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Jacques Plante, professeur d’architecture à l’Université Laval, est l’artisan de ce livre d’architecture grand format, sur papier glacé, avec de très nombreuses photographies et illustrations (450), et de nombreux dessins en plan et en coupe (140). Le directeur de la publication qualifie la réalisation de ce livre d’« entreprise colossale ». On le croit volontiers en imaginant le travail exigé pour la production et la réussite d’un tel ouvrage. Son objectif était de faire le point sur l’état de l’architecture des bibliothèques au Québec et sur l’apport des architectes d’ici à cette floraison de nouvelles bibliothèques depuis une génération. Pour l’auteur, la bibliothèque signifie assurément l’accès à la connaissance puisque c’est le vocable qu’il a utilisé dans le titre de son ouvrage.

Lise Bissonnette offre en préface un texte inspiré sur le sens de la bibliothèque, de son contenu et de son bâtiment. Pour elle, la bibliothèque est avant tout une idée. Cette idée, aussi vieille que l’écriture et la lecture, se traduit en un lieu du livre, et les architectes d’aujourd’hui sont engagés, comme nous le voyons dans ce livre, à créer des bibliothèques qui correspondent à l’esthétique de la société contemporaine. Lise Bissonnette s’est faite la promotrice de l’idée de bibliothèque culturelle, et elle reprend ici cette vision. La bibliothèque doit être une institution de culture avant que de servir la communication. Ainsi, elle perpétue ses origines anciennes dans son rôle d’interprète érudit entre les écrivains savants et les lecteurs avides de connaissances. Cette bibliothèque est forte, selon elle, si son architecture est poétique, si son architecture dit la liberté.

Ce livre comporte deux parties. Dans la première partie, Jacques Plante a regroupé de courtes études de collègues architectes, d’un bibliothécaire, d’artistes et d’écrivains. Trois professeurs d’architecture, Marc Grignon (Université Laval), Martin Bressani (Université McGill) et Nicholas Roquet (Université de Montréal), font un survol de l’histoire des bibliothèques, de l’Antiquité au XIXe siècle. On y aborde depuis la bibliothèque de Pergame, celle de Celsus à Éphèse, les bibliothèques du Moyen Âge, de la Renaissance et du Siècle des Lumières. L’accent est mis sur deux bibliothèques parisiennes du XIXᵉ siècle, oeuvres de l’architecte Henri Labrouste, la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu-Louvois, et la Bibliothèque Sainte-Geneviève.

L’architecte montréalais Philippe Lupien a retenu la Bibliothèque Saint-Sulpice. Actifs en lecture publique à Montréal depuis l’Oeuvre des bons livres (1844) et le Cabinet de lecture paroissiale (1857), les Sulpiciens décident en 1910 de donner une expansion à ce domaine en créant au Quartier latin une grande bibliothèque publique et de recherche. Ils lancent à cet effet un concours ouvert à tous les architectes catholiques du Québec. Des trois projets sélectionnés, celui d’Eugène Payette est choisi. Après les modifications apportées par le Sulpicien Marie-Édouard-Pierre Dupaigne, l’élégante bibliothèque de style Beaux-Arts présente des ressemblances avec l’Hôtel Carnavalet de la capitale française. François Dufaux de l’Université Laval nous rappelle une autre bibliothèque remarquable construite au cours du premier quart du XXᵉ siècle : il s’agit de l’extension du Parlement du Québec que constitue la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, construite en 1922, elle aussi dans le style Beaux-Arts.

Le bibliothécaire Yvon-André Lacroix a développé ces dernières décennies une connaissance et une expertise dans l’aménagement et l’architecture des bibliothèques au Québec et au plan international. Cette compétence l’amène à avancer des propos sur les bibliothèques contemporaines :

La bibliothèque est le lieu par excellence de paradoxes, de tensions et de variables quasi illimitées. Lieu d’apaisement, de recueillement, voire de méditation et de quête de sens, relevant du cloître blindé par le silence. Lieu de sociabilité, de stimulation, voire de forte consommation culturelle, relevant d’un carrefour perméable à toutes les modes et à toutes les rumeurs de la cité. Lieu d’intimité et de solitude offrant des collections et des espaces feutrés pour la lecture, la recherche, l’écriture. Lieu de socialisation, d’intégration et de solidarité offrant des services, des manifestations culturelles, des équipements et des locaux pour le travail en groupe, la conversation, le débat des idées et le partage du savoir. Lieu d’ouverture et de dynamisme propice à des synergies nouvelles, à la création de capital culturel, intellectuel et spirituel, social et économique. Lieu aussi pour voir et faire autrement afin d’imaginer et de réaliser le futur. (p. 33)

Peut-on mieux définir la bibliothèque contemporaine et introduire de meilleure façon l’examen des réalisations récentes en architecture des bibliothèques?

