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Durant ma thèse de sociologie portant sur les aspirations à l’émigration des jeunesses dakaroises[1], je me confronte à leur volonté de réussir (Tekki, en wolof). Les jeunes femmes et hommes interrogés expriment le sentiment de n’avoir aucune place sociale attribuée (Timéra 2001). Ils et elles interprètent leur condition commune comme un manque de considération et de reconnaissance qu’ils pourraient dépasser en émigrant vers le « Nord »[2]. Ces jeunes avaient l’impression de n’être perçus que comme des « charges familiales et sociales », des « bouches à nourrir perpétuellement ». Comme l’avancent les auteurs John et Jean Comaroff « affirmer que la manière dont les jeunes sont perçus, nommés et représentés trahit la constitution sociale et politique d’une société est une évidence anthropologique ». Citant Joseph Conrad (1957 : 11), ils ajoutent « les mots sont des grands adversaires de la réalité ; mais ils ouvrent une fenêtre pour nous faire entrevoir les secrets de cette réalité » (2000 : 91). En effet, bien que les jeunes soient perçus, nommés et représentés comme des « charges », cet article vise à montrer qu’ils et elles ne sont ni inactifs, ni objectivement des charges au sein du ménage[3] auquel ils et elles appartiennent. Il s’agit donc ici de porter une attention particulière sur les formes des contributions des jeunes au sein de leur espace familial pour nous interroger sur l’invisibilisation dont elles semblent faire l’objet.

Nous allons alors considérer la place des jeunes de Dakar à travers le prisme de la hiérarchie aîné/cadet[4] comme système générationnel supposant « de la part des cadets, une conformité aux règles contraignantes de l’ordre social dont les anciens sont les gardiens » (Meillassoux 1975 : 29). Cette structuration sociale repose en partie sur l’importance de l’obligation de contribuer, ce que d’autres peuvent appeler « l’obligation d’entraide ». Ce « contrat générationnel implicite » comporte des règles qui peuvent s’énoncer comme suit : « les aînés, venus en premiers sont des créanciers, puisqu’ils ont élevé les plus jeunes. Ces derniers remboursent leur dette, en assurant la sécurité sociale des personnes âgées le moment venu » (Roth 2010 : 98). Dans le contexte de paupérisation et de monétarisation des rapports sociaux dans lequel s’inscrit l’étude, les figures de l’aînesse sociale dépendent encore des étapes franchies dans le devenir adulte (Antoine, Razafindrakoto et Roubaud 2001), mais particulièrement de l’argent qui circule à l’intérieur du foyer familial. Comme le souligne Anne Attané, « la capacité redistributive est devenue déterminante pour l’obtention du statut d’aîné social » (2011 : 50).

Après avoir décrit le contexte et le dispositif méthodologique de l’étude, puis son cadre théorique, j’exposerai la manière dont les jeunes enquêtés contribuent au sein de leur ménage. D’une part, nous verrons que les jeunes femmes et hommes des espaces familiaux enquêtés participent à la circulation monétaire à l’intérieur de l’espace familial, mais également en étant une main d’oeuvre gratuite pour la cellule familiale, et notamment pour les aînés sociaux. J’émets enfin l’hypothèse que la conjugaison de deux facteurs — d’une part, les prérogatives que veulent conserver les aînés et d’autre part, l’importance de l’argent — tend à réduire à une simple « dette sociale » ce que les jeunes essaient d’entreprendre pour être reconnus socialement, à l’échelle du foyer. L’insignifiance que dénoncent les jeunes peut être entendue comme la non-reconnaissance de leur participation à la structure familiale et révèlent les craintes de perte de statut social de leurs aînés.

Contexte et dispositif méthodologique de l’étude : une ethnographie des aspirations des jeunes de Dakar[5]

