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Introduction

Cet article présente une synthèse des connaissances liées au développement des études universitaires en communication au Québec. L’étude de la communication dans les universités au Québec a débuté dans les années 1960 et a été influencée par d’autres domaines comme la psychologie, l’économie, la sociologie et la littérature, et d’autres pays comme la France, les États-Unis et l’Angleterre. Nous avons analysé le développement et l’évolution des études en communication dans les sept universités québécoises offrant au moins un programme aux cycles supérieurs menant à la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse. Nous souhaitons mettre en lumière leurs particularités.

Cet article se divise en quatre parties. La première est consacrée au développement des études en communication dans les universités canadiennes hors Québec, puisque les études en communication au Québec se sont développées simultanément aux études canadiennes en communication[1]. La deuxième partie rend compte de la méthodologie utilisée pour la recension des écrits et la réalisation des entretiens[2]. La troisième partie présente la synthèse des connaissances sur le développement et l’évolution des départements et programmes universitaires en communication au Québec. Cette synthèse met en exergue la naissance des départements et programmes de communication au Québec et leur trajectoire au cours des quarante dernières années au sein des sept universités québécoises qui offrent un programme d’études supérieures en communication, en complémentarité du travail amorcé par De la Garde et Yelle (2002). En guise de quatrième partie, une réflexion sur ce développement clôt le présent article.

1. Les études en communication au Canada hors Québec

La mise sur pied en 1951 de la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences au Canada (ou Commission Massey-Lévesque) est l’événement considéré comme le point de départ des analyses sociopolitiques de la communication au Canada (Robinson, 2000). À la recherche d’une identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, le pays, auparavant soumis à l’hégémonie politique britannique, fait face à l’hégémonie économique états-unienne et tente de gérer les disparités entre les francophones et les anglophones. La Commission Massey-Lévesque, en s’intéressant aux médias, collabore au développement de plusieurs secteurs dans le domaine de la culture, ayant ainsi un impact sur l’émergence de la communication comme discipline universitaire. De fait, plusieurs chercheurs croient que les intentions de l’État ont pu influencer la façon de penser et de faire la recherche en communication, en particulier sur les industries culturelles, dans les universités (Dorland, 1996). L’institutionnalisation de la communication au pays aurait donc été influencée entre autres par les priorités étatiques qui ont dicté les débuts de cette institutionnalisation, ainsi que par trois facteurs mis en exergue par Dorland :

la nécessité pour l’État […] d’acquérir des informations relatives aux politiques par l’entremise de commissions royales et de groupes de travail spéciaux créés pour examiner les problèmes liés aux médias, les besoins de l’État […], l’utilisation de l’économie, et en particulier de l’économie politique, pour lutter contre l’impérialisme [et] la doctrine sociale de l’Église catholique[3] [traduction libre]

2002, p. 48

1.1 Le commencement des programmes de communication

C’est à partir de 1944 que les premiers cours de journalisme sont offerts, l’institutionnalisation du premier programme de journalisme au Canada arrivant en 1945 au Carleton College[4] à Ottawa (Robinson, 2000; Yelle, 2004). Neatby et McEowan (1993) expliquent la manière dont le collège est passé d’une école du soir à une université accréditée, sous la tutelle de Henry M. Tory, ancien président de l’Université d’Alberta. Carleton était en fait la première institution postsecondaire à s’établir en Ontario au début du XIXe siècle et visait principalement l’enseignement aux individus moins privilégiés. En 1946 s’ajoute un programme de journalisme à l’Université Western Ontario, suivi, en 1949, par le programme de journalisme de l’Université Ryerson de Toronto, qui était à l’époque un institut polytechnique (Ryerson Polytechnical Institute) (Tate et al., 2000; Yelle, 2004).

Au Canada anglais, les années 1960 à 1980 marquent la création de plusieurs départements de communication, et ce, plus particulièrement en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique (Ramírez, 2010). En 1970, Dallas Smythe instaure un programme d’études en communication à l’Université de la Saskatchewan (Lorimer, 2000; Yelle, 2004). Économiste canadien spécialisé en politique des médias, Smythe a enseigné les communications et l’économie à l’Université de l’Illinois jusqu’en 1963 avant de revenir au Canada (Dervin, 1993). Pour certains, ses travaux revêtent une importance considérable sur la scène internationale, particulièrement ses recherches sur les défaillances politiques et économiques du système capitaliste (Mansell, 1995).

1.2 La naissance de revues scientifiques et d’associations professionnelles

En plus de la création de programmes et de départements au sein des universités canadiennes, la fin des années 1970 se caractérise aussi par la mise sur pied d’associations professionnelles rassemblant des chercheurs en communication ainsi que par la création de revues universitaires et de congrès (Ramírez, 2010), ce qui contribue à légitimer l’institutionnalisation de la communication au Canada. À titre d’exemple, le Canadian Journal of Communication (CJC) est une revue de communication créée en 1974 (Ramírez, 2010) rattachée à l’établissement du programme en communication de l’Université York, en Ontario. Elle a été fondée sous le titre Media Probe, qu’elle a gardé jusqu’en 1978.

