitement que les différences d’information sur la productivité existant entre groupes étaient permanentes. Or si le désavantage informationnel des femmes est seulement temporaire, il n’est pas certain qu’un écart de salaire permanent puisse apparaître. C’est pourquoi, Oettinger (1996) postule que la véritable productivité des deux groupes se révèle parfaitement après une période d’ancienneté. Pour la première période, le cadre d’analyse de Oettinger (1996) est rigoureusement identique à celui de Phelps. En seconde période, il suppose que chaque salarié reçoit une nouvelle offre d’emploi et est donc confronté à une décision de mobilité. Si le salarié refuse cette offre et reste dans son premier emploi, sa productivité est parfaitement connue; par contre, s’il décide de changer d’emploi, sa productivité est incertaine et entachée du même type d’erreurs de mesure qu’en première période. Les entreprises déterminent leurs offres de salaire à partir de ces signaux (parfaits ou non) et les employés changent d’emploi si l’offre du nouvel emploi excède le salaire attendu dans son emploi actuel.

L’avantage de cette modélisation est qu’elle permet d’offrir de nombreuses prédictions sur les disparités entre sexes testables empiriquement. Comme Phelps (1972), Oettinger (1996) conclut qu’à leur entrée sur le marché du travail (période 1), les hommes et les femmes devraient, en moyenne, gagner les mêmes rémunérations. En seconde période, les salariés se sélectionnent eux-mêmes dans les meilleurs appariements possibles, par le jeu des mobilités. Or, plus les signaux de productivité sont de bonne qualité, plus ce processus de sélection a des chances d’être lucratif en moyenne puisqu’ils permettraient d’éviter les décisions qui s’avéreraient être des erreurs ex post, telles que changer pour un appariement qui se révélerait moins bon ou renoncer à un changement d’emploi qui se révélerait de meilleure qualité. Les hommes, qui ont des signaux plus fiables, vont mieux tirer partie du jeu des mobilités en prenant des décisions plus efficaces. En seconde période, ils devraient ainsi gagner, en moyenne, des rémunérations plus élevées que leurs collègues féminines. De même, parmi les individus changeant d’emploi, les hommes devraient avoir une progression salariale plus importante que les femmes; en revanche, l’inverse devrait être vrai parmi les individus restant dans leur emploi. En effet, comme les investissements en capital humain ne sont pas pris en compte par Oettinger, la véritable productivité des immobiles est supposée constante. Leurs changements de salaire reflètent donc uniquement les corrections de mesure de la productivité. Puisque les femmes ont des signaux moins fiables, leurs salaires sont plus susceptibles d’être rectifiés à la hausse en seconde période; c’est pourquoi, les femmes restant dans leur emploi devraient avoir une progression salariale plus importante que leurs homologues masculins ou en d’autres termes, les femmes devraient avoir un rendement moyen de l’ancienneté plus élevé que les hommes.

Jusque-là les modèles existants de ce courant de la discrimination statistique avaient généré peu d’implications pouvant être confrontées aux faits. Malheureusement, Oettinger a initialement appliqué son modèle aux différences entre races, comme d’ailleurs les deux seules autres études, proposées par Altonji et Pierret (1997) et Neumark (1999) qui ont essayé de vérifier la validité empirique de la théorie de la discrimination statistique. Ainsi, la pertinence de ces modèles pour les différences hommes / femmes reste pour l’instant à vérifier. D’où la perplexité de certains auteurs, notamment Altonji et Blank (1999), quant au poids à accorder à la théorie de la discrimination statistique fondée sur des différences de qualité d’information, dans l’explication des écarts salariaux entre sexes.

2.2.2 Une discrimination basée sur les stéréotypes

Selon le deuxième courant de discrimination statistique, les différences de traitement entre hommes et femmes sont désormais liées aux a priori des employeurs sur les compétences moyennes des deux groupes. Leurs idées préconçues sur des écarts existants entre sexes peuvent provenir de leur expérience antérieure, de données statistiques ou de purs préjugés ne reposant sur aucun fait concret. Dans ce dernier cas, on retrouve en réalité la discrimination par goût (il s’agit d’une simple rationalisation de celle-ci). Toutefois, dans la littérature, les diverses formes de discrimination selon que les convictions des employeurs sont erronées ou non, sont distinguées. D’une part, des modèles postulent que les employeurs vont tenir compte du fait réellement observé, que les femmes ont en moyenne un plus faible attachement au marché du travail que les hommes. Dans cette optique, peut-on encore parler de discrimination? La réponse est oui car les perceptions des employeurs, même valides en moyenne, vont handicaper les femmes qui désirent véritablement faire carrière et participer continûment au marché du travail. D’autre part, des modèles s’interrogent sur la possible pérennité d’une discrimination lorsque les a priori des employeurs s’avèrent faux.

