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Les populations du monde entier font face aux conséquences des changements climatiques (CC). En effet, nous sommes témoins de nombreux problèmes environnementaux tels que la perte de biodiversité, l’augmentation de la pollution atmosphérique et la raréfaction des ressources d’eau potable qui sont maintenant considérés comme une menace à la survie des espèces sur Terre (Akehurst et coll., 2012). Devant à cette menace, les acteurs des sphères politiques, sociales et économiques cherchent à mettre en place des actions afin de lutter contre les CC. Les jeunes se sentent préoccupés par ces enjeux et souhaitent jouer un rôle actif dans la lutte aux CC (MacKinnon, Pitre et Watling, 2007 ; Riemer, Lynes et Hickman, 2014). Les acteurs du milieu environnemental ont longtemps misé sur la sensibilisation et la transmission de connaissances pour provoquer des changements de comportements, et ce, autant en milieu formel qu’en milieu non formel[1], à l’extérieur du cadre scolaire traditionnel. Or, il est de plus en plus établi que le seul fait d’être informé n’est pas suffisant pour s’engager dans l’action (Weiss, Girandola et Colbeau-Justin, 2010). Pour générer des changements qui se maintiennent dans le temps, il faut plutôt s’intéresser aux obstacles qui freinent l’adoption d’un nouveau comportement (Champagne et Samson, 2010), ce à quoi s’intéresse la Coop FA[2] à travers son programme Carbone Scol’ERE (CS), d’une part, et par l’intermédiaire de la démarche d’évaluation qu’elle propose. Le programme CS a pour objectif de développer l’esprit critique[3] et la participation citoyenne des élèves, dès l’école primaire, en matière d’habitudes de vie écoresponsables qui favoriseront la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour ce faire, ce programme adopte une approche éducative et collective où les jeunes et leurs parents sont appelés à mieux comprendre leurs rôles dans l’atténuation des CC via l’adoption volontaire de nouvelles habitudes de vie écoresponsables. Des auteurs comme Steg et Vlek (2009) considèrent que des facteurs externes ou internes (par exemple, le contexte ou les habitudes) peuvent également favoriser ou freiner le comportement écoresponsable.

CS est un programme clé en main arrimé avec les apprentissages en Science et technologie au primaire. Il répond au Programme de formation de l’école québécoise, offrant aux élèves de 4e, 5e et 6e années du primaire (9 à 12 ans) l’opportunité de participer à 10 heures d’atelier sur trois à cinq mois et aux enseignants, celle d’évaluer l’acquisition des savoirs essentiels qui s’y rattachent. De façon ludique et positive, les élèves découvrent où se trouvent les GES dans leur quotidien et les gestes à adopter en famille pour les réduire. Il s’agit avant tout d’un mouvement éducatif et collectif[4] où les élèves peuvent devenir de véritables ambassadeurs du virage écoresponsable au sein de leur famille. Le programme est divisé en cinq ateliers en classe. Le premier atelier introduit auprès des participants les concepts des CC et des GES. Par la suite, les trois ateliers suivants sont construits selon le principe d’une analyse de type « cycle de vie » afin de découvrir les sources de GES naturels et anthropiques, de l’extraction de la matière jusqu’à la fin de vie utile des produits, en passant par l’énergie requise et le transport effectué. Les élèves enquêtent sur les objets qui les entourent et sur leurs gestes quotidiens, prenant ainsi conscience que plusieurs gestes et habitudes sont susceptibles d’émettre des GES, et ce, à différents niveaux. Enfin, le dernier atelier permet aux élèves de créer une campagne de communication positive pour ainsi encourager leur entourage à réduire leurs émissions de GES. Tout au long du programme, les participants sont invités à mener des enquêtes à la maison permettant d’observer leurs habitudes de vie écoresponsables déjà acquises et celles qu’ils souhaitent adopter pour réduire leurs émissions de GES domestiques. Le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) est un partenaire clé de CS en matière d’analyse cycle de vie et de quantification des émissions de GES.