Deux associations professionnelles en communication voient également le jour à ce moment : l’Association for the Study of Radio and Television (ASCRT) en 1978 et l’Association canadienne de communication (ACC), fondée en 1980. Cette dernière est, encore aujourd’hui, l’association professionnelle canadienne spécialisée regroupant le plus de chercheurs en communication au pays (Ramírez, 2010). Le premier congrès de l’ACC, qui se tient en 1981, donne lieu à une première publication canadienne bilingue sur les études en communication. Son objectif est de « démontrer les problèmes étudiés, les méthodes et l’ampleur de la recherche en communication » (Ramírez, 2010, p. 31), donc de produire un état des connaissances. En 1982, le deuxième congrès de l’ACC bonifie cet état des connaissances à partir de conférences données par des chercheurs de l’est du pays (dont l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse) et de la Saskatchewan.

La mise sur pied d’associations professionnelles liées à la communication, avec l’organisation de congrès et la création de revues universitaires, permet donc de structurer les études en communication au Canada, en plus d’encourager des chercheurs de partout au pays à prendre part à la discussion et de légitimer son institutionnalisation.

1.3 L’institutionnalisation des études en communication

Les décennies 1980 et 1990 constituent un point culminant dans l’institutionnalisation de la communication, alors qu’une quinzaine d’universités créent de nouveaux programmes dans le Canada hors Québec. Ces deux décennies sont également porteuses de quelques textes visant à cerner les études canadiennes en communication. Notamment, De la Garde (1988) explique que l’État joue un rôle important dans le développement des départements de communication, entre autres par les subventions de recherche disponibles aux institutions et à leurs chercheurs. Les contributeurs au Millenium Issue du CJC mettent à jour les connaissances sur la création et l’évolution des programmes et départements de communication dans tout le pays. À titre d’exemple, Lorimer (2000) présente les sujets d’étude priorisés par les professeurs en communication au Canada, et Babe (2000) s’intéresse à cinq théoriciens ayant forgé les contours des études canadiennes en communication. En 2002, Dorland publie Knowledge matters: The institutionalization of communication studies in Canada, article mettant en lumière, entre autres, le fait que les études anglaises ont largement participé à l’émergence des études canadiennes en communication, au même titre que la sociologie et le public speech (rhétorique, études journalistiques et speech communication).

En ce qui concerne le développement des programmes et départements de communication au Canada, leur nombre ne cesse de croître depuis le début des années 2000. Selon notre recherche, en 2019, plus de 200 programmes universitaires en communication sont offerts au Canada (y compris au Québec) au sein de 61 universités, tous niveaux confondus : 21 doctorats, plus de 50 programmes de deuxième cycle et plus de 120 programmes de premier cycle. De ces établissements, onze se trouvent en Colombie-Britannique, cinq en Alberta, deux en Saskatchewan, trois au Manitoba, trois au Nouveau-Brunswick, un à l’Île-du-Prince-Édouard, trois en Nouvelle-Écosse, un à Terre-Neuve-et-Labrador. L’Ontario en comptabilise le plus grand nombre avec dix-neuf. Finalement, au Québec, ce sont 13 universités qui proposent des programmes en communication[5].

Force est de constater que l’institutionnalisation des études en communication au Canada est caractérisée par une évolution fulgurante. Qu’en est-il au Québec? Pour répondre à cette question, nous nous sommes penchés sur le développement des études en communication dans les sept universités au Québec offrant au moins un programme aux cycles supérieurs menant à la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse, soit l’Université McGill (McGill), l’Université de Montréal (UdeM), l’Université du Québec à Montréal (UQAM), l’Université Concordia (Concordia), L’Université Laval (ULaval), l’Université de Sherbrooke (UdeS) et l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)[6].

2. Méthodologie

Pour réaliser cette synthèse des connaissances, nous avons d’abord fait une recension et une synthèse des écrits scientifiques et de la littérature grise. Une recherche dans les banques de données (Academic Search Complete, Communication & Mass Media Complete, Proquest Dissertations & Theses Global, SAGE Journals Online, Scopus, Sociological Abstracts), une recherche manuelle dans les références pertinentes, de même que la recommandation de textes pertinents suggérés par des collègues et la consultation des sites internet des universités nous ont menés à consulter 76 sources à propos du développement et de l’évolution des études en communication au Québec et des éléments les constituant. Pour cette synthèse des connaissances portant spécifiquement sur le développement des programmes universitaires, 19 références ont été utilisées. Nous avons également mené six entretiens qualitatifs auprès de fondateurs et de directeurs[7] des départements ou de programmes universitaires en communication dans les universités où sont offerts des cours aux cycles supérieurs (maîtrise avec mémoire et/ou doctorat). Le but de cette démarche était de mieux connaître les contextes de la naissance des départements et programmes de communication au Québec et leur trajectoire au cours des quarante dernières années. Ces entretiens ont été nécessaires pour pallier l’absence d’une documentation qui nous aurait permis de connaître au minimum la culture des départements dans lesquels sont offerts les programmes des cycles supérieurs en communication au Québec. Ils ont également permis de recueillir les perceptions d’acteurs ayant participé à la création et au développement de ces départements et programmes, perceptions qui ne se trouvent habituellement pas dans les écrits.