La réflexion s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale (Poulet 2016) portant sur les sens que représente l’hypothèse migratoire — cette volonté d’émigrer — de jeunes Dakarois et Dakaroises. Les personnes enquêtées parlaient de leur volonté de « partir pour tekki », expression wolof signifiant un objectif de réussite sociale[6]. Le terme tekki désigne les aspirations à l’accomplissement de soi et à l’émancipation des contraintes, différemment ressenties par ces jeunes, selon les places qu’ils et elles occupent dans les rapports sociaux et spatiaux structurant la société sénégalaise. L’analyse de l’hypothèse migratoire a permis de souligner effectivement que les aspirations à l’émigration — et plus globalement au tekki — étaient socialement déterminées par des stratifications sociales, notamment par la place que les personnes occupent dans l’espace social, dans les rapports d’autorité intergénérationnels, par leur sexe en tant que catégorie sociale et, enfin, par leur caste (Poulet 2017). J’entends par stratifications sociales, des systèmes hiérarchiques ordonnant les individus et les groupes selon l’inégal accès aux choses et aux valeurs dominantes, constituant le principe essentiel des systèmes d’inégalités et de domination, et favorisant les rapports d’exploitation entre les groupes (Balandier 1974 ; Godelier 1984). Les rapports sociaux « fonctionnant » comme rapports de production sont ainsi dans le même temps des rapports d’exploitation et de domination (Copans 1978 ; Delbard 1966). Le système inégalitaire est secondé, au Sénégal, par le principe communautaire de solidarité et ce, entre tous les groupes stratifiés, fonctionnant comme « cycle d’avances et de restitutions » (Meillassoux 1975). C’est un ensemble de rapports sociaux (d’âge, de sexe, de « caste » et de classe) — en tant que « tension qui traverse le champ social et qui érige certains phénomènes sociaux et enjeux autour desquels se constituent des groupes sociaux aux intérêts antagoniques » (Pfefferkorn 2007) — qui conditionnent les chances sociales d’accès aux biens rares au Sénégal, et donc qui structurent les aspirations en vogue des jeunes dakarois. Ces aspirations doivent donc être saisies à travers les situations objectives des jeunes dans ces rapports sociaux mais également par le contexte de bouleversement de ces rapports en cours. En effet, les rôles sociaux se recomposent sous le poids de la crise et du chômage mais également de l’urbanisation, de la démocratisation scolaire, du travail des femmes (Calvès et Marcoux 2007 ; Creevey 1996 ; Bop 1995). Les anciennes autorités morales et économiques s’affaiblissent (IRD 2015) questionnant les rapports sociaux de sexes, de génération et même, les frontières et la redistribution monétaire entre waaso [groupe statutaire ou « castes »]. Faire reconnaître sa place est devenu un impératif au moment où les structures sociales sont remises en cause, et où les solidarités se reconfigurent.

C’est ainsi dans ce contexte que j’ai voulu saisir, derrière cet horizon migratoire qu’ils et elles formulaient, les aspirations des jeunes, leur affirmation sur la scène publique participant à se traduire également dans la sphère privée. Pour ce faire, une ethnographie a été menée durant six années auprès de 37 « jeunes » hommes et femmes âgés de 19 à 33 ans au moment où je les rencontre. Les hommes constituent la majorité des personnes enquêtées. Ceci est dû, en partie, au fait qu’ils ont des sociabilités externes plus importantes que les femmes et qu’il est davantage possible de les rencontrer dans les espaces publics. Toutes et tous émettent l’envie d’un départ migratoire. Ces jeunes auprès desquels j’ai enquêté par le biais d’entretiens formels et informels et d’observations participantes, présentent des parcours différenciés et sont issus de milieux socio-économiques et familiaux diversifiés. Dans cet article, toutes et tous sont non-mariés et la précarité est leur dénominateur commun. Ils et elles habitent également au sein du domicile familial. Le terrain d’enquête — un espace social où différentes frontières spatiales et sociales délimitent des fractions de jeunesses — a nécessité une démarche ethnographique multi-située dans trois quartiers de Dakar : le quartier aisé S. (dans lequel j’ai habité), le quartier intermédiaire N. et le quartier pauvre H, ancien village pêcheur. La catégorisation — pauvre, intermédiaire, aisée — n’est pas homogène au sein des quartiers. Toutefois, ces quartiers regroupent majoritairement des populations pauvres, intermédiaires ou aisées. J’ai établi ces classifications à partir des données socio-économiques recueillies via le dernier recensement, l’enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal, les documents des mairies des communes d’arrondissements et des données recueillies sur les familles enquêtées.

Qu’est-ce qu’être « jeune » à Dakar ? Une catégorie statutaire : le cadre théorique

La jeunesse des pays d’Afrique est devenu un objet d’étude pluridisciplinaire, notamment dans les pays anglo-saxons via les youth studies, venant ainsi pallier la carence d’études sur ce sujet (Coquery-Vidrovitch 1992). Au Sénégal, elle a été largement abordée depuis son explosion démographique dans les années 1950-1960, c’est-à-dire à partir des indépendances. Aujourd’hui, la population jeune, communément regroupée dans la classe d’âge des 15-35 ans par la Charte Africaine de la jeunesse, représente une majeure partie de la population de la région de Dakar. En 2019, 42% de la population Dakaroise est âgée entre 15 et 39 ans. La structure par âge du dernier recencement montre que les moins de 20 ans représentent 44,5% de la population dakaroise ; les moins de 35 ans, 72,5%. Donc sept personnes sur dix vivant dans la région de Dakar ont moins de 35 ans (ANSD 2015). En 2019, « la structure par âge de la population de la région de Dakar a été pratiquement la même que celles des années précédentes. En effet, la répartition par groupe d’âge (jeunes (0-14 ans), adultes (15-64 ans) et personnes âgées (65 ans et plus) montre que les jeunes ont représenté 35% de la population dakaroise en 2019, les adultes 61% et les personnes âgées ne représentent que 4% du nombre global d’habitants à Dakar » (ANSD 2021 : 43).

