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Cet ouvrage s’inscrit dans le sillon d’une longue liste d’interventions critiques sur les défis de la mondialisation pour les États africains. L’hypothèse d’une « nouvelle mondialisation », mise en avant dans le chapitre introductif de G.K. Kieh, sous-tend les analyses des enjeux considérés dans les autres chapitres. Ces derniers abordent des sujets toujours d’actualité, malgré des décennies de commentaires dans plusieurs cas, comme ceux de la crise de la dette des États africains, des droits humains, du rôle des organisations non gouvernementales (ong) dans le développement, de la souveraineté des États du tiers-monde, de l’environnement et de la pandémie du vih/sida en Afrique. Selon Kieh, la fin de la guerre froide représenterait, à maints égards, un point de rupture en ce qui a trait à la gouvernance et au développement des États africains. Façonnée en premier lieu par l’expansion sans précédent du capitalisme à l’échelle globale, cette « nouvelle mondialisation » serait partie prenante « d’une seconde phase de la domination néocoloniale, de l’extorsion, du pillage et de l’exploitation de l’Afrique ». L’auteur passe brièvement en revue, dans le chapitre suivant, les dimensions idéologiques – l’un des principaux vecteurs de la consolidation du capitalisme global selon lui –, culturelles, économiques, environnementales, politiques, militaires et sociales de cette dernière. L’une des thèses transversales de l’ouvrage est que celle-ci correspondrait à une exacerbation des lacunes de « l’État néocolonial africain », un modèle d’État « intrinsèquement contre le peuple, antidémocratique et anti-développement ». Chacun des chapitres s’emploie ainsi à l’examen de ces lacunes, tout en suggérant des voies de réformes institutionnelles et de transformations démocratiques.
Si l’ouvrage s’annonce d’emblée comme étant résolument critique, sa portée varie considérablement d’un chapitre à l’autre. Le chapitre de P.L.E. Idahosa compte parmi les contributions les plus critiques quant à la problématisation de leur objet d’analyse. Documentant d’abord la croissance exponentielle non seulement de leur nombre depuis les années 1980, mais de leur registre d’interventions et de leur influence, l’auteur met en exergue le rôle normatif des ong dans la consolidation du néolibéralisme et dans la délégitimation de l’État africain comme agent de développement. Il pose un regard critique sur leurs contributions effectives en matière d’imputabilité, de participation populaire, de durabilité et d’équité. Le chapitre suivant de J. Managala écarte le débat normatif escompté de son analyse des divers aspects de l’érosion de la souveraineté des États africains. Prenant à cet égard le contre-pied de son collègue de l’Université York de Toronto, ce dernier propose une analyse « pragmatique », écrit-il, des façons de pallier les contraintes imposées par cette « nouvelle mondialisation » quant à la prise de décisions et à la formulation de politiques autonomes, notamment en matière de politiques sociales. Des propositions d’intégration régionale autonome, à même de redéfinir les liens de dépendance Nord-Sud, et de « souveraineté mise en commun » (pooled sovereignty) concluent le chapitre. Ces suggestions sont reprises par Kieh en conclusion de l’ouvrage.
Le chapitre de J. Mukum Mbaku sur la crise de la dette présente une synthèse de l’évolution de celle-ci au cours des années 1980 et 1990, enrichie d’une critique des institutions financières internationales responsables. L’auteur insiste tout particulièrement sur les lacunes des États africains à l’aune des normes de bonne gouvernance et soutient qu’annulation de dettes et réformes institutionnelles doivent aller de pair. Il procède également à une analyse comparative des régimes de droits de propriété en matière de ressources environnementales, soulignant les points communs des régimes coloniaux et néocoloniaux de cette nouvelle phase de la mondialisation. L’auteur conclut en insistant sur la nécessité de mettre en oeuvre des régimes de droits de propriété clairs et contraignants afin de freiner la surexploitation des ressources du continent et la dégradation environnementale. Constatant également les faiblesses des États africains en ce qui a trait aux droits humains, malgré l’existence d’une charte et d’une commission africaine en la matière, en plus de la reconnaissance de ceux-ci dans plusieurs constitutions africaines, E. Ike Udogu met quant à lui l’accent sur l’éducation en droits humains comme outil de promotion de ces derniers en Afrique. L’auteur du chapitre sur les enjeux clés de la pandémie du vih/sida en Afrique, A.S. Patterson, appréhende cette « nouvelle mondialisation » sous un angle quelque peu différent en insistant à la fois sur ses effets négatifs – y compris ceux des politiques néolibérales en matière de santé et de services sociaux et de la consolidation internationale des droits de propriété intellectuelle – et sur ses effets positifs, comme l’attention médiatique et la mobilisation transnationales que celle-ci a favorisées.
Cet ouvrage saura tout particulièrement intéresser les néophytes et les lecteurs en quête de réflexions sur les voies de réforme des États africains en matière de développement. Certains pourront cependant déplorer l’absence de considération d’enjeux clés, comme la sécurité alimentaire ou les conflits armés déstabilisant le continent. D’autres pourront être déçus que les propositions analytiques avancées ne soient pas davantage développées sur le plan théorique.