D’autres collaborateurs ajoutent leur vision de la bibliothèque. Prenant en compte son expérience dans les projets de la Grande Bibliothèque et dans la bibliothèque de Charlesbourg, Marie-Chantal Croft insiste sur l’importance de la lumière dans la création architecturale. Pour Manon Asselin, qui a réalisé les Bibliothèques de Châteauguay et de l’arrondissement Saint-Hubert de Longueuil, le maître mot est l’adaptation des bibliothèques à leur milieu respectif. La bibliothèque est facteur d’appartenance à la communauté et de cohésion sociale. Selon elle, la société multiculturelle québécoise contemporaine ne se rencontre plus sur le perron de l’église, mais bel et bien à la salle multifonctionnelle de la bibliothèque. Le designer Michel Dallaire rend compte de sa réflexion sur les bibliothèques anciennes, du Moyen Âge notamment, comme sources d’inspiration à la création du mobilier de la Grande Bibliothèque, particulièrement des tables à plan incliné. Il est intéressant de revoir proposée par Jean Désy la bibliothérapie, si à la mode dans la littérature bibliothéconomique de la décennie 1970, mais oubliée depuis. Enfin, pour clore cette partie du livre, notons les beaux témoignages de Jacques Côté sur les archives et de Chrystine Brouillet et Lorraine Pintal sur les livres.

La seconde partie du livre expose les projets décrits, au nombre de trente-trois. Ceux-ci sont regroupés en quatre sections : archives et bibliothèques (cinq projets), bibliothèques collégiales et universitaires (six projets), bibliothèques municipales (18 projets) et cinémathèque, maisons de la culture et de la littérature (quatre projets). Pour chacun d’eux, on retrouve, en liminaire, l’adresse de l’institution, l’année de l’inauguration, le budget requis, le type de projet, le type de construction, les noms des concepteurs (architectes, ingénieurs, consultants), la superficie totale, le type d’aménagement, la capacité de places assises, les collections et les prix reçus. Pour chacun des projets, ces données regroupées sur une colonne précèdent la description du projet dont la longueur varie entre quatre et huit pages.

Le premier projet de la section « Archives et bibliothèques » est le Centre canadien d’architecture (CCA) inauguré à Montréal en 1989. L’architecte Phyllis Lambert a acquis la Maison Shaughnessy, la sauvant d’une destruction. L’agrandissement conçu par l’architecte Peter Rose ajoutait 12 500 m2 à la maison Second Empire. Le CCA, de pierre calcaire, de bois d’érable et d’aluminium, prend en compte les deux grands intérêts de sa fondatrice : la préservation du patrimoine architectural de Montréal et la restauration du tissu urbain.

Le Centre de préservation de Bibliothèque et Archives Canada, terminé en 1997 à Gatineau, est une réalisation d’envergure. Ce bâtiment carré de 48 000 m2 est conçu pour protéger le patrimoine documentaire et archivistique du Canada pour les prochains siècles. Les grands défis qu’ont eu à affronter les deux firmes du consortium d’architecture Blouin et associés et IKOY étaient l’intégration de cet immeuble carré dans un quartier résidentiel et le contrôle absolu de la température et de l’humidité par zones d’entreposage et de travail. Ce gigantesque coffre-fort, de structure de béton et d’acier, construit au coût de 70,6 millions de dollars, a mérité deux prix, la médaille du Gouverneur général en architecture en 1999 et le prix Millenium du magazine Canadian Architect en 2000.

