Volume 33, Number 2, Fall 2000 Problèmes sociaux et système pénal Guest-edited by Guy Lemire and Pierre Noreau
Table of contents (9 articles)
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Présentation
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Facteurs associés à la décision d’entreprendre des poursuites criminelles à la suite d’un signalement pour abus sexuel ou physique envers un enfant
Marc Tourigny and Nico Trocmé
pp. 7–30
AbstractFR:
L'Étude ontarienne sur l'incidence des mauvais traitements (ÉOI) est une des premières études examinant en détails les caractéristiques des cas d'abus physique (N = 1 003) et d'abus sexuel (N = 577) signalés aux services de protection de l'enfance. Les abus sexuels se caractérisent par le fait que 16 % concernent des relations sexuelles ou des tentatives et 56 % des attouchements sexuels. Les principaux agresseurs présumés sont une figure paternelle (34 %), un membre de la famille autre que le parent (24 %) ou une connaissance de la famille (23 %). Près des deux tiers des situations d'abus physique concernent des problèmes de discipline (65 %), des blessures physiques sont notées dans 27 % des cas, et les figures parentales représentent la très grande majorité des agresseurs présumés (92 %). Des poursuites criminelles ont été entamées dans 15 % des cas d'abus sexuel et dans 5 % des cas d'abus physique. Quatre facteurs se sont avérés associés aux décisions d'entamer des poursuites pénales dans les cas d'abus sexuel : la nature des abus sexuels (les cas de relations sexuelles ayant la plus grande probabilité de mener à des poursuites), la nature des séquelles, l'âge de l'enfant signalé (les poursuites étant plus probables pour les victimes plus âgées) et la source du signalement. Trois facteurs étaient associés aux décisions d'engager des poursuites pénales à la suite d'évaluations d'abus physique : la présence de blessures, la source du signalement et la région de la province où s'est déroulée l'enquête.
EN:
The Ontario Incidence Study of Reported Child Abuse and Neglect (OIS) is one of the first studies to examine in detail the characteristics of physical abuse (N = 1003) and sexual abuse (N = 577) cases reported to child protection authorities. Sixteen per cent of sexual abuse cases involved intercourse or attempted intercourse and 56% involved fondling. The alleged perpertrators were most often fathers or step- fathers (34%), relatives (24%) or family acquaintances (23%). Sixty-five per cent of physical abuse cases involved corporal punishemnt or incidents arising from a disciplinary action, physical injuries were noted in 27% of cases, and parents were most often the alleged perpertrators (92%). Criminal charges had been laid in 15% of sexual abuse cases and in 5% of physical abuse cases. Four variables were significantly associated with the decision to lay charges in sexual abuse cases: the level of intrusiveness of the abuse (cases involving intercourse or attempted intercourse were more likely to lead to charges), the nature of documented harm, the age of the reported child (charges were laid more often in cases involving older children) and the source of the report. Three variables were significantly associated with the decision to lay charges in physical abuse cases: the presence of an injury, the source of the report, and the region of the province in which the investigation was conducted.
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Entre les attentes face à la judiciarisation et l’issue des procédures : réflexion à partir d’une étude sur le traitement judiciaire des causes de violence conjugale
Danielle Laberge and Sonia Gauthier
pp. 31–53
AbstractFR:
Dans les années 70, la violence et les autres préjudices et injustices subis par les femmes ont été dénoncés publiquement. Devant l'ampleur du phénomène de la violence conjugale et devant le constat que les tribunaux n'étaient pas souvent saisis de ces affaires et que celles-ci ne se rendaient pas souvent au terme des procédures, divers groupes ont aussi réclamé que les instances pénales agissent avec plus de vigueur dans les situations impliquant de la violence conjugale. Plusieurs politiques furent alors implantées pour accroître la criminalisation des comportements violents entre conjoints. Cet article porte sur le fossé entre les attentes face à la judiciarisation et ce que nous avons observé en ce qui a trait à la proportion de conjoints coupables et aux peines qui leur ont été infligées. Nous traitons d'abord des problèmes associés à la judiciarisation, puis de la double victimisation, du faible taux de culpabilité et, finalement, de la peine infligée aux agresseurs.
EN:
Abstract
During the seventies, violence and other prejudices and injustices to which women were subjected were publicly denounced. Because of the extent of domestic violence and infrequent and inconsistent recourse to the criminal justice system, pressure groups also demanded more systematic prosecution of violence against women, especially violence within a domestic context. Many public policies were developed and implemented to attain this goal. Our article will examine the gap between expectations regarding the use of the penal system and the actual treatment reserved for spouses found guilty. We will first discuss problems associated with the use of criminalization; we will then focus on double victimization, low rate of conviction, and finally the sentences imposed.
