Abstracts
Résumé
La Déclaration canadienne des droits de John Diefenbaker a tenté de fusionner le parlementarisme britannique et la protection des droits à l’américaine. L’échec jurisprudentiel de la Déclaration ne doit pas faire oublier que sur le plan symbolique, elle a intégré à l’État canadien la logique des « droits de l’homme ». Elle portait aussi une vision nationaliste canadienne, conjuguant charte des droits et identité pancanadienne inclusive. En prenant en compte la dimension symbolique de l’État, au sens où l’entendait Pierre Bourdieu, on peut voir, en la Déclaration et les débats l’entourant, un changement de paradigme par rapport à la norme constitutionnelle britannique.
Mots-clés :
- Pierre Bourdieu,
- John Diefenbaker,
- nationalisme constitutionnel,
- droits de l’homme,
- Pierre Elliott Trudeau,
- pouvoir symbolique,
- État canadien,
- suprématie parlementaire,
- constitutionnalisme américain,
- Déclaration canadienne des droits
Article body
L’ère du premier ministre John G. Diefenbaker est une période de transition entre deux modèles juridico-politiques. Dans un contexte d’après-guerre, où l’on prend toute la mesure des violations des droits de la personne et où le Dominion se questionne sur son identité nationale et sur la signification d’une citoyenneté proprement canadienne (qui en est exclu ? qui jouit des mêmes droits ?)[1], Diefenbaker propose une offre politique tentant de fusionner deux mondes : celui du Canada britannique d’hier, avec son modèle de souveraineté parlementaire, et celui du Canada nord-américain de l’avenir, avec son régime de protection constitutionnelle des droits. Il incarnait en quelque sorte ces deux mondes : homme politique voulant préserver le parlementarisme britannique, il était aussi un défenseur des libertés civiles opposé à la discrimination raciale depuis 1940[2], et sa Déclaration a été influencée par le Bill of Rights américain et la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU de 1948[3].
L’« échec » jurisprudentiel de la Déclaration canadienne des droits ne doit pas faire oublier que sur le plan symbolique, elle a contribué à inscrire la protection des droits de la personne au coeur des priorités de l’État canadien[4]. L’adoption de la Loi ayant pour objets la reconnaissance et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales[5], qui officialise l’adoption de la Déclaration, a introduit un nouveau concept dans l’État constitutionnel canadien de type Westminster, qui a notamment été publicisé par la Déclaration universelle. En institutionnalisant le concept plus englobant des « droits de l’homme », alors que l’on parlait avant tout de libertés traditionnelles britanniques au Canada[6], la Déclaration a concouru à transformer la compréhension traditionnelle, britannique, que l’on avait à l’époque au Canada de notions comme la souveraineté parlementaire, le contrôle judiciaire limité et les droits conventionnels[7]. Elle remettait ainsi en question l’orthodoxie voulant que la codification des droits soit contraire au constitutionnalisme canadien d’héritage britannique[8]. La Déclaration était aussi d’avant-garde, en tant que première charte des droits adoptée dans l’univers de Westminster[9].
Avec Diefenbaker, pour la première fois, un premier ministre canadien énonce une vision nationaliste canadienne, conjuguant charte des droits, justice sociale, solidarité interprovinciale et identité canadienne surplombante et inclusive. Ainsi, Pierre Elliott Trudeau n’est pas le premier chef de gouvernement canadien à être un juriste réformateur et à mobiliser le patriotisme constitutionnel. S’il n’a pas reconnu sa dette envers Diefenbaker, Trudeau a tout même pu bénéficier du travail sur les consciences et sur les institutions de son prédécesseur. Comme l’a souligné David Erdos, « dans la période précédant l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, [la Déclaration] a exercé une influence dans la lutte pour une charte véritablement efficace sur les plans juridique et constitutionnel[10] ».
En prenant en compte la dimension symbolique de l’État, au sens où l’entendait le sociologue Pierre Bourdieu[11], on peut voir en la Déclaration et les débats l’entourant un changement de paradigme important, par rapport à la norme constitutionnelle britannique prévalant jusque-là au Canada et ailleurs dans les démocraties parlementaires de type Westminster[12]. Une approche sociohistorique, inspirée de Bourdieu, permet de remettre dans son contexte les discours des droits sous le gouvernement Diefenbaker et de les juger à l’aune de la vision constitutionnelle britannique dominante de l’époque. L’histoire sociologique et politique de Diefenbaker, en la situant dans le contexte des débats d’avant et d’après-guerre sur la protection des libertés, permet de comprendre la progression du nationalisme constitutionnel, jusqu’à ce qu’il devienne le discours officiel de l’État canadien. L’adoption de la Déclaration canadienne des droits, alors qu’il est premier ministre, était cohérente avec la logique de sa carrière politique[13].
L’État et le pouvoir symbolique
Dans une série de cours au Collège de France, Bourdieu a analysé le rôle du droit, comme discours et comme pratique, dans la construction de l’État moderne depuis le Moyen Âge classique, en s’appuyant sur les travaux d’historiens comme Ernst Kantorowicz et Joseph Strayer[14]. Dès le XIIe siècle, grâce notamment au renouveau du droit propulsé par l’Église romaine et à la formation de nombreux clercs juristes qui se mettent au service des monarques, débute un long processus de centralisation des pouvoirs dans l’Europe féodale[15]. Les clercs juristes participent à l’élaboration d’une protoadministration, pour gérer un territoire encore normativement et physiquement morcelé, et d’un discours justifiant la concentration du pouvoir. Le roi est à l’époque un noble faisant face à d’autres nobles, chacun ayant son armée et sa loi. Prenant appui sur le Code de Justinien, les clercs juristes promeuvent l’idée que le roi, à l’image de l’empereur romain, concentre entre ses mains la souveraineté sur un territoire[16]. Le droit participe ainsi à organiser les États naissants, qui se construisent en disséminant un seul droit sur un territoire, mais aussi à édifier une vision du monde qui légitime le processus de centralisation.
Ce détour par la genèse ancienne de l’État moderne permet de mieux comprendre la conception duale – « physique » et symbolique – de l’État chez Bourdieu. Reprenant la définition classique de l’État du sociologue Max Weber[17] – le « monopole de la violence physique légitime » –, Bourdieu ajoute que l’État est aussi le « monopole de la violence symbolique légitime ». Il entend par là que la capacité des personnes en position officielle d’émettre des discours officiels, qui seront reçus comme tels, produiront des effets dans le monde réel, comme la légitimation du pouvoir, l’obéissance aux lois et la construction du monde social. Dit autrement, l’État se caractérise par sa dimension « physique » (gouvernement, administration, armée, police, tribunaux, impôt, etc.), mais il a aussi un aspect « symbolique » : la production de discours ainsi que la diffusion de normes et d’une vision du monde. Ces deux figures de l’État se renforcent mutuellement. Bref, l’« État n’est pas un simple instrument de coercition, mais un instrument de production et de reproduction du consensus, chargé de régulations morales[18] ». Pour paraphraser le philosophe Jean-Jacques Rousseau, le pouvoir, pour se pérenniser, ne peut qu’être basé sur la force : il doit devenir droit, intégration normative, permettant la loyauté et l’appartenance[19]. Par droit, suivant Bourdieu, l’on se réfère à la fois à sa dimension physique – l’imposition des normes sur un territoire, à partir du Centre, par la magistrature ainsi que par l’épée et la matraque – et symbolique – un discours performatif énonçant une vision du monde, justifiant l’état des choses ou légitimant des réformes.