2.2.2.1 Attachement au marché du travail et capital humain spécifique

À l’image de Lundberg et Startz (1983), plusieurs auteurs ont intégré les concepts de la théorie du capital humain dans un cadre de discrimination statistique, mais leur procédure d’inférence est plus simple. Cette fois-ci, c’est le futur attachement au marché du travail d’un individu et non sa productivité actuelle qui est imparfaitement observé. Dans ces modèles, les employeurs l’anticipent en se basant sur la moyenne du groupe et ils se servent de leur estimation dans leurs décisions d’embauche, de promotion et de salaire[13].

Les modèles initiaux de capital humain expliquaient les différences entre sexes dans les choix occupationnels par le lien entre rendement marginal du capital humain et participation attendue au marché du travail, et ils mettaient en évidence l’existence d’une forte relation entre interruptions de carrières et faible croissance salariale. Lazear et Rosen (1990) étendent cette idée en s’intéressant à l’assignation des emplois et à la progression des salariés dans la hiérarchie. Ils utilisent un modèle dynamique fondé sur l’analyse coût-bénéfice des promotions. Le coût d’une promotion est la perte de production durant la période de formation que doit suivre le salarié pour monter en grade et le bénéfice d’une promotion est l’accroissement de la productivité du salarié nouvellement formé. Or l’ampleur des bénéfices dépend de deux facteurs : le niveau de capacité et la probabilité attendue du salarié de rester dans l’entreprise. Il est optimal pour l’entreprise de promouvoir les salariés avec les capacités les plus élevées et les taux de démission les plus faibles[14].

Puisque Lazear et Rosen (1990) supposent que les femmes, certes aussi productives que les hommes sur le marché du travail, sont plus compétentes qu’eux dans la production domestique, elles auraient plus d’incitations à quitter l’entreprise. Ainsi, pour les promouvoir, les entreprises exigeraient des femmes des capacités plus élevées afin de compenser leur probabilité supposée de démission plus importante. À caractéristiques identiques, les femmes auraient des taux de promotion plus faibles. Néanmoins, cet écart devrait diminuer au fur et à mesure que les individus occupent des emplois à fortes responsabilités. En effet plus un salarié est en haut de la hiérarchie, plus ses capacités productives sont importantes, plus elles ont de chances d’être supérieures à la valeur de sa production domestique et donc plus sa probabilité de démission diminue. C’est pourquoi, dans les emplois très qualifiés où les deux sexes sont sûrs de rester dans l’entreprise, les chances de promotion devraient être identiques pour les hommes et les femmes ceteris paribus. Ces différences dans les taux de promotion entre sexes ont des répercussions en termes d’écart salarial. En moyenne, les salaires des femmes devraient être plus faibles car elles sont proportionnellement moins nombreuses dans les emplois à fortes rémunérations. Toutefois, au sein des emplois très qualifiés, elles devraient recevoir des salaires plus importants puisqu’elles sont plus productives du fait des critères de promotion plus sévères. Lazear et Rosen (1990) proposent ainsi un modèle qui conduit à une ségrégation occupationnelle et à des écarts de salaire entre sexes à cause de processus distincts de promotion. L’un des avantages est que ces prédictions sont testables empiriquement.

