Les ateliers de l'éthique
The Ethics Forum
Volume 12, Number 1, Winter 2017
Table of contents (7 articles)
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Liminaire
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Quelle valeur a notre enseignement aux yeux des élèves? Prolongement de la théorie de la valuation de Dewey dans la réflexion pédagogique
Christophe Point
pp. 4–20
AbstractFR:
Le présent article examine la façon dont John Dewey a entrepris de poser le problème de la valuation et de ses conséquences au sein de sa théorie de l’éducation. Plus spécifiquement, nous voudrions montrer que son effort pour repenser l’articulation des moyens et des fins du processus de valuation contribue à repenser l’enquête morale. Celle-ci, si elle fait alors l’objet d’une pédagogie qui met au centre l’expérience vécue du sujet, nous oblige à concevoir à nouveaux frais les valeurs que nous accordons aux connaissances apprises. Notre analyse entend démontrer que : 1) de même que dans le domaine éthique, rien n’a de valeur en soi pour le sujet agissant. Mais que 2) la valuation de tout acte est déterminée en situation, alors, 3) dans le domaine de la pédagogie, aucune connaissance n’a de valeur en soi pour l’élève. 4) Ainsi la première tâche de l’enseignant.e est de former l’élève à des processus de valuation efficaces. Cela dans le but que celui-ci puisse à son tour, clairement, déterminer pour lui-même les connaissances qui auront de la valeur. Si notre hypothèse est juste alors cette tâche devient à la fois un point de départ important de la pédagogie pragmatiste et un impératif incontournable de l’éthique enseignante.
EN:
The present article examines how Dewey addressed the problem of value, as well as the consequences that this solution had for his educational theory. More specifically, I aim to show that Dewey’s effort to rethink means and ends within the process of valuation contributes to a recasting of moral inquiry. If moral inquiry becomes part of a pedagogy that focuses upon the lived experience of the subject, this compels us to rethink the value we attribute to acquired knowledge. My analysis will demonstrate 1) that even within the ethical domain, nothing has value in itself for the acting subject, but that 2) the value of all acts must be determined within specific situations, and therefore 3) within the domain of pedagogy, no knowledge has value in and of itself for the student. 4) Thus the first task of the teacher is to teach students how to evaluate questions of value, which will push them to determine for themselves what knowledge has value. If my hypothesis is correct, this task becomes simultaneously an important starting place for pragmatist pedagogy and a cornerstone of a new ethic of teaching.
Dossier : Public Participation, Legitimate Political Decisions, and Controversial Technologies
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Sous la direction de Xavier Landes, Martin Marchman Andersen et Klemens Kappel
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Public Participation, Legitimate Political Decisions, and Controversial Technologies: Introduction
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Does Controversial Science Call For Public Participation? The Case Of Gmo Skepticism
Andreas Christiansen, Karin Jonch-Clausen and Klemens Kappel
pp. 26–50
AbstractEN:
Many instances of new and emerging science and technology are controversial. Although a number of people, including scientific experts, welcome these developments, a considerable skepticism exists among members of the public. The use of genetically modified organisms (GMOs) is a case in point. In science policy and in science communication, it is widely assumed that such controversial science and technology require public participation in the policy-making process. We examine this view, which we call the Public Participation Paradigm, using the case of GMOs as an example. We suggest that a prominent reason behind the call for public participation is the belief that such participation is required for democratic legitimacy. We then show that the most prominent accounts of democratic legitimacy do not, in fact, entail that public participation is required in cases of controversial science in general, or in the case of GMOs in particular.
FR:
Beaucoup d’avancées scientifiques et de technologies émergentes sont controversées. Bien qu’un certain nombre de personnes, incluant des experts scientifiques, sont favorables à ces développements, la population demeure largement sceptique. Le recours aux organismes génétiquement modifiés (OGM) illustre une telle situation. Dans les politiques et communications scientifiques, il est largement tenu pour acquis que de telles controverses scientifiques et technologiques requièrent la participation publique dans le processus de prise de décision politique. Nous examinons ce point de vue, que nous appelons le paradigme de la participation publique [Public Participation Paradigm], en nous servant du cas des OGM. Nous suggérons qu’une raison centrale en faveur de l’appel à la participation publique se situe dans la croyance qu’une telle participation est requise par la légitimité démocratique. Nous montrons ensuite que la plupart des principales conceptions de la légitimité démocratique n’impliquent pas, en fait, que la participation publique puisse être requise pour les controverses scientifiques en général, et pour les OGM en particulier.
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Democratic Decision Making and the Psychology of Risk
Andreas Christiansen and Bjørn Gunnar Hallsson
pp. 51–83
AbstractEN:
In many cases, the public (or large parts of it) want to restrict an activity or technology that they believe to be dangerous, but that scientific experts believe to be safe. There is thus a tension between respecting the preferences of the people and making policy based on our best scientific knowledge. Deciding how to make policy in the light of this tension requires an understanding of why citizens sometimes disagree with the experts on what is risky and what is safe. In this paper, we examine two highly influential theories of how people form beliefs about risks: the theory that risk beliefs are errors caused by bounded rationality and the theory that such beliefs are part and parcel of people’s core value systems. We then discuss the implications of the psychological theories for questions regarding liberal-democratic decision making: (1) Should policy be responsive to the preferences of citizens in the domain of risk regulation? (2) What risk-regulation policies are legitimate? (3) How should liberal-democratic deliberation be structured?
