Article body

Les usages de la psychanalyse en anthropologie sont tellement divers, fruits de tentatives souvent isolées, qu’ils ne présentent véritablement aucune unité théorique[1]. Que partagent en effet le programme de recherche nord-américain « culture et personnalité » intitulé aujourd’hui Psychological Anthropology et les travaux dont les sous-titres mentionnent parfois le syntagme « anthropologie psychanalytique »? Peu de chose. Sans doute dira-t-on, le premier repose sur une déformation théorique ou culturaliste de la psychanalyse alors que le second, plus soucieux de sa conformité à un domaine d’investigation circonscrit (le symbolique), serait enfin une approche légitime, mais concurrente, de l’anthropologie symbolique[2]. D’autres usages se démarquent pourtant de ses deux grands axes revêtant alors une autre appellation : « anthropologie analytique » (Geffray 1997) ou « ethnopsychanalyse » (Pradelles de Latour 1991) dont les problématiques anthropologiques (par exemple, la dette) recoupent des préoccupations psychanalytiques. Plus originale est la démarche de Jeanne Favret Saada (1977, 1990) qui ne recourt jamais à la psychanalyse en tant que telle pour l’appliquer, mais élargit le champ d’attention de l’anthropologue aux situations d’interlocution, à ses affects et implications.

Un premier constat se dégage. La hiérarchie des disciplines, le degré de leur apport réciproque et la définition de chacune sont l’enjeu de ces usages. De tous, l’anthropologie psychanalytique est sans aucun doute le programme fort : une subordination du matériel ethnographique (et donc de l’anthropologie) à la théorie psychanalytique qui y trouverait alors une confirmation. L’existence de ce domaine d’investigation est largement suscitée par la controverse que provoque Malinowski à propos de l’universalité du complexe d’Oedipe (1927). Dans ce débat, il trahit surtout, comme de nombreux anthropologues à sa suite, son ignorance de la psychanalyse[3] (Stocking 1991 ; Lézé 2004a). Commencée par Géza Roheim à qui l’on doit sa dénomination, l’anthropologie psychanalytique se développe grâce au financement de la princesse Marie Bonaparte. L’ambition militante est très claire : prouver l’universalité du complexe d’Oedipe à travers le travail de terrain (1928-1931). Le tribunal psychanalytique impose désormais une exigence préalable : être analysé (Valabrega 1957). C’est le cas, semble-t-il, de tous ceux qui s’y adonnent aujourd’hui.

Qu’est-ce que l’anthropologie psychanalytique? Pour répondre à cette question, il ne suffit pas de dresser l’inventaire des études, de nature et de qualité inégale, qui paraissent ponctuellement sous cette rubrique, l’ensemble laissant une impression de fragmentation et d’éternel commencement. Ces essais très sophistiqués s’épuisent pour une part à justifier le dialogue ou le voisinage des deux disciplines[4], développent pour une autre une « défense et illustration » de la théorie freudienne à laquelle les auteurs ne tardent pas à faire peu ou prou allégeance[5].

Il n’a pas manqué d’anthropologues pour en découdre avec la psychanalyse et l’anthropologie psychanalytique, lui témoignant ainsi un intérêt relatif. Ma position est simple et radicale. Je pense que la critique de la psychanalyse est en l’espèce inutile. Elle survit aux controverses parce qu’elle s’en alimente largement. J’éviterai donc de lui apporter du grain à moudre et l’occasion d’engager un dialogue de sourds qui se termine toujours en soliloque[6]. Les anthropologues ont mieux à faire. La psychanalyse et les psychanalystes forcent l’adhésion ou le rejet. Soit, je propose de l’étudier par le menu[7], car son activité est justifiable d’une enquête anthropologique approfondie (Lézé 2004b). L’anthropologie psychanalytique présente quant à elle un intérêt épistémologique indéniable. À partir de la lecture des trois dernières publications en la matière, je me propose de montrer dans quelle mesure la tentation mentaliste en anthropologie est une simple « figure de la surinterprétation » (Olivier de Sardan 1996). Ma critique ne s’adresse donc pas à l’anthropologie psychanalytique en particulier qui est, au fond, secondaire et vulnérable, mais à toute forme d’interprétation mentaliste en anthropologie[8]. Ma thèse est élémentaire : l’anthropologie n’est pas une psychologie.

