Abstracts
Résumé
Les notions d’oralité et d’écriture sont souvent associées dans l’imaginaire collectif à l’idée de « primitif » et « civilisé » et, par-delà, de cultures dites lettrées et illettrées, de « populaire » et « savant », d’immatériel et matériel. Dans les faits, elles ont une existence et renvoient à des pratiques certes opposées, mais complémentaires. Elles agissent à des niveaux de fonctionnement différents, soit l’auditif et le visuel. L’oral et l’écrit coexistent en musique non sans une certaine tension d’origine historique. Celle-ci est notamment entretenue par l’authenticité recherchée à travers le geste graphique et la signification qu’il faut lui accorder, souvent explicitée par le biais de l’oralité. À ce titre, le xxe siècle occidental a engendré un éclatement des langages, des techniques, des niveaux de perception et de conception des structures sonores, remettant en question la fonction et le statut de la partition, ce symbole qui apparaît comme l’aboutissement de la pensée musicale d’Occident.
L’objectif de cet article est donc d’explorer les relations entre l’oralité et l’écriture, en ayant comme point de mire les musiques contemporaines occidentales, en faisant parfois référence à des champs qui nous sont familiers et que nous aimons juxtaposer pour leurs points communs et différences : ceux de la composition et de l’ethnomusicologie.
Mots-clés :
- oralité,
- écriture,
- paradoxes,
- ethnomusicologie,
- composition
Abstract
The notion of oral and written modes of transmission are often associated with the idea of ‘primitive’ and ‘civilised’ in the collective imagination, and by extension, concepts of so-called literate and illiterate cultures, popular vs. learned, immaterial vs. material. In reality, oral and written modes of transmission come out of practices that, while opposed, are complementary to each other. These modes use different manners of functioning, the auditory and the visual. The oral and written traditions co-existing in music are not without a certain historical tension. This is reinforced by the search for authenticity in notation and the significance given to it, often justified from the standpoint of orality. Due to this, the 20th century has given birth to a multitude of languages, techniques, levels of perceptions and conceptions of sound structures, bringing into question the function and place of the score, a symbol seen as the pinnacle of Western musical thought.
The purpose of this text is thus to explore the relationship between oral and written modes of transmission using Western contemporary musics as a point of reference, referring also to the fields of composition and ethnomusicology to point out and juxtapose their similarities and differences in approach.
Keywords:
- orality,
- writing,
- paradoxes,
- ethnomusicology,
- composition
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Appendices
Note biographique
René Orea
Flûtiste et compositeur, actuellement doctorant en ethnomusicologie, René Orea s’intéresse depuis longtemps aux traditions musicales « classiques » (incluant la musique contemporaine) et « populaires » (notamment latino-américaines) tant sur le plan de l’interprétation que de la création et de la recherche. Récemment, il a obtenu une maîtrise en composition sous le tutorat d’Ana Sokolovic (avec une codirection en ethnomusicologie auprès de Nathalie Fernando) à l’Université de Montréal. Ses oeuvres ont été présentées au Venezuela, en Europe, au Québec et aux États-Unis. Boursier du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Fonds Les Amis de l’art du Québec ainsi que de l’UNESCO-Aschberg, René Orea a reçu plusieurs prix et a participé à des résidences artistiques. Il a été membre de l’Orchestre symphonique du Venezuela et du Système d’orchestres juvéniles du Venezuela et détient, en tant que flûtiste, une maîtrise en interprétation et un DESS de l’Université de Montréal ainsi qu’un baccalauréat de l’Instituto Universitario de Estudios Musicales de Caracas.
Son projet de doctorat, dirigé par Nathalie Fernando, concerne la modélisation d’épisèmes dans le cadre de musiques sud-américaines reposant sur le rapport entre l’oralité et l’écriture.
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