RecensionsBook Reviews

PLUMET, Patrick, 2004 Peuples du Grand Nord, tome I: Des mythes à la préhistoire, Paris, Éditions Errance, 322 pages.PLUMET, Patrick, 2004 Peuples du Grand Nord, tome II: Vers l’«Esquimau»: Du mammouth à la baleine, Paris, Éditions Errance, 288 pages.[Record]

  • Yvon Csonka

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  • Yvon Csonka
    Department of Cultural and Social History
    Ilisimatusarfik, The University of Greenland
    Postboks 279 DK-3900 Nuuk, Greenland
    csonka@greennet.gl

Cet ouvrage va bien au-delà de ce qui constitue son fil directeur, «le cheminement de l’adaptation préhistorique de l’Humanité aux régions nordiques» (I: 9): le tour de force réalisé par Patrick Plumet, professeur honoraire au Département des sciences de la terre de l’Université du Québec à Montréal, consiste en ce qu’il parvient à concilier la présentation encyclopédique et synthétique de connaissances touchant à de nombreux domaines et disciplines scientifiques, et cela, sans du tout «perdre» ses lecteurs moins spécialisés. En effet, nous avons la chance que la voix d’une certaine raison, appuyée par les impératifs commerciaux de l’édition contemporaine, n’a pas fait dévier l’auteur de son intention de présenter une «version longue», avec toute sa richesse d’information. Ainsi, on dispose de plusieurs livres en un, entrelacés de telle manière que la clarté de l’exposé central n’en souffre nullement. Les illustrations, les encarts et les notes permettent un approfondissement des divers thèmes abordés, et les conclusions des cinq parties dont se compose l’ouvrage contribuent encore à clarifier le propos. Précieux à cet égard également, les trois index: choronymique et thématique, archéologique, et des noms de personnes, d’institutions, de divinités, de peuples et de bateaux. Dans la première partie, l’auteur présente pratiquement tout ce qui est connu aujourd’hui à propos de l’histoire du développement des connaissances sur le Grand Nord, des mythes antiques à la genèse des savoirs de type scientifique. La deuxième partie met en scène l’environnement nordique et son évolution, et justifie pleinement, de concert avec l’attention portée à l’environnement dans les chapitres subséquents traitant de l’occupation humaine, que l’on qualifie l’ouvrage, avec Louis-Edmond Hamelin dans sa préface, de «bible du Quaternaire de part et d’autre de la coupure entre le Pléistocène et l’Holocène». L’auteur documente l’instabilité du milieu, et se demande dans quelle mesure la mémoire collective des humains préhistoriques a pu garder trace des changements environnementaux et climatiques. On voit bien la signification de telles discussions en notre époque marquée par l’anticipation de changements liés à un réchauffement considérable. L’auteur choisit de recourir au concept de «Grand Nord», tout en indiquant qu’il recouvre des réalités différentes selon les époques et selon les perceptions. Ainsi, la troisième partie de l’ouvrage, qui traite des premières approches du Nord en Europe et en Eurasie, rappelle-t-elle que pendant les glaciations du Pléistocène, l’environnement européen peut être comparé à celui de l’Arctique aujourd’hui et en faisait le Grand Nord de l’époque. Tout en détaillant l’adaptation humaine au froid en Europe et les grandes réalisations artistiques et techniques qui la jalonnent, Plumet n’hésite pas à qualifier cette grand péninsule de «cul-de-sac marginal» (I: 156), écorchant ainsi au passage une certaine préhistoire européocentrée. «Curieux parallélisme avec les déplacements géopolitiques qui se dessinent vers l’Asie!», ajoute-t-il — il s’agit là d’une remarque parmi d’autres qui égrènent l’ouvrage, dans lesquelles l’auteur rattache son sujet aux grandes préoccupations de notre temps. Dans cette partie apparaît l’une des idées-force sous-tendant l’interprétation de l’adaptation des humains aux milieux plus froids que ceux où l’espèce est apparue. Constatant l’explosion de l’expression artistique et de la pensée symbolique et religieuse qui se produit lors de cette adaptation, Plumet postule que les contraintes environnementales du Grand Nord ont servi de catalyseur au développement culturel. L’argument est résumé dans l’épilogue: si ces manifestations culturelles et religieuses «sont inhérentes au potentiel psychique de l’humanité moderne en général, il est probable que les sollicitations pressantes du Nord ont contribué à rendre brusquement opérationnel ce potentiel demeuré latent et inexploité jusque-là faute de nécessité immédiate. La culture intellectuelle apparue et développée depuis le Paléolithique supérieur constitue les racines de notre propre comportement culturel moderne» (II: 182). Plumet …

Appendices