Le Centre de conservation de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), inauguré dans le quartier Rosemont de Montréal en 1997, est une réalisation remarquable. Recyclant un ancien édifice industriel de fabrication de cigares, cet édifice rectangulaire d’une superficie de 13 300 m2 a été réalisé par les architectes Blouin Faucher Aubertin Brodeur Gauthier. Le solide bâtiment se prêtait bien à un recyclage, avec contrôle de température et d’humidité, pour abriter les ouvrages du dépôt légal, les livres rares, les anciennes cartes géographiques et les exemplaires de conservation de la Bibliothèque nationale. Le Centre de conservation loge également le siège social de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Le Centre d’archives de Montréal de BAnQ est un bel exemple de recyclage et d’agrandissement d’un bâtiment ancien. L’ensemble comprend trois édifices : la maison Jodoin (1871), l’ancienne École des Hautes Études commerciales (1910), une annexe de 1966 qui liait la maison Jodoin à l’École des HEC. Pour le Centre d’archives, les architectes Hanganu et Provencher Roy et associés complètent par un ajout le quadrilatère, en plus de réaménager l’intérieur de l’ensemble. Le Centre de 14 000 m2 (rénovation et agrandissement), dont les travaux réalisés en 2000 ont coûté 20 millions de dollars, est considéré comme une grande réussite et il a gagné plusieurs prix, dont celui du Gouverneur général en architecture 2002.

Une autre composante de BAnQ est la Grande Bibliothèque inaugurée en 2005. Issue du premier grand concours international d’architecture au Québec, elle a été réalisée par les firmes d’architectes Patkau/Croft Pelletier et Gilles Guité. La Grande Bibliothèque a rassemblé, mais d’une façon séparée, la collection nationale et la collection universelle de prêt. La richesse des collections, la qualité et la convivialité du bâtiment ont été soulignées pour expliquer le succès de fréquentation qui dure depuis son ouverture. Cette institution de 33 000 m2, qui a été l’objet d’une médiatisation considérable, s’est mérité plusieurs prix, dont ceux du Gouverneur général en architecture en 2010 et de l’American Institute of Architects/American Library Association en 2007.

Le premier projet de la section « Bibliothèques collégiales et universitaires » est la Bibliothèque Webster de l’Université Concordia, réalisée par les architectes Werleman Guy/Blouin et associés en 1992. Cette bibliothèque, d’une superficie de près de 17 000 m2, posait un problème d’intégration dans un édifice plus vaste, le pavillon McConnell, qui logeait de nombreux services et des salles de cours. Après plus de 20 ans, et une forte augmentation du nombre d’étudiants, une réorganisation complète de cette bibliothèque s’impose et la planification des travaux à cet effet est en cours.

Le nouvel immeuble de HEC Montréal, oeuvre des architectes Hanganu/Jodoin Lamarre Pratte, lauréats d’un concours sur invitation en 1992, a été inauguré en 1996. La Bibliothèque Myriam et J.-Robert Ouimet, d’une superficie de 5 800 m2, contient 620 places assises. Longue et étroite, elle épouse le périmètre du pavillon de HEC Montréal et elle n’est pas sans rappeler, par sa configuration, la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris.

L’Université McGill s’est dotée de la nouvelle Bibliothèque de droit Nahum Gelber à l’occasion du 150e anniversaire de sa Faculté de droit. Implanté rue Peel, presque à l’intersection de l’avenue des Pins, ce bâtiment rectangulaire d’une superficie de 3 346 m2 est l’oeuvre de l’architecte Dan S. Hanganu. Le défi de l’architecte a été de concevoir un édifice de cinq étages sur un terrain incliné de dimension restreinte.

La nouvelle bibliothèque de l’École Polytechnique de Montréal est située maintenant dans les nouveaux pavillons Lassonde. Premier pavillon universitaire certifié LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), il a été conçu par les architectes Saia Barbarese Topouzanov/Desnoyers Mercure et Associés/Menkès Shooner Dagenais LeTourneux. Dotée d’une zone d’accueil accessible 24 heures par jour, la bibliothèque est le lieu le plus étonnant et le plus inattendu de ce bâtiment. Morcelée, étroite par endroits, plus large ailleurs, cette bibliothèque de 5 310 m2 et de 513 places assises, s’insère ingénieusement aux septième et huitième étages en façade ouest. Les pavillons Lassonde ont mérité une douzaine de prix d’ingénierie, de design et d’architecture.

Le pavillon Jean-Charles Bonenfant de l’Université Laval a réaménagé avec bonheur en 2011 le quatrième étage de la Bibliothèque des sciences humaines et sociales. Tous s’accordent pour affirmer que la transformation de cet étage, aménagé en 1968, en a fait une bibliothèque du XXIe siècle, efficace, moderne et accueillante. Les responsables de cette réussite, qui a obtenu la mention du jury du prix Architecture de bibliothèques et de centres d’archives du Québec 2011, sont Bélanger, Beauchemin, Morency Architectes et Urbaniste et Anne Carrier Architecte.

