Revue Gouvernance
Governance Review
Volume 17, Number 2, 2020 Communautés dépendantes des forêts et gouvernance Forest Dependent Communities and Governance Guest-edited by Guy Chiasson and Annie Montpetit
Table of contents (5 articles)
-
Communautés forestières et gouvernance : quelles articulations ?
-
Smallholder Forestry in the FSC System: A Review
Janette Bulkan
pp. 7–29
AbstractEN:
Since its inception in 1993, the Forest Stewardship Council certification scheme to assess the quality of responsible forest stewardship has aimed to certify both industrial-scale and smallholder forests. This article considers variations in FSC smallholder certification: single or group; Small and Low Intensity Managed Forests (SLIMF); and both company- and community-managed community forests in Global North and South countries. The classification of smallholders, as “subsistence surplus” or “sell-to-survive,” as proposed by the political ecologist Jason Moore, is also applied. Global North smallholders account for two-thirds of smallholder certified area and, in general, are able to meet the costs of FSC certification because of the demand for certified timber, their better socio-economic circumstances, a greater degree of group organization, and, in some cases, access to state subsidies. They are also more likely to be price-makers. Global South forests both house more of the planet’s remaining biodiversity and are more vulnerable to degradation. Economic and social realities dictate that global South smallholders are largely constrained by having to sell their timber to survive and fall in the price-takers category. In the absence of subsidies, price premiums, or a secure value chain, they are unable to afford renewal of FSC certification. The article concludes with an assessment of some realistic options for smallholder forestry certification.
FR:
Depuis sa création en 1993, le système de certification du Forest Stewardship Council visant à évaluer la qualité de la gestion responsable des forêts a pour but de certifier les forêts à l’échelle industrielle et les forêts des petits exploitants. Cet article examine les différents modèles de certification FSC des petits exploitants : la certification individuelle ou de groupe ; la certification SLIMF pour les petites forêts ou les forêts gérées à faible intensité ; et la certification des forêts communautaires gérées à la fois par des entreprises et des communautés dans les pays du Nord et du Sud. La classification des petits exploitants, comme « surplus de subsistance » ou « vendre pour survivre », telle que proposée par l’écologiste politique Jason Moore, est également appliquée. Les petits exploitants du Nord représentent les deux tiers de la superficie certifiée des petits exploitants et, en général, sont en mesure de faire face aux coûts de la certification FSC en raison de la demande de bois certifié, de leur meilleure situation socio-économique, d’un plus grand degré d’organisation du groupe et, dans certains cas, de l’accès aux subventions de l’État. Ils sont également plus susceptibles d’être des fixeurs de prix. Les forêts du Sud abritent une plus grande partie de la biodiversité restante de la planète et sont plus vulnérables à la dégradation. Les réalités économiques et sociales font que les petits exploitants des pays du Sud sont largement limités par le fait qu’ils doivent vendre leur bois pour survivre et se retrouvent donc dans la catégorie des preneurs de prix. En l’absence de subventions, de primes de prix ou d’une chaîne de valeur sûre, ils n’ont pas les moyens de renouveler leur certification FSC. L’article se termine par une évaluation de quelques options réalistes pour la certification des petits exploitants forestiers.
-
Gouvernance forestière et changement d’échelle : le rôle ambigu de l’État dans la mise en place d’instances régionales
Guy Chiasson, Anne Mévellec, Luc Bouthillier and Jacques Boucher
pp. 30–51
AbstractFR:
Au Canada, la politique forestière est le plus souvent conçue comme une politique avant tout sectorielle. Le rôle de l’État et des industriels titulaires de permis d’exploitation de la forêt publique est central, offrant peu de place aux acteurs territoriaux. Or, au Québec comme au Nouveau-Brunswick, on a assisté à l’émergence d’institutions régionales visant à participer à la gouvernance forestière. Ce changement d’échelle correspond-il à une désectorialisation du pouvoir en matière forestière, et donc à une transformation du rôle de l’État en forêt publique ? En nous appuyant sur les travaux du rescaling et du néo-régionalisme, nous présentons ces institutions, issues de logiques du downscaling au Québec ou de l’upscaling au Nouveau-Brunswick, et nous interrogeons le rôle ambigu de l’État. Au gré de ses politiques sectorielles, ce dernier se révèle tour à tour promoteur et frein à l’émergence d’une gouvernance territoriale de la forêt.
EN:
In Canada, forest policy is most often conceived as a sectoral policy. The role of the state and of industrial holders of public forest licences is central, offering little space for territorial actors. However, in Quebec and New Brunswick, we have seen the emergence of regional institutions that participate in forest governance. Does this change in scale amount to a desectorialisation of power in forestry and therefore a transformation of the role of the State in public forests? Based on the work on rescaling and neo-regionalism, these institutions are presented as stemming from the logic of downscaling in Quebec or upscaling in New Brunswick, and the ambiguous role of the state is questioned. In the course of its sectoral policies, the latter proves to be in turn a promoter and a hindrance to the emergence of a territorial forest governance.
