Alternative francophone
Pour une francophonie en mode mineur
Volume 2, Number 10, 2022 Les oevres « mineures » de Maryse Condé : théâtre, textes pour la jeunesse, essais Guest-edited by Gloria Onyeoziri-Miller and Robert Miller
Table of contents (9 articles)
Articles thématiques
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Les oeuvres mineures Maryse Condé : théâtre, textes pour la jeunesse et essais : introduction
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Rêves amers et Conte cruel : les jeunes migrants de Maryse Condé
Pooja Booluck-Miller
pp. 11–22
AbstractFR:
Cet article analyse la manière dont Maryse Condé dépeint les luttes auxquelles sont confrontés les enfants migrants dans ses romans Rêves amers et Conte cruel, qui mettent en scène des protagonistes enfants contraints d’assumer des responsabilités d’adultes afin d’aider leur famille. En tant que porte-parole de ces enfants, Condé tente d’utiliser leur voix pour sensibiliser les jeunes lecteurs à leurs difficultés. Nous comparerons également ces deux romans pour la jeunesse à ses romans autobiographiques afin d’établir un lien entre les deux oeuvres.
EN:
This article examines how Maryse Condé portrays the struggles faced by migrant children in her novels Rêves amersand Conte Cruel. These two novelsdepict howchild protagonists are forced to assume adult responsibilities in order to help their families. As a spokesperson for these children, Condé uses her voice as an author to render awareness about their difficulties to young readers. We also compare these two children’s novels to her autobiographical onesin order to establish a connection between the two.
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Maryse Condé, autrice de littérature jeunesse
Marie-Claude Hubert
pp. 23–35
AbstractFR:
L’article se propose d’étudier les oeuvres pour la jeunesse de Maryse Condé et de montrer comment ces dernières s’articulent avec le reste de son oeuvre. Alors qu’elle a cours à des genres littéraires divers – réécriture de conte traditionnel, récit de vie, roman historique – le souci reste le même : raconter la vie des Antilles, évoquer l’Afrique, instruire sur l’esclavage.
EN:
The article proposes to study Maryse Condé's youth literature and to show how they relate to the rest of her work. While she uses various literary genres - rewriting traditional tales, life stories, and historical novels - her concern remains the same: to tell the life of the West Indies, to evoke Africa, to educate about slavery.
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L’enseignement des réalités coloniales dans le roman de jeunesse Rêves amers
Christophe Premat
pp. 36–50
AbstractFR:
Le roman de jeunesse Rêves amers de Maryse Condé est paru pour la première fois dans le magazine Je bouquine en 1987 avant d’être repris par les éditions Bayard jeunesse en 2001. Portant sur l’expérience tragique de la migration, il s’attache à mettre en évidence la pérennité de l’esclavage social (Mbembe 2013). « Le roman francophone des Antilles apporte aussi un changement considérable dans la nature des êtres humains. Les hommes et les femmes qui en sont les héros n’appartiennent pas à une catégorie bien définie. Ils mettent à mal le concept de race. Ils sont le résultat d’influences diverses. Ils portent en eux des sangs multiples et sont souvent des métis, sensibles à la couleur de leur peau qui conditionne la qualité de leur existence » confiait récemment Maryse Condé dans un entretien mené par Roger Célestin (153). Cet ouvrage, qui était dans sa forme initiale paru peu de temps avant Traversée de la mangrove, traite d’Haïti et de la Caraïbe comme des espaces de révolte par rapport à la malédiction historique des rapports brutaux de la colonisation (Carruggi). Si le roman Rêves amers a eu une certaine réception dans le cadre de la littérature jeunesse et de la pédagogie, il reste relativement négligé des études littéraires universitaires. Pourtant, la référence à Haïti est centrale avec l’avènement de la première République noire indépendante du Nouveau Monde. Notre hypothèse est que Maryse Condé a proposé un ouvrage didactique destiné à former les jeunes générations pour qu’elles réinterrogent ce qui est enseigné dans une optique postcoloniale. Le contenu, les thèmes et le style de cet ouvrage lui ont servi de matrice pour la série de romans qui ont suivi. Notre étude portera sur l’analyse de la relation entre la mort et le rêve pour dégager un positionnement fondamental sur la manière de rendre compte de relations socio-historiques issues du colonialisme. Dans ce cadre, Haïti demeure la promesse d’une émancipation inachevée qui est enseignée aux jeunes générations. Ces œuvres semblent négligées par la critique peut-être parce que leur facture didactique est beaucoup plus nette.