La bibliothèque de théologie que les Jésuites ont aménagée dans l’ancienne chapelle du Collège Jean-de-Brébeuf en 2004 et qu’ils ont léguée au Collège à leur départ en 2012 est remarquable. Cette bibliothèque de conservation de plus de 200 000 documents, dont 6 000 livres rares, est l’oeuvre des architectes Beaupré et Michaud/Dupuis LeTourneux. Il s’agissait de rénover la nef en salle polyvalente, de conserver le choeur et son décor afin d’assurer l’empreinte de la présence jésuite et d’aménager une bibliothèque moderne dans le jubé en doublant sa superficie. La grande et célèbre murale de René Derouin, Trois siècles de migration sur le territoire des Amériques, constitue la pièce majeure du nouveau décor de la salle. Ce réaménagement fort réussi de 1 200 m2 a mérité de nombreux prix, dont le prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec 2005.

Pour les bibliothèques municipales qui constituent la troisième section, la première loi des bibliothèques publiques du Québec, votée par l’Assemblée législative en décembre 1959, est le point de départ d’une politique de lecture publique. Contrairement à l’Ontario qui avait créé au tournant des années 1900, grâce à la philanthropie d’Andrew Carnegie, plus de 130 bibliothèques, aucune bibliothèque Carnegie n’a vu le jour au Québec. Il est donc erroné (p. 147) d’affirmer que la bibliothèque publique de Westmount, créée en 1899 et non en 1911, a profité des fonds Carnegie.

On fait état dans ce livre de 18 bibliothèques publiques marquantes au plan de l’architecture et de l’aménagement. Deux de ces bibliothèques sont nées au cours de la décennie 1980, trois dans la décennie 1990, cinq dans les années 2000 et huit entre 2011 et 2013. C’est une évidence que d’admettre que les bâtiments de bibliothèque intéressent maintenant les architectes d’ici.

Après avoir été responsable des plans du Centre d’archives de Montréal de BAnQ, de la Bibliothèque Myriam et J.-Robert Ouimet de HEC Montréal et de la Bibliothèque de droit de McGill, Dan S. Hanganu a conçu les plans de la Bibliothèque Monique-Corriveau de l’arrondissement Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge de Québec et de la Bibliothèque Marc-Favreau de Montréal. L’architecte Anne Carrier a réalisé la rénovation du quatrième étage de la Bibliothèque des sciences humaines et sociales de l’Université Laval, de la Bibliothèque René-Richard et du Centre régional d’archives de Charlevoix à Baie-Saint-Paul, de la Bibliothèque Jean-Gosselin de Lévis-Charny, de la Bibliothèque Félix-Leclerc du quartier Val-Bélair de l’arrondissement La Haute-Saint-Charles de Québec ainsi que du Complexe culturel Joseph-Rouleau et de la Bibliothèque municipale de Matane. Manon Asselin a été responsable des plans de la Bibliothèque municipale de Châteauguay et de la Bibliothèque Raymond-Lévesque de l’arrondissement Saint-Hubert de Longueuil. La firme d’architectes Croft et Pelletier a réalisé les plans de la Bibliothèque Paul-Aimé-Paiement de l’arrondissement Charlesbourg de Québec et elle a fait partie, avec Patkau de Vancouver, du consortium responsable de la Grande Bibliothèque de Montréal. Quant aux architectes Chevalier Morales, ils sont les auteurs des plans de la Bibliothèque Saul-Bellow de l’arrondissement de Lachine à Montréal et de la Maison de la littérature de l’Institut canadien de Québec. En plus de ces architectes qui ont réalisé deux oeuvres et plus, plusieurs autres ont participé à la conception de bibliothèques à travers le territoire.

La construction des bibliothèques publiques a donné lieu depuis le milieu de la décennie 1990 à des concours qui permettent de mettre en compétition plusieurs firmes d’architectes. Il faut se réjouir de cette tradition qui s’implante et qui favorise la créativité. Ces concours sont de divers types. Soulignons les bibliothèques qui en ont été l’objet :

  • Concours sur invitation :

    • Bibliothèque Robert-Bourassa, arrondissement Outremont de Montréal (1998)

    • Complexe culturel Joseph-Rouleau, Bibliothèque municipale de Matane (2001)

    • Bibliothèque Félix-Leclerc, quartier Val-Bélair de l’arrondissement La Haute-Saint-Charles de Québec (2009)

