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Introduction

La majorité des jeunes du primaire du Québec ne présente pas de détresse psychologique élevée, mais les chercheurs constatent néanmoins une hausse des problèmes de santé mentale et une baisse de la fréquence des « déclarations de bien-être » (Couture, 2019). La recherche sur le bien-être subjectif des enfants connait d’ailleurs un véritable essor (Casas et Gonzàlez-Carrasco, 2019 ; Newland et al., 2019 ; Rees et al., 2016). Les raisons données par les enfants pour expliquer ce qui les rend heureux sont multiples (famille, amis, temps tranquille à la maison), mais un élément fréquemment rapporté par les enfants âgés de 5 à 11 ans concerne la relation avec leur animal domestique (Coudronnière et al., 2015). L’impact de la présence animale sur le bien-être humain et le développement de l’enfant a fait l’objet de plusieurs travaux (Amiot et Bastian, 2015 ; Enderburg et van Lith, 2011 ; Herzog, 2011 ; Wells, 2009). Par exemple, certains ont montré que des enfants de 7 à 12 ans dont l’attachement est insécure ont une réponse plus faible aux stresseurs lorsqu’ils sont en présence d’un animal réel plutôt que d’un animal jouet ou d’une gentille personne (Beetz et al., 2011) et que le bien-être de jeunes pensionnaires scolaires migrants est plus élevé en présence d’un animal à caresser (Sokal et Kahl, 2019). Alors que l’intérêt des chercheurs pour le bien-être des enfants s’est propagé au contexte de l’école (Bacro et al., 2017 ; Casas et Gonzàlez-Carrasco, 2019 ; Kutsar et Kasearu, 2017 ; Rousseau et Espinosa, 2018), peu d’études se sont intéressées à l’apport de la présence animale en contexte scolaire (Brelsford et al., 2017 ; Gee et al., 2017).

Problématique de recherche

Les résultats disponibles sur la présence animale à l’école laissent entrevoir que les rencontres élèves-animal qui y ont cours auraient des effets bénéfiques. D’une part, elles faciliteraient la gestion de classe et la cohésion du groupe (Correale et al., 2017 ; Daly et Suggs, 2010 ; Kotrschal et Ortbauer, 2003 ; McNicholas et Collis, 2000) et elles contribueraient au développement socioémotionnel de l’élève en diminuant son niveau d’anxiété (Herbert et Lynch, 2017) et en favorisant sa motivation scolaire (Beetz, 2013 ; Herbert et Lynch, 2017). D’autre part, la présence de l’animal en classe participerait aux apprentissages et donc au développement cognitif de l’élève en soutenant, notamment en sciences, l’appropriation de connaissances et de compétences en contexte significatif et concret. En tant que ressource didactique tangible et stimulante, l’animal permet d’illustrer les contenus liés à divers concepts scientifiques (cycle de vie, croissance, biologie humaine, anatomie, génétique, reproduction, adaptation et comportements des animaux, régimes et réseaux alimentaires, habitat, écosystème, climat, protection de l’environnement) et de soutenir le développement des compétences scientifiques telles que les démarches d’observation et de vulgarisation (Dell’Angelo et Coquidé, 2006 ; Franc, 2014 ; Ganzert et McCullough, 2015 ; Hummel et Randler, 2012 ; Rop, 2008 ; Simard et al., 2019).

