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Le Musée de la civilisation de Québec possède dans ses réserves plus de 8 000 objets et oeuvres d’art, en plus d’innombrables documents d’archives, qui ont trait aux nations autochtones de l’Amérique du Nord, de l’Amérique du Sud et de l’Océanie. C’est dans le but de faire découvrir cette immense collection nationale, et certains de ses trésors encore inconnus ou très peu accessibles, qu’il publie Voyage au coeur des collections des Premiers Peuples. Élaboré sous la direction de la conservatrice Marie-Paule Robitaille, l’ouvrage regroupe dix-sept textes et plus de trois cents photographies sur cinq parties distinctes. Chacune porte un regard particulier sur la collection, et offre une porte d’entrée pour découvrir divers aspects des cultures autochtones.

La première section raconte l’histoire de la longue constitution de la collection. Le texte de Marie-Paule Robitaille, particulièrement, révèle la chronologie des événements marquants ayant permis de rassembler ces « objets-témoins ». L’histoire de cette collection, issue de la fusion de multiples collections, et dont le regroupement a débuté bien avant la naissance du Musée de la civilisation, est loin d’être simple. Résultat, il est difficile d’en constituer une cohérence et de bien la documenter ; beaucoup d’objets ont encore des secrets à révéler. La seconde partie du livre aborde la question de la relation du musée avec les différentes Nations autochtones. Dans son article, l’anthropologue Laurent Jérôme souligne les nombreux gestes concrets posés par l’institution pour faire des Premiers Peuples des partenaires privilégiés à chaque étape de projets les concernant. C’est le Wendat Guy Sioui Durand qui ouvre la troisième section de l’ouvrage, qui s’intéresse à la mise en valeur de la collection. Le sociologue rappelle, entre autres, que l’exposition L’Oeil amérindien. Regards sur l’animal de 1991 s’était révélée un projet d’avant-garde et une référence muséographique qui prévaut encore aujourd’hui sur la façon d’instaurer un dialogue sensible entre objets ethnographiques et art actuel.

En quatrième partie, trois auteurs se penchent sur des éléments de la collection sortant des limites géographiques du Québec. Le texte de l’anthropologue Denis Gagnon porte un regard sur les objets des Métis des Plaines et arborant des motifs floraux aux couleurs vives. Non seulement l’auteur retrace l’histoire des peuples Métis au Canada, mais il raconte également l’origine de ces motifs, enseignés d’abord par les Ursulines à Québec puis transportés jusque dans l’Ouest, ainsi que leur utilisation symbolique comme marqueur identitaire collectif et national. Finalement, la dernière section de l’ouvrage présente la collection des Premiers Peuples comme un lieu d’apprentissage. Ce fut le cas pour Douglas J. Nakashima, doctorant en géographie humaine en 1988, qui bénéficia de l’appui financier du musée pour étudier in situ la technique traditionnelle inuit de fabrication d’un amauti (manteau de femme avec poche porte-bébé) en peau d’eider des îles Belcher. Non seulement il put documenter le processus de fabrication, mais il en rapporta un exemplaire qui constitue aujourd’hui l’un des objets les plus rares et les plus exceptionnels de la collection du Musée de la civilisation.

L’ouvrage, destiné à un public qui s’intéresse de près à la collection, est un plaisir pour les yeux. Le lecteur découvre page après page des objets superbes ainsi que les histoires qui leur sont rattachées. Chaque photographie est en effet accompagnée d’un paragraphe d’explications souvent très éclairant qui vient agrémenter la lecture des textes. La découverte de la collection est donc double : à travers des articles aux angles divers et grâce aux nombreuses images des objets eux-mêmes. Toutefois, la présence de plusieurs coquilles ainsi que l’incohérence de certaines dates risquent de surprendre le lecteur avisé. Par ailleurs, plusieurs textes ont pour sujet principal des événements ayant eu lieu au musée il y a plus de deux décennies (stage, exposition, expérience de recherche). Il aurait été pertinent de discuter davantage des recherches actuelles au sein de la collection, de réfléchir sur l’exposition la plus récente C’est notre histoire. Premières Nations et Inuit du XXIe siècle, ainsi que de poser les jalons d’orientations et de projets futurs.

Quoi qu’il en soit, un ouvrage rétrospectif sur 25 ans de collecte et de collaborations avec les Premiers Peuples du Québec et d’ailleurs est sans nul doute pertinent. Cette publication contribue à dévoiler un aspect essentiel de la mission du musée, c’est-à-dire « faire connaître le patrimoine et la culture des Nations autochtones, mais aussi leur diversité et leur originalité » (p. 11), ainsi qu’à donner vie à cette grande collection constituée de mémoires.