-
Vers des forêts de proximité en terres publiques ? Le « bricolage » institutionnel comme vecteur d’innovation en foresterie communautaire au Québec, Canada
Jean-François Bissonnette, Denis Blouin, Luc Bouthillier and Sara Teitelbaum
pp. 52–77
AbstractFR:
En l’absence d’une politique et d’un cadre pour la mise en oeuvre des projets de foresterie communautaire au Québec, plusieurs initiatives ont été abandonnées ou suspendues au cours des dernières décennies. Cependant, des collectivités territoriales, municipalités régionales de comté (MRC) et municipalités tentent d’innover en foresterie communautaire. Cet article fait un retour sur l’évolution récente des politiques publiques relatives à la foresterie communautaire sur le domaine de l’État au Québec en mettant en lumière des trajectoires régionales contrastées. Mobilisant la notion de « bricolage » institutionnel, nous posons la question suivante : quelles sont les formes d’innovation institutionnelle déployées pour assurer la mise en oeuvre d’initiatives de foresterie communautaire ? Pour ce faire, nous abordons deux cas distincts : celui de la MRC des Laurentides et celui de la MRC de Maria-Chapdelaine. Ils illustrent deux trajectoires en foresterie communautaire, soit les ententes formelles permises par le cadre gouvernemental et les ententes informelles convenues entre acteurs locaux. Leur étude aide à mieux comprendre les mécanismes d’arrangements institutionnels qui peuvent assurer la mise en oeuvre de projets forestiers concordant avec les intérêts et les considérations des acteurs territoriaux locaux. Le cas de la MRC de Maria-Chapdelaine démontre le potentiel d’approches informelles, qui correspondent au « bricolage » institutionnel, comme vecteur d’innovation en cogestion forestière pour la mise en oeuvre d’initiatives de foresterie communautaire.
EN:
In the absence of a policy and a framework for the implementation of community forestry projects in Quebec, many initiatives have been abandoned or suspended in the past decades. However, some territorial communities such as Regional County Municipalities (MRCs) and municipalities are attempting to innovate in community forestry. This article provides an overview of recent policies related to community forestry on public lands in Quebec while highlighting contrasted regional trajectories. Drawing on the notion of institutional bricolage, the authors ask the following question : what forms of institutional innovation are being deployed to ensure the implementation of community forestry initiatives ? To do so, two distinct cases of community forestry are reviewed : one based in the MRC des Laurentides and the other in the MRC de Maria-Chapdelaine. These cases illustrate two trajectories in community forestry, namely formal agreements allowed within the existing legal framework and informal agreements devised between local stakeholders. Those cases provide a better understanding of institutional arrangements which can lead to the emergence of community forestry projects congruent with the interests and considerations of local stakeholders. The MRC de Maria-Chapdelaine case especially demonstrates the high potential of informal approaches which correspond to institutional bricolage, a means to innovate in forest co-management for the implementation of community forestry initiatives.
-
Vers l’émergence d’une gouvernance territoriale régionale autochtone ? Parcours des Mi’gmaq de Gespeg pour transformer la gestion des forêts publiques de leur territoire ancestral au Québec, Canada
Denis Blouin, Jean-François Bissonnette and Luc Bouthillier
pp. 78–104
AbstractFR:
Les Mi’gmaq de Gespeg sont une communauté autochtone sans territoire attribué. Cette situation amplifie chez elle une volonté de réappropriation du territoire et de ses ressources présente chez les Premières Nations du Canada. Cette volonté s’est entre autres incarnée dans des ententes de cogestion forestière en terre publique avec le gouvernement du Québec. Pour comprendre ce processus transformatif, nous avons réalisé une étude de cas fondée sur une approche collaborative et partenariale avec les Mi’gmaq de Gespeg. Après avoir défini leurs attentes et leur vision face à la forêt, nous avons retracé leur contexte sociohistorique forestier, puis analysé leur cheminement en foresterie au cours des vingt dernières années, et plus particulièrement leur engagement dans la cogestion. Nous avons ensuite développé un cadre d’analyse de la gouvernance forestière, en identifiant plus particulièrement les conditions sur lesquelles la communauté peut agir pour concrétiser sa vision. Nous avons constaté que l’engagement de la communauté en foresterie semble un moyen mis de l’avant pour entamer la transformation de la gouvernance de son territoire forestier ancestral. Ce cheminement stratégique circonscrit par le cadre de la cogestion constituerait un passage vers une gouvernance territoriale autochtone à Gespeg, en cogestion avec des partenaires locaux, la communauté mig’maq y assumant un rôle d’entrepreneur institutionnel. Les Mi’gmaq de Gespeg exerceraient ainsi une fonction d’agent transformatif sur les conditions actionnables de la gouvernance des terres publiques vers l’atteinte de leur vision de gouvernance du territoire ancestral.
EN:
The Mi’gmaq of Gespeg are an aboriginal community with no assigned territory. This situation amplifies their desire to reclaim the territory and its resources encountered by First Nations in Canada. This desire has been embodied in forest co-management agreements with the Government of Quebec. To understand this transformative process, we carried out a case study based on a collaborative and partnership approach with the Mi’gmaq of Gespeg. Following the identification of their expectations and their vision about forest, we considered their socio-historical forest context, then analyzed their progress in forestry over the last twenty years, more particularly their commitment to co-management. We then developed a framework for analyzing forest governance, identifying in particular the conditions on which the community can act to realize its vision. We have found that community involvement in forestry seems to be a means to begin transforming the governance of their ancestral forest land. This strategic pathway, circumscribed by the co-management framework, would constitute a transition to indigenous territorial governance in Gespeg, in co-management with local partners, in which the mig’maq community assume an institutional entrepreneur role. The Mi’gmaq of Gespeg would thus exercise a function of transformative agent on the actionable conditions of the governance of the public lands towards the achievement of their vision of governance of the ancestral territory.