Les entretiens ont été menés avec des fondateurs et directeurs de départements ou de programmes de communication où sont dispensés des cours aux cycles supérieurs (maîtrise avec mémoire et/ou doctorat) en communication. Clarifions que six entretiens ont été réalisés bien que sept universités proposent des cycles supérieurs en communication; certains des fondateurs et directeurs rencontrés ont pu discuter du développement et de l’évolution des études en communication de plusieurs universités étant donné leur expérience. Les participants, dont la confidentialité est respectée, ont été interrogés individuellement au sujet de la création, du développement et de l’évolution des départements et programmes de communication (département d’attache et autres), ainsi que sur leur perception de ces événements en regard du contexte (gouvernemental, institutionnel et social) de l’époque concernée et actuelle.

Les six entretiens ont été menés entre juillet 2015 et février 2016 : certains des individus rencontrés avaient terminé leur carrière, d’autres ont pris leur retraite depuis, d’autres encore sont actifs et employés dans le milieu universitaire. Nous avons interviewé des hommes et des femmes, mais, afin de conserver l’anonymat, nous emploierons le terme interviewé au masculin, suivi d’une numérotation de 1 à 6, pour référer aux personnes rencontrées. La durée des entretiens totalise 440 minutes et 13 secondes. Précisons que les informations présentées dans la section suivante sont tirées des écrits scientifiques, de la littérature grise et des propos qui ont été recueillis dans le cadre de ces entretiens. En ce sens, un récit différent ayant les mêmes objectifs, mais provenant de sources plus ou moins similaires pourrait être écrit par d’autres chercheurs.

La collecte et l’analyse des données (entretiens, écrits scientifiques et littérature grise) se sont faites de manière non systématique, simultanée et itérative. De fait, les entretiens ne sont pas un outil inhérent à une démarche empirique, mais servent plutôt de compléments à une recension des écrits dont la visée est théorique, soit bonifier la synthèse des connaissances. Ainsi, nous qualifions de non systématique la recension des écrits puisque nous n’avons pas suivi les prémisses d’une revue systématique de la littérature, telles que définies par Shamseer et ses collègues (2015), par exemple. Plutôt, notre collecte et l’analyse des données ont été réalisées simultanément et de manière itérative. Rappelons que nous avons mené des entretiens pour pallier l’absence d’informations dans les écrits. Par exemple, si, à la suite d’un entretien, l’interviewé pouvait nous mener à consulter de nouveaux écrits, ceux-ci servaient à bonifier notre synthèse des connaissances, ce qui permettait d’inclure de nouvelles avenues de questionnements lors des entretiens subséquents.

3. Résultats : le développement des études universitaires en communication au Québec

Nous présentons ici les caractéristiques des universités et de leurs programmes de communication selon les décennies (1960 à aujourd’hui). Afin d’alléger le texte, nous avons retenu les informations principales et pertinentes liées au développement des départements de communication, des programmes de maîtrise menant à la rédaction d’un mémoire et des programmes de doctorat menant à la rédaction d’une thèse. Les quelques informations mentionnées à l’égard des programmes de premier cycle ou des programmes courts ont une importance majeure dans le développement de certains programmes et départements. Nous avons également sélectionné des informations qui permettent de comprendre que les contextes étatique, institutionnel et social ont participé au développement et à l’évolution des études en communication au Québec. La Figure 1 résume le développement des programmes de maîtrise et de doctorat en communication au Québec dont il sera entre autres question dans cette section des résultats.

Figure 1

Dates de création des programmes de maîtrise et de doctorat en communication au Québec

-> See the list of figures

3.1 La décennie 1960

Il faut attendre 1965 avant que le premier programme de baccalauréat en communication ne soit instauré au Québec, au Loyola College (Dorland, 2002; Laramée & Vallée, 1991), alors que le Département de communication (Department of Communication Studies) y est officialisé en 1968 (De la Garde, 1988). Loyola College fusionne en 1974 avec l’Université Sir George Williams, ce qui crée Concordia, et ouvre le programme Communication Arts, voué à l’enseignement et à l’étude de la communication, et où la littératie médiatique prend une place importance dans l’enseignement (Robinson, 2000). Le jésuite Jack O’Brien instaure le programme, appuyé par une équipe de professeurs : Charles Gagnon, Marc Gervais, John Buell et Gail Valaskakis (Robinson, 2000).

En 1968 naît un programme de premier cycle en journalisme et information à ULaval (Yelle, 2004), instigué par Monseigneur Marcel Lauzon, doyen de la Faculté des arts, alors que l’institution est encore régie par une double charte : la charte de la Reine Victoria et la charte du Vatican (Interviewé 3). À cette époque, les étudiants reçoivent une mention « journalisme et information » lorsqu’ils complètent les 36 crédits de la concentration éponyme.

En 1969, un premier programme de communication débute à l’UdeM. Affilié au Département de psychologie, il fait partie d’une section communication et offre des cours de premier cycle (Robinson, 2000). Sous le groupe fondateur, qui comprenait alors Annie Méar, Pierre Boudon, James R. Taylor et André H. Caron, le programme est d’abord orienté sur l’aspect social de la communication (Robinson, 2000).