Mental de boxeurs, mental de Yafars

Alors que l’activité symbolique, question léguée par Marcel Mauss, est au coeur des préoccupations de l’anthropologie, les ethnologues n’ont guère cessé d’en rendre compte en des termes empruntés à la psychologie, notamment. C’est pourquoi, si débat il y a, il se réduit ordinairement à la question de savoir à quel modèle psychologique recourir pour expliquer au mieux le « matériel » ethnographique. Ce qui fera au bout du compte la différence, ce qui départage habituellement deux boxeurs d’expérience et de poids égal, c’est la qualité du mental. Ainsi, le recueil de textes de Bernard Juillerat (2001) s’ouvre-t-il sur une critique, fort pertinente et depuis longtemps attendue, de l’anthropologie cognitive représentée en France par Dan Sperber et Pascal Boyer. Elle porte essentiellement sur deux aspects : la réduction du mental au biologique qui relève de l’acte de foi ; la confusion entre mécanisme psychologique et origine psychique. Bernard Juillerat néglige néanmoins ce raccourci essentiel : l’anthropologie cognitive prétend expliquer la production de significations par un traitement défectueux de l’information.

Après avoir épinglé les dérives cognitivistes de l’anthropologie, Juillerat réitère et prolonge un Manifeste, cosigné avec Patrice Bidou et Jacques Galinier dans un numéro spécial de L’Homme (1999), pour une anthropologie psychanalytique. Il lui importe donc de défendre et illustrer, travaux à l’appui, l’apport de la psychanalyse freudienne à l’étude d’objets symboliques réputés bien circonscrits comme les mythes, les rites, croyances, cosmologie, etc., son programme étant de « reconstruire les processus inconscients partagés par les individus d’une même société et la façon dont ils sont traduits en symboles culturels partagés par tous » (p. 11). Aussi croise-t-il ses propres articles ou chapitres d’ouvrages pour tisser la trame historique et théorique d’une collaboration fructueuse entre anthropologie et psychanalyse non sans en rappeler les handicaps[9]. Il pense trouver une issue à ce dialogue dans une stricte division et hiérarchisation des rôles. S’il inclut la psychanalyse au sein d’une anthropologie pluridisciplinaire, et en fait l’étude d’un psychisme universel et autonome, il en restreint l’application à « certains types de matériaux ». Pourtant, précise-t-il récemment, l’asymétrie est inévitable (Juillerat 2003 : 329). Cette division des tâches implique une conception où le « recueil ethnographique des matériaux » est mis en forme par la théorie psychanalytique (dit apport « d’explication complémentaire »). Se dessine une anthropologie à double détente que partage également l’anthropologie cognitive : recueil d’informations puis recherche d’une explication psychanalytique, comme si le travail de terrain n’était pas théorisation progressive. En fait, le recueil d’informations est dirigé par la théorie psychanalytique, c’est-à-dire les « matériaux » à partir desquels on suppose pouvoir dégager des processus psychiques inconscients.

À aucun moment Juillerat ne s’interroge sur l’hétérogénéité de la psychanalyse, son unité théorique étant loin d’être accomplie, ni sur la sociohistoire qu’exigerait, avant tout usage, la notion de psychisme ou le dualisme qu’il entraîne. Il y a là un vieux philosophème (Bazin 1996). Lorsqu’une action sociale isolée de sa situation[10] devient un comportement auquel on recherche un sens, l’opération de division nous entraîne à rechercher le lieu qui cause le comportement : le mental. Dès lors, le problème de l’auteur est un artefact : montrer le nombre de médiations nécessaires pour expliquer le passage de représentations inconscientes individuelles au collectif… ce qui est en effet très problématique. Même raffinée, la position demeure difficile à tenir :

[C]e que retiendra une anthropologie psychanalytique, c’est ce lien étroit et difficile à démêler non pas tellement entre l’individu et le groupe en tant que tel, mais bien entre le fonctionnement psychique d’une part, les institutions sociales et les institutions culturelles d’autre part.