Nous souhaitons ici vérifier si l’éducation relative au changement climatique en milieu formel et non formel favorise le développement de l’écocivisme, dans une perspective d’écocitoyenneté, soit une citoyenneté sensible au rapport entre le milieu humain et le milieu naturel souhaitant trouver des solutions innovantes aux divers problèmes sociaux et environnementaux auxquels les citoyens sont confrontés (Sauvé, 2013). Nous établirons un lien entre nos analyses et l’importance de l’éducation aux changements climatiques auprès des jeunes afin de former de jeunes ambassadeurs positifs dans leurs milieux. Afin de démontrer la pertinence d’une jeunesse sensibilisée et motivée à jouer un rôle proactif dans la lutte aux CC, nous présenterons les résultats de nos analyses de notre démarche évaluative dans le cadre de la Carbone Scol’ERE.

Cadre théorique

Selon plusieurs chercheurs, il existe cinq variables influençant l’attitude environnementale et le passage à l’action. Ils sont catégorisés en ordre d’influence (Ewert, Place et Sibthorp, 2005) : 1. Famille et amis 2. Éducation 3. Média 4. Observation d’expériences négatives sur la destruction de la nature 5. Participation à des organisations qui valorisent les expériences de plein air. L’éducation relative à l’environnement en milieu scolaire peut donc amener l’élève à prendre connaissance de l’impact de ses gestes sur les autres, les autres formes de vie et l’environnement, et susciter chez lui le désir de devenir un vecteur de changement au sein de son milieu et d’influencer à son tour ses amis et sa famille. Le programme CS cherche à favoriser la communication entre les enfants et leurs parents afin qu’ils s’engagent collectivement à réaliser de nouveaux défis écoresponsables. C’est d’ailleurs cet élément de connexion avec leur entourage qui permet aux jeunes de passer à l’action et d’adopter des gestes plus écoresponsables. Le sentiment que l’individu fait partie d’un mouvement collectif positif contribue grandement au changement de comportements de celui-ci (Cojuharenco, Cornelissen et Karelaia, 2016).

Des chercheurs ont étudié l’impact des facteurs de motivation d’un individu et comment ceux-ci découlent en grande partie d’un attachement profond à l’environnement naturel et d’une volonté de préserver la Terre (Pruneau et coll., 2006 ; Stocknes, 2015 ; Chadran et coll., 2004). Dans le cadre de la démarche de CS, ces sentiments sont suscités par des activités éducatives à la fois d’une façon affective et cognitive (Pruneau et coll., 2006). D’une part, les enseignants se trouvent interpellés par la réception et la construction d’informations sur les changements climatiques, par des activités de réflexion sur leurs valeurs et par des discussions en classe. Par exemple, les élèves et leur enseignant sont amenés à découvrir les changements climatiques par l’écoute de vidéos présentant deux visions de l’environnement et par l’échange de ce qu’ils retirent de chacune. La première vidéo présente une vision négative de l’environnement où ils prennent connaissance de l’impact des CC sur la planète. La seconde vidéo présente une vision plus positive où ils réalisent qu’en modifiant nos comportements et qu’en s’y mettant tous ensemble, il est possible d’avoir un impact positif dans l’atténuation des CC. D’autre part, les élèves sont interpellés par l’état futur de la planète et l’importance de contribuer à la survie de la faune et de la flore. La dimension affective est également sollicitée par la création d’une vidéo ou par l’élaboration de projets artistiques, par exemple.