3.2 La décennie 1970

McGill propose le premier programme de maîtrise en communication en 1973. Il s’agit plus précisément du programme Communication Studies, faisant partie du Graduate Program in Communication du Department of English. En 1975, ce sont Donald Theall et Gertrude J. Robinson qui prennent en charge le premier doctorat en communication au Québec et au Canada, également issu du Department of English (Robinson, 2000; Yelle, 2004). Les étudiants se voient ainsi décerner un Ph. D. in English avec la mention Communication. Selon Robinson (2000), c’est notamment grâce à Theall, ancien étudiant de Marshall McLuhan et à ce moment à la tête du département, que le programme prend forme. C’est lui qui aurait instauré un séminaire interdisciplinaire pour discuter avec plusieurs professeurs (Irena Bellert, Myrna Gopnik, Bill Hillgartner, Yvan Lamonde, Jacques Languirand, Hugo McPherson, Peter Ohlin, Gertrude J. Robinson et Darko Suvin) de la possibilité d’offrir les programmes de cycles supérieurs en communication à McGill. Après une année, les discussions informelles auxquelles ont pris part ces professeurs débouchent sur la création du Graduate Program in Communication (1973). Alors administré par le Department of English, il l’est depuis la fin des années 1990 par le Department of Art History and Communication Studies. L’une des particularités de cette université est notamment qu’aucun baccalauréat en communication n’y soit offert; seule une mineure en études de la communication de 18 crédits est proposée aux étudiants. L’accent est ainsi mis sur les études supérieures, la maîtrise et le doctorat étant d’ailleurs les premiers programmes de deuxième et troisième cycles en communication offerts au Québec, respectivement en 1973 et 1975.

En 1973, l’UQAM emboîte le pas aux programmes de baccalauréat déjà existant et propose la création d’un Département de communication, placé sous la responsabilité de Jean‑Paul Lafrance, Serge Proulx, Marquita Riel et Gaëtan Tremblay (CREPUQ, 1977; De la Garde, 1988; Tremblay, 2014). L’interviewé 4 révèle que ce département est issu d’une affiliation entre un programme de psychologie des relations humaines et un programme intitulé « sciences de l’information ». Les relations humaines constituent, selon cet interviewé, un axe important orientant la formation et la recherche dans cette université. C’est en 1973 que l’UQAM propose qu’un baccalauréat en information culturelle, qui sera renommé un peu plus tard baccalauréat en communication, ainsi qu’un baccalauréat en relations humaines fassent partie du Département de communication. Le département et les programmes sont « officialisé[s] en 1975 en présence du ministre des Communications et des Affaires culturelles du Québec » (Tremblay, 2014, p. 5). À ce moment, les programmes offerts à l’UQAM se distinguent de ceux des autres programmes universitaires en communication sur le plan de la structure, puisqu’ils s’attardent à l’organisation économique des médias de masse, à l’expérience marginale en information, au stage et à la production, à l’apprentissage intensif d’un médium et à la communication de base (CREPUQ, 1977).

Créature du contexte social et politique des années 1960, université prolétaire ouverte aux générations dont l’accès aux études supérieures était plus difficile dans les années 1950 et 1960, l’UQAM, comme le rappelle l’anecdote confiée par l’interviewé 3, a été délibérément construite au-dessus d’une station du métro et ne disposait à l’origine que d’une quarantaine d’espaces de stationnement. Une nouvelle génération d’étudiants est apparue et, dans la foulée, plusieurs programmes. Cela aurait participé à la concurrence entre les programmes et les universités qui en marque toujours le développement aujourd’hui.

C’est en 1974 que l’UdeM offre un programme de deuxième cycle en communication (Interviewé 6). Au tout début, le programme se nomme Sciences de la communication et est offert par le Département de psychologie, section communication, tout comme les programmes de premier cycle. Ce programme, proposant notamment des cours sur la psychosociologie des communications et l’analyse des messages, vise à « faciliter l’entrée à la maîtrise en sciences des communications » (CREPUQ, 1977, p. 56). En effet, il s’agit d’une formation scientifique, plutôt que professionnelle, qui met l’« accent sur la communication organisationnelle et sur les médias de masse et nouvelles technologies » (Paquette, 1997, p. 30).

En 1978, le Département d’information et de communication est créé à ULaval (Demers, 2008). Michel de Repentigny, Jacques Lemieux, Jacques de Guise, Roger De la Garde, Florian Sauvageau, Line Ross, Jean-Guy Lacroix et Benoit Lévesque font partie des professeurs fondateurs de ce département, là où l’accent était, et est toujours, mis sur le journalisme et les relations publiques (Interviewé 3). Les premiers professeurs proviennent majoritairement du Département de sociologie ou sont des professionnels oeuvrant dans des entreprises, comme des journalistes ou des relationnistes. Dans les années 1970, ULaval devient une institution laïque; le premier recteur de ce nouveau régime est nommé par le ministère de l’Éducation (Interviewé 3). Ce changement semble avoir entraîné une prise de conscience chez les professeurs, qui ont souhaité s’unir au sein du premier syndicat de l’établissement universitaire.