Le potentiel didactique et développemental que revêt la présence d’un animal en classe a amené les chercheurs à s’intéresser à la prévalence de cette pratique dans les milieux scolaires et à en décrire les caractéristiques. Les études poursuivant ces objectifs ont principalement été menées auprès d’enseignants américains par l’entremise d’enquêtes et le taux d’enseignants intégrant un animal en classe variait considérablement d’une étude à l’autre. Par exemple, parmi les 37 enseignants du préscolaire à la 6e année, interrogés par Zasloff et al. (1999), une majorité (59 %) intégrait des animaux en classe, un taux similaire à celui observé (62,8 %) par Uttley (2013) auprès 1400 enseignants de la maternelle à la 3e année. Or, dans un autre échantillon d’enseignants travaillant auprès d’élèves âgés de 4 à 10 ans (N = 425), que 26,1 % des enseignants intégraient un animal en classe (Rud et Beck, 2003). Les enseignants ont mentionné ne pas vouloir d’animaux en classe en raison de la direction d’école et des politiques (36,4 %), de la peur ou de l’aversion possible de l’élève envers l’animal (20,8 %) et en raison des allergies, maladies ou morsures (15,9 %). Toutefois, 46 % des enseignants n’ayant pas d’animaux en classe ont dit recevoir des animaux en visite, une alternative plus commune dans les écoles en milieu rural et mentionnée également par les enseignants de l’étude de Zasloff et al. (1999) qui faisaient appel à des organismes éducatifs présentant diverses espèces animales aux élèves.

Les résultats concernant le type d’animal intégré en classe font davantage consensus. Les classes d’animaux les plus répandues sont les poissons, les petits mammifères rongeurs (hamster, cochon d’Inde, gerbille, chinchilla), les reptiles (iguane, serpent, tortue, lézard) et, dans une moindre mesure, les amphibiens (grenouille/têtard, crapaud, salamandre) et les oiseaux (poule, perroquet, pinson) (Ganzert et McCullough, 2015 ; Rud et Beck, 2003 ; Uttley, 2013 ; Zasloff et al., 1999). Des animaux invertébrés (papillon, fourmi, criquet, ver de terre, arachnide, bernard-l’hermite) ont aussi été inventoriés (Rud et Beck, 2003 ; Zasloff et al., 1999). Dans l’ensemble et selon les déclarations d’enseignants, les poissons sont les plus populaires en raison de la facilité à leur prodiguer les soins de base et pour la beauté de leurs couleurs (Ganzert et McCullough, 2015 ; Uttley, 2013).

Les raisons invoquées par les enseignants pour intégrer un animal en classe sont multiples. Elles réfèrent au plaisir que procure la présence de l’animal (37,4 %), au soutien à l’enseignement (22,8 %) et au bien-être des élèves (22,1 %) (Rud et Beck, 2003 ; N = 425). D’autres enseignants mentionnent des avantages relatifs au développement des habiletés socioémotionnelles et cognitives de l’élève. Dans l’étude de Zasloff et al. (1999 ; N = 37), 73 % des enseignants déclarent que l’animal participe au développement du « prendre soin », de la gentillesse, du sens des responsabilités et du respect des élèves pour les autres vivants et 23 % mentionnent que l’animal stimule l’intérêt et la motivation des élèves. Enfin, 41 % rapportent qu’il permet aux élèves de s’adonner à l’observation directe, concrétisant ainsi les apprentissages sur le cycle de la vie, les comportements et l’habitat de l’animal. D’autres enseignants mettent plutôt l’accent sur le rôle de médiateur de l’animal dans les relations entre les élèves, particulièrement avec ceux qui manifestent des problèmes de comportements, et 70 % d’entre eux (N = 1400) estiment que la présence animalière crée un environnement d’apprentissage positif en classe (Uttley, 2013).

Ganzert et McCullough (2015) ont questionné un sous-échantillon d’enseignants (N = 37) ayant participé à leur enquête. Ces derniers déclarent que l’animal en classe 1) encourage le développement du sens des responsabilités et du leadership chez leurs élèves par la prise en charge des soins aux animaux ; 2) permet d’enseigner la compassion, l’empathie et le respect de tous les vivants (les animaux, les humains, y compris la nature et le monde que nous partageons) ; 3) contribue à améliorer et à enrichir les apprentissages en sciences ; et 4) expose les élèves à de nouvelles expériences pouvant se traduire par une diminution des préjugés et des peurs non fondées vis-à-vis l’animal. De ceux-ci, 82 % identifient aussi les limites ou les défis associés à l’intégration de l’animal en classe, notamment le bruit, les odeurs, le besoin d’espace et les soins à l’animal, 68 % font mention du surplus de travail et 23 % des égratignures, de la peur, des allergies et de maladies transmissibles à l’élève.