Dans le contexte canadien contemporain, la figure de Pierre Elliott Trudeau vient facilement à l’esprit, en tant que « grand Législateur[20] » derrière la refonte majeure de 1982, qui a donné une nouvelle loi constitutionnelle au pays, mais aussi un nouveau métarécit unificateur à propos de la nation canadienne moderne. Bref, le projet nationaliste constitutionnel de Trudeau a permis de renforcer et de renouveler l’intégration normative (culturelle, identitaire, juridique) sur le territoire canadien. Dans l’historiographie portant sur la révolution constitutionnelle de 1982, il y a ainsi un avant et un après Trudeau, en tant que génie constitutionnel. Par exemple, l’historien des droits de la personne et ancien chef du Parti libéral du Canada (PLC) Michael Ignatieff avance que l’existence même de la Charte canadienne « témoigne de la volonté implacable d’une seule personnalité politique, Pierre Elliott Trudeau, et de sa détermination à donner au Canada sa propre constitution et sa déclaration des droits[21] ». L’ancienne juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, ainsi que l’ancien conseiller constitutionnel de Trudeau et juge de la Cour fédérale, Barry Strayer, pour ne nommer que ceux-là, partagent aussi cette vision[22]. Sans s’attarder au fait que cette interprétation trop individualiste de l’histoire fait peu de cas des facteurs structurels[23] qui ont, en réalité, mené à la Loi constitutionnelle de 1982, on doit rappeler la dette sous-estimée de Trudeau à l’égard de Diefenbaker.
Au regard de l’aspect « physique » du pouvoir étatique (les tribunaux appliquant le droit et créant une jurisprudence), la Déclaration canadienne a été médiocre : elle n’a pas modifié en profondeur l’ordre constitutionnel ni produit une jurisprudence modernisatrice. Marquée par le constitutionnalisme britannique et face à un instrument non constitutionnalisé, la Cour suprême du Canada a été conservatrice dans sa réception de la Déclaration, et il faut attendre sa décision Drybones en 1970[24] pour que, pour une première fois, la Cour se penche sur la possibilité de rendre invalide une loi contraire à la Déclaration[25]. D’ailleurs, dans son préambule, il est écrit que la Déclaration « respecte la compétence législative du Parlement du Canada […][26] ». Ensuite, les lois du Parlement peuvent se mettre hors de sa portée en affirmant explicitement qu’elles s’appliquent « nonobstant la Déclaration canadienne des droits ». Bref, les droits s’appliquent… tant que les parlementaires n’en décident autrement.
Par contre, en prenant en compte la dimension symbolique de l’État, on peut voir en la Déclaration et les débats l’entourant un changement de paradigme important, par rapport à la norme constitutionnelle britannique prévalant au Canada. Cette norme britannique présente dans le Dominion, promue notamment par l’éminent professeur d’Oxford Albert Dicey[27], va à contre-courant de toute codification des droits civils et d’un contrôle judiciaire étendue à l’américaine et voit plutôt dans la suprématie parlementaire, la common law et l’état de droit la façon adéquate de protéger les libertés[28].
Les travaux de Weber ont mis en avant que, dans la modernité avancée, la rationalité légale est désormais le mécanisme de légitimation de la domination qui était prépondérant sur les autres formes héritées du passé (comme la tradition ou le charisme)[29]. Bourdieu a justement mis en évidence la dimension symbolique du droit, en tant que pouvoir performatif, qui permet tout à la fois de construire et de légitimer le monde social[30]. Quant à elles, les recherches de Benedict Anderson font ressortir toute l’importance du nationalisme dans la grammaire politique de la modernité et dans l’édification des États modernes[31]. Enfin, le théoricien de la Glorieuse révolution, John Locke, décrit une troisième tendance lourde de la modernité, historiquement liée aux deux premières, qui prend sa source dans la naissance du parlementarisme et du libéralisme : l’individu et ses droits naturels[32].
Lorsque Jürgen Habermas propose le « patriotisme constitutionnel » comme solution aux déchirements entre nations et au sein des États, il puise ainsi à trois courants forts de la modernité[33]. Une idée similaire anime le candidat à la chefferie du PLC, Pierre Elliott Trudeau, lorsqu’il propose de créer un nationalisme fédéral, plus rationnel et basé sur l’individu et ses droits, qui transcende les appartenances « ethniques » rétrogrades et périlleuses, car à la base des déchirants conflits[34]. Dans Le temps d’agir. Jalons du renouvellement de la fédération canadienne, en 1978, il affirme qu’une Constitution canadienne réformée « devra commander le respect de tous les citoyens et éclairer leur patriotisme[35] ».
Ce nationalisme constitutionnel, qui prend sa source dans le tournant des années 1930 et l’apparition d’un mouvement de juristes réformateurs tel Frank Scott, va s’incarner dans le projet de refondation de 1982, qui a été mis en branle par le gouvernement Trudeau. Cependant, il n’est pas le premier chef de gouvernement canadien à être un juriste réformateur et à mobiliser le langage du nationalisme constitutionnel au centre de l’État canadien. Le discours officiel de l’État canadien, l’aspect symbolique du pouvoir, a emprunté ce sentier dès la fin des années 1950, lorsqu’un défenseur des libertés civiles, Diefenbaker, devient premier ministre du Canada en 1957.
Un nouveau champion des libertés civiles
Petit-fils d’un immigrant allemand, Diefenbaker grandit en Saskatchewan, où il subit le racisme anglo-saxon. Après des études de droit, il commence à pratiquer comme avocat de la défense, à l’été 1919, dans un petit village du nord de la Saskatchewan, Wakaw, composé en grande partie d’immigrants d’Europe de l’Est. Il avait la réputation d’un redoutable et charismatique défenseur des laissés-pour-compte[36]. S’il est sensible aux inégalités économiques et aux iniquités juridiques, il ne rejoint pourtant pas les forces du Co-operative Commonwealth Federation (CCF), leur préférant le Parti conservateur, qui défend le maintien du lien impérial. Il admire le New Deal de son chef, Richard Bennett, qui a donné un nouveau souffle aux conservateurs en 1935[37]. Il devient président des conservateurs saskatchewanais durant la Grande Dépression, avec une plateforme inspirée du New Deal de Bennett. En 1940, il se fait élire à la Chambre des communes, en dénonçant les dérives dictatoriales du gouvernement King[38]. En 1942, pour faire face à un PLC solidement installé au pouvoir, les conservateurs se dotent d’un programme liant sécurité sociale, libre entreprise et tradition britannique, adoptent le nom de Parti progressiste-conservateur du Canada (PPCC) et se donnent un chef réformiste, John Bracken.
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, Diefenbaker siège sur le Comité spécial sur les Règlements concernant la défense du Canada, qui étudie l’application des mesures d’urgence. Ce comité est créé par le gouvernement, à la suggestion de l’Association de défense des libertés civiles de Winnipeg – cofondée notamment par l’historien Arthur Lower – qui lui reproche son approche « absolutiste » et « répressive »[39]. Au début de la guerre, où les appels au patriotisme fusent de toutes parts, Diefenbaker soutient les mesures d’urgence et la suspension des libertés civiles, mais à la fin, dès 1946, il critique la suspension du contrôle parlementaire et les dérives liberticides.
Il rejoint plusieurs défenseurs des libertés civiles, comme Lower, pour dénoncer les abus commis durant la guerre et pour promouvoir l’adoption d’une charte des droits, pour contrebalancer l’étendue des pouvoirs que conférait à l’exécutif la Loi sur les mesures de guerre. À cette époque, Diefenbaker est la conscience progressiste des conservateurs, alors qu’il critique l’approche coercitive du gouvernement King dans les affaires d’espionnage Gouzenko et de déportation des Canadiens japonais, et qu’il s’oppose au maintien des mesures d’urgence après la guerre. En 1947-1948, il se démarque au sein du Comité conjoint spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, qui analyse la réponse que le Canada devrait donner, en droit interne, à l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Dès lors, le député d’arrière-ban Diefenbaker acquiert la réputation d’un défenseur des libertés civiles et d’un promoteur d’une charte des droits.
La déportation des Canadiens japonais et l’affaire Gouzenko
L’affaire de la déportation
Avant la guerre, le racisme envers les Canadiens japonais est virulent en Colombie-Britannique, où ils sont perçus comme des concurrents économiques indésirables et des étrangers non assimilables[40]. Le raid aérien de l’armée japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, a fourni le prétexte pour les exiler de la côte Ouest, au nom de la sécurité de l’État. Plusieurs mesures répressives les ciblent, allant jusqu’au déplacement et à l’internement, au début de 1942, de près de 22 000 personnes[41]. Après la guerre, on ne savait que faire de cette population « indésirable ». Le 15 décembre 1945, le gouvernement King ordonne, par décret, leur déportation vers le Japon[42].