Les années 1970 représentent également l’arrivée des premiers cégépiens dans les universités. Le développement des programmes à ULaval serait notamment attribuable à la volonté des diplômés des cégeps d’étudier en communication. L’interviewé 3 rapporte que c’est également une époque où de grands changements s’opèrent dans la société, notamment le renforcement de l’indépendance des médias à l’égard de la politique et de la religion. Or ces médias avaient besoin de travailleurs formés, ce qui explique le développement de programmes professionnels en communication à ULaval. Ces programmes semblent aussi avoir été propulsés par l’explosion des médias de masse, comme la télévision, des modèles de carrière se forgeant avec l’arrivée de vedettes de l’information, ceux-ci incitant les étudiants à rechercher les moyens d’intégrer ce type de carrière.

En outre, les avancées technologiques et informatiques semblent avoir participé au développement des programmes de communication au Québec. De même, les gouvernements ont décidé de s’investir de manière importante dans la gestion de l’information à transmettre et ainsi de devenir un acteur de la production et de la circulation de l’information (Interviewé 3; Lacroix & Lévesque, 1984). La publicité devient aussi de plus en plus intéressante pour les ministères, qui prennent conscience de l’importance de l’opinion publique. Ainsi, en plus d’être un phénomène nouveau, la communication rejoint l’aspect identitaire et social de l’action gouvernementale. Les programmes de communication semblent donc se développer en réaction à ces transformations et peu en regard de principes épistémologiques et théoriques.

3.3 La décennie 1980

C’est en 1980 que la section de communication du Département de psychologie de l’UdeM devient le Département de communication. Son premier directeur est James R. Taylor. Selon l’étude réalisée par la CREPUQ en 1977, les professeurs affectés au programme de maîtrise soutiennent qu’une importance est accordée, entre autres, aux aspects sociologiques des communications, aux théories et à l’analyse des systèmes, à l’utilisation des communications comme moyens de changement ainsi qu’à la télévision; en somme, des aspects scientifiques des études en communication plutôt que professionnels.

En 1982, l’UQAM fonde sa maîtrise en communication, qui offre quatre profils de formation : « médias et technologies d’information et de communication, communications organisationnelles, communications internationales, multimédia interactif » (Paquette, 1997, p. 30). Quant à Concordia, elle propose une maîtrise en communication en 1983, sous l’appellation Media Studies.

En 1987, ULaval donne l’appellation « communication publique » à la maîtrise dorénavant offerte (Demers, 2008). Cette dénomination est notamment choisie par le département de façon à se distinguer des autres programmes similaires offerts au Québec et vise principalement à former des professionnels de la communication publique pour le marché du travail (Paquette, 1997).

À l’UdeS, les départements d’études anglaises et d’études françaises sont fusionnés en 1987 pour créer le Département des lettres et communications (Interviewé 6). Ainsi, bien que le programme en communication de l’UdeS débute en 1977, au sein du Département d’études françaises, sous l’appellation « rédaction-française et communication » (Yelle, 2004, p. cxl), c’est vers la fin des années 1980 que l’angle communicationnel prend officiellement une place au sein de l’université.

Le contexte nationaliste des années 1960 et 1970, de même que la création du ministère des Communications au Canada (1968), du ministère des Communications au Québec (1969) et du réseau de l’Université du Québec (UQ; 1969) semblent avoir joué de concert en faveur de l’institutionnalisation des programmes de communication (Lacroix & Lévesque, 1984; Proulx, 1979). Selon les interviewés 3, 5 et 6, il s’agit également du point de départ de la création du programme de doctorat conjoint, qui rassemblait à l’origine Concordia, McGill, l’UdeM et l’UQAM, mais dont McGill s’est retiré avant même que le doctorat soit officiellement créé en 1987. Gaëtan Tremblay (UQAM), Maurice Charland (Concordia) et Luc Giroux (UdeM) sont les professeurs qui entreprennent « les premières démarches qui aboutiront à la création [du] doctorat conjoint en communication en 1987 » (Tremblay, 2014, p. 7).

La création du doctorat conjoint en 1987 (De la Garde & Yelle, 2002), le premier et seul doctorat bilingue en communication en Amérique du Nord, exprime entre autres le désir du Québec de faire sa place dans la communauté scientifique, tant sur le plan national qu’international, et augmente ainsi la légitimité de l’étude de la communication dans les universités. La mise en place de ce doctorat est motivée par une demande du ministère des Communications du Québec pour signaler l’importance de la communication, encore jeune dans la province (Interviewé 3). Le gouvernement voulait consolider la recherche en communication par ce doctorat, puisqu’elle était maintenant d’intérêt pour la sphère politique. Ce doctorat proposait alors quatre axes : « aspects sociaux et culturels des technologies d’information, analyse des discours et des messages médiatisés, organisation et réseaux de communication, communication et développement » (Paquette, 1997, p. 30).

3.4 La décennie 1990

En 1996, le Département de communication de l’UQAM offre un programme de premier cycle en relations publiques. En 1997, un profil médias interactifs s’ajoute à ceux en télévision et en cinéma, qui faisaient d’ores et déjà partie du baccalauréat en communications médiatiques.