Les récentes études économétriques analysant les différences de promotion entre sexes, à partir de panels de salariés représentatifs de l’ensemble des professions[15], corroborent la première prédiction de Lazear et Rosen (1990) en trouvant des taux de promotion plus faibles pour les femmes (Olsen et Becker, 1983; McCue, 1996; Pergamit et Veum, 1999; Cobb-Clark, 2001; Groot et Maassen, 1996). Peu de travaux ont vérifié leur deuxième prédiction selon laquelle les différences entre sexes dans les taux de promotion auraient tendance à diminuer progressivement avec le niveau de qualification des emplois. Kaester (1994) met bien en évidence à partir des données d’une grande entreprise américaine que les femmes dans les emplois peu qualifiés ont moins de chances d’être promues que les hommes et que l’inverse est vrai dans les emplois hautement qualifiés. Cependant Jones et Makepeace (1996) et Audas, Barmby et Treble (1997), en se basant sur des données d’entreprises anglaises, affirment que l’on ne peut pas conclure à une décroissance systématique dans les différences de taux de promotion avec le niveau des emplois. Enfin, la dernière prédiction sur un écart de salaire favorable aux femmes dans les emplois hautement qualifiés est contraire aux faits stylisés, comme le reconnaissent eux-mêmes Lazear et Rosen. La validité empirique de leur modèle est par conséquent très controversée (Winter-Ebmer et Zweimüller, 1997).

Barron, Black et Loewenstein (1993) proposent un autre modèle d’assignation des emplois et de détermination des salaires dont les conclusions semblent plus robustes. La nouveauté est qu’ils distinguent l’attachement du salarié au marché du travail de son attachement à un employeur particulier. Un salarié peut décider de quitter son entreprise pour deux raisons : 1) s’engager dans la production domestique – à un taux exogène η; 2) changer pour un autre emploi qui lui procure une utilité supérieure. De nouveau, la seule différence supposée entre sexes est que les employeurs voient les femmes comme étant plus susceptibles de se retirer du marché du travail : ηf > ηh. Or cette probabilité a deux effets, de sens contraire, sur les profits. Plus η est élevé, plus le salarié a de chances de démissionner, ce qui a pour effet direct de réduire les profits puisque les employeurs s’approprient une partie des rendements de la formation spécifique après avoir supporté une partie des coûts. Mais plus η augmente, moins le salarié est incité à s’engager dans une recherche d’emploi de type job shopping – sa période de rentabilisation de ses gains anticipés étant plus faible – ce qui diminue sa probabilité de démissionner et accroît les profits. Toutefois Barron et al. (1993) lèvent cette ambiguïté et montrent que l’effet direct domine. Selon les a priori des employeurs, les salariés masculins devraient alors générer des profits futurs plus élevés; c’est pourquoi ils devraient se voir proposer des salaires de départ plus importants et bénéficier d’un avantage salarial durant la période postformation afin de réduire leur probabilité de démissionner pour un autre emploi. En outre, sous l’hypothèse que chaque démission oblige les employeurs à embaucher un nouveau salarié qui aura besoin d’une formation spécifique et qui utilisera moins efficacement le capital, ceux-ci auraient intérêt à apparier les femmes, moins attachées au marché du travail que les hommes, aux emplois peu exigeants en formation et en capital.

Barron et al. (1993) valident empiriquement l’ensemble de leurs prédictions théoriques. Toutefois, il n’y a pas, dans la littérature, un parfait consensus sur l’existence d’un écart en formation spécifique favorable aux hommes[16]. La pertinence empirique de cette théorie mériterait donc d’être confirmée par d’autres études.

De manière générale ces modèles d’assignation des emplois intégrant les concepts de capital humain spécifique offrent des pistes intéressantes pour l’explication de la ségrégation occupationnelle et des écarts salariaux entre sexes. Néanmoins, plusieurs critiques peuvent être formulées à leur encontre. La première limite reconnue par Barron et al. (1993) est que l’attachement au marché du travail est supposé exogène. Une étude complète exigerait de prendre en compte l’interdépendance entre les décisions des entreprises et l’attachement au marché du travail des femmes. Les préjugés des employeurs quant à la plus forte probabilité de démission des femmes peuvent conduire ces dernières à moins investir en capital humain avant d’entrer sur le marché du travail du fait de leurs perspectives d’emplois réduites. Les femmes auraient alors moins d’incitations à rester dans leur emploi ce qui renforcerait les a priori des employeurs.

Leblanc (1995) émet lui des doutes sur la persistance d’une telle discrimination à long terme. Les modèles précédents supposent implicitement que toutes les entreprises font les mêmes anticipations des productivités individuelles futures et évitent ainsi cette question. Leblanc (1995) affirme que si les entreprises peuvent offrir des contrats avec une période d’essai où les rémunérations initiales sont suffisamment faibles par rapport aux suivantes, de telle sorte que les salariés instables ne trouvent pas ce type de contrat attractif, la discrimination statistique risque d’être éliminée. Ce type de contrat incite les salariés à révéler leur véritable attachement au marché du travail et rend caduc l’utilisation des moyennes et références aux groupes. Cette question de la persistance de la discrimination a, en revanche, été au coeur des modèles étudiant comment les croyances des employeurs non plus sur l’attachement au marché du travail mais sur la productivité des différents groupes (fondées ou non) pouvaient influencer les décisions d’emploi et de salaires.