Afin de mieux comprendre les apports et les défis liés à l’intégration d’un animal en classe, Herbert et Lynch (2017) ont analysé les perceptions de 19 enseignants australiens oeuvrant auprès d’élèves du primaire. Le développement socioémotionnel (responsabilité, éthique, développement personnel et motivation) et le développement cognitif de l’élève (science, science humaine et apprentissages interdisciplinaires) constituent les principaux apports mentionnés, des résultats semblables à ceux obtenus dans les études antérieures. Trois éléments toutefois s’en démarquent. Premièrement, il est rapporté que la présence animalière augmenterait la motivation des élèves pour les activités de sciences, et ce, même chez les élèves qui montrent habituellement moins d’intérêt pour ce domaine d’apprentissage. Deuxièmement, certaines difficultés et certains inconvénients sont abordés relativement au fait de garder un animal en classe, comme les coûts financiers, la charge de travail supplémentaire (pour prendre soin de l’animal) et le coût émotionnel (ex. : la tristesse) lorsque l’animal est malade ou meurt. Troisièmement, les enseignants soulignent que l’animal permet aux élèves de la classe de se connecter avec l’extérieur de l’école, soit par l’entremise d’excursions en nature qui éveille à la biodiversité ou par les diverses communications avec les parents et la communauté valorisant les apprentissages expérientiels des élèves dans leur milieu scolaire.

En somme, les études sur la présence d’un animal en classe suggèrent que, malgré les coûts, les rencontres élèves-animal sont susceptibles de générer des retombées multiples chez l’élève tant sur le plan cognitif que dans les sphères affective et comportementale (Simard et al., 2016 ; Simard et al., 2019). Or, les résultats faisant état de la prévalence de ce phénomène dans les classes varient considérablement : la proportion d’enseignants intégrant un animal en classe passe de 26 % à 62 % selon les échantillons répertoriés (Rud et Beck, 2003 ; Uttley, 2013 ; Zasloff et al., 1999). De plus, le portrait est limité puisque les auteurs ont surtout examiné la prévalence en ne tenant compte que de certaines classes éparses sans chercher à établir le portrait complet d’une même école ou de l’ensemble des écoles d’un même territoire. Ainsi, aucune étude ne s’est intéressée à cette question dans le milieu scolaire québécois. Pourtant, au Québec comme ailleurs, le phénomène semble gagner en popularité et des publications professionnelles font état d’expériences où les animaux sont intégrés à la vie de la classe et à l’enseignement (Brelsford et al., 2017 ; Mueller et al., 2017 ; Proulx et al., 2018 ; Ricard, 2018 ; Rop, 2008 ; Simard et Desrosiers, 2018).

Cette pratique est-elle répandue dans les écoles primaires du Québec ? Quelles espèces animales sont intégrées ? Si oui, à quels niveaux scolaires ? Le milieu scolaire est-il favorable à l’intégration d’animaux en classe et quels sont les défis et les avantages associés à ce type de pratique ? Les réponses à ces questions, visant à faire état de la situation au Québec, sont pertinentes et préalables à l’objectif de répertorier, documenter, voire éventuellement structurer les pratiques s’appuyant sur l’intégration d’un animal en classe.