EN:
Maryse Condé’s youth novel Rêves amers appeared for the first time in the magazine Je bouquine in 1987 before being taken up by the Bayard youth editions in 2001. Dealing with the tragic experience of migration, it highlights the recurrent reality of social slavery (Mbembe 2013). « The French-language novel from the Antilles also brings about a considerable change in the nature of human beings. The men and women who are its heroes do not belong to a well-defined category. They undermine the concept of race. They are the result of various influences. They carry multiple bloods within them and are often half-breeds, sensitive to the color of their skin which conditions the quality of their existence » recently confided Maryse Condé in an interview conducted by Roger Célestin (153). This work, which was published in its initial form shortly before Crossing the mangrove, treats Haiti and the Caribbean as spaces of revolt against the historical curse of brutal reports of colonization (Carruggi). If the novel Rêves amers has had a certain reception within the framework of children’s literarure and pedagogy, it remains relatively neglected in academic literary studies. However, the reference to Haiti is central with the advent of the first independent Black Republic in the New World. The hypothesis here is that Maryse Condé has proposed a didactic book intended to train the yonger generations to question what is taught from a postcolonial perspective. The content, themes and style of this book served as the basis for the series of novels that followed. Our study will focus on the analysis of the relationship between death and dreaming to identify a fundamental position on how to account for socio-historical relationships resulting from colonialism. In this context, Haiti remains the promise of an unfinished emancipation which is taught to the younger generations. These works seem neglected by the critics perhaps because their didactic style is much clearer.
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Des vies sans fards : la représentation des femmes dans la littérature de jeunesse de Maryse Condé
Pauline Franchini
pp. 51–64
AbstractFR:
Cet article propose une étude de la représentation des femmes dans trois romans de Maryse Condé pour la jeunesse : Rêves amers (réédition de Haïti chérie), Savannah Blues et La Belle et la Bête, une version guadeloupéenne. Dans ces fictions, Maryse Condé bouscule les stéréotypes de genre, en particulier autour de la maternité et de la figure de la potomitan ou la mère-courage antillaise. Elle interroge aussi les préjugés sexistes et racistes hérités du colonialisme et de l’esclavagisme, comme l’imagerie de la « mulâtresse », la belle métisse des îles. À travers l’analyse de personnages communs à ses romans pour la jeunesse et pour les adultes (Ségou et Desirada), l’étude montre que la littérature enfantine de Maryse Condé semble a priori chercher à édulcorer ou passer sous silence certaines violences sexuelles. Mais cette apparente autocensure ne doit pas masquer la critique et la remise en question audacieuse, dans ses romans pour jeune public, de l’intersectionnalité des dominations de race, de classe et de genre.
EN:
This article proposes a study of the representation of women in three of Maryse Condé's novels for young people: Rêves amers (reprint of Haïti chérie), Savannah Blues and La Belle et la Bête, a Guadeloupean version. In these fictions, Maryse Condé challenges gender stereotypes, particularly around motherhood and the figure of the potomitan or West Indian mother-courage. She also questions sexist and racist prejudices inherited from colonialism and slavery, such as the imagery of the "mulatto", thebeautiful mixed-race woman of the islands. Through the analysis of characters common to her novels for children and adults (Ségou and Desirada), the study shows that Maryse Condé's children's literature seems a priori to seek to water down or pass under silence certain sexual violence. But this apparent self-censorship should not obscure the bold critique and questioning of the intersectionality of race, class, and gender dominance in her novels for young readers.
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L’oeuvre condéenne pour la jeunesse : entre échec littéraire et mises en scène de l’échec
Merveilles Mouloungui
pp. 65–78
AbstractFR:
Le présent article s’interroge sur la place de la littérature de jeunesse de Maryse Condé au sein de sa bibliographie générale, et dans la réception critique. La relative marginalisation de ces oeuvres semble due à des facteurs spécifiques au secteur éditorial dans son ensemble, et à d’autres facteurs propres à littérature francophone féminine, comme le manque de spécialistes dans le domaine et le manque d’instances de légitimation. Dans ce même corpus destiné, Maryse Condé déploie le plus souvent une écriture de l’échec, ce qui pourrait être interprété comme un écho de la faible visibilité institutionnelle des œuvres concernées. Quoi qu’il en soit, ces échecs dans la fiction sont certainement à mettre sur le compte des intentions réalistes d’un auteur qui ne cesse de renvoyer à la dureté d’un monde post-colonial auquel ses lecteurs seront ainsi préparés.
EN:
This article examines the place of Maryse Condé's children's literature in her general bibliography, and in the critical reception. The relative marginalization of these works appears to be due to factors specific to the editorial sector as a whole, and to other factors specific to Francophone women's literature, such as the lack of specialists in the field and the lack of legitimization bodies. In the same corpus, Maryse Condé most often deploys a writing of failure, which could be interpreted as an echo of the low institutional visibility of the works concerned. In any case, these failures in fiction are certainly to be blamed on the realistic intentions of an author who keeps referring to the harshness of a post-colonial world to which his readers will thus be prepared.