    • Bibliothèque Montarville-Boucher-De La Bruère, Boucherville (2009)

    • Bibliothèque Saul-Bellow, arrondissement Lachine de Montréal (2013)

    • Bibliothèque Marc-Favreau, arrondissement Rosemont–La-Petite-Patrie de Montréal (2013)

  • Concours ouverts :

    • Bibliothèque municipale de Châteauguay (2003)

    • Bibliothèque Paul-Aimé-Paiement, arrondissement Charlesbourg de Québec (2006)

    • Bibliothèque Raymond-Lévesque, arrondissement Saint-Hubert de Longueuil (2011)

    • Bibliothèque du Boisé, arrondissement Saint-Laurent de Montréal (2013)

    • Bibliothèque Benny, arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce de Montréal (2013)

  • Concours sur appel d’offres municipal :

    • Bibliothèque Guy-Bélisle, Saint-Eustache (2012)

  • Concours international :

    • La Grande Bibliothèque, BAnQ (2005)

D’autres bibliothèques incluses dans ce livre ont fait l’objet de concours sur invitation. Ce sont le Centre d’archives de Montréal de BAnQ (2000), la Bibliothèque Myriam et J.-Robert Ouimet de HEC Montréal (1996) et la Maison de la littérature de l’Institut canadien de Québec (2014).

La construction de la Bibliothèque Gabrielle-Roy dans le quartier Saint-Roch à Québec en 1983 a constitué un tournant dans le monde des bibliothèques publiques du Québec. Pour le bibliothécaire français Michel Melot, Philippe Sauvageau a conçu la bibliothèque Gabrielle-Roy sur le modèle d’un grand hôtel californien. Cette bibliothèque innovait à plusieurs égards. C’est la première grande bibliothèque publique contemporaine qui offrait au Québec, dans ses quatre étages, de nombreux services. Elle participait au renouveau d’un quartier populaire en s’installant rue Saint-Joseph, dans la basse-ville de Québec. Tant par la configuration de l’immeuble que par la diversité des services offerts, elle a été un élément très important de l’essor des bibliothèques publiques du Québec.

La Bibliothèque municipale de Châteauguay est sans conteste une bibliothèque publique remarquable. Elle est construite dans un ensemble d’édifices municipaux de la ville, mais elle s’en distingue par ses lignes sobres et élégantes. On y retrouve les caractéristiques de l’architecture moderne : rez-de-chaussée dégagé, pilotis, structure de béton, horizontalité des fonctions, volumétrie massive, murs rideaux, toiture-terrasse. Ce bel édifice conçu par l’architecte Manon Asselin a remporté le prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec 2005 et la médaille du Gouverneur général en architecture en 2006.

La Bibliothèque Jean-Gosselin du quartier Charny à Lévis, oeuvre de l’architecte Anne Carrier, est une petite bibliothèque (1 700 m2). Avec un budget modeste, l’architecte a réussi l’édification d’un beau bâtiment dans le coeur institutionnel de Charny, qui est connue sur la rive sud du Saint-Laurent comme la ville des trains. Il a intégré dans l’aménagement de l’intérieur de la bibliothèque certains traits relatifs à un wagon. Cette belle bibliothèque a obtenu plusieurs prix, dont le prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec en 2007.

Lors de son inauguration en 2006, la Bibliothèque Paul-Aimé-Paiement de l’arrondissement Charlesbourg de Québec, oeuvre des architectes Croft Pelletier, a été perçue comme une bibliothèque exceptionnelle. C’est un édifice contemporain intégré dans un milieu patrimonial. L’édifice prend en compte la topographie accentuée du terrain. Il profite de la contrepente comme toiture végétalisée. En plus de cette toiture, la climatisation et le chauffage de l’édifice profitent de la géothermie. Cette bibliothèque, marquante tant par sa construction que par l’aménagement de l’espace intérieur, a obtenu de nombreux prix, dont le prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec en 2009.

En 2011, la Ville de Longueuil a doté son arrondissement de Saint-Hubert d’une bibliothèque unique de grande dimension (4 000 m2). Issus d’un concours d’architecture multidisciplinaire, ses plans ont été développés par Manon Asselin de l’atelier TAG et par Jodoin Lamarre Pratte et associés en consortium. Cette bibliothèque a été conçue selon un plan d’aménagement carré ou presque, dont le défi est de faire pénétrer la lumière. Ici, l’intégration d’une cour intérieure fenestrée et ouverte lui procure sa propre identité, l’unicité de son aménagement et sa luminosité exceptionnelle. Cet édifice LEED assure la climatisation et le chauffage par la géothermie. Bibliothèque originale, audacieuse et élégante, elle a été couronnée de nombreux prix, dont le Prix Architecture des bibliothèques et de centres d’archives du Québec en 2011.