FR:
Dans de nombreux cas, le public (ou une grande partie de celui-ci) veut restreindre une activité ou une technologie qu’il croit être dangereuse, mais que les experts scientifiques considèrent être sécuritaire. Il y a alors une tension entre le respect des préférences des gens et des politiques fondées sur nos meilleures connaissances scientifiques. Décider comment élaborer une politique à la lumière de cette tension nécessite de comprendre pourquoi les citoyens sont parfois en désaccord avec les experts à propos de ce qui est risqué et ce qui est sûr. Dans cet article, nous examinons deux théories très influentes sur la façon dont les gens forment des croyances sur les risques : la théorie selon laquelle les croyances liées au risque sont des erreurs causées par la rationalité limitée et la théorie selon laquelle ces croyances font partie intégrante des systèmes de valeurs fonda-mentales des personnes. Nous discutons ensuite les implications des théories psychologiques pour les questions touchant la prise de décision libérale-démocratique : (1) Les politiques devraient-elles être sensibles aux préférences des citoyens dans le domaine de la régulation des risques? (2) Quelles politiques de régulation des risques sont légitimes? (3) Comment la délibération libérale-démocratique devrait-elle être structurée?
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Consensus and Liberal Legitimacy: From First to Second Best?
Xavier Landes
pp. 84–106
AbstractEN:
In this article, consensus, defined as the consent of all citizens, is argued to be the first best for part of the liberal tradition on political legitimacy. Consensus would be the foundation of the liberal society that, when out of reach, needs to be approximated through, for instance, voting (majority rule). I build on the timid attempts in political theory at using the theorem of the second best as a tool to settle difficult decision making in applied political theory. More precisely, I defend the view that consensus would be the first best for part of the liberal tradition on political legitimacy. Furthermore, I illustrate how moral, factual, (and, incidentally, epistemological) disagreements may create second-best problems, especially in terms of stability. Finally, I spell out some reasons why such problems directly affect a liberal order, on pragmatic grounds. The final purpose is to contribute to the literatures on legitimacy and on the application of the theorem of the second best outside economics. The key idea is to stress that much more work has to be done for “importing” the theorem of the second best into political theory.
FR:
Dans cet article, le consensus, défini comme le consentement de tous les citoyens, est présenté comme remplissant la fonction d’optimum de premier rang [first best] pour une partie de la tradition libérale quant à la légitimité politique. Le consensus fonderait la société libérale qui, lorsque hors d’atteinte, nécessiterait d’être approximer au travers, par exemple, du vote (règle majoritaire). Je m’appuie sur les timides tentatives en théorie politique d’utiliser le théorème de l’optimum de second rang [second best] comme outil pour résoudre des prises de décision difficiles en théorie politique appliquée. Plus précisément, je défends l’idée que le consensus serait l’optimum de premier rang pour une partie de la tradition libérale quant à la légitimité politique. De plus, j’illustre comment les désaccords moraux, factuels (et, incidemment, épistémologiques) peuvent créer des problèmes d’optimum de second rang, en particulier en termes de stabilité. Enfin, j’expose quelques raisons pour lesquelles de tels problèmes affectent directement un ordre libéral, d’un point de vue pragmatique. Le but final est de contribuer aux littératures sur la légitimité et sur l’application du théorème d’optimum de second rang à l’extérieur des sciences économiques. L’idée principale est de souligner qu’il reste beaucoup de travail afin d’« importer » le théorème d’optimum de second rang en théorie politique.
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New Trouble For Deliberative Democracy
Robert Talisse
pp. 107–123
AbstractEN:
In the past two decades, democratic political practice has taken a deliberative turn. That is, contemporary democratic politics has become increasingly focused on facilitating citizen participation in the public exchange of reasons. Although the deliberative turn in democratic practice is in several respects welcome, the technological and communicative advances that have facilitated it also make possible new kinds of deliberative democratic pathology. This essay calls attention to and examines new epistemological troubles for public deliberation enacted under contemporary conditions. Drawing from a lesson offered by Lyn Sanders two decades ago, the paper raises the concern that the deliberative turn in democratic practice has counter-democratic effects.
FR:
Au cours des deux décennies passées, la pratique politique démocratique a pris un tournant délibératif. Plus précisément, la politique démocratique contemporaine s’est de plus en plus concentrée sur la manière de faciliter la participation citoyenne dans l’échange public de raisons. Si ce tournant est le bienvenu pour plusieurs raisons, les avancées technologiques et communicationnelles qui l’ont facilité ont également rendu possibles de nouvelles pathologies démocratiques et délibératives. Cet essai examine les nouveaux problèmes épistémologiques pour la délibération publique contemporaine. Tirant la leçon des travaux menés par Lyn Sanders il y a deux décennies, l’article s’interroge sur les effets antidémocratiques du tournant délibératif.