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Judiciarisation et déjudiciarisation : la part de la poursuite et de la défense : contribution à la sociologie du droit
Pierre Noreau
pp. 35–79
AbstractFR:
L'évolution du droit criminel et pénal ne passe pas strictement par l'évolution de la législation et la réorientation des politiques publiques en matière de répression du crime et de réhabilitation des contrevenants. La sociologie du droit nous apprend, depuis Max Weber, que la mise en œuvre du droit passe par l'activité des professionnels, c'est-à-dire par les juristes responsables de mobiliser et d'interpréter le droit. La recherche dont nous proposons ici les résultats porte sur la décriminalisation, la déjudiciarisation et la dépénalisation des infractions criminelles au Québec. L'étude des données révèle que ces orientations sont en porte-à-faux par rapport aux raisons pratiques qui caractérisent le fonctionnement du champ judiciaire et aux raisonnements tenus par les agents qui y sont impliqués : procureur de la couronne et avocat de la défense. C'est plutôt leur position dans le champ de la pratique qui constitue la clef des conditions de mise en œuvre d'une éventuelle réforme de l'intervention pénale et, de façon plus large, d'une réorientation de l'activité judiciaire.
EN:
The evolution of criminal and penal law is not solely dependent on the evolution of legislation and the reorientation of public policies concerning crime repression and offender rehabilitation. Since Max Weber, the sociology of law has taught us that the implementation of the law is realised through the activities of professionals, that is, jurists responsible for the mobilisation and interpretation of the law. The present study, in question, the results whose are presented in this article, concerns the decriminalisation, the diversion from the judicial process and the depenalisation of criminal offences in Quebec. An analysis of the data reveals that these trends are discordant with the situational rationale (raisons pratiques) characteristic of judicial field functioning, and also with the reasoning held by the actors involved: the crown prosecutor and the defence attorney. It is, in fact, the situational rationale that is the key factor in the conditions of implementation of an eventual reform of penal intervention, and in a larger sense, of a reorientation of judicial activities
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Pratiques de déjudiciarisation de la maladie mentale : le modèle de l’Urgence psychosociale-justice
Daphné Morin, Pierre Landreville and Danielle Laberge
pp. 81–107
AbstractFR:
Au Canada, on a constaté un nombre grandissant de personnes ayant des problèmes de santé mentale et qui ont des démêlés avec la justice. La dynamique d'exclusion engendrée par cette intervention pour ces personnes - difficultés d'accéder à des soins et des services, détérioration des conditions de vie, accélération de la judiciarisation avec des retours multiples en prison -, ainsi que l'épuisement des ressources - consultations répétées en urgence psychiatrique, demandes accrues de services auprès des ressources communautaires -, ont montré la nécessité d'examiner la politique de déjudiciarisation. Cette dernière vise l'usage de mesures non pénales ou, lorsque ce n'est pas possible, la diminution ou l'absence de recours à l'incarcération, selon la nature ou la gravité du problème à régler. Cet article documente des pratiques de déjudiciarisation à travers l'exploration d'un nouveau programme d'intervention : l'Urgence psychosociale-justice de Montréal (UPSJ). Après un examen de la thèse de la criminalisation de la maladie mentale, le texte présente quelques résultats préliminaires des 19 premiers mois de fonctionnement du service. En conclusion, s'il apparaît évident que l'UPSJ joue un rôle clé en amont en évitant des entrées dans le système pénal, elle soulève la question de la capacité du milieu à répondre aux besoins d'intervention et de prise en charge des populations ciblées.
EN:
A growing numbers of people who suffer from mental health problems have been found to run into trouble with the criminal justice system. The exclusion dynamic created by intervention targeted at these people - difficult medical care and access to services, deteriorating living conditions, the acceleration of judicial processing along with multiple prison experiences - as well as increasing ressource limitations - repeated psychiatric emergency ward consultations, growing service demands on community ressources - have both demonstrated the need to examine policies that would divert people from the criminal judicial system. Such policies aim to promote the use of non judicial measures, or when this is not possible, lessen or put an end to incarceration practices, depending on the nature and seriousness of the problem. This article researches judicial diversion practices through the exploration of a new intervention program: l'Urgence psychosociale-justice de Montréal (UPSJ). After reviewing the mental illness criminalization thesis, the text goes on to present preliminary results of the service's first 19 months of functioning. In conclusion, although the UPSJ obviously plays a key role in reducing entries into the criminal justice system, its very existence also raises the issue of the environment's capacity to answer the target population's intervention and caretaking needs.
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Nouvelles politiques publiques belges sécuritaires et sociosanitaires en matière de toxicomanie : à la recherche d’une logique d’alliance...
