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Dans cet ouvrage issu de sa thèse de doctorat et qui se situe à la croisée des chemins de deux champs disciplinaires, les Relations internationales et le droit international, Srini Sitaraman, actuellement professeur agrégé de science politique à l’Université Clark (Worcester, Massachusetts), se propose de répondre à la question de recherche suivante : pourquoi des États choisissent-ils d’adhérer volontairement à un traité international, alors que d’autres rechignent à le faire sachant que ces deux catégories de pays doivent faire face aux mêmes conditions internationales ? Qu’est-ce qui explique les variations du comportement des États (participation versus résistance) à l’égard des régimes internationaux fondés sur des traités ?

À tous ceux qui pourraient éventuellement douter de la pertinence d’une telle recherche, Sitaraman précise tout de suite, dans sa préface, qu’il s’intéresse, lui, dans cet ouvrage à la « participation », très peu étudiée, et non à la compliance, par ailleurs largement documentée. La différence entre les deux objets de recherche mérite d’être clarifiée : la question de la conformité à l’égard des règles (compliance) qu’il a acceptées ne se pose pour un État qu’une fois qu’il a formellement ratifié l’accord qui les dicte (la participation). C’est donc à partir d’un univers empirique constitué de 156 États (71 démocraties, 55 non- démocraties et 30 États « partiellement libres » ainsi classés en fonction de calculs effectués à partir de la base de données polity iv et regroupés dans un tableau récapitulatif dans l’appendice I), sur un total possible de 192 États membres des Nations Unies, ayant adhéré à 20 traités multilatéraux, 5 accords principaux et 31 conventions, respectivement dans les domaines de l’environnement, de la maîtrise des armements et des droits de l’homme, que l’auteur va s’employer à combler cette lacune dans la littérature spécialisée.

Son argument principal s’énonce ainsi : les variations dans le comportement des États – la résistance, le choix d’adhérer à tel régime plutôt qu’à tel autre et le désir de contrôler, gérer ou peser sur les actions des traités multilatéraux et d’influencer le comportement des autres États – peuvent s’expliquer en partie par l’analyse des liens de causalité qui existent entre la structure politique intérieure (régime démocratique versus régime non démocratique), les normes sociales internes (opinions concernant la peine de mort et les droits de l’homme, place accordée à la protection de l’environnement, importance accordée aux armes de destruction massive pour des raisons sécuritaires) et les traités internationaux dans différents domaines de coopération. En somme, ce qui détermine la (non) participation et par la suite la compliance réside dans les structures domestiques.

Grâce à la méthode du process- tracing, Sitaraman testera cette proposition sur deux cas d’études choisis en fonction de leurs contrastes saisissants : les États-Unis, une démocratie qui, tout au long de son histoire, a oeuvré à la promotion du droit international et à la mise en place de nombreux régimes internationaux tout en se montrant réticent à y participer, et la Chine, un régime autoritaire qui, dans ses choix d’engagement, reste avant tout préoccupé par la satisfaction de ses intérêts ; l’objectif étant de montrer comment un traité international peut avoir des impacts différents sur les pays, selon que ceux-ci sont des régimes démocratiques ou non, et aussi comment les facteurs normatifs peuvent influencer leur décision d’y adhérer ou pas.

L’ouvrage est composé de sept chapitres enrichis de tableaux intéressants auxquels s’ajoutent une bibliographie et un index. Les deux premiers chapitres sont consacrés aux fondements théoriques de la (non) participation ; le premier se focalise sur la littérature issue du domaine des Relations internationales et le deuxième sur celle issue du droit international. Dans les deux chapitres suivants, trois domaines de coopération – l’environnement, la maîtrise des armements et les droits de l’homme – sont mobilisés pour examiner le phénomène politique étudié. Dans le prolongement de cet exercice, les chapitres 5 et 6 sont respectivement consacrés à l’analyse approfondie des variations du comportement des États-Unis et de la Chine à l’égard des régimes multilatéraux en matière de droits de l’homme. Avec le chapitre 7, qui fait office de conclusion générale, l’ouvrage se termine par une évaluation d’ensemble de la (non) participation des États à des régimes internationaux fondés sur des traités. Et l’auteur de rappeler pour finir que le comportement étatique dépend de la convergence des normes ; plus le niveau de convergence des normes entre les États et les régimes multilatéraux est élevé, plus les chances d’une participation formelle sont grandes.

En somme, cet ouvrage apporte une contribution scientifique importante à la littérature traitant de la participation des États à des arrangements internationaux dans une perspective pluridisciplinaire très enrichissante. Les deux cas d’études sur lesquels s’appuie l’auteur pour montrer la force explicative des facteurs politiques domestiques dans l’analyse du comportement international des États contribuent à donner de la robustesse à la démonstration, même si, se fondant uniquement sur ces cas, envisager une certaine généralisation des conclusions de la recherche serait quelque peu hasardeuse. Le choix du process-tracing comme méthode d’étude est particulièrement pertinent, puisqu’il permet à l’auteur de mettre au jour les mécanismes causaux reliant variables dépendante et indépendante dans chacun des contextes particuliers des deux cas empiriques retenus. Il est donc clair que l’ouvrage saura valablement trouver sa place dans la bibliothèque du chercheur spécialisé ou intéressé par les recherches axées sur l’État face à la coopération internationale. Tout lecteur averti saura également y trouver son compte.