S’ils sont les plus nombreux, les jeunes sont également les plus touchés par les conséquences des différentes crises économiques qui ont affecté le Sénégal depuis les années 1990. Entre recul de l’âge d’accès à l’emploi et à l’autonomie financière, report de la vie en couple (et de la naissance du premier enfant), ils font face à des conditions matérielles plus difficiles que leurs aînés, même si l’un des facteurs de report de ces étapes est l’allongement de la durée des études pour celles et ceux qui y accèdent. Les difficultés que rencontrent les jeunes de tous milieux à trouver leur place dans la société, perceptibles à l’échelle de l’ensemble des capitales d’Afrique de l’Ouest (Antoine, Razafindrakoto et Roubaud 2001), ont été observées également dans d’autres parties du monde, depuis les années 1980 (Galland 2011). En ce sens, il est commun de voir des jeunes hommes de 30 ans résider chez leurs parents et peiner à contribuer aux dépenses du foyer, alors que la génération précédente travaillait déjà depuis longtemps. Il va de soi que l’on n’est pas jeune de la même manière selon le genre. C’est sur les garçons que pèse davantage l’injonction de rassembler les ressources financières pour s’assurer un avenir économique, fonder un foyer. Quant aux jeunes femmes, devenir adulte se réalise principalement dans le mariage et la maternité légale, bien que de plus en plus elles soient sollicitées par leurs familles financièrement et soumises à la pression de ne plus être célibataires[7]. En dehors du biologique c’est bien la façon dont la personne se considère et dont elle est considérée par la société à laquelle elle appartient qui délimite la « catégorie » de jeunesse, dont les frontières sont directement liées à celle d’adulte.

Plus encore, en Afrique de l’Ouest, être jeune, est avant tout une catégorie statutaire ; le statut social caractérise, davantage que l’âge calendaire qui importe peu[8], l’état liminal de la jeunesse. Le respect des règles édictées par les anciens, le manque d’autonomie, d’intimité et d’indépendance sont des caractéristiques des « cadets sociaux ». Cette expression réhabilitée par le politiste Jean-François Bayart (1979) comme outil d’analyse des rapports de pouvoir, caractérise « une position générationnelle spécifique » (Kieffer 2006), sorte de traduction locale de la catégorie « jeune » formée en Occident (Comaroff et Comaroff 2000). La jeunesse en tant que « catégorie » est donc à saisir avant tout au Sénégal, et particulièrement dans cet écrit, à partir de la place occupée dans l’échelle de l’aînesse, en tant qu’institution sociale régissant les hiérarchies statutaires.

Il ne s’agit pas bien entendu de rendre immuable cette hiérarchie et le système d’aînesse, consciente que les apports intergénérationnels se modifient et que la légitimité des aînés est rediscutée (Gomez Perez et Le Blanc 2012). Ainsi, si le triptyque pauvreté-précarité-insécurité dans lequel se situent les jeunes dakarois joue un rôle conséquent sur les possibilités de devenir adulte, il ne s’agit pas ici de s’appuyer uniquement sur une conception linéaire du devenir adulte, mais de percevoir la place des jeunes envisagés avant tout comme des « cadets ». C’est-à-dire de prendre cette jeunesse, comme inscrite dans la hiérarchisation d’ordre générationnel qui maintient les plus jeunes sous tutelle des aînés, mais toujours en négociation. Cependant, les jeunes ne se présentent plus seulement comme des cadets d’âge mais comme des « cadets sociaux », un terme qui renvoie au sentiment de « déprise » (ne plus avoir de prise sur sa vie) formulé par Cécile Van de Velde pour qui le devenir adulte se réalise socialement dans le regard des autres et à travers une forme d’assignation sociale (2008). Il en est de même dans le monde méditerranéen étudié par Isabelle Rivoal et Anne-Marie Peatrik, où « être jeune, ne plus l’être, dépend de la manière dont un individu est reconnu » (2015 : 5) dans la structure de la société à laquelle il appartient. Cette analyse de la catégorie statutaire dont je m’inspire souligne alors l’importance de la prise en compte de l’accomplissement : être jeune spécifie « un écart entre des individus accomplis et d’autres qui ne le sont pas » (Rivoal et Peatrick 2015 : 2). Ne plus être considéré comme des cadets sociaux, devenir un aîné social et être considéré comme tel pourrait davantage résumer la volonté de « devenir quelqu’un » qui anime ces jeunes. Je ne définis donc pas la catégorie de jeune a priori mais, comme une « catégorie sous-tension », en prenant comme dimension centrale, celle des aspirations à l’accomplissement et à la reconnaissance sociale de ces jeunes qui restent sur le seuil du devenir adulte, et dont l’état de jeunesse est caractérisé avant tout par l’injonction pressante « de sortir d’une situation de domination, de dépendance » (Van de Velde 2008), et de faire reconnaître sa place et sa contribution.