Dans Pruneau et coll. (2006), on expose également différents facteurs contribuant aux changements de comportements tels que la participation à une communauté de changement, aussi appelé un groupe de support, la facilité des actions à mettre en place de même que l’appui familial. Dans le programme CS, la communauté de changement est constituée des enseignants, des élèves et de leurs parents. En effet, ceux-ci échangent régulièrement à propos de leurs changements de comportements initiés par le programme CS, ce qui nous porte à croire que cela les motive à poursuivre leurs efforts et renforce, chez chacun, la confiance que le comportement individuel peut faire une différence. De surcroit, la présence de stratégies (trucs) pour se rappeler de l’action à réaliser, l’aide d’un membre de la famille et l’engagement pris face à un groupe constituent d’autres facilitateurs ayant été identifiés par des chercheurs du domaine (dont Pruneau et ses collaborateurs). Le programme CS renforce l’impact de la communauté en donnant un accès privé à un portail Web à tous les élèves participants à travers le Québec. Ils peuvent ainsi prendre conscience que d’autres jeunes passent à l’action et ils peuvent échanger entre eux via différentes fonctionnalités du portail.

À l’opposé, plusieurs facteurs limitant les changements de comportements sont également relevés dans la documentation scientifique analysée. Ainsi, le manque de temps, la non-sensibilisation de l’entourage, l’oubli et la fatigue font partie des principaux facteurs qui limitent l’adoption de nouveaux comportements. D’ailleurs, certains de ces facteurs ont également été identifiés par Champagne St-Arnaud et Samson (2022) dans l’analyse d’un autre programme éducatif en milieu non formel, lequel vise la mobilisation des jeunes dans la lutte aux changements climatiques.

De plus, Stocknes (2015) évoque l’existence de cinq barrières psychologiques qui freinent l’adoption de comportements environnementaux visant les CC. Dans un contexte de sensibilisation, il est important de minimiser les cinq éléments suivants : la distance perçue des CC ; le sentiment d’échec face à cet enjeu ; le déni qui est souvent utilisé pour éviter le sentiment de culpabilité ; la distance cognitive c’est-à-dire l’incohérence entre les gestes de l’individu et le problème, de même que le manque de sentiment d’appartenance.

Finalement, selon Hershfield et coll. (2004), les conditions suivantes doivent être présentes pour qu’une personne adopte un comportement donné. Tout d’abord, la personne doit avoir fermement l’intention d’adopter le comportement, il ne doit pas y avoir de barrières environnementales rendant le comportement impossible et la personne doit posséder les habiletés nécessaires à l’adoption du comportement voulu. Les stratégies connues pour optimiser ces conditions sont la sensibilisation aux risques sérieux et réels dans la situation de la personne, l’identification des obstacles auxquels font face les participants et de tenter d’y remédier ainsi que le partage d’orientations claires et de la formation en vue de l’accomplissement de l’action. À elles seules, ces trois conditions sont jugées nécessaires et suffisantes pour adopter un nouveau comportement. Toutefois, les conditions ci-dessous seront déterminantes dans la modulation de l’intensité et l’orientation de l’intention : la personne croit que les avantages se rattachant à l’adoption du comportement l’emportent sur les désavantages ; la personne ressent davantage une pression sociale à l’égard de l’adoption du comportement qu’à l’égard de la non-adoption de celui-ci ; la personne considère que le comportement correspond à l’image qu’elle a d’elle-même et qu’il respecte ses principes personnels ; la réaction émotive de la personne à l’égard du comportement est plus positive que négative et la personne est sûre de pouvoir adopter le comportement dans différentes circonstances.

Par conséquent, ce cadre théorique clarifie les bases nécessaires afin de comprendre le processus associé aux changements de comportement et à l’adoption de nouvelles habitudes de vie. Comme le programme CS vise l’adoption de nouvelles habitudes de vie plus écoresponsables par les élèves et leur famille, la recherche dont témoigne cet article tente de répondre à la question suivante : Est-ce que l’éducation relative aux changements climatiques en milieu formel et non formel, élaborée par le programme Carbone Scol’ERE, permet le développement d’une écocitoyenneté, via un changement de comportements chez les élèves participants ?