À l’UdeS, au début des années 1990, la majeure en rédaction-française et la mineure en communication forment le baccalauréat en études françaises, cheminement rédaction-française et communication. Dans ce baccalauréat, les cours de communication sont d’abord uniquement enseignés par des chargés de cours et portent sur les capacités de rédaction des étudiants. Ainsi, les études en communication à l’UdeS sont étroitement liées à la langue française et au langage, et moins à la littérature. C’est en 1992 que les premiers professeurs en communication sont engagés, notamment pour mettre à jour la mineure en communication et insérer des cours sur les théories. C’est en 1994 que l’UdeS propose un cheminement de deuxième cycle en rédaction-communication, et ce, dans le cadre de la maîtrise en études françaises (De la Garde & Yelle, 2002). Le développement des programmes en communication offerts à l’UdeS semble s’être réalisé parallèlement aux crises financières, et donc aux périodes caractérisées par la réduction des subventions gouvernementales consacrées à l’embauche de professeurs, ce qui paraît avoir nui à l’évolution de ces programmes (Interviewé 6). Néanmoins, le baccalauréat en communication attire les étudiants, entre autres en raison de ses trois stages en milieu professionnel rémunérés, et doit être contingenté pour respecter la capacité d’accueil de l’université et des professeurs. Pour l’interviewé 6, c’est justement le fait que chacun des programmes montre des influences disciplinaires différentes qui rend la communication au Québec intéressante et particulière.

Les années 1990 sont aussi le moment où McGill fusionne son programme d’histoire de l’art et son programme de communication en un seul département. Selon l’interviewé 1, cette opération aurait minimisé l’influence et l’importance des études en communication à McGill; il semble que l’objectif était de maintenir le programme d’histoire de l’art, bien que plus de 90 % de la diplomation des étudiants proviennent en réalité des programmes de communication.

Le programme de communication sociale de l’UQTR voit le jour en 1997, tirant ses origines du programme de génagogie, une formation menant le diplômé à intervenir et à soutenir le développement des compétences sur le travail d’équipe et dans la consolidation d’équipe (Septembre Éditeur, 2016). À ses débuts, le programme fait partie du Département de loisirs et communication sociale, avant d’être pris en charge par le Département de lettres, qui devient au début des années 2000 le Département de lettres et communication sociale (Interviewé 2). L’axe de la communication sociale semble avoir été proposé afin de permettre à l’UQTR de se distinguer à la fois des autres universités offrant des programmes de communication et en réaction à une certaine analyse de l’état de la société québécoise. Par exemple, la délocalisation des entreprises, les fractures vécues par les familles et l’éloignement de la religion ont constitué des « paramètres classiques » qui témoignent des changements observables au Québec et qui affectaient la société (Interviewé 2).

3.5 La décennie 2000

En 2001, le Département des lettres et communications de l’UdeS offre un baccalauréat en communication, rédaction et multimédias. En effet, à la suite de reconfigurations des programmes du secteur des lettres, « le baccalauréat en études françaises de l’établissement, qui offrait trois domaines de spécialisation, a été scindé en deux programmes distincts : le baccalauréat en études littéraires et culturelles et le baccalauréat en communication, rédaction et multimédia » (CREPUQ, 2002, p. 4). En 2007, un nouveau baccalauréat en communication marketing est intégré aux formations offertes dans le département.

ULaval lance officiellement un doctorat en communication en 2005, le seul dans la région de la Capitale-Nationale (Demers, 2008). Il convient de préciser « officiellement » puisqu’un doctorat sur mesure est offert depuis les années 1980 par le même établissement, faisant office d’incubateur pour les étudiants intéressés par un troisième cycle en communication (Interviewé 3).

En 2006, l’UQTR offre un programme de maîtrise en lettres, concentration communication sociale. La communication sociale est demeurée un axe prioritaire dans la concrétisation de la maîtrise, bien que celle-ci soit une spécialisation du programme de lettres (Interviewé 2). Pour l’interviewé 2, il était important que le programme de l’UQTR propose une spécialisation qui se distinguerait des autres programmes offerts afin de perdurer et de créer des liens avec des centres de recherche pour que les professeurs puissent s’imprégner de nouvelles connaissances à transmettre aux étudiants.

Saint-Charles et Mongeau ont fait paraître, en 2005, un ouvrage collectif intitulé Horizons de pratiques et de recherche, portant sur le Département de communication sociale et publique de l’UQAM. Dans cet ouvrage, il est possible de prendre connaissance des traditions de recherche priorisées par les professeurs. Si certains s’intéressent au statut épistémologique et ontologique de la communication, d’autres portent leur attention à l’étude des réseaux humains de communication, au leadership et au mentorat, à la communication internationale, aux questions entourant les relations publiques, de même qu’à l’usage des médias ainsi qu’aux TIC.

3.6 Depuis 2010

Une maîtrise centrée spécifiquement sur la communication fait son apparition en 2012 à l’UdeS. Il est à noter qu’à ce jour l’institution n’offre pas de programme de doctorat en communication. Le Département des lettres et communications a été scindé en mai 2019, pour donner naissance au Département des arts, langues et littératures et au Département de communication (Université de Sherbrooke, 2019). Cette officialisation d’un Département de communication a donné lieu à une certaine dissociation entre les formations en littérature et en langue françaises, les programmes en communication à cette université ayant longtemps été associés aux techniques de rédaction et de langue française.

