Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Fulvio Attinà et Daniela Irrera (dir.), Multilateral Security and esdp Operations, 2010, Burlington, vt, Ashgate, 236 p.[Record]

  • Odile Perrot

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  • Odile Perrot
    Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, Université de Montréal

À l’heure où l’Europe est engagée dans une quinzaine d’opérations de paix déployées sur plusieurs continents, l’ouvrage collectif dirigé par Fulvio Attinà et Daniela Irrera revient sur la montée en puissance de la politique de sécurité européenne dans un monde bouleversé depuis la fin de la guerre froide. Ce livre, que les auteurs destinent aux étudiants se spécialisant dans les questions de maintien de la paix et de politique de défense européenne, se concentre sur les spécificités des opérations menées par l’ue, qui s’inscrivent dans la pratique de la gestion internationale des conflits, mais aussi la renouvellent. Organisé en deux parties, l’ouvrage propose une analyse transversale des transformations du maintien de la paix multilatéral avant d’étudier, dans un deuxième temps, des opérations sur le terrain, en Géorgie, Bosnie, rdc, Palestine, etc. Cette structure répond au souci pédagogique des auteurs et confère une logique d’ensemble à l’ouvrage : les éléments de la première partie apportant la base conceptuelle nécessaire à la lecture des exemples présentés en deuxième partie. Les idées clés, énoncées dans une introduction dense qui ne manquera pas d’accrocher l’intérêt du lecteur, sont ainsi développées avant d’être rassemblées en fin d’ouvrage. Tout d’abord, si l’ue est récemment entrée sur la scène du maintien de la paix – les premières opérations remontent à 2003 –, elle n’a cessé d’être « en première ligne » et a renforcé ses capacités de gestion de crise militaires et civiles jusqu’à devenir un acteur incontournable du maintien de la paix et de la sécurité internationales. À ce titre, le tournant des années 2000, qui se caractérisent par l’« européanisation du maintien de la paix », est primordial. Comme le montre le chapitre 6, où l’on compare les interventions de la France, de l’Espagne, de l’Italie et de la Suède, les missions menées par les organisations régionales européennes ont majoritairement été déployées en Europe, où leur durée est plus longue, et elles ont été plus nombreuses que celles des Nations Unies. Capable de prendre le relais de l’onu quand l’Organisation peine à constituer une coalition multilatérale, l’ue est devenue, pour reprendre la formule en conclusion, « le meilleur partenaire des Nations Unies ». Parallèlement, ce renforcement du rôle de l’ue contribue à la décentralisation de la sécurité collective au profit du minilatéralisme. Celle-ci participe d’une sélectivité accrue de la part des États, qui font varier les partenariats selon les crises dans un souci d’efficacité diplomatico-économique. Recentrer le maintien de la paix sur les organisations régionales et les coalitions ad hoc vise à mieux contrôler les responsabilités et les retombées des opérations, dont les coûts peuvent être plus élevés que les bénéfices. L’option minilatéraliste n’est donc pas exempte d’une ambition de « dominer pour influencer », qui ne saurait toutefois, comme le souligne Kathia Légaré, être confondue avec une nouvelle forme de tutelle, voire d’impérialisme, car elle constitue principalement une réponse à la transformation des relations internationales. Le contexte international a changé et, avec lui, les causes de la guerre. La faillite d’un État, les manquements à l’état de droit, les faiblesses de l’économie sont autant de composantes à intégrer pour consolider la paix. C’est pourquoi les missions de paix visent désormais à reconstruire les institutions, l’administration, le système judiciaire et l’économie, à organiser des élections, professionnaliser les médias, etc. Mais l’ambiguïté majeure de ces nouvelles missions « intégrées » ressortit à leur nature de plus en plus intrusive. La consolidation de la paix implique une limitation de la souveraineté de l’État concerné qui va à l’encontre du principe d’autogouvernement. Là réside la contradiction intrinsèque des missions dont les …