2.2.2.2 A priori sur les compétences et discrimination à long terme

Avec son modèle initial dans lequel les employeurs avaient des a priori erronés, Arrow (1973) se heurtait au problème de la non-viabilité des politiques salariales discriminatoires à long terme. Coate et Loury (1993) utilisent conjointement les concepts de Arrow (1973) et de Lundberg et Startz (1983) pour développer un modèle d’assignation des emplois qui se concentre sur la ségrégation occupationnelle entre sexes et qui inclut les décisions d’investissement en capital humain.

Leur point de départ est que les employeurs sont appariés de façon aléatoire à un ensemble de salariés appartenant aux deux sexes, qu’ils peuvent assigner à deux types d’emplois : des postes qualifiés (emploi A) où seuls les salariés qui ont une certaine formation sont réellement performants et des postes non qualifiés (emploi B) pour lesquels tous les salariés sont compétents. Or, comme ils n’observent qu’imparfaitement les qualifications des salariés, ils choisissent les assignations en se basant sur deux critères : un signal imparfait si des qualifications, croissant avec le niveau de capital humain investi et des idées préconçues sur les distributions de productivité respectives des deux sexes. L’hypothèse centrale pour les différences hommes / femmes est que les employeurs ont des « stéréotypes négatifs » à l’encontre des femmes, c’est-à-dire qu’ils pensent que les femmes ont a priori une probabilité plus faible d’être qualifiées pour l’emploi A f < πh). À partir de ces convictions et des signaux observés, les employeurs évaluent pour chaque salarié une probabilité subjective – a posteriori – d’être qualifié ψ(si, πj). La règle optimale pour les entreprises est alors d’assigner un emploi A à tous les travailleurs qui ont une probabilité ψ(si, πj) supérieure à un certain seuil ce qui revient à établir un signal minimum s*j) comme critère d’embauche dans l’emploi qualifié. La conséquence directe des a priori des entreprises est que les critères vont être plus sévères pour les femmes puisque s*(.) est décroissant en πj. Ces dernières ont ainsi moins de chances de valoriser leur investissement en formation et vont donc rationnellement choisir de moins y investir, ce qui conduit au renforcement des stéréotypes initiaux. D’où l’apparition d’un écart de salaire moyen entre sexes, persistant à long terme puisque moins de femmes sont appariées aux emplois de type A, mieux rémunérés que les autres.

Coate et Loury (1993) montrent surtout que des convictions erronées même transitoires peuvent conduire à des écarts de salaire permanents. Supposons que les entreprises révisent leurs a priori après une période. Elles vont baser leurs nouvelles convictions en observant les qualifications de la période précédente. Or, les femmes sont bien en moyenne moins qualifiées pour les emplois A à cause de leurs moindres investissements en formation. Coate et Loury (1993) résolvent donc le problème de Arrow (1973).

Moro et Norman (2003) et Moro (2003) proposent un extension intéressante du modèle de Coate et Loury (1993) en endogénéisant les salaires et en considérant que les salariés ne sont plus appariés de façon aléatoire à une entreprise mais qu’ils la choisissent en fonction des rémunérations proposées. Toutefois, les conclusions sur la persistance à long terme de la discrimination n’en sont pas modifiées. En revanche, elles le sont dans le modèle dynamique de Fryer (2001a).