L’UQTR offre en 2012 le plus récent doctorat (à ce jour) en communication. Comme sa maîtrise, le programme de doctorat est une concentration en communication sociale, intégrée au doctorat en lettres. C’est en outre la fusion avec le Département de lettres qui a permis au doctorat en lettres avec spécialisation en communication sociale de voir le jour. Les professeurs de la section communication sociale se sont rassemblés et ont rédigé un collectif dont la visée était de définir la communication sociale. Introduction à la communication sociale (Perreault & Laplante, 2014) permet de mieux comprendre les intérêts de recherche des professeurs tout en définissant la communication sociale et les manières d’en faire application. En misant sur le concept de « lien social », le collectif présente les domaines communicationnels sur lesquels se penchent les professeurs-chercheurs de l’UQTR, dont : industries culturelles, culture, TIC, sociologie politique, gouvernance, organisations, groupes, relations publiques, communication du risque. Ce panorama semble exprimer un désir de définir les caractéristiques entourant les programmes de communication sociale à l’UQTR et, ainsi, de justifier leur existence. Un collectif intitulé Médias et société. La perspective de la communication sociale (Luckerhoff, 2016) a également vu le jour en 2016. Dans ce collectif se trouvent des chapitres rédigés par des étudiants à la maîtrise en lettres, concentration communication sociale, et leurs directeurs de recherche, qui montrent les intérêts des étudiants aux cycles supérieurs à cette université et les divers objets d’étude, par exemple : les journaux télévisés, les hymnes nationaux et l’identité, les représentations des acteurs politiques, le leadership et la personnalité, la publicité sur le Web et l’affichage sur les portes de bureau en tant que média.

En ce qui concerne le doctorat conjoint en communication, qui regroupe l’UdeM, Concordia et l’UQAM, il est maintenant officiellement aboli. L’interviewé 6 explique qu’un conflit aurait possiblement fait en sorte que Concordia se retire d’abord de cette collaboration. La cessation du doctorat conjoint ne semble pas fragiliser l’avenir des doctorats des trois universités puisque les départements de communication remplissent déjà les critères de base pour offrir un doctorat, comme le nombre de professeurs requis. Ainsi, la situation actuelle semble positive pour les universités qui y étaient impliquées, puisque selon les sites internet des universités concernées, chacune offre désormais son propre doctorat. Elle peut cependant être perçue plus négativement par les étudiants, qui n’ont plus l’opportunité de côtoyer des professeurs et des étudiants des autres universités lors des séminaires.

Le développement et l’évolution des sept universités à l’étude rendent également compte d’une structure de gouvernance des programmes particulière. S’il existe à l’UQAM une Faculté des communications, à l’UQTR les programmes de cycles supérieurs se retrouvent sous le Département de lettres et communication sociale (l’UQTR n’étant pas facultaire). Dans les autres universités, le Département de communication fait partie d’une faculté (Faculté des arts à McGill, Faculté des arts et des sciences à l’UdeM et Concordia, Faculté des lettres et sciences humaines à ULaval et à l’UdeS).

Enfin, certains interviewés (2, 4 et 5) considèrent qu’un domaine de recherche acquiert une existence sociale à la mesure des budgets qu’on lui consacre, des professeurs embauchés, des programmes offerts et des connaissances produites. Ce processus permet de consolider l’existence institutionnelle de ce domaine. C’est entre autres parce que les programmes de communication de l’UQAM regroupent plusieurs dizaines de professeurs et des centaines d’étudiants que l’Université a décidé de créer une Faculté des communications, la seule dans tout le système universitaire québécois. La création de cette faculté a permis aux programmes et à la recherche de rayonner et de se tailler une place dans l’espace public, tout en offrant des leviers d’intervention, notamment pour créer des programmes, ainsi que l’autonomie nécessaire à l’organisation d’événements scientifiques et à l’encadrement de collaborations interdisciplinaires. Selon l’interviewé 4, de manière générale, c’est l’existence sociale d’un domaine de recherche qui l’établit et le consolide, et non seulement ses fondements épistémologiques et théoriques. En conséquence, la communication se serait institutionnalisée plus rapidement que son développement scientifique ou épistémologique en raison de l’engouement social qu’elle a provoqué.

4. Réflexion sur la synthèse des connaissances

La synthèse des connaissances montre que les programmes de communication découlent de diverses influences disciplinaires et témoignent des changements vécus par la société québécoise. Elle laisse aussi entrevoir que le développement des départements et programmes de communication a été influencé par les contextes étatique, institutionnel et social et que les professeurs présents au début de la création de ces départements et programmes ont rejoint l’engouement suscité par leur développement.

