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L’ouvrage sous la direction de Xenophon Contiades propose un portrait à jour et complet des processus constituants dérivés de 18 pays européens et américains. Cet ouvrage est d’ailleurs décrit comme « an holistic presentation of the reality of constitutional change in 18 countries, which, despite their important differentiations, also share profound commonalities (after all, the 15 old member states of the EU along with the USA, Canada and Switzerland are the core of what is traditionally referred to as the West) » (p. 2). Dans la présente recension, nous avons fait le choix de ne pas simplement présenter les caractéristiques de la procédure de révision des pays à l’étude, mais plutôt de faire ressortir des faits intéressants sur les processus constituants de ces 18 pays.

Dans un court chapitre introductif[1], Xenophon Contiades expose l’importance que prend aujourd’hui la modification constitutionnelle : « [C]onstitutions are no longer perceived as mystical, sacred documents but as indispensable tools used regularly and interminably » (p. 2). Selon lui, le contexte actuel de transformations étatiques ainsi que de nouvelles menaces contre les droits fondamentaux et de coopération supranationale expliquent ce renouveau d’intérêt pour la révision constitutionnelle.

La première procédure de révision étudiée est celle de l’Autriche[2]. Cette procédure prévoit le recours au référendum quand les « principles of the Constitution are altered or seriously affected » (p. 17), ce qui a seulement été le cas en 1995 lors de l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne. Parmi les principes protégés de la Constitution se trouvent notamment le principe démocratique, le principe fédéral et le Rechtsstaat (État de droit) (p. 17).

Le chapitre suivant porte sur la procédure de modification constitutionnelle en Belgique[3]. L’auteur aborde rapidement la rigidité de la procédure belge, affirmant que celle-ci « figures, together with the American procedure […] among the most rigid amendment rules in the contemporary legal world » (p. 36 et 37). Il précise qu’il n’y a pas de contrôle judiciaire des révisions de la Constitution en Belgique (p. 45), mais que celles-ci offrent l’avantage considérable de nécessiter l’appui de trois institutions importantes, soit les chambres du Parlement, le roi (pouvoir exercé par le gouvernement fédéral) et le peuple (p. 45 et 46).

Le quatrième chapitre porte sur les changements constitutionnels au Canada[4]. L’auteur décrit le droit constitutionnel canadien comme un « baffling mish-mash of texts, customs, conventions, ideals, and cases » (p. 53). Sur les sources formant la Constitution canadienne, il ajoute ceci : « reflecting its British roots, the formal documents of the Canadian Constitution are not intended to be complete or definitive » (p. 58).

Le pays qui est ensuite abordé est le Danemark[5]. L’absence de cour constitutionnelle dans ce pays a pour effet que « [t]he ordinary courts can […] carry out constitutional review » (p. 73). Les juges danois sont cependant timides en ce domaine. Selon l’auteur, l’interprétation faite de la séparation des pouvoirs fait primer le pouvoir législatif sur les pouvoirs exécutif et judiciaire (p. 73), ce qui influe sur la conduite de la révision constitutionnelle au Danemark.

Le chapitre subséquent, où l’on examine un autre pays nordique, traite de la modification constitutionnelle en Finlande[6]. L’article aborde la distribution du pouvoir exécutif entre le président et le premier ministre, outre qu’il révèle l’effritement du pouvoir présidentiel depuis les années 80. L’auteur également y étudie l’existence d’une procédure spéciale, « the institution of exceptive enactments » (p. 104), permettant l’adoption de lois qui entrent en conflit avec la constitution, mais sans modifier le texte de cette dernière.

À propos de la modification constitutionnelle en France[7], Wanda Mastor et Liliane Icher examinent notamment la souveraineté du pouvoir constituant (p. 118) et la supraconstitutionnalité de la forme républicaine du gouvernement français (p. 119). Sur cette clause de supraconstitutionnalité, elles notent que les lois constitutionnelles sont irrévocables et qu’aucune institution n’a le pouvoir d’en contrôler la constitutionnalité, pas même le Conseil constitutionnel (p. 118).

Sur les changements constitutionnels en Allemagne[8], l’auteur traite de l’article 146 de la Constitution, qui s’avère une règle unique en son genre (p. 133). Cet article fait référence à la durée de la Loi fondamentale, qui cesse d’être en application le jour où une nouvelle constitution, adoptée librement par le peuple allemand, entre en vigueur. L’auteur mentionne donc ceci : « They [the German people] still possess, as holders of democratic sovereignty, their constitution-making power and could exercise this power via plebiscite » (p. 134).

Concernant le changement constitutionnel en Grèce[9], les auteurs notent qu’il est rare que la révision dans ce pays fasse l’objet d’un consensus : « In all constitution-generating processes during the twentieth century, as well as all the amendments of the Constitution of 1975, the major political parties did not achieve consent » (p. 157). Les majorités nécessaires pour réviser la Constitution ne forcent pas la collaboration entre les élites politiques. Cette particularité de la procédure de révision grecque est par ailleurs l’objet de critiques (p. 173).

Le chapitre qui suit porte sur l’amendement constitutionnel en Irlande[10]. Les auteurs étudient notamment les deux principales méthodes informelles de modification constitutionnelle (p. 183). Il y a, en premier lieu, l’interprétation judiciaire de la Constitution : « Irish political branches have accepted significant judicial development of the Constitution » (p. 183), puis, en second lieu, les lois organiques : « there have been numerous occasions when substantial change to governance of the state was introduced by organic law » (p. 184).