Méthodologie

Cette recherche est de nature descriptive (Fortin et Gagnon, 2016). Une méthodologie par enquête (Roussel, 2005), par l’entremise d’un questionnaire en ligne, a été privilégiée de façon à documenter la prévalence de l’intégration d’un animal en contexte scolaire et à répondre aux questions de recherche. Cette méthode permet une collecte de données relativement étendue (bassin géographique large et nombre de répondants élevé) en peu de temps, en plus de limiter les coûts de réalisation, d’éviter les erreurs de saisie et de laisser une liberté au répondant d’y participer au moment souhaité (Gingras et Belleau, 2015). Les principaux défis, le taux de répondants et le nombre de questions complétées, corrèlent habituellement à la longueur du questionnaire (Fan et Yang, 2010 ; Liu et Wronski, 2018) qui, dans le présent cas, était très court (six questions).

Les participants

Les directions d’établissement d’enseignement primaire ont été invitées à répondre au questionnaire en ligne. Les directions scolaires ont été choisies pour maximiser les chances de brosser un portrait global de l’état de la situation dans les écoles, c’est-à-dire de faire état du nombre d’écoles hébergeant un ou des animaux dans les différentes régions du Québec et des niveaux scolaires impliqués dans un tel projet dans l’école. Des 1550 directions d’écoles primaires contactées (sans deuxième rappel), 216 directions ont participé à l’étude (tableau 1). Le taux de participation est de 14,4 % et les dix-sept régions administratives du Québec sont représentées.

Tableau 1

Par région administrative, le nombre d’écoles participantes (et le nombre d’écoles ayant au moins un animal

Par région administrative, le nombre d’écoles participantes (et le nombre d’écoles ayant au moins un animal

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Instrument de collecte de données

Le questionnaire comprend six questions, dont la première permet de connaitre le territoire où se situe l’école (tableau 1). La deuxième interroge la présence ou non d’un ou de plusieurs animaux dans l’école (en indiquant le nombre). S’il y a au moins un animal à l’école, les répondants sont invités à répondre aux deux questions suivantes. La troisième question porte sur le niveau scolaire auquel l’animal est introduit et requiert de préciser s’il réside à même la classe ou dans un autre lieu à l’école. La quatrième question s’intéresse à la classe de l’animal (poisson, amphibien, reptile, oiseau, mammifère, insecte-invertébré) et à l’espèce (hamster, lapin, truite, etc.). La cinquième question, ouverte, invite les directions à se positionner vis-à-vis cette pratique (favorable ou défavorable), puis à préciser les raisons qui justifient leur position. Enfin, la dernière question interpelle les répondants quant à la présence d’animaux visiteurs dans l’école.

Le corpus de données (sauf pour la cinquième question) a été soumis à des analyses statistiques descriptives, à l’aide des logiciels Excel et SPSS 26. Concernant le traitement de la cinquième question (ouverte), une analyse de contenu a été réalisée par une méthode de classification des éléments émergent du discours des répondants (Bardin, 2007). Les raisons évoquées pour soutenir leur position, favorable ou défavorable à l’intégration d’un animal en classe, ont été soutirées du discours écrit, classifiées et codifiées en quatorze catégories. Parmi celles-ci sont évoqués des éléments touchant les limites de cette pratique et d’autres qui la soutiennent (avantages en matière de retombées chez l’élève).

Résultats et discussion

En réponse aux questions À combien estimez-vous le nombre d’animaux présents dans votre école ? À quel(s) niveau(x) scolaire(s) retrouve-t-on ces animaux ?, les résultats indiquent que 51 % des écoles participantes (N = 111) ont un animal ou plus dans l’école (figure 1a). De plus, ces animaux se retrouvent à tous les niveaux, du préscolaire à la 6e année (figure 1b). Le choix « autre lieu » réfère, par exemple, à un corridor ou au secrétariat de l’école.