Juillerat 2003 : 330

Pour étayer sa démarche, il réunit ensuite des travaux menés sur son terrain de Nouvelle-Guinée auprès des Yafars. La lecture a de quoi laisser perplexe, voire sceptique. Il ne s’agit évidemment pas d’une application brute de la psychanalyse ou d’une simple attribution de sens. L’analyse est plus subtile et parfois tente de faire converger, à l’instar du chapitre 6, logique socio-historique et sociocosmologique. Mais la facilité avec laquelle Juillerat propose des interprétations analytiques est d’autant plus curieuse et suspecte qu’il relève sur ces « matériaux » (dont la fonction illustrative est réductrice) des références et une organisation psychanalytiques triviales. Cette aisance tient à une division préalable du sens. Il y aurait la forme culturelle (le discours indigène) et sa source inconsciente (motivations inconscientes et refoulées) (Juillerat 2003 : 330). On ne peut pas s’empêcher de penser qu’il révèle ce qu’il présuppose : des processus psychiques inconscients. Ainsi, Juillerat écrit à propos d’un rituel yangis : « Ces remarques nous amènent à définir le sujet dans Yangis comme représentation culturelle du Moi de la topique freudienne qui lutte pour sa structuration à la fois contre les appels du Ça et les exigences du Surmoi » (p. 265).

L’illusion mythique

Au cours de divers séjours chez les Tatuyo (nord-ouest de l’Amazonie), Patrice Bidou (2001) a recueilli, auprès de cinq informateurs, des récits qui forment la trame du Mythe de Tapir Chamane. Il propose d’en révéler le ressort profond, la sexualité, qui expliquerait pourquoi le corpus de cette région, pourtant très riche en documents, fut délaissé par Claude Lévi-Strauss dans sa fresque des Mythologiques. S’il ne néglige pas la dimension narrative du mythe, qu’il entend même réhabiliter contre le structuralisme, Patrice Bidou procède avant tout, le long des six derniers chapitres, à une exégèse psychanalytique du « matériel narratif » qui ne tient aucun compte des diverses situations d’interlocution de ces récits (qui?, quand?, comment?, pourquoi?[11]) et ses éventuels enjeux. Car le mythe qui évoque le temps primordial de l’indifférenciation homme-animal utilise le langage de l’inconscient. Mythe et inconscient sont hors du temps.

Le point de départ de l’analyse est une énigme que se pose l’auteur. Le récit évoque Tapir Chamane, le maître de la nourriture. Or, curieusement c’est un personnage masculin. N’est-ce pas contradictoire avec la relation la plus primitive que l’on puisse imaginer (le système mère, sein, lait, etc.)? N’est-ce pas contradictoire avec la réalité du quotidien des Tatuyo? Patrice Bidou ne se décourage pas. Il sait combien la pensée indigène est familière de ce genre d’opération. Il importe donc de rassembler l’ensemble des croyances et des représentations[12] (uniformes) des Tatuyo pour comprendre comment certaines idées « fonctionne[nt] dans l’esprit des gens, et dicte[nt] leur conduite » (p. 74).

Ayant isolé et rassemblé ces récits en texte, l’auteur lui donne cohérence et sens avec cet idiome commode qu’institue la psychanalyse. L’effet est indiscutable : tout se tient, tout est dit. Comme si du travail ethnographique même ne se dégageait rien d’autre que des informations complémentaires, mais composites – des fragments – subordonnées et à la disposition de l’intelligibilité du texte. Mais l’opération est fallacieuse : « croyant nommer une classe d’objets qui aurait en elle-même son unité [le mythe], on nomme en fait le genre de relation qu’entretient un observateur qui consigne une information avec celui qui la lui donne » (Siran 1998 : 30). On a alors beau jeu de prétendre avoir un surcroît de conscience sur ses interlocuteurs dont la proximité avec les processus inconscients n’égale que leur archaïsme. Le chemin le plus court pour aboutir à l’existence d’un mode de pensée spécifique (mythique) ou de processus psychique (inconscient ou non) partagé par tous est bien de chercher à dévoiler un sens supposé caché dans un texte que l’on a soi-même construit. Le lien entre fonctionnement psychique et production symbolique devient alors indéniable. La leçon de Jack Goody est déjà ancienne : le tout donne l’impression d’un discours savant.