Selon la Cour suprême du Canada[43] et le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres[44], le gouvernement a agi légalement, en conformité avec les pouvoirs conférés par la Loi sur les mesures de guerre. Selon la jurisprudence de l’époque, en contexte de guerre, l’exécutif doit disposer d’une marge de manoeuvre importante pour assurer la sécurité de l’État[45].
L’internement des Canadiens japonais est soutenu par l’opinion publique, mais pas leur déportation ni leur privation de citoyenneté[46]. Le CCF, des associations de défense des libertés civiles, des organisations religieuses et la presse libérale s’opposent à ces mesures[47]. Malgré le recul du gouvernement, près de 4 000 personnes sont déportées[48].
Au nom du respect des minorités et de l’unité nationale, Diefenbaker reproche d’ailleurs au gouvernement d’avoir adopté en coulisses ces décrets, au moment où le Parlement siège et qu’il fait connaître explicitement son « refus de souscrire au principe réactionnaire en vertu duquel un sujet britannique pourrait subir l’expulsion au gré du Gouvernement[49]. » Des années plus tard, alors premier ministre, sa Déclaration canadienne des droits répondra au traitement inique des Canadiens japonais et des personnes suspectées d’espionnage lors de l’affaire Gouzenko[50].
L’affaire Gouzenko
Dès sa création, en 1921, le Parti communiste du Canada (PCC) est proche des milieux ouvriers immigrants et considéré par les autorités comme une force étrangère subversive[51]. Avec la guerre, le PCC et des organisations affiliées sont déclarés illégaux et censurés ; par un inversement du fardeau de la preuve, les personnes accusées d’y appartenir doivent prouver leur innocence[52].
L’offensive nazie de l’été 1941 met fin au Pacte de non-agression germano-soviétique et l’URSS devient une alliée. Le PCC, d’abord pacifiste, en vient à promouvoir la guerre contre les forces de l’Axe. Renommé Parti ouvrier progressiste du Canada, il est toléré par les autorités. Les communistes demeurent toutefois des ennemis de l’ordre libéral et un éventuel conflit avec les autorités semble inévitable[53].
L’élément déclencheur est la défection d’un officier de l’ambassade soviétique, Igor Gouzenko, qui emporte avec lui, un soir de septembre 1945, des documents révélant l’existence d’un réseau d’espionnage soviétique[54]. À la demande du premier ministre, le comité Corby analyse en secret ces documents, sous la direction du président du Barreau canadien, E. K. Williams[55]. Le 6 octobre, Mackenzie King, C. D. Howe et Louis St-Laurent décrètent la suspension des droits des suspects, permettant à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de les arrêter, de les détenir et de les interroger, sans mandat et pour une durée indéterminée[56].
Le comité Corby ne parvient pas à accumuler des preuves suffisantes pour poursuivre les suspects. Le 4 février 1946, le gouvernement King crée donc la Commission royale d’enquête sur l’espionnage, dotée du pouvoir de forcer le témoignage auto-incriminant des suspects, de les priver d’un avocat et d’accepter des « preuves » non recevables lors d’un procès en bonne et due forme[57]. La commission avait à sa tête deux juges de la Cour suprême, Roy Kellock et Robert Taschereau, qui n’avaient pas la réputation d’être des défenseurs des libertés civiles[58]. Les conseillers juridiques de la commission étaient E. K. Williams et deux futurs juges en chef de la Cour suprême, John Cartwright et Gérald Fauteux. Si la nomination de juges à la tête de commissions était fréquente, il était cependant inusité qu’ils en président une violant ouvertement les droits des participants[59].
À la demande de la commission, douze suspects sont arrêtés par la GRC, sans mandat, et détenus en secret. Ils sont maintenus des semaines en confinement solitaire, dans une cellule constamment éclairée, sans que des accusations soient portées contre eux, tout en étant interrogés à tout moment pour forcer leurs aveux[60]. Lorsqu’ils apparaissent devant la commission, les suspects sont épuisés et les deux juges omettent de les informer de leurs droits, les obligeant même à coopérer pleinement sous peine de sanction, s’auto-incriminant de la sorte[61]. Les deux juges ont justifié la suspension des libertés traditionnelles au nom de la sécurité de l’État[62]. Finalement, trente-neuf personnes sont arrêtées, la plupart issues de l’immigration ; l’affaire avait bien un sous-texte xénophobe[63]. Au nom de la raison d’État, les tribunaux ont fait preuve de déférence envers l’exécutif et condamné onze personnes à des peines de prison allant de trois à six ans[64].
Lors du débat sur l’affaire Gouzenko, « la critique la plus forte du gouvernement est venue d’un simple député conservateur relativement obscur, John Diefenbaker[65] ». Pour ce dernier, le Parlement a la responsabilité d’être « le rempart des libertés de la population canadienne[66] ». S’il condamne les espions, il rappelle qu’ils ont droit « à un procès conforme aux lois et non en marge de toute règle établie[67] ». Or, les droits des suspects ont été suspendus par l’exécutif[68]. À la fin de la guerre, Diefenbaker réclame donc que le Parlement et les individus retrouvent leurs droits[69]. Il ajoute que les tendances répressives au Canada ont une longue histoire, remontant à la Première Guerre mondiale, où a été adoptée la Loi sur les mesures de guerre, « que l’on a maintenue depuis sans l’abroger[70] ». Pour lui, le fait que le gouvernement peut suspendre à souhait les libertés par décret est contraire à la tradition constitutionnelle britannique, car seul le Parlement peut suspendre les droits civils[71]. Il récuse l’argument du gouvernement King qui, au nom de la sécurité de l’État, justifie que l’on détienne de façon arbitraire des individus pour de seuls soupçons, puis qu’on leur arrache des confessions[72]. Enfin, il souligne que « les événements de ces dernières années imposent l’obligation au Parlement de faire en sorte que les Canadiens […] bénéficient d’une [charte] […], qui garantirait la liberté de religion, d’association et de parole et garantirait les gens contre les arrestations arbitraires autres que celles qu’autorise la loi[73] ». Lors du débat sur la Loi sur la citoyenneté, il suggère même d’y ajouter une charte des droits, garantissant l’égalité juridique de tous et renforçant l’unité nationale[74]. Il réitère cette proposition durant les travaux du Comité spécial mixte sur les droits de l’homme.
La création d’un Comité spécial mixte sur les droits de l’homme
Alors que l’ONU va adopter la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Comité spécial mixte sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales est mis sur pied pour étudier les implications légales pour le Canada. Lors du débat en Chambre sur la création du Comité, son futur coprésident, le ministre de la Justice James Ilsley, révèle son parti pris idéologique (britannique). Il avance « que la constitution britannique accorde la plus haute importance au principe de la suprématie du Parlement : il peut faire toutes lois qu’il désire, conférer des droits et les modifier, ou même priver les personnes de ceux qu’ils exercent […][75] ». Il poursuit : « au Canada notre Parlement est suprême dans les limites de sa compétence comme les Assemblées législatives sont suprêmes dans les limites de leur compétence[76] ». Adopter une déclaration constitutionnelle des droits limiterait le pouvoir du Parlement et des législatures, américanisant ainsi le régime fédéral et la Constitution[77]. Selon lui, le Parlement central n’a pas la compétence pour adopter une charte pouvant « annuler des lois adoptées par les assemblées législatives[78] », d’autant plus que le Canada est un régime parlementaire respectant les libertés des citoyens[79]. Enfin, en cas de guerre, le gouvernement doit agir avec efficacité pour assurer la sécurité de l’État, en n’étant pas contraint par des droits et des procédures, dont tireraient avantage les ennemis intérieurs[80].