La contribution des jeunes dans la structure familiale invisibilisée

Kokou Vignikin s’est emparé de la notion de « partenariat familial » pour prendre à contrepied « la perception selon laquelle les jeunes et personnes âgées constituent des fardeaux pour les adultes et sont incapables de contribuer au dynamisme de leur société : dans la réalité les trois générations s’entraident » (2007 : 28). Si je m’appuie sur cette réflexion, je m’inspire néanmoins des analyses de l’économie familiale de Nehara Feldman en milieu malien (2018). Marquée comme la sociologue par les analyses de Claude Meillassoux, j’ai préféré la notion de « contribution dans l’économie familiale » dans la mesure où cette structure est marquée par des hiérarchies et des rapports d’exploitations[9]. Toutefois, par cette expression Vignikin insiste sur la complexité et les dimensions multidirectionnelles des apports, de l’entraide et des dettes entre les générations et, particulièrement, au sein du foyer familial. Il s’agit là d’un besoin clairement identifié, dans lequel chacun a un intérêt, une responsabilité, une obligation et/ou une motivation à être partie prenante au sein du foyer familial. Loin de n’être que des « charges », les jeunes participent au sein du ménage auquel ils appartiennent, selon les moyens qui sont les leurs. Leur participation au sein du foyer peut s’observer à la fois sur les plans financier et moral. Perçus comme des « charges familiales », ces jeunes sont, en fait et à bien des égards, des appuis financiers et/ou une main d’oeuvre familiale gratuite.

Une participation à la circulation monétaire

La circulation d’argent répond en premier lieu à une obligation de solidarité intrafamiliale. Comme le précise Agnès Martial (2005), cette circulation monétaire permet de faire exister les liens, notamment au sein du foyer familial. Si les jeunes enquêtés peinent à remplir cette modalité d’accès à la reconnaissance sociale, ils y contribuent tout de même. Dans les deux quartiers enquêtés abritant majoritairement des ménages pauvres et intermédiaires, certains des jeunes exercent une activité génératrice de revenus (de manière irrégulière), et ils participent activement aux dépenses financières du foyer. Il est question ici des travailleurs précarisés ou encore des « travailleurs-chômeurs » et des étudiants-travailleurs salariés, formellement ou informellement.

Deux des jeunes hommes du quartier intermédiaire perçoivent un revenu conséquent malgré leur situation précarisée par l’obtention de revenus irréguliers car sous contrats de prestations[10]. Samba et Serigne[11] cohabitent avec leurs parents et sont sous l’autorité d’un chef de ménage qui, malgré ce qu’il déclare, ne parvient pas à assumer seul les dépenses du foyer. La situation de ces deux travailleurs indépendants qui assument la quasi-totalité des dépenses et des besoins du ménage, nous invite à nuancer fortement l’analyse selon laquelle l’étape de la décohabitation est difficilement franchissable pour les jeunes en raison des coûts élevés de l’immobilier. Dans nombre de cas, la cohabitation de plusieurs générations au sein du même foyer peut résulter de stratégies de mise en commun des ressources. En fait, dans les familles des zones « populaires » ayant pour chef de ménage une personne âgée, la taille des ménages est souvent plus élevée. C’est le cas des ménages enquêtés pauvres et de certains intermédiaires. Samba, travailleur, marié avec enfants explique certes que sa condition précarisée par l’irrégularité des revenus est un obstacle à sa prise d’autonomie résidentielle, mais son apport financier au sein du foyer familial est cependant loin d’être négligeable.

D’autres jeunes travailleurs précarisés prennent eux aussi en charge la quasi-totalité du ménage auquel ils appartiennent. Adja, Serigne, Oussey consacrent les trois quarts, voire l’intégralité, de leurs revenus flexibles à la prise en charge du foyer. Prenons pour exemple le cas d’Oussey. Le domicile familial est censé être géré par sa mère depuis que le père polygame a abandonné ses responsabilités de chef de ménage pour ne se consacrer qu’à un seul de ses ménages, celui de sa deuxième coépouse. Aux yeux de toutes et de tous, le père reste toujours considéré comme le chef de ménage puisqu’il y habite de temps à autre. Pour autant la mère d’Oussey a dû faire avec ses nouvelles responsabilités depuis que son fils est adolescent. En vérité, cette femme au foyer gère les dépenses mais n’a jamais pris en charge financièrement le foyer. Les enfants les plus âgés, tous des garçons, dont Oussey, ont dû arrêter leurs études pour trouver un emploi peu de temps après la démission paternelle. Depuis quelques années, Oussey est le seul à reverser l’ensemble de ses revenus pour les besoins de la famille : le loyer, l’éducation des plus jeunes, les denrées de première nécessité à la boutique où la note s’allonge au fil du mois et à mesure que l’ensemble des membres de la famille s’y approvisionne. Pour autant, le père d’Oussey lui reproche souvent — et publiquement, puisque j’ai eu plusieurs fois accès à ces échanges — de ne pas « aider » la famille. Un jour, il discute devant moi avec l’un de ses amis et quelques membres de la famille d’Oussey présents. « Tu as des grands gaillards comme ça qui n’arrive pas à supporter et aider ni leur père ni leur mère, ça s’appelle des vauriens. Ils ne réussissent pas. Quand je viens il m’incombe encore de tout assumer ici. » (Père d’Oussey, Quartier N., 2016). Oussey ne le regarde pas. Il fait mine de ne pas l’entendre et se retire du salon avec son téléphone. Il m’évoquera plus tard sa colère car au quotidien, c’est sur lui que repose les dépenses de la famille.