Les premières universités à offrir des programmes de communication ont fait face à l’enjeu de définir leurs particularités et, de ce fait, ce qu’est la recherche en communication au Québec. À la suite du développement de multiples programmes et départements jusque dans les années 1990, les universités se sont ensuite vues contraintes de montrer comment leurs nouveaux programmes se distinguaient des autres. La dualité marquant le rapport entre les programmes professionnalisants et les programmes plutôt théoriques ou scientifiques se percevait également dans les départements et universités étudiés, et cela se remarque encore aujourd’hui, alors que les universités misent sur les particularités de leurs programmes pour attirer les étudiants. Cela était un fait dans les années 1970 (Bourdieu, 1976) et l’est encore aujourd’hui; c’est notamment ce qu’Éric George a expliqué lors de la conférence qu’il a prononcée au séminaire du CRICIS en février 2018 : chaque domaine qui se développe semble le faire en opposition à ce qui s’est fait auparavant, de manière à se distinguer. Ainsi, les départements de communication doivent se distinguer les uns des autres, tout en participant collectivement à définir les études en communication.

La multitude des programmes offerts permet également de noter des croisements entre les caractéristiques de chacun de même qu’entre les perspectives mises en avant par les universités. Par exemple, à McGill, c’est l’affiliation des programmes à l’histoire de l’art qui la singularise. L’UQAM mise plutôt sur une spécialisation centrée sur les médias ainsi que la communication sociale et publique, cette dernière révélant un mélange entre les particularités de l’UQTR (communication sociale) et de ULaval (communication publique). Les programmes de communication de l’UdeS et de l’UQTR font partie d’un département associant les lettres et la communication, du moins jusqu’en 2019 pour l’UdeS, année marquée par l’instauration d’un Département de communication à cette université. À l’UQTR, les programmes de cycles supérieurs constituent toujours une concentration des programmes en lettres. L’UdeS se distingue également par son orientation en rédaction et en marketing. L’UdeM a pris la voie de la communication organisationnelle et emploie la terminologie sciences de la communication.

Lacroix et Lévesque (1984) expliquent que les premiers programmes et départements de communication au Québec semblent s’être développés selon les influences qui distinguaient alors les universités francophones et anglophones. En ce sens, les influences émanant des départements d’anglais, par exemple la culture, la littérature et la rhétorique, auraient davantage marqué les universités anglophones, alors que les départements de sciences sociales et humaines, et entre autres la sociologie, auraient fortement participé au développement des programmes et départements des universités francophones. Rappelons que les premiers programmes de cycles supérieurs en communication ont été créés à McGill et que cette université a été la première à offrir un programme de doctorat en communication au Québec, mais aussi au Canada. Il est intéressant de constater que ces programmes ont été développés et instaurés dans une université dont la langue d’enseignement principale et de rédaction des travaux est l’anglais, et qui se situe au Québec. Puisque la structure de ces programmes était similaire à celle des programmes déjà offerts aux États-Unis et au Royaume-Uni, particulièrement ceux de l’Université de Pennsylvanie, de l’Université de l’Illinois et de l’Université de Birmingham (CREPUQ, 1977), il est possible que ces premiers programmes aient vu le jour dans une université anglophone parce que les programmes déjà offerts à l’international l’étaient dans cette langue et que certains professeurs ayant trouvé un emploi à McGill portaient ce bagage. Une étude future se penchant sur les influences des études universitaires en communication au Québec de manière plus générale (françaises, américaines, anglaises, etc.) permettrait d’approfondir cette réflexion.

Comme pour le développement des études canadiennes en communication, la synthèse des connaissances met en exergue que le contexte gouvernemental a joué un rôle primordial dans l’émergence des études québécoises en communication. Les initiatives des gouvernements fédéral et provincial, dont la création de plusieurs ministères dans les années 1960 (p. ex., le ministère des Affaires culturelles du Québec en 1961, le ministère canadien des Communications en 1968 et le ministère québécois des Communications en 1969), ont favorisé le développement des études en communication dans les universités (Lacroix & Lévesque, 1984; Proulx, 1979). En outre, les premiers programmes de communication ont vu le jour d’abord en Ontario, mais le développement des programmes de cycles supérieurs s’est fait plus rapidement au Québec que dans les autres provinces et territoires (trente ans pour instaurer les programmes de cycles supérieurs dans le Canada anglophone contre dix ans au Québec) (Robinson, 2000).

Conclusion

Cette synthèse des connaissances a été réalisée à partir d’une analyse des écrits scientifiques, de la littérature grise et de la réalisation d’entretiens, ces derniers ayant permis de recueillir les perceptions d’acteurs qui ont participé à la création et au développement des départements et programmes de communication dans les sept universités retenues pour cette étude, perceptions n’étant pas présentes dans les écrits. Loin d’être en contradiction avec les informations trouvées dans les écrits scientifiques et la littérature grise, les entretiens ajoutent des compléments à notre compréhension et des nuances qui permettent de mieux saisir les caractéristiques propres aux départements et programmes universitaires. La complémentarité de ces deux approches a été essentielle pour arriver à une compréhension du développement des départements et programmes de communication dans les universités du Québec. Nous constatons donc que pour comprendre la manière dont les études en communication se sont développées, il est primordial de prendre en considération la variété des récits diffusés par les chercheurs. Le maillage de l’un et l’autre permet de nuancer les contextes et événements entourant le développement des études en communication. À ce sujet, nous croyons qu’il serait intéressant lors d’une étude future d’ajouter à cette synthèse des connaissances en rendant compte du développement des départements et programmes de communication des autres universités au Québec.