Diefenbaker rétorque que si le Canada a bien hérité des libertés britanniques (comme l’habeas corpus), celles-ci ont été bafouées par le gouvernement durant et après la guerre[81]. De plus, si la Déclaration universelle doit favoriser la paix entre les nations, ce document doit avoir sa contrepartie dans le droit interne des États appelés à garantir les droits égaux de leurs citoyens[82]. Il reproche au gouvernement de s’opposer à l’adoption d’une charte des droits, avant même le début des travaux du Comité[83]. Conscient de l’enjeu de la division des pouvoirs, il propose d’intégrer les gouvernements provinciaux au processus, « afin que la déclaration des droits la plus complète possible soit le fruit d’une décision commune, sous forme d’un amendement à la constitution ou d’une loi[84] ». Les tribunaux pourraient ainsi appliquer ces droits codifiés, car « [s]ans la faculté de les réclamer en justice, que valent ces précieux droits traditionnels ? Ils ne sont que vains mots[85] ».
Pour Diefenbaker, une charte des droits est conforme au régime démocratique, qui « se distingue précisément du régime autoritaire en ce qu’il accorde aux particuliers des droits envers l’État, tandis que l’autre les supprime[86] ». Or, lorsque l’autorité de l’État est magnifiée, qu’il « est maître absolu, les particuliers doivent se préparer à suivre ses instructions et leur liberté personnelle disparaît[87] ». Enfin, l’absence d’une telle charte, en 1867, ne signifiait pas qu’elle était contraire à la vision des constituants, car ils « ne s’imaginaient pas que ces droits ne seraient jamais amoindris. C’est pourquoi ils ne les ont pas insérés dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique[88] ».
Devant le Comité spécial mixte, le sous-ministre de la Justice, Frederick Varcoe, mentionne que le Canada est une démocratie respectueuse de l’État de droit, donc que les libertés fondamentales y sont tout autant protégées qu’aux États-Unis[89]. Diefenbaker rétorque que le Canada, lui, ne possède pas de contrôle judiciaire en matière de droits fondamentaux[90]. Enfin, le rapport du Comité est signé par ses coprésidents libéraux : le sénateur Léon-Mercier Gouin et le ministre Ilsley. Sans surprise, ils concluent qu’une charte serait superflue, car les Canadiens jouissent déjà de libertés enviables[91].
De 1952 à 1957, malgré quelques jugements importants de la Cour suprême en matière de libertés civiles sous l’influence du juge Ivan Rand, comme Roncarelli (1959) portant notamment sur l’état de droit[92], l’idée des droits constitutionnalisés devient moins saillante et, pour Diefenbaker, il est évident que tant que les libéraux resteraient au pouvoir, aucune charte des droits ne serait adoptée[93].
Les droits de la personne arrivent au centre de l’État
À la suite de la démission inopinée du chef conservateur George Drew, en 1956, Diefenbaker remporte la course à la chefferie, avec une campagne nationaliste, réformiste et populiste[94]. Après un règne ininterrompu depuis 1935, les libéraux perdent étonnamment l’élection de 1957 face au PPCC et leur nouveau chef. Par la suite, Lester B. Pearson succède à Louis St-Laurent à la tête du PLC.
La retraite de St-Laurent signifie le départ d’un défenseur du maintien des normes juridico-politiques britanniques au coeur de l’État, qui est opposé à toute codification des droits à l’américaine et hostile à ce que le Canada signe la Déclaration universelle[95]. Pearson s’inscrit aussi dans ce courant et, en tant que ministre des Affaires étrangères, il demande à la délégation canadienne à l’ONU de s’abstenir lors du premier vote sur la Déclaration universelle[96]. L’abstention d’une démocratie libérale comme le Canada détonnait, car elle le plaçait côte à côte avec les États soviétiques, opposés à l’inclusion des droits individuels dans la Déclaration, et l’isolait de ses principaux alliés, les États-Unis et le Royaume-Uni[97]. Lors des délibérations onusiennes, Pearson prend la parole pour justifier l’abstention du Canada, en précisant « que le Gouvernement fédéral de son pays n’entend pas empiéter sur les droits des gouvernements provinciaux, droits auxquels le peuple canadien est tout aussi attaché qu’aux principes qui figurent dans la déclaration[98] ». Malgré tout, la participation du nouveau chef libéral au débat parlementaire sur la Déclaration canadienne, de 1958 à 1960, illustre une ouverture timide, inconfortable et ambiguë à l’endroit de la codification des libertés civiles. Sa position était équivoque : vanter l’efficacité du régime britannique de protection coutumière des droits, tout en critiquant la Déclaration canadienne pour sa portée insuffisante.
Durant sa campagne victorieuse de 1957, lui permettant de former un gouvernement minoritaire, Diefenbaker n’évoque pas son projet de charte des droits. Le programme conservateur, avec le slogan One Canada and Canada first, mise sur la défense des libertés, le nationalisme économique, l’unité nationale, l’équité interprovinciale, la sécurité sociale, le rétablissement des institutions parlementaires – en tant que gardiennes des libertés –, et le maintien du lien britannique[99]. Il appelle à mettre fin à « la domination arrogante des libéraux », menaçant les libertés et le parlementarisme britanniques[100].
Lors de l’élection de 1958, le PPCC poursuit cette logique nationaliste, britannique, interventionniste et populiste, et il remporte la majorité la plus importante de l’histoire canadienne, avec 208 sièges et 53,7 % des votes. Lors de cette élection, le premier ministre promet de faire adopter une déclaration fédérale des droits, garantissant les libertés fondamentales sans affecter les pouvoirs des provinces[101]. Cette promesse est cohérente avec sa vision conservatrice-progressiste de l’État canadien, en tant que grande nation, composée de Canadiens égaux en droit et en dignité vivant sous un régime de démocratie parlementaire au sein du Commonwealth et sous la permanence de la Couronne. Chez lui, nationalisme constitutionnel, britannicité et interventionnisme se côtoient dans une proposition hybride, qui tente de réunir et maintenir ensemble plusieurs courants idéologiques ascendants et descendants. Cette proposition instable et ambitieuse est un positionnement de transition pour le Canada, qui se trouve sur la ligne de crête entre deux mondes, alors que, dans l’après-guerre, l’influence britannique décline et celle des États-Unis s’impose[102].
Le débat en Chambre sur la Déclaration canadienne des droits
John G. Diefenbaker
Fort de sa majorité, le gouvernement Diefenbaker annonce dans le Discours du Trône vouloir adopter « une Déclaration des droits destinée à sauvegarder les droits de toute personne, au Canada, à l’égard de tout ce qui relève du Parlement[103] ». Cette déclaration découlerait des obligations internationales du Canada, en tant que signataire de la Déclaration universelle[104]. Diefenbaker conçoit le caractère novateur de ce projet, lorsqu’il avance que cette charte permettra de « faire franchir à notre pays le plus grand pas jamais accompli depuis des années en vue du maintien et de la sauvegarde de la liberté[105] ». Le Canada rejoindrait ainsi les autres grandes fédérations dotées d’une charte des droits[106].
Lors du débat sur la Déclaration canadienne, de septembre 1958 à août 1960, Diefenbaker précise qu’elle ne s’appliquerait qu’au Parlement central[107]. Il voyait ce projet comme une réponse aux violations passées des droits des citoyens, comme la déportation des Canadiens japonais ou l’affaire Gouzenko[108]. La Déclaration réaffirme la suprématie parlementaire et le rôle du Parlement comme frein aux excès de l’exécutif, en précisant que de simples décrets ne pourront suspendre les libertés[109]. Pour défendre son projet, il cite à plusieurs reprises un célèbre défenseur des libertés : son ami Arthur Lower[110].
À ceux voyant une charte législative comme une faible protection, facile à abroger, Diefenbaker rétorque que « les législatures subséquentes hésitent beaucoup à modifier une déclaration qui assure la liberté de l’individu[111] ». Aux juristes réformateurs qui suggèrent d’enchâsser cette charte, comme Lower ou Scott, afin de lier les deux ordres de gouvernement, il rappelle qu’au nom de leurs droits, les provinces « ne seraient pas favorables à un amendement constitutionnel qui pût s’appliquer à elles[112] ». Celles-ci seraient, avec raison, jalouses de leurs compétences[113]. De plus, selon lui, même si une déclaration des droits enchâssée pouvait constituer une protection juridique plus efficace, « [a]ttendre une modification constitutionnelle, ce serait attendre pendant des années encore […][114] ». Entre-temps, il remarque que la Saskatchewan s’est dotée de sa charte, que l’on pouvait espérer que les autres provinces emboîtent le pas et, qu’à terme, le Parlement et les législatures s’entendent sur une charte canadienne[115]. Enfin, il cite Lower, pour qui une simple déclaration législative serait « un grand pas en avant[116] ».