Dans le quartier populaire H., les « travailleurs chômeurs » tel que Mallé participent également financièrement aux dépenses des ménages auxquels ils appartiennent et qui sont dirigés par leur père. Leur apport financier est plus un soutien qu’une prise en charge intégrale, mais permet de participer à la gestion globale du foyer.

Les étudiants des quartiers populaires et particulièrement des ménages pauvres, considérés comme des charges peuvent devenir les cadets sociaux de leurs petits frères et soeurs. Ces derniers ramenant davantage d’argent au sein du ménage peuvent effectivement voir leur autorité morale grandir et être plus consultés pour des décisions concernant le ménage que l’ainé de la fratrie, étudiant. Les étudiants se voient souvent obligés d’exercer des emplois informels pour financer leurs études. Mais, à bien des égards, l’argent qu’ils perçoivent circule au sein du foyer et sert d’appui non négligeable à la survie du ménage auquel ils appartiennent. Ces étudiants ne dépendent pas, objectivement, intégralement du chef de ménage qui n’entretient qu’une partie de leurs besoins. Jean, dans le quartier H., est un cas exemplaire. Ce jeune homme que j’avais rencontré à la suite de son refoulement des Îles Canaries lors d’une tentative d’émigration en pirogue, était à l’époque étudiant en Master de géographie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Dès le collège, il a commencé à travailler de manière informelle : marchand ambulant, il vendait des tee-shirts pour se faire un peu d’argent de poche. Cet argent lui a permis de financer son inscription en seconde et en première année de lycée. De temps à autre, notamment pendant ses vacances scolaires, il aidait quelques voisins en pratiquant la mécanique.

Par la suite, lorsqu’il entreprend de continuer ses études à l’université, il multiplie les recherches de travail, toujours dans le secteur informel, pour percevoir des revenus supérieurs à ce qu’il gagnait depuis son jeune âge. Les motivations diffèrent alors. Il entreprend de convaincre ses parents de le laisser continuer ses études mais, pour y parvenir, il doit, selon ses propos, montrer qu’il est capable de financer ses propres besoins tout en participant également aux dépenses du foyer, composé de plusieurs cellules familiales et dont le père de Jean est le chef de ménage. À cette époque, le père peine à assumer seul l’entièreté des dépenses. Depuis ses premières années à l’université, Jean verse donc la quasi-totalité de ses modiques revenus à son père, qui n’arrive plus à prendre en charge l’ensemble du ménage. Parfois, lorsque Jean perçoit un peu plus d’argent, il assume seul la dépense de nourriture pour le mois.

Pour l’ensemble de ces jeunes, la participation à la dépense du ménage n’est pas reconnue (que ce soit un simple apport, un soutien plus important ou même une prise en charge intégrale). La participation à la circulation monétaire est invisibilisée. Cette absence de reconnaissance leur devient alors insupportable. Samba fut le premier à s’insurger de la situation lorsque les commérages, dans le quartier et dans la famille élargie, le décrivaient comme un poids pour le chef du ménage auquel il appartient. « Bon, en fait, tu le vois depuis le temps que tu es là, mes salaires sont injectés ici. Mais on me voit comme quelqu’un qui profite encore d’être chez ses parents… C’est fatiguant ! » (Samba, 31 ans, N., 2015).

Chacun d’entre eux évoque son exaspération de demeurer insignifiant malgré sa participation à la prise en charge du foyer. Ce qu’ils voudraient, en fin de compte, c’est pouvoir dévoiler à tout le monde l’importance de leur participation, afin de ne plus être considérés plus longtemps comme des charges familiales dépendant des chefs de ménage.

En outre, l’entraide intra-familiale et intergénérationnelle ne se limite pas à la circulation monétaire : le soutien peut également être moral. En effet, pour éviter le rejet qu’entrainerait nécessairement un refus du don au sens de la circulation monétaire, les jeunes peuvent mettre à disposition leurs forces de travail au sein du foyer dans tout un ensemble de tâches sur lesquelles nous allons revenir maintenant.