La révision constitutionnelle en Italie[11] prévoit qu’un référendum peut être organisé pour approuver la révision dans certaines situations bien précises. D’abord, si le vote sur la proposition de modification obtient l’appui d’une majorité des deux tiers dans chacune des chambres, il devient impossible de tenir un référendum pour confirmer cette modification. Si ce n’est pas le cas, un référendum peut être demandé, dans un délai de trois mois, par 20 p. 100 des membres de l’une des chambres, 500 000 électeurs ou 5 conseils régionaux.

Dans son article sur l’amendement constitutionnel au Luxembourg[12], l’auteur mentionne qu’avec la modification constitutionnelle en cours dans ce pays, la procédure de révision pourrait elle aussi changer : « In the current discussion about a general overhaul of the Constitution, some authors suggest a return to a more rigid procedure […] Another possibility would be to distinguish between general and simple revisions » (p. 234).

Suit l’étude du processus de révision constitutionnelle aux Pays-Bas[13]. Cette procédure est considérée comme plutôt exigeante, ce qui pousse certains à demander sa révision. L’auteur souligne alors le paradoxe suivant : la procédure de révision elle-même est très difficile à modifier en raison de sa rigidité (p. 266).

Le chapitre suivant porte sur la Constitution portugaise[14]. Celle-ci rejette expressément la possibilité d’être révisée par la tenue d’un référendum (p. 280 et 281). La Constitution portugaise « establishes a complex and prudent set of procedural rules, substantive entrenchment clauses and circumstantial limitations regulating the exercise of the constitutional amendment power » (p. 284). L’auteur traite aussi des mécanismes pour faire respecter celles-ci.

Sur le changement constitutionnel en Espagne[15], les auteurs écrivent ce qui suit : « The inefficiency of establishing material limits of an absolute character explains why the Constitution has not yet established them » (p. 303). Les auteurs proposent également une approche prospective des révisions possibles – et souhaitables, selon eux – pour l’avenir du pays, telles que la réforme du Sénat et la mention explicite de la dénomination des Communautés autonomes dans le texte de la Constitution (p. 316 et 318).

Suit un chapitre sur la modification constitutionnelle en Suède[16] dans lequel l’auteur débute en expliquant que, dans ce pays, la Constitution se compose de quatre lois distinctes qui ont été adoptées à des moments différents. Après une explication historique très complète – qui remonte jusqu’au xive siècle (p. 326) – et nécessaire à la compréhension du système suédois actuel, l’auteur précise la règle de base de la révision dans ce pays : la procédure de révision est la même pour chacune des quatre lois fondamentales (p. 328).

Le cas de la révision constitutionnelle en Suisse est le sujet du chapitre suivant[17]. Depuis 1891, plus de 220 initiatives de révisions constitutionnelles ont été proposés dans ce pays (p. 346). C’est notamment ce qui fait dire ceci à l’auteur : « The entire Swiss Constitution in an open constitution that can easily be revised ; there are no developed methods of informal constitutional change » (p. 350).

Les modifications constitutionnelles au Royaume-Uni[18], puisque ce pays a une constitution coutumière, se font principalement à travers l’adoption de lois ordinaires. Toutefois, lorsqu’un projet de loi traite d’enjeux constitutionnels importants, il est maintenant habituel qu’il soit l’objet d’une procédure plus longue et rigoureuse au moment de son étude au Parlement (p. 367). « What has emerged is a constitution that is now overly flexible » (p. 359). Au Royaume-Uni, le terme « constitution » s’interprète d’abord et avant tout comme « the body of all those rules that govern the exercise and distribution of state power » (p. 359).

La révision constitutionnelle aux États-Unis[19] a lieu lorsqu’une majorité des deux tiers des deux chambres du Congrès – ou une convention mise sur pied par les deux tiers des États – propose une modification et qu’une majorité des trois quarts des États la ratifie (p. 389). À noter que cette procédure est décrite comme « too difficult and insufficiently democratic » (p. 403). Le processus est difficile en raison des majorités qualifiées importantes qu’il requiert et insuffisamment démocratique puisque le peuple n’est pas appelé à se prononcer directement sur la proposition de changement par l’entremise d’un référendum, mais uniquement par l’intermédiaire des représentants qu’il a élus.

Enfin, le chapitre de la conclusion porte sur les différents modes de changements constitutionnels[20]. C’est alors le moment pour le directeur de cet ouvrage collectif et son coauteur de dresser le bilan des différentes études qu’ils publient, de faire ressortir des parallèles et de formuler certaines conclusions. Ce chapitre riche en analyses comparatives s’avère une source précieuse d’informations pertinentes pour le chercheur qui s’intéresse à la révision constitutionnelle.

En définitive, bien que l’ouvrage recensé porte sur les changements constitutionnels, il est en quelque sorte un cours condensé du droit constitutionnel des pays à l’étude. L’accent est évidemment mis sur la procédure de révision de chaque constitution, mais la plupart des articles offrent une perspective historique et abordent des sujets comme les institutions politiques de ces pays, l’interprétation judiciaire de leur constitution, la place du peuple dans le droit constitutionnel, l’influence du droit international et européen – lorsque cela est applicable –, les changements constitutionnels informels, le rôle des experts constitutionnels. S’il est inconcevable de résumer le droit constitutionnel d’un État dans un article d’une vingtaine de pages, il demeure possible d’en présenter les grandes lignes de manière pertinente. Les auteurs qui ont contribué au présent ouvrage en font la démonstration avec brio.