Patrice Bidou spécifie sa démarche par deux décisions conceptuelles majeures : 1) Contrairement à une influente tradition d’anthropologie psychanalytique, il distingue et hiérarchise clairement le Mythe et le Rêve : le mythe traite et fait des emprunts au rêve. Le mythe ne se confond pas avec le rêve, c’est une forme de cure : « Le mythe n’est pas un rêve, mais le traitement d’un rêve ancien et récurrent, comme dans une cure » (p. 21). 2) D’où le parallèle entre les mythes et les vignettes cliniques freudiennes qui sont, dans la bouche du Chaman Tatuyo, à la fois récit de maladie et de traitement. On ne saisit pas très bien la pertinence de cette analogie qui escamote aussi bien la façon de faire de Freud que du Chaman ; Freud, au contraire du Chaman, ne prétendait pas soigner avec ces vignettes. Il s’avère alors que la question de l’efficacité symbolique reste en suspens : prétendre soigner avec des récits dans un langage indirect (situé dans un autre temps, avec d’autres acteurs tout en semant des référents et des métaphores communes pour y insérer progressivement le ou les auditeurs). Dès lors, si l’unique vertu de l’anthropologie psychanalytique est de faire voir autrement par un certain arrangement des « données » le symbolique, l’ethnologue doit, soit se résoudre à produire lui même une forme moderne et savante de mythologie (l’anthropologie?), soit convenir que l’intelligibilité s’obtient essentiellement par un surcroît d’ethnographie.

Le rituel automatique

Dans un travail de thèse qui a fait l’objet d’une publication récente (2003), Pierre-Loïc Pacaud soutient l’interprétation psychanalytique « d’une formation culturelle » (p. 24) : le famadihana, culte d’exhumation des morts à Madagascar pratiqué par la population Mérina. Il se gardera bien, annonce-t-il d’emblée, de tomber dans « la psychologie des mentalités » ou même « la psychanalyse appliquée ». On aurait pu s’attendre à ce que l’analyse de son « contre-transfert » l’en ait protégé. Mais il ne suffit pas de le dire ou d’analyser sa relation à l’objet pour ne pas y succomber. Encore faut-il qu’une réflexivité et une critique accompagnent continûment le travail de terrain qui produit bien souvent un savoir inattendu.

Bien qu’il pose problème, le modèle du rêve est privilégié dans son analyse : comment parler d’un rêve collectif? Le rite est une formation de l’inconscient comme le rêve. Expliquer revient à dégager les processus psychiques sous-jacents : son objectif est de « […] tenter de restituer les processus psychiques collectifs inconscients à l’oeuvre dans le famadihana, ce qui le rend efficace du point de vue des effets de l’inconscient, chez les participants » (p. 197). Qu’il faille s’encombrer d’un « ego collectif » ou d’un « un individu collectif » ne semble pas trop émouvoir l’auteur. L’étonnant, dans la description anthropologique du rite c’est qu’il soit sans acteurs, automatique. Comme pour l’analyse d’un « mythe », seule la mécanique interne compte. La situation est secondaire.