Démarche évaluative de l’analyse de changement de comportements

Afin d’évaluer le niveau de passage à l’action des jeunes et de pondérer la quantité de GES évités par les élèves, la Coop FA procède annuellement à l’analyse du changement de comportements et du maintien des nouvelles habitudes de vie générées par le programme éducatif de CS. Cette mesure est validée par des spécialistes universitaires et externes en changement de comportements et en mesure d’impact. Plus globalement, il s’agit d’une évaluation du programme de CS. Dans une perspective d’amélioration continue de celui-ci, l’évaluation de l’intervention vise à juger de la pertinence des moyens et de leur mise en œuvre au regard de leur efficacité et de leur efficience dans l’atteinte des objectifs ciblés de CS, soit une meilleure compréhension des changements climatiques et du rôle que les élèves et leur famille peuvent jouer dans l’atténuation des CC ainsi que l’acquisition de nouvelles habitudes de vie plus écoresponsables réduisant leur impact carbone.

Ainsi, entre 2015 et 2018, nous avons effectué une cueillette de données quantitatives auprès des élèves, à l’aide de deux questionnaires semblables afin d’en faire une comparaison pré-participation et post-participation. Le questionnaire pré-participation comportait 17 questions et plusieurs sous-questions, et visait essentiellement à connaître le niveau de compréhension et d’engagement des jeunes avant leur participation au programme. Le questionnaire post-participation comportait, quant à lui, 23 questions et plusieurs sous-questions (sauf pour la dernière année) et devait servir à évaluer le niveau d’engagement ainsi que les défis réalisés par les jeunes et leur famille. Le questionnaire post-participation a été rempli plusieurs semaines suivant la fin du programme par les élèves.

Également, quelques semaines après l’étape du questionnaire post-participation, des groupes de discussion (GD) ont été tenus dans diverses écoles participantes. De façon générale, les élèves y ont répondu à des questions portant sur leurs apprentissages dans le cadre de CS et leur compréhension de l’engagement et du rôle de leur famille dans la réalisation des gestes de réduction des émissions de GES à l’aide des défis proposés. Nous tenions à développer en profondeur certains aspects abordés durant le programme, notamment au regard du développement durable, des changements climatiques, de l’effet de serre et de la couche d’ozone.

Portrait des résultats des cohortes entre 2015 et 2018

Pour les trois années de l’évaluation, la distribution des participants selon leur provenance (campagne ou ville) est globalement la suivante : entre le quart et la moitié des jeunes habitaient la campagne alors que le reste était en provenance de la ville. Le tableau suivant présente le pourcentage ( %) des élèves qui ont réalisé au moins un défi au cours de la période évaluée, le % des défis sélectionnés qui ont été réalisés au cours de la période évaluée et le % des élèves qui ont l’intention de poursuivre au moins un défi après la période évaluée.

À la lecture du tableau 1, on constate que les élèves sont impliqués en réalisant au moins un défi au cours de la période évaluée (99 % sur les trois ans). Selon leurs dires, ce sont en moyenne 85 % des défis sélectionnés qui ont été réalisés au cours de la période évaluée. Enfin, le tableau indique que 91 % des élèves ont l’intention de poursuivre au moins un défi après la période évaluée.

Tableau 1

Fréquence des élèves qui sélectionnent au moins un défi, qui réalisent les défis sélectionnés et qui ont l’intention de poursuivre au moins un défi pour les cohortes de 2015 à 2018 de Carbone Scol’ERE

Fréquence des élèves qui sélectionnent au moins un défi, qui réalisent les défis sélectionnés et qui ont l’intention de poursuivre au moins un défi pour les cohortes de 2015 à 2018 de Carbone Scol’ERE

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Au cours de la période couverte par l’évaluation, 14 gestes écoresponsables leur ont été proposés (Tableau 2). Les gestes retenus par les élèves contribuent au développement de leur esprit critique puisque chacun est influencé par sa réalité d’une part, et son environnement scolaire et familial d’autre part. En 2015-2016, 100 % des élèves ont choisi de retenir au moins un défi à relever. Pour la cohorte de 2016-2017, 99 % des élèves ont relevé au moins un défi au cours de la période évaluée. À la lumière des résultats de 2017-2018, on observe que 383 répondants sur 400 donc près de 97 % des élèves ont réalisé au moins un défi.