Une main d’oeuvre familiale gratuite

L’ensemble des jeunes sans statut (sans emploi, non étudiant) dans les trois quartiers enquêtés, considérés comme des charges lorsqu’ils sont au domicile familial, contribuent largement au « bon fonctionnement » du foyer. Les jeunes femmes sans statut, les inactifs, les actifs à la recherche d’emploi formel, toutes et tous participent, par la mise à disposition de leur force de travail et de leur temps « libre », à la prise en charge des besoins du ménage. Sans emploi, ils et elles constituent majoritairement des aides familiaux. Les rôles sont répartis de manière sexuée. Les jeunes femmes assument la quasi-totalité des tâches domestiques du foyer : repas, vaisselle, linge à laver, ménage quotidien, et ce même si le foyer recourt à une « domestique » en charge de ces tâches.

Si Kiné, 32 ans, passe par ailleurs de longues heures chez ses amies à rêvasser et boire le thé, elle effectue quotidiennement les tâches domestiques, qu’elle assume seule, à l’instar de nombreuses jeunes femmes. Les jeunes hommes du foyer désespèrent également que l’on reconnaisse leur travail pour la famille. Un travail d’une autre nature car les aides familiaux à l’intérieur du foyer sont majoritairement des jeunes femmes et jeunes filles ; en conséquence elles sont plus concernées par l’insignifiance de leur contribution dans l’espace domestique (la famille).

Leyti est, quant à lui, chargé tous les matins d’effectuer les « courses » pour le foyer : aller acheter ce qu’il faut pour le repas quotidien si l’argent est disponible, aller à la rencontre d’untel pour lui apporter une commission, aller passer un message de la part de son père… C’est aussi lui que l’on envoie effectuer de « petits services » à la place des aînés. On missionne un boy, mais la reconnaissance va ensuite à celui ou celle qui l’envoie.

Dans le quartier aisé à dominante estudiantine, Youssou a, quant à lui, arrêté les études après l’obtention de son baccalauréat. Il recherche du travail mais pas très activement puisqu’il consacre une bonne part de son temps, de manière provisoire comme il l’explique, à rendre des services pour la famille ou des proches.

Je n’ai pas vraiment d’horaire fixe le matin. Mais ce qui est sûr, c’est ce que je me lève avant 10 heures la semaine, si je veux pouvoir prendre mon petit déjeuner ! Mais ce qui est sûr aussi, c’est que je mange trois fois par jour à ma faim dorénavant.

Youssou, 27 ans, sans statut, célibataire, résidant avec sa mère et ses frères et soeurs, quartier S, 2014

À chaque repas le plat est préparé, depuis que les relations entre ses parents et lui se sont améliorées. Ce jeune homme a subi d’énormes pressions de la part de ses parents car il n’était plus étudiant, ne trouvait pas de travail et ne contribuait pas financièrement au sein du foyer. Le regard de ses parents ne se posait même plus sur celui qu’ils avaient cessé de considérer. Aujourd’hui, il rend service à sa mère. Si les relations au sein du ménage se sont améliorées grâce à cela et qu’il peut de nouveau prendre ses repas quotidiennement au domicile, Youssou est toujours considéré comme une charge pour la famille et porte encore à l’extérieur de celle-ci l’image d’un blow man[12] pesant sur les épaules de ses parents. Pourtant, pendant que l’ensemble de ses frères et soeurs sont à l’école, Youssou, l’aîné de la fratrie, « travaille » pour sa mère. Celle-ci est propriétaire de plusieurs maisons qu’elle met en location. Youssou se charge de récolter les loyers, de trouver les locataires, de trouver des solutions lorsque les locataires appellent la propriétaire. Pour les petits travaux dans la maison, par exemple, il est sur place avec les ouvriers. Ces tâches n’occupent pas l’ensemble de son temps mais une bonne partie. Il y a des journées où il reste au sein du foyer familial, à « flâner sur Internet et à rêvasser », comme il le dit. Mais la plupart du temps, sa journée type commence par le petit déjeuner, puis, le matin, il s’occupe des questions administratives pour sa mère : rendez-vous à la mairie et dans différentes institutions. Lorsque ce n’est pas le cas, il est souvent en rendez-vous auprès des locataires et règle les affaires courantes. C’est également son fils déscolarisé que la mère de famille envoie chercher des marchandises ou négocier avec les locataires ou divers clients. Il tente de finir sa journée en fin d’après-midi, pour pouvoir rejoindre ensuite ses amis au terrain de football.