Lester B. Pearson
Lors de ses interventions en Chambre, le chef de l’opposition reprend plusieurs des arguments anti-chartistes développés sous le long règne des libéraux, et avancés notamment par l’ancien sous-ministre de la Justice Varcoe, lors des travaux du Comité spécial mixte de 1947-1948. Pearson défend la position traditionnelle du PLC sur cet enjeu, annonçant qu’en tant que libéral, il soutient le principe général des « droits de l’homme », mais juge le projet de loi ambigu et confus[117]. Selon lui, la Déclaration nécessite une analyse plus approfondie, pour évaluer ses effets potentiellement délétères sur le fonctionnement du Parlement (la suprématie parlementaire), de la fédération (les droits provinciaux en matière de libertés civiles) et du contrôle judiciaire des lois (la déférence judiciaire et la common law)[118]. En outre, il serait vain d’adopter une charte ne prévoyant pas de sanctions judiciaires et ne concernant que le Parlement central ; une proposition bien faible par rapport à celle avancée par Diefenbaker, alors qu’il était simple député[119]. Ce projet était aussi futile, car selon le droit constitutionnel, les décisions du Parlement présent ne peuvent lier un Parlement futur[120]. Pearson s’appuie sur deux juristes réformateurs, Laskin et Scott, pour soutenir l’idée que le statu quo est préférable à l’actuel projet de charte[121]. Citant aussi Lower, il reproche à la Déclaration de ne pas garantir les droits face aux abus passés de l’application de la Loi sur les mesures de guerre[122].
L’idée d’une charte des droits s’avère aussi superflue pour Pearson, car les libertés dont jouissent les Canadiens n’ont leur pareil nulle part ailleurs, à l’exception peut-être du Royaume-Uni[123]. Bien que le Canada ait connu des épisodes plus noirs en matière de protection des libertés, la culture et les pratiques juridico-politiques canadiennes constituent un rempart plus efficace pour les droits des citoyens, que les grandes déclarations laissées lettre morte[124]. Pour le chef libéral, la protection des droits fait consensus, mais pas la manière de les garantir[125]. Or, le projet de Déclaration rompt avec la tradition britannique, gardienne des libertés au Canada[126]. Selon lui, « [u]ne société libre, qui a atteint un haut degré de sagesse, de maturité et de confiance, veillera jalousement à la sauvegarde des droits de ses citoyens, même si aucune garantie à cet effet n’est inscrite dans la constitution[127] ». En effet, plutôt qu’un Bill of Rights, c’est la défense de la souveraineté parlementaire et l’État de droit qui sont les meilleurs garants des libertés :
Des tribunaux incorruptibles et respectés, qui appliquent les lois adoptées par des hommes libres, assemblés en Parlement, des lois portant sur des questions spécifiques et prescrivant des sanctions précises pour en assurer le respect, voilà la meilleure garantie de nos droits et de nos libertés. C’est la méthode britannique, une méthode qui a fait ses preuves. C’est aussi une méthode préférable à d’optimistes affirmations de principes généraux[128].
Citant à nouveau Lower, il avance que l’équilibre complexe entre l’ordre et la liberté a été bouleversé par la croissance de la puissance de l’État – pour répondre aux besoins socioéconomiques –, qui s’est faite au détriment de la liberté individuelle[129]. Il réitère, enfin, l’idée voulant qu’une charte à l’américaine soit contraire au régime de souveraineté parlementaire britannique et réduise les pouvoirs provinciaux prévus à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867[130].
Pearson conclut par une proposition équivoque, si l’on prend en compte son positionnement favorable au statu quo à la britannique en matière de protection des droits : consulter les gouvernements provinciaux sur le projet de Déclaration pour ensuite « les inviter à demander à leurs assemblées législatives si elles ne s’uniraient pas au gouvernement fédéral pour proclamer une déclaration vraiment nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales[131] ». Au vu des positions passées des libéraux, on peut interpréter cette proposition comme étant une mesure dilatoire.
L’ambivalence de Pearson illustre la difficulté pour le PLC de maintenir ses positions traditionnelles face à la montée en force du projet nationaliste constitutionnel, mené par les juristes réformateurs, tels Scott et Lower, prenant appui sur tout un réseau d’institutions, comme les associations de défense des libertés civiles ou le Co-Operative Commonwealth Federation. Selon Adams, « [e]n luttant pour le statu quo constitutionnel, les libéraux ont invoqué la tradition et l’identité britanniques, mais dans leurs équivoques, on détecte un sens dans lequel ils ont eux aussi senti le terrain constitutionnel se déplacer sous eux[132] ». Autrement dit, la logique dominante au centre du champ étatique était en pleine transformation.
Hazen Argue
Sans surprise, le leader parlementaire du CCF à la Chambre des communes, Hazen Argue, déclare que son parti « a toujours préconisé une déclaration des droits garantissant les droits de l’homme et les libertés fondamentales[133] ». Argue critique la portée médiocre de la Déclaration et, citant l’ancien président du CCF et professeur de droit Frank Scott, il souligne qu’une simple déclaration législative des droits constitue une protection juridique insuffisante[134]. C’est plutôt « l’Acte de l’Amérique du Nord britannique lui-même qu’il faut modifier. Nous croyons que de la sorte nous aurions des garanties plus solides et plus sûres que celles que nous donnerait une déclaration des droits incorporée dans notre droit statutaire[135] ».
L’impact sous-estimé de la Déclaration canadienne des droits
Plusieurs juristes réformateurs – les alliés d’hier de Diefenbaker – critiquent vertement la Déclaration canadienne. La Conférence nationale sur les droits de l’homme, célébrant le dixième anniversaire de la Déclaration universelle, voit défiler plusieurs juristes de premier plan, comme Laskin, Scott et Trudeau. Les participants approuvent le principe d’une déclaration des droits, mais le projet de Diefenbaker aurait des failles majeures : sa dimension législative plutôt que constitutionnelle ; sa faible portée ; sa non-application à la Loi sur les mesures de guerre[136]. Sur la question des droits constitutionnalisés, ils mettent le premier ministre Diefenbaker en porte-à-faux avec le député Diefenbaker. Le numéro spécial de la Canadian Bar Review de mars 1959 publie plusieurs de ces interventions, notamment celles de Frank Scott et du futur juge en chef de la Cour suprême, Bora Laskin.
Laskin affirme sa préférence pour le statu quo en matière de protection des libertés, plutôt que d’adopter la faible proposition de Déclaration, qui se limite aux seuls champs de compétences fédérales et qui n’est qu’une loi ordinaire ne contraignant pas le Parlement[137]. Selon lui, la « suprématie parlementaire est un principe juridique trop profondément ancré dans la pratique constitutionnelle pour pouvoir être limité par une simple loi[138] ». En outre, pour Laskin, il est inconcevable de charcuter territorialement la protection des libertés dont devraient jouir tous les citoyens, peu importe la province où ils résident[139]. À la Conférence nationale, Laskin va jusqu’à dire de la Déclaration qu’elle n’est qu’« un vulgaire bout de papier[140] ».
Ayant en tête le contexte du régime de Duplessis réprimant le mouvement ouvrier et les Témoins de Jéhovah, le professeur Scott affirme quant à lui qu’en l’absence d’une charte constitutionnelle des droits, qui limite la souveraineté de la législature québécoise et indique clairement aux tribunaux la marche à suivre en matière de garanties des droits, une simple déclaration législative des droits aurait un impact juridique médiocre[141].