Adossée à une petite forêt urbaine, la Bibliothèque du Boisé dans l’arrondissement Saint-Laurent de Montréal, ouverte en juillet 2013, impressionne par sa volumétrie et l’harmonie de l’ensemble. Les plans de la Bibliothèque Marc-Favreau dans l’arrondissement Rosemont–La-Petite-Patrie laissent espérer beaucoup de cette future bibliothèque. La Bibliothèque Benny à Notre-Dame-de-Grâce et la Bibliothèque Saul-Bellow à Lachine sont, avec les précédentes, quatre bibliothèques montréalaises qui ouvrent leurs portes en 2013. Elles marqueront assurément leurs milieux.

Les quelques bibliothèques publiques qui ont fait l’objet de notre propos se démarquent parmi un ensemble de bibliothèques publiques de grande qualité architecturale. Comment ne pas se réjouir pour les citoyens de Montréal, de Québec et du Québec d’avoir accès, après en avoir été privés longtemps, à de bonnes et belles bibliothèques qui s’intègrent dans le tissu urbain de leur communauté et ajoutent à la beauté de leurs villes?

Dans la quatrième section, on rappelle en premier lieu l’édification en 1997 de la Cinémathèque québécoise sur des plans des architectes Saucier et Perrotte. La Cinémathèque intègre des édifices patrimoniaux existants à une construction contemporaine. L’ensemble, pleinement réussi, a remporté deux prix d’architecture, dont la médaille du Gouverneur général en 1999.

En 2001, Matane s’est dotée du Complexe culturel Joseph-Rouleau dans lequel on retrouve la bibliothèque municipale, une galerie et une salle polyvalente. L’architecte Anne Carrier a opté pour une maçonnerie de brique rouge qui permet une intégration harmonieuse dans le tissu urbain.

En 2013, dans le cadre de sa politique culturelle, Montréal construit au coût de près de 12 millions de dollars le Centre culturel de Notre-Dame-de-Grâce, qui comporte la Bibliothèque Benny, une salle de spectacle et des salles d’exposition et d’animation. Ce Centre, qui s’insère dans l’ensemble d’habitations Benny Farm, mise sur l’aspect communautaire. Il se distingue par une facture architecturale audacieuse dans le choix des matériaux et leur coloration rouge carmin.

En 2014, la Ville de Québec donnera une nouvelle vocation au vieil Institut canadien en le réaménageant et en l’agrandissant pour en faire la Maison de la littérature. Les architectes Chevalier Morales sont responsables de la conception de cette nouvelle institution qui offrira de nombreuses fonctions liées à l’écriture, à la lecture, à la création et à la diffusion.

Le livre Architectures de la connaissance au Québec est un ouvrage qui fera date tant en architecture qu’en bibliothéconomie. Il démontre de façon exceptionnelle la créativité des architectes québécois et leur intérêt à créer des édifices de bibliothèques et d’archives esthétiques. Il témoigne également de l’importance pour les professionnels de la documentation de contribuer à la conception d’édifices beaux et fonctionnels.

Par l’ensemble des projets inclus dans ce livre qui ne sont, il faut le dire, qu’une sélection de bâtiments de bibliothèques québécois, cet ouvrage illustre le développement considérable des bibliothèques au Québec, particulièrement dans le domaine des bibliothèques publiques. Ces dernières s’insèrent désormais au paysage de nos villes.

Par la richesse de l’information et de l’illustration, par la nouveauté et l’originalité du sujet, ce livre est indéniablement un beau livre et aussi un livre de référence incontournable. Il faut féliciter le directeur de la publication, Jacques Plante, dont on retrouve la signature tout au long du livre, de même que les éditeurs et les institutions qui l’ont rendu possible : les Publications du Québec, le Conseil des arts du Canada, l’Université Laval, l’Ordre des architectes du Québec et le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec.

Ce livre d’exception, qui constitue la première histoire de l’architecture des bibliothèques québécoises, se prolonge dans une exposition qui circule au Québec et, pourquoi pas, ultérieurement, à l’étranger.