Je ne reviendrai pas sur les procédés que j’ai déjà évoqués précédemment. Je préfère m’attarder sur deux aspects de l’analyse. 1) Pourquoi Pacaud écarte-t-il l’interprétation anthropologique (p. 175-199)? Parce qu’elle reste anthropologique! C’est pour le moins expéditif et efficace. Le reproche principal fait aux anthropologues, c’est de se limiter au seul symbolisme contextuel et culturel qui opère une sélection « drastique » des contenus. Les malheureux ignorent (ou dénient!) la dimension inconsciente. 2) Pierre-Loïc Pacaud nous montre ensuite comment y remédier. Le nom du rite est énigmatique. Il signifie « retournement des morts ». Or, selon ses observations « anthropologiques », les morts ne sont jamais retournés, mais transférés d’une sépulture individuelle à une sépulture collective et familiale. Il en conclut que l’explication indigène[13] n’est pas la bonne. La suite de l’analyse consiste à rechercher la vérité du rite dans les déplacements sémantiques de sa dénomination. Cette déformation, dit-il, est une forme de censure collective (p. 207). Dans le glissement de sens, il y a une inversion de la valeur du terme. Bref, il existe une ambivalence à l’égard des morts qui font à la fois l’objet d’hostilité et de vénération. Je pense qu’il est inutile de poursuivre plus loin.

Le pain à l’envers

Lorsque nous sommes confrontés à des discours ou pratiques équivoques, la tentation de rechercher un sens (caché) est grande (Bazin 1998). Tout se passe comme si nous étions à la fois enchantés et désarmés. Enchantés d’estampiller symbolique une fraction du quotidien de nos hôtes, sortir enfin de l’ennui ou reconnaître une tâche familière. Désarmés, parce que notre tâche serait d’en rendre compte. Pourquoi ne pas invoquer une explication par le mental comme il est déjà très fréquent? Et puis, pourquoi ne pas appuyer son interprétation sur une théorie psychologique? L’anthropologie est-elle incapable de produire la moindre théorie? D’où lui viendrait alors cette tare?

Redoutable chausse-trape! L’équivoque signale avant tout la somme de notre propre ignorance. Mobiliser des arrière-mondes dans nos explications nous apprend plus sur nos pratiques savantes (et peut-être, après tout, sur les usages de quelques initiés) que sur ce que font les personnes que nous importunons de nos questions. Une fois dissipées nos confusions conceptuelles, on peut se (re)mettre au travail de terrain et rendre compte, avec toutes les difficultés que cela implique, de l’activité ordinaire et des préoccupations d’hommes et de femmes qui sont les acteurs de telles ou telles situations sociales.

Certes, les raisons d’une action peuvent leur échapper[14] comme m’échappent les raisons qui m’incitent scrupuleusement à mettre le pain à l’endroit lorsqu’il se trouve par inadvertance à l’envers. Rien n’y fait, je le remets toujours à l’endroit! Mais la raison ne gît pas pour autant dans une mentalité sud-tourangelle dont j’illustrerai à l’occasion la logique, la survivance d’une superstition d’origine rurale, un geste obsessionnel qui rétablirait l’ordre des choses ou la croyance en un malheur proche pour ma famille comme 55 % des Français le pensent en plaçant cette crainte en tête du hit-parade, etc. Ce n’est pas une énigme à déchiffrer ou isoler, mais une règle que j’ai apprise (entre autres) de ma grand-mère maternelle. Cette interdiction mille fois répétée dans ma petite enfance à travers un geste simple ou les « gros yeux », s’est ainsi transmise d’une génération à l’autre, malgré la mobilité géographique et sociale, malgré les compétences scolaires et intellectuelles, sans plus d’explication. Cette règle paraît équivoque à ceux qui ne la suivent pas, mais elle est à mes yeux tout à fait ordinaire.

Cette suite d’opérations qui consiste à isoler un domaine et des objets énigmatiques[15] (contes, mythes, rites, énoncés paradoxaux, etc.) pour y fournir des explications par le mental ne produit aucun savoir anthropologique nouveau. Il produit un tableau surinterprétatif arbitraire. Qui plus est, il revient à abandonner le bateau anthropologique… Comment éviter la surinterprétation? Ce ne sont certainement pas les naufragés de l’anthropologie qui nous l’apprendront. Mais c’est un secret de polichinelle. Par un surcroît de travail de terrain critique et réflexif! Car l’élaboration théorique est « ancrée » à son terrain.