Dans une série de conférences prononcées en mars 1959, Scott réitère un de ses arguments clés, voulant que les provinces aient davantage tendance à empiéter sur les droits des individus et des minorités[142]. La Déclaration envisagée par Diefenbaker ne s’applique donc pas à l’ordre de gouvernement qui viole davantage les libertés des citoyens[143]. Scott se demande aussi pourquoi le premier ministre tient pour acquis que les gouvernements provinciaux sont opposés à l’enchâssement des droits, car une telle mesure « ne modifierait pas l’équilibre des pouvoirs entre Ottawa et les provinces[144] ». Scott avance qu’« [a]ucune centralisation des pouvoirs n’aurait lieu », puisque « l’autorité des législatures fédérale et provinciales sur certaines questions de leur compétence serait également réduite[145] ». Il conclut, comme son confrère Laskin, que l’absence d’une charte des droits est mieux que ce projet de Déclaration, qui pourrait retarder ou bloquer une constitutionnalisation future[146]. Lorsque le Canada aurait coupé le lien juridique colonial avec Londres en « nationalisant sa Constitution », il serait alors approprié pour Scott de compléter l’indépendance du Canada et d’offrir une protection adéquate aux droits des citoyens en les constitutionnalisant[147].
En juillet 1960, invité à témoigner devant le comité spécial de la Chambre des communes devant étudier le projet de Déclaration (le projet de loi C-79), Scott est catégorique : « [c]’est un bill sans force[148] ». Il ajoute même que c’est « probablement le genre de déclaration des droits la plus humble que je pouvais imaginer[149] ». Et comme elle n’est pas enchâssée dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, il conclut que « [r]ien ne peut empêcher les législateurs fédéraux réunis en parlement de changer d’idée au sujet des droits de l’homme s’ils désirent le faire[150] ». Il reproche aussi au projet de Déclaration de laisser intacte la possibilité de suspendre les libertés par la Loi sur les mesures de guerre, ce qui signifie qu’il n’aurait pas pu empêcher la déportation des Canadiens japonais et la violation de l’habeas corpus dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale[151]. Ici, Scott critique de front Diefenbaker, qui lui-même a cité ces événements pour justifier l’adoption de la Déclaration[152].
La Déclaration a aussi reçu un accueil public froid[153] et la postérité n’a pas été plus tendre envers la Déclaration canadienne, que l’on juge à l’aune de la (faible) jurisprudence qu’elle a créée en matière de protection des libertés civiles[154].
La Déclaration universelle a été l’une des inspirations du premier ministre, mais pas la principale, car le projet de Déclaration canadienne était intimement lié à ses origines et à sa carrière d’avocat puis de politicien. Finalement, la Déclaration canadienne ne codifie que les libertés fondamentales héritées de la tradition britannique, celles-là mêmes qui ont été bafouées, notamment lors de l’affaire Gouzenko et de la déportation des Canadiens japonais[155]. Le caractère novateur et radical de la Déclaration canadienne ne doit cependant pas être occulté, car le discours officiel appuyant ce projet est porté par le représentant officiel du gouvernement central, le premier ministre. Ce discours se déploie au coeur même de l’État, pour en modifier le pouvoir symbolique, de façon à y renforcer l’importance de la logique des droits de la personne. Si les effets de la Déclaration canadienne sont surtout symboliques, selon Bourdieu, le pouvoir symbolique participe au premier chef de la puissance étatique, en contribuant à diffuser une vision du monde (valeurs, normes, discours), à légitimer l’ordre social et à justifier le changement ou le statu quo[156].
En adoptant une approche inspirée de Bourdieu, l’on peut voir la Déclaration canadienne comme un compromis ayant modifié profondément la dimension symbolique du pouvoir étatique. Cette manoeuvre habile a fait sauter plusieurs verrous normatifs et contre-arguments des partisans de la tradition britannique, c’est-à-dire que la Déclaration ne s’applique qu’aux compétences du Parlement central (laissant intactes celles des provinces), ne lie pas un futur Parlement (préservant la suprématie parlementaire) et ne transforme pas le contrôle judiciaire (conservant la déférence judiciaire envers le Parlement).
Les avantages d’une telle déclaration ne sont pas non plus négligeables, en ce sens où elle accroît la force symbolique des droits de la personne, sensibilise les élites juridico-politiques et la population à cette idée et, plus généralement, habitue les esprits britanniques à une autre conception des droits et de leur protection[157]. Une déclaration législative des droits agit comme un cheval de Troie dans l’édifice hégémonique britannique canadien : renforçant le pouvoir symbolique du projet nationaliste constitutionnel, elle prépare le terrain pour les réformes institutionnelles futures, lesquelles s’effectueront, entre autres, à la faveur d’un changement de garde au sommet de l’État canadien – Laskin devenant juge en chef de la Cour suprême et Trudeau premier ministre –, et d’un changement dans les rapports de force entre les deux ordres de gouvernement, après l’échec du référendum sur la souveraineté du Québec. La force symbolique des droits constitutionnalisés et le pouvoir grandissant du mouvement de défense des libertés qui la porte jouissaient clairement de vents favorables.
Conclusion
Les événements intérieurs (comme la déportation des Canadiens japonais) et internationaux (comme la Déclaration universelle), dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale, ont contribué à cristalliser une série d’idées sur le régime canadien de libertés, à accroître le pouvoir des acteurs appelant à des protections juridiques plus fortes et à augmenter la saillance du projet de charte des droits. L’idée des droits constitutionnalisés a été portée par un mouvement composé de plusieurs figures et organisations depuis les années 1930, comme le constitutionnaliste Scott, le juge Laskin ou le premier ministre Diefenbaker, qui ont contribué à sa progression au coeur de l’État.
Diefenbaker, avec la Déclaration canadienne, a avancé une proposition hybride – alliant tradition britannique et constitutionnalisme moderne –, qui a renforcé l’aura et le pouvoir du Parlement, qui a laissé intacte la possibilité de suspendre les libertés en cas d’urgence, qui est demeurée muette sur les droits linguistiques, mais qui a eu, finalement, peu d’impact sur le plan jurisprudentiel. Cette proposition hybride a cependant contribué à rendre acceptable l’idée de la codification des « droits de l’homme », étrangère à la tradition britannique au Canada. En outre, sa vision unitaire de la nation canadienne – composée de l’ensemble des citoyens égaux en droit et en dignité, indépendamment de leur origine ou de leur religion – a signifié des changements normatifs majeurs au centre de l’État canadien. L’institutionnalisation de cette vision a participé à l’avancement du projet nationaliste constitutionnel au sein de l’État canadien, donc à transformer la dimension symbolique du pouvoir étatique.
Alors qu’il était ministre de la Justice, Trudeau a critiqué, devant le Barreau canadien, la faible portée de la Déclaration canadienne et son inefficacité à protéger les droits des Canadiens partout dans la fédération[158]. Il a concédé qu’elle avait fait « oeuvre utile » dans le progrès des droits au Canada[159]. Malgré ses réserves, Trudeau s’inscrit ultimement dans le sillage du mouvement de défense des libertés civiles, dont Diefenbaker est l’une des figures marquantes depuis 1945. Trudeau hérite d’un bagage d’idées développées par ces précurseurs. Il bénéficie de leur travail de mobilisation et de diffusion auprès de la population canadienne. Plus précisément, la Déclaration canadienne, en faisant le pont entre deux modèles constitutionnels, a légitimé en quelque sorte la codification des droits au Canada. Selon Christopher MacLennan, elle « a représenté la première rupture significative avec l’argument voulant que la codification des droits, sous quelque forme que ce soit, était contraire à la tradition canadienne[160] ». En cela, elle a rendu le terrain politique plus fertile pour le parachèvement du nationalisme constitutionnel et de la Charte constitutionnelle en 1982. Selon MacLennan, elle aurait même « joué un rôle essentiel en faisant avancer la question [de la protection des droits], en la sortant du débat stérile dans lequel elle était engluée durant les années 1950[161] ». Bref, malgré sa médiocre empreinte jurisprudentielle, la Déclaration canadienne a ouvert un chemin symbolique au sein de l’État pour le programme nationaliste constitutionnel.
Appendices
Notes
-
[*]
Cet article scientifique a été évalué par deux experts anonymes externes, que le Comité de rédaction tient à remercier.