Tableau 2

Fréquence et pourcentage des défis initialement sélectionnés/retenus par les élèves de 2015 à 2018[5]

Fréquence et pourcentage des défis initialement sélectionnés/retenus par les élèves de 2015 à 20185

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Nous avons également analysé la proportion des défis qui ont été réalisés par les élèves au cours des trois dernières années. L’échelle de type Likert allant de Jamais, Parfois, Souvent à Constamment a été utilisée pour permettre d’obtenir une fréquence de réalisation.

Ainsi, on observe au Tableau 3 que les trois défis « Garder les objets jusqu’à leur fin de vie utile » (381 ou 95 %), « Éliminer le gaspillage alimentaire » (381 ou 95 %) et « Éviter l’achat des bouteilles d’eau » (375 ou 94 %) sont les défis les plus souvent retenus par les jeunes de la cohorte de 2016-2017 quant à la fréquence de réalisation (parfois, souvent et constamment).

Tableau 3

Fréquence et pourcentage des défis sélectionnés qui ont été réalisés par les élèves et leur famille au cours des trois dernières années[6]

Fréquence et pourcentage des défis sélectionnés qui ont été réalisés par les élèves et leur famille au cours des trois dernières années6

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En comparant les résultats entre les cohortes 2016-2017 et 2017-2018, on observe une certaine stabilité entre les fréquences et les pourcentages des défis sélectionnés qui ont été réalisés par les élèves et leur famille. Ceci montre une stabilité des résultats d’une année à l’autre et met également en évidence les défis qui touchent davantage les élèves.

De plus, une partie des réponses au questionnaire concerne le désir des élèves de poursuivre au moins un défi au cours de l’année suivante. Une analyse et une interprétation des résultats de 2017-2018 à ce sujet montrent que ce sont plus de 95 % des élèves (381/400 élèves) qui ont l’intention de poursuivre au moins un défi l’année suivante (Tableau 4).

Tableau 4

Fréquence et pourcentage des élèves qui ont l’intention de poursuivre au moins un défi après un an

Fréquence et pourcentage des élèves qui ont l’intention de poursuivre au moins un défi après un an

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Pour terminer, le tableau 5 montre la fréquence et le pourcentage des élèves de la cohorte de 2017-2018 qui pensent que la réalisation des défis peut avoir un impact positif sur l’environnement. Globalement et en moyenne, il s'avère que plus des deux tiers des élèves considèrent que de réaliser de tels gestes est positif. Ainsi, le maximum est atteint (76 %) avec « Éviter l’achat de bouteilles d’eau » alors que le minimum est à 56 % pour l’énoncé : « À la maison, baisser la température de 3 degrés le jour et la nuit ».

Tableau 5

Fréquence et pourcentage des élèves qui pensent que les défis réalisés ont impact positif sur l’environnement

Fréquence et pourcentage des élèves qui pensent que les défis réalisés ont impact positif sur l’environnement

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Discussion et conclusion

Les résultats de l’évaluation du programme éducatif montrent que le pourcentage d’élèves ayant retenu et réalisé des défis est important. D’une part, cela indique que le niveau de détermination et de motivation des élèves au regard de la protection de l’environnement est élevé, et ce, même un an après leur participation au programme Carbone Scol’ERE. D’autre part, nos analyses montrent un pourcentage encourageant de participants (élèves) ayant l’intention de poursuivre les défis dans le futur. Ce résultat permet de voir que ces jeunes semblent sensibles aux problématiques liées à l’environnement et qu’ils semblent ainsi déterminés à maintenir leurs nouvelles habitudes de vie faisant la promotion d’un environnement sain. Enfin, la distribution de l’ensemble des défis sélectionnés par les participants tend à montrer que certains défis leur paraissent plus accessibles[7] ou les touchent plus particulièrement, notamment « Éviter l’achat de bouteilles d’eau » et « Marcher ou prendre le vélo quelques jours par semaine », plutôt que de « demander un transport à mes parents ». Ceci rappelant l’une des conditions associées à l’adoption d’un nouveau comportement, soit la certitude de pouvoir adopter celui-ci dans différentes circonstances.