Figure 1a

Taux de présence animalière dans les écoles primaires (nombre d’animaux différents) (Nécoles = 216)

Taux de présence animalière dans les écoles primaires (nombre d’animaux différents) (Nécoles = 216)

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Figure 1b

Taux de présence animalière selon les niveaux scolaires (Nécoles = 111)

Taux de présence animalière selon les niveaux scolaires (Nécoles = 111)

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Ces premiers résultats rendent compte de la prévalence de l’intégration d’un animal dans les écoles. Plus de la moitié des écoles participantes a au moins un animal en ces murs, témoignant ainsi que cette pratique est bien présente dans les écoles primaires du Québec. Parmi celles-ci, 22 % hébergent un seul animal dans l’école, alors que 29 % en ont deux et plus. Le taux de présence animalière observé dans les écoles est similaire aux taux les plus élevés des études recensées (Uttley, 2013 ; Zasloff et al., 1999), bien que le présent échantillon soit formé de directions d’école plutôt que d’enseignants. Même si on retrouve des animaux à tous les niveaux scolaires, les classes du préscolaire (15 %) et de la sixième année (16 %) sont davantage représentées, tandis que les classes de deuxième (8 %) et de troisième année (9 %) intégrant un animal sont moins nombreuses. De plus, la présence animalière peut varier dans le temps, selon le type d’animal. Des directions ont par exemple mentionné que pour le projet « papillon », les insectes sont présents ponctuellement, comme pour le projet « éclosion des poussins » (voir Simard et al., 2016), tandis que le lapin ou le hamster sont présents de façon permanente. La présence de l’animal, selon l’espèce et le projet réalisé, peut ainsi s’échelonner de quelques semaines à une année scolaire complète.

En réponse à la question Quels sont les types d’animaux présents dans la ou les classes de votre école ?, les résultats indiquent que les mammifères et les poissons sont les plus présents dans les écoles, suivis des oiseaux (figure 2). Les insectes-invertébrés et les reptiles représentent collectivement environ 20 % des animaux. Quant aux amphibiens, ils sont peu présents. Ces résultats corroborent certains des résultats obtenus dans les études antérieures, menées aux États-Unis (Ganzert et McCullough, 2015 ; Rud et Beck, 2003 ; Uttley, 2013 ; Zasloff et al., 1999) quant aux classes d’animaux les plus répandues, notamment les petits mammifères rongeurs (hamster, cochon d’Inde, gerbille) et les poissons. Ces études montrent que les animaux les moins présents sont les insectes/arachnides (11,7 %), les invertébrés (10,8 %) et les oiseaux (1,6 %) (Rud et Beck, 2003). Au Québec, les résultats divergent quant à la prévalence des oiseaux et des reptiles dans les classes. Les oiseaux sont davantage présents dans les écoles avec un taux de 19,7 %. En contrepartie, les reptiles le sont moins (9,8 %) comparativement aux classes américaines (entre 22,1 % et 28,6 %) (Ganzert et McCullough, 2015 ; Rud et Beck, 2003 ; Zasloff et al., 1999).

Figure 2

Taux de présence des diverses classes d’animaux dans les écoles primaires (N = 111)

Taux de présence des diverses classes d’animaux dans les écoles primaires (N = 111)

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Plus spécifiquement, les espèces présentes dans les écoles sont d’une grande variété (tableau 2). Parmi les mammifères (27,9 %), le lapin, le hamster et le chien sont les plus présents. Ce dernier jouerait un rôle de soutien aux élèves, sous une perspective de zoothérapie (Kotrschal et Ortbauer, 2003). Les poissons (27,3 %), que ce soit un bêta, un poisson rouge ou un projet clé en main tel que Des oeufs, aux alevins jusqu’à la rivière (voir Proulx et al., 2018), sont aussi bien représentés dans les écoles. Quant aux oiseaux (19,7 %), la présence de poussins est évoquée par la majorité des directions d’école. Chez les insectes-invertébrés (12 %), il s’agit principalement d’un projet relatif aux papillons en volière (observer la métamorphose de la chenille en papillon) qui est mentionné. Le papillon est donc l’invertébré le plus utilisé dans les classes afin d’établir un contact direct entre les élèves et ce groupe d’animaux. Quoique plus rare, la présence d’autres types d’invertébrés hors du commun est néanmoins observée, dont le mille-pattes, l’araignée, le phasme, les vers ou encore, les abeilles. En ce qui concerne les reptiles (9,8 %), la tortue et les « lézards » sont les plus présents en classe. Enfin, parmi les amphibiens (3,3 %), la présence de la grenouille à différents stades de son développement est mentionnée.