La situation de ces « sans statut » n’est pas sans rappeler celle des jeunes, étudiés par Mahamet Timéra en pays Soninké dans la vallée du fleuve Sénégal et au Mali, qui travaillaient auprès de leur famille dans les champs. Timéra nous expliquait comment, pour faire face au « besoin vital de la reproduction domestique », les jeunes devenaient une main d’oeuvre gratuite pour cette économie domestique collective, telle une contrepartie de la prise en charge des besoins primaires des jeunes par la famille : « Situation qui renforcera le dénuement des jeunes et dépendants, la précarité de leur état, même si, grâce à la rente migratoire[13] et à la prise en charge familiale, les jeunes sont loin des situations de misère. La contrepartie de ces services est leur mise à contribution comme main d’oeuvre gratuite pour l’économie domestique collective » (Timéra 2001 : 43). L’ensemble de ces jeunes, qui participent à la gestion du foyer, que ce soit financièrement ou par les tâches et travaux qu’ils réalisent à la demande des aînés sociaux et des chefs de ménage, sont parties prenantes d’une réelle forme de partenariat familial à l’intérieur du ménage qui n’est toutefois ni reconnu ni valorisé socialement.

Les jeunes auprès desquels j’ai travaillé énonçaient, malgré les différences de classes et de genre qui étaient les leurs, une impression commune : celle de voir leurs actes banalisés à la fois au sein de leur foyer mais également au sein du quartier où leur parole leur semblait être reléguée au second plan dans un pays où les mouvements sociaux de jeunesse ont pris place haut et fort sur la scène publique. C’est alors deux générations qui semblent faire valoir des intérêts divergents : quand les cadets sociaux aspirent à être reconnus socialement, les aînés quant à eux craignent de perdre leur statut social.

Faire valoir son utilité vs conserver la face : les intérêts divergents des cadets et des aînés sociaux

« Tu as beau faire des choses ici, les vieux ne le reconnaissent pas ! »

Seynabou, 25 ans, quartier S., 2014

La banalisation de la contribution des jeunes au sein du foyer

Les conversations informelles au sein des foyers des jeunes étudiés, avec leurs parents, révèlent le caractère « normal » de la contribution des jeunes aux tâches diverses sein de leur foyer.

Au cours d’une conversation, la mère de Bachir et Seynabou l’expose très clairement :

Les enfants ici doivent aider les parents c’est normal, comme ils ne rapportent pas d’argent, ils doivent au moins régler certaines choses pour moi. Non, c’est normal, quand tu as tes parents qui t’ont tout donné : toi, tu es redevable. Mes enfants sont redevables.

De la même manière la mère de Kiné, qui effectue l’ensemble des tâches domestiques du foyer, considèrent cela comme un retour sur son propre investissement : « elle paye sa dette ».

La participation aux tâches domestiques au sein du foyer est considérée comme « normale » par les parents des jeunes enquêtés. Elle est même relativisée s’ils ou elles ne contribuent pas financièrement à la circulation monétaire au sein du foyer. Dans un contexte de monétarisation des rapports sociaux, le simple travail gratuit pour ses ascendants ne suffit plus. Les « charges », quelle que soit leur place objective dans le partenariat, se doivent d’y contribuer financièrement. Ainsi, pour celles et ceux qui ne peuvent pas encore le faire, la simple participation aux tâches quotidiennes, aussi importante soit elle, ne saura être suffisante, d’autant plus qu’elle est perçue comme « normale ». Ceci invite à mettre en débat l’idée de Claude Lévi-Strauss, selon laquelle ce qui importe dans l’échange est avant tout la relation de l’échange lui-même plutôt que le bien échangé. Il semblerait plutôt ici que le bien en tant que tel, ou plutôt son absence, en l’occurrence l’absence d’argent, servent en fait à légitimer le maintien du cadet dans une position subalterne que ces derniers contestent. La « normalité » de l’obligation du contre don ne fait pas sens pour les jeunes enquêtés, désireux qu’ils sont de faire reconnaître leurs actes individuels. Or, la famille reconnaît l’individualité de l’individu au travers du « courage » de l’un, de « l’intelligence » de l’autre, mais cette individualité est soumise à la logique de la dette car c’est la communauté familiale qui a permis l’individuation de la personne. Des processus d’individuation (Marie 1997) sont certes admis, puisque les individus se distinguent des autres membres du même groupe (le diplômé, le courageux, etc.) et que leurs différences individuelles sont reconnues. Mais ces différenciations ne sont pas à mettre au crédit des jeunes eux-mêmes, au contraire elles ne sont soulignées et assignées à un individu que pour autant qu’elles renforcent le rôle de ceux qui sont, in fine, responsables de ces attributs, c’est-à-dire les ainés.

Les non-dits pour « conserver la face »

Au-delà du caractère « normal » du contre-don, celles et ceux qui contribuent largement aux dépenses du foyer, jusqu’à en prendre parfois en charge la totalité, sont tout autant insupportés par les « non-dits » qui entourent leur participation.