Si l’on en croit les résultats obtenus, les jeunes sont préoccupés par les questions environnementales :

  • Entre 84 % et 94 % des répondants (fortement en accord ou un peu en accord) considèrent qu’il est important de protéger l’environnement.

  • 75 % des répondants (fortement en accord ou un peu en accord) ont le pouvoir de protéger l’environnement.

  • Entre 65 % et 73 % des répondants (fortement en accord ou un peu en accord) reconnaissent qu’ils ont la responsabilité de protéger l’environnement.

Également, presque tous les participants affirment avoir relevé au moins un défi au cours de l’évaluation. Plus des trois quarts ont relevé entre un et six défis. Malgré tout, notre analyse laisse envisager des améliorations possibles du programme. Comment expliquer que près de la moitié (42 %) des élèves d’une certaine cohorte affirme avoir oublié leurs défis ? Comment expliquer que seulement 26 % des élèves ont l’occasion (Très souvent ou Souvent) de parler à leur entourage (famille, amis) des apprentissages réalisés dans le cadre des ateliers de CS[8] ?

Au bilan toutefois, en croisant les résultats au regard des préoccupations environnementales, il nous est possible de croire que l’environnement intéresse une très forte majorité de jeunes de la fin du primaire, et ce, même un an après avoir participé au programme CS puisque moins de 5 % sont désintéressés par la cause environnementale.

En somme, mieux connaître le processus de changement de comportements et les facteurs qui influencent les élèves permet d’exploiter tout le potentiel du programme CS et son impact potentiel sur la famille. Rappelons-le, CS (organisation du secteur non formel) offre un ensemble d’outils complémentaires à l’École (contexte formel) visant à encourager les jeunes citoyens à poser ces dizaines de petits gestes essentiels qui favoriseront la création de véritables collectivités viables. Pour les élèves, cela se traduit par des programmes, des activités ou des défis où ceux-ci deviennent véritablement des acteurs du changement. Une campagne de sensibilisation à l’école ou dans la communauté constitue en soi une façon d’espérer une modification des comportements pour soi et pour les autres.

L’acte de consommer s’accompagne de conséquences sociales et environnementales significatives en raison des ressources naturelles utilisées et des activités de travail induites. (Sarkodie et Strezov, 2019). Piliers du système économique, les choix quotidiens des consommateurs exercent une influence déterminante sur le monde qui les entoure. Dans ce contexte, l’éducation à la consommation revêt toute son importance et c’est là l’un des objectifs du programme de CS. Sur le plan pédagogique, pour les enseignants, l’adoption effective de pratiques alternatives saines pour l’environnement et les collectivités exige une bonne connaissance des processus de changements de comportements et des stratégies pour générer des changements qui perdurent (Jugert, Greenaway, Barth, Büchner, Eisentraut et Fritsche 2016). Ces connaissances peuvent notamment être apportées par les ateliers offerts dans le cadre de CS.

Or, si la question des changements de comportements fait l’objet d’un intérêt croissant dans de nombreuses disciplines (en psychologie ou en marketing, par exemple), l’évaluation de tels changements est une question encore peu documentée, notamment en matière d’éducation à la consommation responsable (Gunawana, Permatasarib et Tiltc, 2020). Elle représente, du coup, un défi méthodologique, car un changement de comportements n’est souvent pas imputable à un seul facteur : il est donc difficilement isolable et identifiable. Qui plus est, un changement de comportements est difficile à maintenir dans le temps, et ce, pour des raisons multiples telles qu’évoquées par Stocknes (2015).