-
[1]
José E. Igartua, The Other Quiet Revolution : National Identities in English Canada, 1945-71, Vancouver, UBC Press, 2007, p. 36-62 ; Haig Patapan, The Liberal Politics of Rights. Changing Constitutionalism and the Bill of Rights Debate in Australia and Canada, Thèse de doctorat (science politique), Université de Toronto, 1997, p. 138-175.
-
[2]
José E. Igartua, op. cit., p. 129-130.
-
[3]
Voir l’intervention de Diefenbaker : Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 3e session, vol. 5, 1er juillet 1960, p. 5885-5887.
-
[4]
Christopher MacLennan, Toward the Charter : Canadians and the Demand for a National Bill of Rights, 1929-1960, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2003, p. 160-161 ; Ross Lambertson, Repression and Resistance : Canadian Human Rights Activists, 1930-1960, Toronto, University of Toronto Press, 2005, p. 378.
-
[5]
Loi ayant pour objets la reconnaissance et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, S.C. 1960, ch. 44.
-
[6]
Dominique Clément, Will Silver et Daniel Trottier, L’évolution des droits de la personne au Canada, Ottawa, Commission canadienne des droits de la personne, 2012, p. 10-11.
-
[7]
Haig Patapan, op. cit., p. 138 et 175.
-
[8]
Christopher MacLennan, op. cit.
-
[9]
David Erdos, Delegating Rights Protection : The Rise of Bills of Rights in the Westminster World, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 47 et 64.
-
[10]
Ibid., p. 64 (traduction libre).
-
[11]
Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au Collège de France (1989-1992), Paris, Raisons d’agir/Seuil, 2012.
-
[12]
David Erdos, op. cit., p. 47.
-
[13]
Walter Surma Tarnopolsky, « The Impact of the United Nations Achievements on Canadian Laws and Practices », dans Allan Gotlieb (dir.), Les droits de l’homme, le fédéralisme et les minorités, Toronto, Institut canadien des affaires internationales, 1970, p. 57.
-
[14]
Ibid.
-
[15]
Jean Picq, Histoire et droits des États, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
-
[16]
Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel, 2009.
-
[17]
Max Weber, Le savant et le politique, Paris, La Découverte, 2003, p. 118.
-
[18]
Pierre Bourdieu, op. cit., p. 232.
-
[19]
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, Aubier Montaigne, 1943 [1762], p. 67.
-
[20]
Ibid., p. 179-196.
-
[21]
Michael Ignatieff, « The Charter at Thirty », Osgoode Hall Law Journal, vol. 50, n° 3, 2013, p. i.
-
[22]
Beverley McLachlin, « Les droits et les libertés au Canada. Vingt ans après l’adoption de la Charte », Allocution prononcée par la très honorable Beverley McLachlin, Juge en chef du Canada, Ottawa, Ontario, le 17 avril 2002 ; Barry L. Strayer, Canada’s Constitutional Revolution, Edmonton, University of Alberta Press, 2013, p. 219.
-
[23]
On note, entre autres, l’apparition : d’un nouveau droit constitutionnel et d’un nationalisme canadien dans les années 1920 ; du mouvement de défense des droits civils durant les années 1930 ; du droit international des droits de la personne ; de l’État interventionniste et des valeurs post-matérialistes. En même temps, l’influence constitutionnelle du modèle britannique cédait le pas au modèle américain. Voir à ce sujet : David Sanschagrin, Le nationalisme constitutionnel au Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2022.
-
[24]
Par cette décision, la Cour a jugé invalide un article de la Loi sur les Indiens, qui traitait de manière discriminatoire les Autochtones, en leur interdisant d’être en état d’ébriété hors de leur réserve.
-
[25]
Haig Patapan, op. cit., p. 162-163.
-
[26]
Déclaration canadienne des droits (S. C. 1960, ch. 44).
-
[27]
Albert Venn Dicey, Introduction to the Study of the Law of Constitution, Londres, Macmillan, 1915, p. 107-115.
-
[28]
R. C. B. Risk et Robert Vipond, « Rights Talk in Canada in the Late Nineteenth Century : “The Good Sense and Right Feeling of the People” », dans R. C. B. Risk, A History of Canadian Legal Thought : Collected Essays, Toronto, University of Toronto Press, 2006 p. 94-129.
-
[29]
Max Weber, Économie et société, 1. Les catégories de la sociologie, Paris, Presses Pocket, 1995, p. 73.
-
[30]
Pierre Bourdieu, « La force du droit. Éléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 64, n° 1, 1986, p. 3-19.
-
[31]
Benedict Anderson, L’imaginaire national, Paris, La Découverte, 2002.
-
[32]
John Locke, Le second traité du gouvernement civil, Paris, Presses universitaires de France, 1994.
-
[33]
Jürgen Habermas, « The European Nation-State : On the Past and Future of Sovereignty and Citizenship », dans Ciaran O. Cronin et Pabli De Greiff (ed.), The Inclusion of the Other. Studies in Political Theory, Cambridge, MIT Press, 1998, p. 105-127.
-
[34]
Pierre Elliott Trudeau, Le fédéralisme et la société canadienne-française, Montréal, Hurtubise, 1967.
-
[35]
Pierre Elliott Trudeau, Le temps d’agir. Jalons du renouvellement de la fédération canadienne, Ottawa, gouvernement du Canada, 1978, p. 22.
-
[36]
Denis Smith, Rogue Tory : The Life and Legend of John G. Diefenbaker, Toronto, Macfarlane Walter & Ross, 1995.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Arthur Lower et al., « Loi des mesures de guerre : des universitaires de l’Ouest en font la critique raisonnée, pour M. King », Le Devoir, 15 février 1940.
-
[40]
Ross Lambertson, op. cit., p. 108.
-
[41]
Greg Robinson, « Internement des Canadiens d’origine japonaise », L’Encyclopédie canadienne, 2017, thecanadianencyclopedia.ca.
-
[42]
Ann Gomer Sunahara, The Politics of Racism : The Uprooting of Japanese Canadians During the Second World War, Toronto, James Lorimer, 2000, p. 110-111.
-
[43]
Reference to the Validity of Orders in Council in relation to Persons of Japanese Race, [1946] S.C.R. 248.
-
[44]
The Co-operative Committee on Japanese Canadians v The A.-G. of Canada [1946] UKPC 48.
-
[45]
The Fort Frances Pulp and Paper Company Limited v The Manitoba Free Press Company Limited and others (Ontario) [1923] UKPC 64.
-
[46]
Selon un sondage Gallup (automne 1944), seul le tiers de la population soutenait la déportation.
-
[47]
Dominique Clément, Canada’s Rights Revolution. Social Movements in Canadian Constitutional Politics, Vancouver, UBC Press, 2008, p. 41-42.
-
[48]
Ann Gomer Sunahara, op. cit., p. 122-128.
-
[49]
Débats de la Chambre des communes, 20e législature, 2e session, vol. 1, 21 mars 1946, p. 140.
-
[50]
Christopher MacLennan, op. cit., p. 127.
-
[51]
Reg Whitaker, « Official Repression of Communism During World War II », Labour, vol. 17, printemps 1986, p. 137.
-
[52]
Ibid., p. 140 et 145.
-
[53]
Ross Lambertson, op. cit., p. 144.
-
[54]
Dennis Molinaro, « How the Cold War Began... with British Help : The Gouzenko Affair Revisited », Labour, vol. 79, printemps 2017, p. 143-155.
-
[55]
Dominique Clément, « The Royal Commission on Espionage and the Spy Trials of 1946-9 : A Case Study in Parliamentary Supremacy », Journal of the Canadian Historical Association, vol. 11, n° 1, 2000, p. 154-172.
-
[56]
Christopher MacLennan, op. cit., p. 40-41.
-
[57]
Dominique Clément, loc. cit., p. 55-56.
-
[58]
Ross Lambertson, op. cit., p. 146-147.
-
[59]
Ibid., p. 146.
-
[60]
Ibid., p. 150.
-
[61]
Dominique Clément, loc. cit., p. 55-57.