En somme, les espèces les plus présentes à l’école sont les « poissons », le lapin, le poussin, le papillon, le hamster, la tortue et le « lézard », suivis du cochon d’Inde et de la perruche. En concordance avec les études antérieures (Ganzert et McCullough, 2015 ; Rud et Beck, 2003 ; Uttley, 2013 ; Zasloff et al., 1999), ces résultats suggèrent que, de par leur plus grande prévalence, certaines espèces s’adapteraient mieux aux contraintes de la réalité scolaire et au contexte de la classe, possiblement en raison de la facilité à leur prodiguer des soins (voir Uttley, 2013) ou parce que les élèves apprécient prendre l’animal, ce qui s’avère possible avec les petits mammifères et les reptiles (voir Ricard, 2018 et Simard et Desrosiers, 2018).

Tableau 2

Nombre d’écoles primaires hébergeant les espèces animales répertoriées (Nécoles)

* Espèce non précisée

* Espèce non précisée

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Les questions Dans quelle mesure êtes-vous favorable à l’intégration d’êtres vivants dans les classes ? Pourriez-vous préciser votre pensée ?, visaient à mieux comprendre la position des directions d’école au sujet de cette pratique qui relève d’initiatives d’enseignants. Parmi les 193 directions d’écoles ayant répondu à cette question, 34 directions (17,6 %) se disent défavorables et 159 favorables (82,4 %). Une même direction d’école peut indiquer plus d’une raison justifiant son choix. Le tableau 3 présente les différentes justifications fournies soit à titre d’éléments négatifs ou à considérer sérieusement avant d’intégrer un animal en classe (limites), soit à titre de raisons positives qui soutiennent cette pratique (avantages). Afin de se rapprocher de la catégorisation des retombées telles qu’identifiées dans le relevé de la documentation, les avantages ont été divisés en deux catégories : ceux contribuant au développement cognitif de l’élève (# 6, 7 et 8) et ceux liés à son développement socioémotionnel (# 9, 10, 11, 12, 13 et 14).

Tableau 3

Justifications exprimées par les directions d’école concernant la présence d’un animal en classe selon la posture adoptée (favorable/défavorable) (N = 193)

Justifications exprimées par les directions d’école concernant la présence d’un animal en classe selon la posture adoptée (favorable/défavorable) (N = 193)

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Les directions défavorables ont appuyé leur position par des raisons susceptibles de la justifier en identifiant principalement les limites de cette pratique. À une exception près (la justification #6), aucun élément positif n’a émergé de leurs discours. Selon le nombre d’occurrences répertoriées, les principaux éléments qui préoccupent ces directions d’école sont les allergies, l’organisation des soins à l’animal et les exigences de la commission scolaire. Quant aux directions favorables à l’intégration d’un animal, elles reconnaissent les limites liées à cette pratique et expriment les mêmes préoccupations que les directions défavorables, ce qui est en résonnance avec les responsabilités associées à leur fonction. À cet égard, les éléments les plus évoqués sont les allergies et l’organisation de soins adéquats prodigués à l’animal. Néanmoins, elles identifient aussi des avantages associés à cette pratique dont les principaux concernent le développement du sens des responsabilités, du sens de l’organisation et de l’autonomie chez l’élève, suivi du soutien aux apprentissages en sciences, à la motivation des élèves et au sentiment d’appartenance à la classe.