Marie-Sophie Devresse and Jean-François Cauchie
pp. 109–117
AbstractFR:
En Belgique comme ailleurs en Europe, les années 1990 auront symbolisé le retour au premier plan du thème de l'insécurité, et ce, notamment dans le domaine de la toxicomanie. Une préoccupation qui allait notamment se traduire par une volonté politique de créer une alliance entre intervenants de terrain défendant des projets à vocation « sociale » et des acteurs porteurs de projets à connotation socio-sécuritaire ou policière. À cet égard, cet article entend présenter le point de vue de ces différents acteurs et montrer comment l'imposition d'une dynamique d'alliance a conduit ceux-ci à adopter des positions de repli ou de frileuse collaboration. Notre réflexion entendra dès lors s'interroger sur les places respectives des approches pénales et sociales en la matière, ainsi que de produire une réflexion critique sur l'évolution du recours à la réponse répressive en général.
EN:
In Belgium as elsewhere in Europe, the 1990's will have symbolized refocusing on the insecurity debate, in particular in the field of drug addiction: a concern that was, among others, expressed by the political will to create an alliance between practitioners defending "social" projects and those who support security or policing programs. In this respect, this article presents, on the one hand, the point of view of these different persons, and on the other hand, demonstrates how the imposition of alliance dynamics drove them to adopt positions of withdrawal or dubious collaboration. Our research then questions the respective places of penal and social approaches to this problem, and proposes a critical perspective of the evolution of a recourse to the repressive solution in general.
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Le traitement de la toxicomanie comme alternative à l’incarcération : un sentier rocailleux
Pascal Schneeberger and Serge Brochu
pp. 129–149
AbstractFR:
Toxicomanie et criminalité sont des comportements fréquemment associés. Dans un objectif de réduction de la récidive, le traitement des toxicomanes apparaît dans la littérature américaine comme une solution plus efficace que l'incarcération et beaucoup moins dispendieuse. Qu'en est-il au Québec ? Pour répondre à cette question, 20 intervenants de la région de Montréal et de Trois-Rivières œuvrant dans le domaine de la justice, de la sécurité publique et de la santé et des services sociaux ont été rencontrés dans le cadre de groupes de discussion. Les résultats de la consultation montrent que si le traitement des toxicomanes judiciarisés est une idée intéressante en soi, plusieurs difficultés surgissent dans son application en raison notamment de la différence de culture des milieux impliqués. Cependant, une bonne communication, le respect des expertises de chacun, et une certaine tolérance vis-à-vis des objectifs de ses partenaires constituent des conditions qui rendraient possible, du moins sur papier, les expériences de déjudiciarisation en matière de toxicomanie.
EN:
The relation between substance abuse and criminality is well demonstrated. American scientific papers tend to indicate that treatment of substance abusers seems to be a good way to reduce repeat offences at lower costs than incarceration. What is the situation in Quebec? To answer this question, 20 professionals working in Montreal and Trois-Rivières, and associated with the Department of Justice, Public Security and Health and Social Services, have been interviewed. The results show that many difficulties are encountered in part because of cultural differences between professionals. However, good communication, respect of everyone's expertise and a certain tolerance toward partners' objectives create conditions that allows, at least on paper, non judiciary intervention in substance abuse matters.
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La judiciarisation internationale des criminels de guerre : la solution aux violations graves du droit international humanitaire?
Lison Néel
pp. 151–181
AbstractFR:
Les Nations Unies ont doté peu à peu la communauté internationale de traités, de conventions ou de principes engageant la responsabilité pénale internationale des individus pour permettre l'amélioration du respect des droits de l'homme les plus fondamentaux, afin d'éviter à tous les atrocités, la torture ou l'arbitraire. Malgré ces mesures de mise en œuvre très diversifiées, des violations graves continuent chaque jour à se dérouler un peu partout dans le monde. La communauté internationale ne réagit que lorsqu'elles atteignent un caractère massif, systématique et insupportable. L'échec de ces mécanismes de mise en œuvre a été le point de départ de la mise sur pied d'une justice pénale internationale. La judiciarisation internationale des criminels de guerre par le biais des tribunaux pénaux internationaux ad hoc ou de la cour pénale internationale permanente saura-t-elle pallier les carences et les faiblesses des systèmes pénaux nationaux quant à la répression des criminels de guerre ?
EN:
The United Nations has gradually endowed the international community with treaties, agreements or principles engaging the international penal responsibility of individuals, in order to reinforce the respect of the most fundamental human rights and to avoid atrocities, torture or arbitration. Despite these very diversified measures, serious violations keep appearing every day all over the world. The international community only reacts when these violations reach massive, systematic and unbearable proportions. In order to correct the failures of theses mechanisms, an international penal justice was established. Will the international "judiciarisation" of the war criminals through the international penal courts "ad hoc" or through the permanent International Criminal Court be able to compensate for the deficiencies and weaknesses of the national penal systems in the repression of war criminals?
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Comité de lecture : liste des collaborateurs et collaboratrices en 1999