Débat

Rire et sourire avec le dictionnaire de Christian MonceletMoncelet, Christian, Les mots du comique et de l’humour, Paris, Belin, 2006.[Record]

  • Nelly Feuerhahn

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  • Nelly Feuerhahn
    Rédactrice en chef de la revue Humoresques

Qu’y a-t-il de plus excitant qu’un dictionnaire ? Vous l’ouvrez et derrière chaque mot surgissent des univers foisonnant de significations, d’images, d’associations mentales, de découvertes… Ainsi procède ce dictionnaire dont les mots (plus de 600) sont autant de portes joyeusement ouvertes sur les paysages du rire. À ceux qui penseraient que cette porte est déjà ouverte et qu’il existe de nombreux ouvrages de la même catégorie, il faut dire que tel n’est pas le cas. Bien des publications déclinent de A à Z des mots d’esprit, des calembours, des joyeusetés propres à amuser, pour certaines avec un talent remarquable, auquel Christian Moncelet n’hésite pas à rendre hommage à l’entrée « Ana ». Le Dictionnaire du diable d’Ambrose Bierce, le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert, le Diconoclaste de Jean-Loup Chiflet, le Dicodingue de Raoul Lambert, les titres sont trop nombreux pour continuer la liste. De telles célébrations de l’esprit donnent une vue éminemment subjective de l’humour, qualité qui n’est pas la moindre pour les amateurs dont je suis. On retiendra l’exemple récent de Bardadrac, un abécédaire enjoué dans lequel Gérard Genette livre ses souvenirs avec une verve et une liberté réjouissante. Sur la forme, l’abécédaire représente un modèle occidental d’acquisition des savoirs qui libère des contraintes de l’exposé historique et sous-tend une stratégie d’exploration ludique. Le lecteur s’approprie le savoir à la manière primitive des jeux de l’enfance. Il se pourrait que je n’aie pas toujours su résister à la vaine tentation de saisir l’intégralité de l’ouvrage, un égarement dénoncé par Genette qui considère son ouvrage comme « un puzzle à ne pas recomposer ». Avec Les mots du comique et de l’humour, le plaisir apporté par les citations ne le cède en rien au choix rigoureux des exemples illustrant les théories ou les techniques de l’art comique. Plus important encore dans ce domaine, les trésors de la culture populaire ne sont jamais sacrifiés sur l’autel aseptisé de l’élitisme académique. Les champs du savoir sont explorés et explicités sans que jamais le désordre de l’alphabet n’escamote les questions épineuses. Un des principaux obstacles consiste en effet à évoquer les théories qui sous-tendent les concepts, celles dont relèvent les boutades, à renvoyer aux sens archaïques, aux apports d’Internet, bref à clarifier les exemples, sans en déflorer la saveur. Sur ce point, Christian Moncelet allie une immense érudition à une écriture savoureuse, sa précision n’ayant d’égal que la pertinence des trouvailles insolites récoltées au fil d’années de lecture. Découvrir le bon mot au service de la chose ou de l’idée témoigne d’une imagination ludique jamais prise en défaut : « Du pétulant au pétillant », le titre de l’introduction en fait preuve, qui nous annonce par allusion phonétique (peut-on parler d’allitération ?) que le bas corporel ne sera pas sacrifié aux contraintes de l’intelligence universitaire. Ainsi l’exemple de la scatologie vient-il illustrer le concept de « thème », lequel fédère les motifs que sont le pet, le pot de chambre et les W.-C. La démonstration est limpide. L’introduction précise par ailleurs que la dérision, escamotée dans le titre pour des raisons de commodité éditoriale, ne l’est pas dans le volume. Comment ne pas s’inquiéter de l’influence des commodités sur la raison ? Le projet consistait en effet à inventorier les causes, cibles et conséquences du comique, finalités et formes, motivations et motifs, tout autant que les mots (« vivants, moribonds ou dormant dans les dictionnaires ») qui en désignent et qualifient les manifestations. Cet ambitieux programme a de toute évidence rempli ses promesses. Le parcours de lecture proposé sera donc une promenade à cloche-pied dans ce labyrinthe facétieux où …

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