Les avantages évoqués par les directions favorables à l’intégration d’un animal sont similaires à ceux des enseignants interrogés dans le cadre de travaux antérieurs (Ganzert et McCullough, 2015 ; Gee et al., 2017 ; Herbert et Lynch, 2017 ; Rud et Beck, 2003 ; Uttley, 2013 ; Zasloff et al., 1999). Ce résultat est intéressant à plusieurs égards. D’abord, il suggère que les directions d’écoles (formant l’échantillon de la présente étude) détiennent des perceptions similaires aux enseignants (composant les échantillons des études antérieures) quant au potentiel pédagogique de l’animal en classe, comme en témoignent aussi des études en cours avec des enseignants québécois (Simard et al., 2019). Par ailleurs, la prise en compte des avantages à intégrer un animal en classe n’empêche pas de cerner les défis (limites) associés à cette pratique et d’y remédier, lorsque cela s’avère possible. D’autres limites identifiées par des enseignants d’autres études n’ont pas été mentionnées par les directions, dont les coûts (en argent et en temps), la gestion des interactions entre les élèves et l’animal, la fuite de l’animal, la compétition entre les élèves pour attirer l’attention de l’animal, le décès de l’animal (Ganzert et McCullough, 2015 ; Uttley, 2013). Ces éléments évoqués sont surtout tributaires des responsabilités, en contexte de classe, que les enseignants sont amenés à assumer lorsqu’ils adoptent un animal. Par ailleurs, ceux-ci ne les considèrent pas comme des limites, mais comme des défis intrinsèquement associés au projet se révélant porteurs d’apprentissages pour les élèves. À titre d’exemple, la mort inattendue ou prématurée de l’animal, qui survient surtout chez le poisson, peut fournir un prétexte pour expliquer le cycle de la vie et parler de la mort aux élèves (Deunff, 2000 ; Ganzert et McCullough, 2015 ; Rud et Beck, 2013 ; Simard et al., 2016 ; Uttley, 2003). Des enseignants signalent aussi que ces rencontres permettent aux élèves de se familiariser avec certains animaux parfois victimes de préjugés (ex. : araignée, vers) et ainsi, atténuent la peur qu’ils suscitent chez eux (Ganzert et McCullough, 2015 ; Knight, 2008).

L’intégration d’un animal en classe comporte des défis organisationnels, de santé et parfois politiques à considérer afin d’assurer la réussite de la mise en place de rencontres élèves-animal en contexte scolaire. Une autre façon de faire vivre des rencontres élèves-animal et permettant, parfois, de contourner certains de ces défis, consiste à recourir à des organismes externes. Ceux-ci peuvent prendre en charge les aspects logistiques de l’intégration de l’animal en classe et organiser des activités scolaires s’appuyant sur les rencontres élèves-animal. Cette approche impliquant des animaux visiteurs peut être utilisée, à titre de pratique alternative ou complémentaire, afin de mettre en relation les élèves avec une diversité d’animaux. Zasloff et al. (1999) montrent que 22 % des enseignants sollicitent la présence d’animaux en classe par l’entremise d’activités proposées par des organismes externes. Rud et Beck (2003) estiment que 46 % des enseignants recevaient des animaux visiteurs, dont 28 % étaient ceux des élèves. La dernière question du questionnaire, Faites-vous appel à des organismes éducatifs afin de présenter différents types d’animaux aux élèves, à même la classe ? Précisez l’organisme, visait à vérifier le taux d’écoles qui ont recours à des animaux visiteurs, le temps d’une activité organisée par un organisme éducatif. Nos résultats révèlent que 41 % des écoles reçoivent des animaux visiteurs (figure 3). Les principaux organismes éducatifs mentionnés sont Éducazoo, la Zoomobile, le Reptizoo et Mira. Parfois nommés animaux ambassadeurs, les animaux visiteurs sont au coeur d’animations qui permettent à l’élève de se familiariser avec des animaux domestiques, sauvages ou exotiques. Selon les projets éducatifs proposés, le contact direct avec ces animaux soutiendrait et stimulerait l’appropriation de nouvelles connaissances sous l’univers vivant (Dell’Angelo et Coquidé, 2006). Il permettrait aussi de réduire certaines appréhensions et certains préjugés persistants envers certains animaux méconnus (Franc et al., 2013 ; Knigt, 2008).