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La postcolonie, la résistance et la subjectivité : Mort d’Oluwémi d’Ajumako et Dieu nous l’a donné de Maryse Condé
Joel Akinwumi
pp. 79–88
AbstractFR:
Si dans Mort d’Oluwémi d’Ajumako, Oluwémi dirige son peuple d’une main d’airain et refuse de jouer au jeu de l’administration politique en place, Dieudonné désire dans Dieu nous l’a donné en découdre avec le système colonial et ses conséquences,mais n’arrive pas à joindre son peuple à ses idées révolutionnaires. Ces deux pièces de théâtre de Maryse Condé permettent de toucher non pas seulement à deux modes de résistance et de gestion du fait historique colonial,mais surtout à une résistance hétérogène au sein des sujets colonisés. Cet article examine les stratégies épistémologiques et socio-discursives employées par les sujets colonisés pour construire leurs identités individuelle et collective ainsi que la possibilité de dépasser les tendances à restreindre l’identité postcoloniale à la polarité colonisateur et colonisé en s’appuyant sur la réflexion théorique de Hamid Dabashi.
EN:
While in Mort d’Oluwémi d’Ajumako, Ajumako rules his people with tyranny and refuses to cooperate with the new political regime, Dieudonné wishes in Dieu nous l’a donné to tackle the colonial system and its consequences but is unable to rally his people to his revolutionary ideas. These two plays by Maryse Condé enable us to unravel not only two methods of resistance in response to the colonial historical phenomenon but more importantly the heterogenous resistance among colonized subjects. Drawing on Hamid Dabashi’s theoretical reflection, this article examines the epistemological and socio-discursive strategies employed by colonized subjects to construct their individual and collective identities and the possibility of overcoming the tendency to limit postcolonial identity to the polarity between the colonizer and the colonized.
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L’héritage sexualisé de l’esclavage et la formation de l’identité dans Pension les Alizés et Histoire de la femme cannibale
Caitlin Midgley
pp. 89–99
AbstractFR:
Les femmes de la diaspora africaine ont été marquées par l'héritage traumatique sexualisée de l'esclavage ; un héritage qui affecte leur capacité à établir des relations et des identités. Dans le contexte de cet héritage, Condé explore dans deux genres différents l'impact du traumatisme et du racisme sur la capacité de deux femmes différentes de la diaspora africaine à établir des identités et à trouver l'amour. Dans la première œuvre, une pièce de théâtre, Pension les Alizés, le protagoniste une danseuse exotique à Paris, ne peut pas se débarrasser de la tache de l'esclavage ou établir des relations durables et dans la vieillesse elle se perd dans des illusions ; elle est toujours accrochée à son identité de danseuse d'autrefois. Dans une œuvre ultérieure, Histoire de la femme cannibale, un roman, Condé est plus optimiste, le protagoniste parvient à se séparer de l'héritage de l'esclavage ; elle commence à se forger une nouvelle identité en s'identifiant à la force de la femme cannibale. Les deux genres différents présentent de différentes possibilités d'explorer l'héritage de l'esclavage. Compte tenu de la séparation de deux décennies, nous voyons l'évolution de la réflexion de Condé sur les réactions possibles au traumatisme historique collectif de l'esclavage.
EN:
Women in the African diaspora have been scarred by the traumatic sexualized heritage of slavery; an inheritance that affects their ability to build relationships and identities. In the context of this heritage Condé explores in two different media the impact of trauma and racism on the ability of two different women of the African diaspora to find love and develop identities. In the first work, a play Pension les Alizés, the protagonist an exotic dancer in Paris, cannot rid herself of the stain of slavery or establish lasting relationships and in old age lives lost in illusions clinging to her identity as a once highly desired dancer. In a subsequent work, a novel Histoire de la femme cannibale Condé is more hopeful, the protagonist is able to separate herself from the legacy of slavery; she begins to forge a new identity as she identifies with a time before slavery. Given the two decade separation we see the evolution of Condé’s thinking about possible responses to the collective historical trauma of slavery.
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Récrire l’histoire : théâtre et révolution dans An tan révolisyon de Maryse Condé
Fély Catan
pp. 100–114
AbstractFR:
Cet article s’intéresse à la représentation de l’histoire dans le théâtre radicalement contestataire de Maryse Condé. Alors que l’histoire et la mémoire sont convoquées par le discours officiel pour glorifier les valeurs républicaines et la Révolution qui les a produites, la dramaturge s’attèle à déconstruire cette histoire positiviste en proposant une perspective créocentrique résolument tournée vers le devenir des peuples caribéens. Nous analysons ainsi la manière dont An tan révolisyon mobilise le passé pour évoquer le monde présent tout en développant un propos ambigu face aux nationalismes antillais.
EN:
This article examines the representation of history in Maryse Condé's radical protest theater. While official discourse uses history and memory to glorify republican values and the Revolution that produced them, Condé seeks to deconstruct this positivist history by offering a Creocentric perspective resolutely turned towards the future of Caribbean peoples. Thus, we analyze the way in which An tan revolisyon mobilizes the past to address the present world while developing an ambiguous discourse vis-à-vis Antillean nationalisms.