Bon, on ne peut pas afficher ça vraiment. Dire que toi, tu donnes plus que le chef de ménage, c’est quand même un affront. Mais les anciens, nos parents et tout devraient le dire quand même, parce que ça nous parait insignifiant alors qu’on participe vraiment.

Adja, 27 ans, artiste et travailleuse informelle, célibataire, vit avec sa mère et ses frères, quartier N., 2014

C’est un fait, dans le ménage où une personne âgée est présente, elle est considérée comme la cheffe de ménage. Et celle-ci doit le rester vis-à-vis des autres aînés sociaux, elle doit « conserver la face » au sens goffmanien de l’expression. Parmi les 33 ménages enquêtés, 13 ménages ont pour chef une femme veuve ou un homme qui ne travaille plus. L’ensemble des parents ont plus de 50 ans et la moitié ont atteint 60 ans (majoritairement les hommes). Ces chefs de ménage qui prennent de l’âge sont concernés par l’illusion statistique explicité par Antoine, Gning et Dial (2014). En effet, les auteurs nous interpellent sur le fait que la notion de chef de ménage, chez les personnes vieillissantes, ne correspond pas toujours à une réalité économique, la primauté est davantage accordée à la séniorité et à la notion d’autorité morale. Considérer alors le chef comme étant celui qui se déclare comme tel ou est reconnu dans ce rôle constitue « un marqueur d’une position de pouvoir au sein du ménage […] ». Cela conduit également à « présenter les jeunes adultes comme des dépendants et à occulter leur contribution dans le ménage. Par ailleurs, identifier prioritairement le chef de ménage comme un homme sous-estime l’apport et la contribution des femmes » (Antoine, Gning et Dial 2014 : 12). Sadio Ba Gning démontre également qu’avec le vieillissement et la retraite, le statut de chef de ménage souvent attribué à un pouvoir économique se déprécie.

Face à cette situation, seules les personnes âgées qui ont plus de ressources semblent gérer cette pression qui les expose à un déclassement social. Le cas échéant, les enfants et les femmes y jouent un véritable rôle. Celles-ci s’investissent dans le petit commerce informel et remplacent au pied levé le chef de famille dans ses responsabilités financières, tout en lui cédant la préséance en tant qu’autorité morale du ménage.

Gning 2014 : 5

Si la contribution des femmes est largement tue au sein du ménage, il en est de même pour celles des plus jeunes. Ainsi, les « non-dits » autour des places qu’occupent objectivement les jeunes dans le partenariat familial, peuvent s’expliquer par une volonté de conserver le statut de « chef de ménage » dans un contexte où il est plus que difficile pour les aînés sociaux de maintenir leur autorité. Une autorité qui se légitime avant tout par la place que ces aînés se doivent de tenir également dans les rapports de production, une autorité concrétisée « par la redistribution des produits ». Or, dire la réalité des choses, la complexité de la circulation des biens, la multi-directionnalité des soutiens et apports, c’est admettre la vulnérabilité de sa propre position sociale et remettre en cause les privilèges sociaux que les adultes-aînés détiennent. C’est d’ailleurs pour cette raison que de plus en plus de personnes âgées refusent de quitter le marché du travail : ne pas ou ne plus avoir de place dans les rapports de production, ne pas ou ne plus avoir d’argent à redistribuer, peut entrainer un affaiblissement d’autorité, de respect, jusqu’à une relégation au statut de charge familiale.

Les jeunes Dakarois et Dakaroises rencontrés, non-mariés et vivant au domicile familial de leurs parents, bien que pour la majorité sans revenu fixe, ne sont pourtant pas objectivement des « charges » pour la famille comme les représentations sociales les dépeignent. Perçus, voire nommés comme tels, les jeunes auprès desquels j’ai mené mes recherches, désireuses et désireux d’émigrer, de partir pour revenir grandis dans les yeux de celles et ceux dont ils veulent pourtant se distancer (Poulet 2016) expriment leur lassitude face au manque de considération et de reconnaissance de leurs parents et de leurs aînés sociaux. L’article a alors montré les différentes formes de contributions des jeunes au sein de leur milieu social : leur ménage. Ces contributions au sein du foyer (travail gratuit, participation à la circulation monétaire au sein du foyer) semblent normalisées voire invisibilisées. L’investissement des plus jeunes, les cadets et cadettes, est réduit à une simple « dette sociale » concourant dès lors à un « malentendu générationnel ». Les jeunes Dakarois et Dakaroises dénoncent l’insignifiance de leur place sociale par l’invisibilisation de leur contribution au sein de leur milieu social et les aînés sociaux, soucieux de conserver leur place sociale également, participent à invisibiliser la manière dont les jeunes servent les intérêts collectifs. En cela, l’invisibilisation des contributions des jeunes révèlent un équilibre instable au sein des générations : les jeunes aspirent à être reconnus quand les personnes vieillissantes craignent de ne plus l’être, dans un contexte socio-économique qui participe au bouleversement des structures sociales.