Ce dernier étend le modèle de Coate et Loury (1993) en y ajoutant une deuxième étape : le processus de promotion. L’étape I est identique au modèle de Coate et Loury (1993) sauf que les décisions de l’entreprise concernent l’embauche de candidats et non leur assignation dans un emploi particulier qui se trouve reléguée à l’étape II. Dans ce cas, le fait d’investir en capital humain général accroît les chances d’être embauché et est le prérequis indispensable à toute promotion. Toujours sous l’hypothèse que les employeurs ont des préjugés négatifs à l’encontre des femmes (πf < πh) et selon le même argumentaire que précédemment, les entreprises utilisent des critères d’embauche plus stricts pour les femmes ce qui en décourage un certain nombre d’acquérir une formation initiale et confirme les stéréotypes initiaux. Cependant, conditionnellement au fait d’être embauché, les femmes sont en moyenne plus qualifiées que les hommes en raison du processus de sélection à l’embauche. Il est alors possible que les employeurs adoptent des a priori plus favorables sur les compétences féminines à l’étape II. Plus de femmes que d’hommes pourraient ainsi se voir accorder une promotion. En fait les résultats de Fryer (2001a) sont mitigés. Il trouve plusieurs équilibres : certains perpétuent les croyances des employeurs et donc la discrimination à long terme et d’autres non. Tout dépend si l’effet de sélection rendant les femmes plus qualifiées arrive à compenser leurs moindres incitations à investir générées par les stéréotypes initiaux (critères plus stricts).

Le modèle de Fryer (2001a) jette un doute sur la robustesse des conclusions de Coate et Loury (1993) puisque son cadre dynamique fournit des contre-exemples à leur interprétation. Toutefois il n’a pas encore fait l’objet d’une validation empirique. Or, il pourrait se révéler que le cas où la discrimination est éliminée à long terme n’est pas cohérent avec les faits. De toutes façons, ces extensions du modèle initial de Arrow (1973) paraissent plus à même de résoudre le problème de la stabilité des écarts salariaux à long terme.

Les modèles de discrimination de deuxième génération permettent, beaucoup mieux que les premières approches, de formaliser et expliquer un certain nombre de faits d’observation sur le marché du travail : persistance des écarts de salaire, ségrégation partielle du marché du travail entre emplois féminins et masculins, mais aussi différences dans le déroulement des carrières, surreprésentation des hommes dans les emplois les plus qualifiés et exigeants des formations spécifiques, plus grandes difficultés de promotion, surqualification des femmes, etc. Néanmoins, les travaux de validation empirique de ces modèles restent pour l’instant plus limités. Ils pourront sans doute permettre d’analyser l’influence relative des principaux freins à une évolution positive, mis en lumière dans les modèles théoriques.

Conclusion

Cet article recense l’apport de la théorie économique dans la compréhension des causes des disparités professionnelles entre sexes. Il montre que l’opposition stricte, issue du courant néoclassique entre les modèles justifiant ces différences par des écarts de productivité (préférences, qualifications, stabilité dans l’emploi) d’une part, et les modèles de discriminations fondés sur les préjugés des employeurs ou des salariés, d’autre part, doit être dépassée. Les théories les plus convaincantes sur l’existence et la pérennité des écarts salariaux et de la ségrégation occupationnelle abandonnent de nombreuses hypothèses du cadre néoclassique pour tenir compte des imperfections de l’information, des coûts d’ajustements, des anticipations des agents et surtout des possibles interdépendances entre discrimination, préférences et différences de productivité. Adopter des pratiques discriminatoires peut être une réponse rationnelle des entreprises aux préférences féminines ou à certaines situations d’incertitude, mais à l’inverse, les femmes peuvent anticiper et adapter leurs comportements vis-à-vis du marché du travail aux a priori des entreprises. Notamment, les modèles récents montrent que la discrimination peut décourager les femmes à investir en capital humain, jouer sur la mobilité ou fournir des incitations économiques pour mettre en retrait leur carrière par rapport à celle de leur conjoint.

De manière plus générale, il n’est pas déraisonnable de penser que la discrimination a aussi des répercussions sur d’autres variables telles que l’ancienneté ou le syndicalisme. En conséquence, les différences dans les caractéristiques productives peuvent refléter des effets indirects de la discrimination (pure ou statistique). Or, l’estimation des effets indirects de la discrimination est un domaine extrêmement important qui a malheureusement été négligé jusqu’à présent par les études empiriques et constitue une piste de recherche intéressante. Il s’agirait de complèter les rares travaux de validation empirique des modèles de seconde génération et de se concentrer sur la mesure économétrique des effets indirects de la discrimination afin de connaître la proportion précise de l’écart salarial à attribuer à chaque composante (préférences versus discrimination). Ce n’est qu’en précisant ces questions que l’on pourra réellement déterminer s’il est nécessaire ou non de mettre en place des politiques en faveur des femmes et si oui, de quel type.