Figure 3

Pourcentage d’écoles qui reçoivent ou non des animaux visiteurs (N = 189)

Pourcentage d’écoles qui reçoivent ou non des animaux visiteurs (N = 189)

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En somme, la présente étude révèle que plus de la moitié des écoles sondées hébergent un animal dans une ou plusieurs classes. L’intégration du vivant en classe semble donc assez répandue dans les écoles primaires du Québec, où plusieurs élèves de différents niveaux scolaires font la rencontre d’un animal, à même leur classe. Les élèves ont surtout l’occasion de côtoyer les animaux appartenant à la classe des petits mammifères et des poissons, majoritairement présents dans les écoles. Si les directions reconnaissent à juste titre les défis et les éléments à prendre en considération afin d’assurer la sécurité des élèves, la grande majorité d’entre elles sont néanmoins favorables à l’intégration d’un animal en classe. De plus, ces directions sont en mesure d’identifier un ensemble de retombées éducatives pour l’élève touchant à la fois son développement cognitif et socioémotionnel, comme le suggère la recherche. Enfin, il apparait qu’une intégration ponctuelle d’animaux en classe, par l’entremise d’organismes éducatifs, soit une autre façon de créer des moments de rencontres élèves-animal. Cette alternative (ou complément d’activités) présente un potentiel éducatif qui, dans une perspective de recherche, s’avérera intéressant à documenter en matière d’apprentissage chez l’élève et dans le développement de son rapport au vivant.

Conclusion

Cette étude a permis de décrire l’état de la situation dans des écoles primaires du Québec (N = 216) en ce qui a trait à l’intégration de petits animaux en classe. Les résultats rendent compte d’une présence certaine de cette pratique dans les écoles. Les réponses des directions d’école ont permis de mieux comprendre ce qui pourrait potentiellement encourager ou pas un enseignant à mettre en place de telles rencontres élèves-animal en classe. Les retombées éducatives évoquées touchent à la fois des aspects d’ordre cognitif (p. ex., soutenir les apprentissages en sciences) et socioémotionnel (p. ex., le sens des responsabilités, le sentiment d’appartenance, la motivation). Il sera pertinent d’approfondir la compréhension de cette pratique auprès des enseignants et des élèves concernés. Ainsi, sur le plan de la recherche, il serait judicieux d’interroger les enseignants québécois afin de documenter leurs intentions pédagogiques, les situations didactiques mises en place autour de l’animal et les retombées éducatives observées chez leurs élèves. Par ailleurs, malgré la popularité des rencontres élèves-animal en milieu scolaire, il y a peu de données sur l’impact de ces rencontres sur l’élève. Par conséquent, même si le potentiel de l’animal comme médiateur des apprentissages et du développement global de l’élève est mentionné dans la documentation (Bone, 2013), les résultats disponibles sont soit inconsistants, issus d’études corrélationnelles (Herzog, 2011) ou ne s’appuient que sur les perceptions des enseignants. À notre connaissance, aucune étude n’a validé, auprès des élèves et par le biais de mesures (voir Gee et al., 2017), le potentiel des rencontres élèves-animal évoqué par les directions d’école ou les enseignants. Il s’avèrera donc essentiel d’évaluer les retombées éducatives chez l’élève, afin de mieux comprendre les bénéfices et les limites de ces rencontres. Une meilleure connaissance des pratiques d’intégration d’un animal en classe et des retombées qu’elles génèrent permettra de mieux encadrer les projets éducatifs au bénéfice de l’animal impliqué et du développement global des élèves.