-
[62]
Le rapport de la Commission royale nommée sous le régime de l’arrêté en conseil C.P. 411 du 5 février 1946 pour enquêter sur les faits intéressants et les circonstances entourant la communication, par des fonctionnaires publics et autres personnes occupant des postes de confiance, de renseignements secrets et confidentiels aux agents d’une puissance étrangère, Ottawa, Conseil privé, 1946, p. 681 et 698-699.
-
[63]
Ross Lambertson, op. cit., p. 186.
-
[64]
Dominique Clément, loc. cit., p. 57.
-
[65]
Ross Lambertson, op. cit., p. 156 (traduction libre).
-
[66]
Débats de la Chambre des communes, 20e législature, 2e session, vol. 1, 21 mars 1946, p. 138.
-
[67]
Ibid., p. 139.
-
[68]
Ibid., p. 139-140.
-
[69]
Ibid., p. 139.
-
[70]
Débats de la Chambre des communes, 20e législature, 2e session, vol. 1, 2 mai 1946, p. 1162.
-
[71]
Ibid.
-
[72]
Débats, 21 mars 1946, op. cit., p. 141.
-
[73]
Ibid., p. 139.
-
[74]
Débats de la Chambre des communes, 20e législature, 2e session, vol. 1, 2 avril 1946, p. 523-524.
-
[75]
Débats de la Chambre des communes, 20e législature, 3e session, vol. 4, 19 mai 1947, p. 3203.
-
[76]
Ibid.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
Ibid., p. 3204.
-
[79]
Ibid., p. 3204-3205.
-
[80]
Ibid., p. 3205-3206.
-
[81]
Débats de la Chambre des communes, 20e législature, 3e session, vol. 4, 16 mai 1947, p. 3137-3141.
-
[82]
Ibid., p. 3137-3138.
-
[83]
Ibid., p. 3138.
-
[84]
Ibid., p. 3139.
-
[85]
Ibid., p. 3140.
-
[86]
Ibid.
-
[87]
Ibid., p. 3141.
-
[88]
Ibid., p. 3140.
-
[89]
Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes enquêtant sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, Procès-verbaux et témoignages, fascicules n° 1-6, 1947, p. 9-10.
-
[90]
Ibid., p. 10.
-
[91]
Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes institué pour étudier les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Procès-verbaux et témoignages, fascicules n° 1-11, 1948, p. 5 et 9.
-
[92]
Roncarelli c. Duplessis [1959] R.C.S. 121.
-
[93]
Christopher MacLennan, op. cit., p. 105, 107.
-
[94]
Denis Smith, op. cit.
-
[95]
William Anthony Schabas, « Le Canada et l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme », Revue québécoise de droit international, vol. 11, n° 2, 1998, p. 67-102.
-
[96]
Ibid., p. 69.
-
[97]
Alan John Hobbins, « Eleanor Roosevelt, John Humphrey and Canadian Opposition to the Universal Declaration of Human Rights : Looking Back on the 50th Anniversary of UNDHR », International Journal, vol. 53, n° 2, printemps 1998, p. 331 et 337.
-
[98]
Lester B. Pearson, « Suite de la discussion sur le projet de déclaration universelle des droits de l’homme : rapport de la Troisième Commission (A/777) », Assemblée générale des Nations Unies, 182e séance plénière, Paris, vendredi 10 décembre 1948, p. 900.
-
[99]
Parti progressiste-conservateur du Canada, A New National Policy, 1957, p. 1-2, 4-5, 7 et 9.
-
[100]
Ibid., p. 1-2.
-
[101]
Parti progressiste-conservateur du Canada, Diefenbaker’s Statements and Promises, 1958, p. B1.
-
[102]
Sur le déclin de l’influence britannique au Canada, voir Alan C. Cairns, Charter Versus Federalism : The Dilemmas of Constitutional Reform, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1992, p. 15-23.
-
[103]
Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 1re session, vol. 1, 12 mai 1958, p. 5.
-
[104]
Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 1re session, vol. 1, 13 mai 1958, p. 37.
-
[105]
Ibid.
-
[106]
Ibid., p. 36-37.
-
[107]
Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 1re session, vol. 4, 5 septembre 1958, p. 4871.
-
[108]
Ibid.
-
[109]
Ibid., p. 4872.
-
[110]
Ibid., p. 4873.
-
[111]
Ibid., p. 4875.
-
[112]
Ibid.
-
[113]
Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 3e session, vol. 5, 1er juillet 1960, p. 5891.
-
[114]
Ibid., p. 5892.
-
[115]
Ibid., p. 5891-5892.
-
[116]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4875-4876.
-
[117]
Ibid., p. 4877-4878.
-
[118]
Ibid., p. 4877-4883.
-
[119]
Ibid., p. 4877-4883.
-
[120]
Ibid., p. 4877-4883.
-
[121]
Débats, 1er juillet 1960, op. cit., p. 5906-5907.
-
[122]
Ibid., p. 5892-5894.
-
[123]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4882.
-
[124]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4882-4883.
-
[125]
Débats, 1er juillet 1960, op. cit., p. 5896.
-
[126]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4883.
-
[127]
Ibid., p. 4883.
-
[128]
Débats, 1er juillet 1960, op. cit., p. 5909.
-
[129]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4884-4885.
-
[130]
Ibid., p. 4882-4883.
-
[131]
Ibid., p. 4886.
-
[132]
Eric Adams, « The Idea of Constitutional Rights and the Transformation of Canadian Constitutional Law, 1930-1960 », Thèse de doctorat (sciences juridiques), Université de Toronto, 2009, p. 257-258 (traduction libre).
-
[133]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4887.
-
[134]
Ibid., p. 4888-4890.
-
[135]
Ibid., p. 4889.
-
[136]
Christopher MacLennan, op. cit., p. 128.
-
[137]
Bora Laskin, « An Inquiry into the Diefenbaker Bill of Rights », Canadian Bar Review, vol. 37, n° 1, 1959, p. 78, 125-127 et 131.
-
[138]
Ibid., p. 130 (traduction libre).
-
[139]
Ibid., p. 78, 125-127 et 131.
-
[140]
Citation tirée de Christopher MacLennan, op. cit., p. 152 (traduction libre).
-
[141]
Frank Scott, « The Bill of Rights and Quebec Law », Canadian Bar Review, vol. 37, n° 1, 1959, p. 135 et 142-143.
-
[142]
Frank Scott, Civil Liberties and Canadian Federalism, Toronto, University of Toronto Press, 1959, p. 56.
-
[143]
Ibid.
-
[144]
Ibid., p. 52 (traduction libre).
-
[145]
Ibid., p. 52-53 (traduction libre).
-
[146]
Ibid., p. 52.
-
[147]
Ibid., p. 56-57.
-
[148]
Comité spécial des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Procès-verbaux et témoignages, fascicule 1, 12, 14 et 15 juillet 1960, p. 23.
-
[149]
Ibid., p. 26.
-
[150]
Ibid., p. 23.
-
[151]
Ibid., p. 30-31 et 47.
-
[152]
Débats, 5 septembre 1958, op. cit., p. 4871.
-
[153]
Robert M. Belliveau, Mr. Diefenbaker, Parliamentary Democracy, and the Canadian Bill of Rights, Mémoire de maîtrise (science politique), Université de la Saskatchewan, 1992, p. 112-113.
-
[154]
Dominique Clément, Human Rights in Canada. A History, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2016, p. 65.
-
[155]
David Erdos, op. cit., p. 48 et 60-64.
-
[156]
Pierre Bourdieu, op. cit., p. 60-61 et 110-114.
-
[157]
Voir notamment : Walter Surma Tarnopolsky, « The Canadian Bill of Rights : From Diefenbaker to Drybones », McGill Law Journal, vol. 17, n° 3, 1971, p. 474 ; Mark MacGuigan, « Development of Civil Liberties in Canada », Queen’s Quarterly, vol. 72, n° 2, 1965, p. 273-274.
-
[158]
Pierre Elliott Trudeau, « A Constitutional Declaration of Rights », dans Federalism and the French Canadians, Toronto, Macmillan, 1968, p. 55-57.
-
[159]
Ibid., p. 55.
-
[160]
Christopher MacLennan, op. cit., p. 160 (traduction libre).
-
[161]
Ibid.