Nous croyons à l’importance de poursuivre les activités de sensibilisation en milieu formel et non formel. En cohérence avec les constats précédents, de nombreuses activités éducatives autour de la question du changement climatique ont été déployées auprès des jeunes, la plupart en milieu formel. Toutefois, plusieurs chercheurs (Bonnett, 2002 ; Davis, 2010 ; Riemer et coll., 2014 ; Champagne-Poirier et coll., 2017) soulignent l’importance de développer parallèlement des interventions éducatives en milieu non formel, par exemple, dans des camps de jour et des musées. À leur avis, le milieu non formel constitue un terreau favorable à une approche holistique permettant non seulement l’acquisition de connaissances environnementales (Simard et Samson, 2018), mais également le développement de compétences essentielles à l’engagement social, comme la pensée critique, le leadership, l’empathie (Jensen et Schnack, 1997 ; Jensen, 2002 ; Schusler et coll., 2009) comme le soulignent Champagne St-Arnaud et Samson (2022).

Au-delà des résultats exposés ici et à la suite de nombreuses analyses découlant de l’évaluation de programme des dernières années, CS prévoit notamment mettre en place une meilleure intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) et envisage un ajustement au regard du temps requis dans le cadre de l’animation de certaines activités afin de conserver sa pertinence dans le milieu scolaire.

Pour conclure, la démarche évaluative de CS se poursuit dans l’objectif de mieux identifier les facteurs facilitants et les facteurs limitants le changement de comportements des jeunes. Des améliorations en lien avec la méthodologie et les outils de collecte de données sont également prévus afin de répondre aux plus hauts standards évaluatifs.

Cet article constitue ainsi une contribution à la réflexion autour de cet enjeu pratique, en proposant un cadre d’évaluation qui s’enracine dans un modèle théorique de l’adoption d’un comportement écoresponsable des jeunes et de leur famille[9]. Il est souhaité que CS utilise ce cadre d’évaluation dans différents contextes afin d’en relever les forces et potentiellement, quelques limites qui pourraient être corrigées dans une version révisée, notamment au regard des défis à relever par les élèves. À ce propos, dans la version 2023 du programme CS, en cours d’évolution, la proposition des défis écoresponsables pour les élèves et leur famille sera plus diversifiée en termes de types d’actions proposées. De plus, la Coop FA souhaitera leur proposer des défis pour lesquels l’élève aura un pouvoir d’action plus important au sein de sa famille en plus de développer pour eux des outils de rappel et de suivi afin de les appuyer encore davantage dans leur démarche d’adoption de nouveaux comportements.

Jusqu’ici, le cadre d’évaluation adopté par CS a permis de montrer l’impact potentiel du programme sur la motivation des jeunes, leur sentiment d’efficacité et leur engagement dans la lutte climatique. Une étude longitudinale (pré et post-formation) et de nouvelles ressources financières permettraient de vérifier la persistance de ces effets à long terme. À ce propos, il semble y avoir des pistes à explorer du côté des théories de la motivation qui distinguent la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque (Green-Demers, Pelletier et Ménard, 1997) et qui expliquent que le niveau d’autodétermination des motivations environnementales peut être corrélé à l’occurrence de comportements environnementaux, et ce, dans le contexte de l’éducation relative au changement climatique. Néanmoins, nous pouvons ici prétendre que les différentes activités offertes dans le cadre de CS contribuent à l’éducation relative au CC en encourageant les participants à adopter de nouvelles habitudes de vie écoresponsables. Par ailleurs, il nous est difficile de confirmer, hors de tout doute raisonnable, que cette éducation relative aux changements climatiques en milieu formel et non formel permet le développement d’une écocitoyenneté chez tous les jeunes. Il nous faut donc poursuivre l’amélioration continue du programme pédagogique de CS et proposer un programme de recherche visant la validation de nos présupposés.