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En Afrique, la ville constitue un territoire porteur d’enjeux majeurs de santé publique. Durant la période coloniale, l’application des normes de l’hygiénisme a contribué à la création de villes guidées par des principes de séparation, voire de ségrégation, éloignant les populations locales des lieux de résidence des colons (Le Cour Grandmaison, 2014). L’urbanisme constitue le fruit du lien établi entre le milieu de vie, considéré comme pathogène et l’état de santé des populations (Lévy, 2012 : 30). Ce lien, un temps distendu, s’est renouvelé depuis à la faveur de l’observation d’inégalités sociales de santé. Il met en évidence le rôle des environnements bâti et socioéconomique dans la réduction du risque sanitaire (Lévy, 2012 : 39).

La théorie des « trois âges de la ville » développée par Newman et Kenworth concrétise la relation existante entre mobilité et consommation d’espace (Allaire et Criqui, 2007 : 55). Elle établit trois modèles urbains caractéristiques des pays riches : la ville « piétonne » traditionnelle, la ville « transports en commun» et la ville « voiture » (Pouyanne, 2006 : 9). Ainsi, les pratiques d’aménagement dépendantes de l’automobile ont participé au processus d’étalement urbain, caractéristique des pays riches. Bien que l’automobile soit moins présente au Sud, le phénomène d’étalement urbain est particulièrement observé en Afrique (Guézéré, 2013 : 42). La prédominance de l’habitat horizontal (Boyer et Delaunay, 2009 : 103), la pénurie de logements, une extension d’un habitat spontané périphérique sont quelques-unes des caractéristiques d’un territoire en constante croissance spatiale. Même s’il existe une ville « motorisée » en Afrique, la mobilité dans les capitales repose sur un transport au profil varié (Diaz-Olvera, Plat et Pochet, 2005 : 148), marqué par de fortes inégalités face au risque d’accident de la route (Sietchiping, Permezel et Ngomsi, 2012 : 186). La mortalité des piétons et des cyclistes est souvent plus élevée parmi les populations au niveau de vie le plus faible (Sethi and Mitis, 2013). Elle révèle un contraste sur le plan de l’insécurité, entre les villes qui ont fait de la sécurité routière une priorité et celles dans lesquelles les politiques mises en oeuvre ont connu moins de réussite (WHO, ONU Habitat, 2016).

À Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, la vulnérabilité est renforcée par une forte proportion d’usagers de deux roues, motorisés ou non, mais également une propension à préférer ce type de déplacement à l’automobile dans certaines circonstances. La remarque n’est pas anodine lorsque l’OMS place les traumatismes dus aux accidents de la circulation à la huitième place des causes de décès dans le monde et à la première pour les 15-29 ans. Ce fardeau de santé publique est plus grave dans les pays à faibles revenus où se produisent 90 % des décès, l’Afrique présentant le taux de mortalité lié aux accidents de la route le plus élevé, estimé à 26,6 décès pour 100 000 personnes par an (WHO, 2015 : 6).

La capitale du Burkina Faso connaît un nombre important d’accidents de la circulation qui provoquent une mortalité et une morbidité inquiétante. Les autorités locales burkinabè n’intègrent pas la question de la sécurité routière de façon spécifique dans leurs documents d’urbanisme et semblent sous-estimer le problème du risque routier. Cet article propose d’analyser la distribution des accidents de la route dans la ville de Ouagadougou par le prisme de l’aménagement du territoire et des actions de prévention afin de montrer aux autorités l’importance qu’il faudrait accorder à ce problème de santé publique.

Cadre d’étude

En 2012, Ouagadougou comptait 1,9 million d’habitants (INSD 2012). D’un point de vue urbanistique, elle a longtemps été marquée par une politique du « laisser-faire » (Fournet, ema, Salem, 2008 : 35). La période révolutionnaire (1983-1987) est le point de départ d’une politique urbaine à l’origine de grandes transformations spatiales et d’une modernisation architecturale. Le lotement des quartiers irréguliers[1] transforme rapidement l’espace urbain. À la veille de la révolution de 1983, « 70 % des quartiers de la ville sont irréguliers et 60 % de la population […] vit dans la « Bancoville » illégale » (Fournet, ema et Salem, 2008 : 36). Une politique de rénovation des quartiers centraux, sur le modèle haussmannien, conduit à la destruction d’une partie des anciens quartiers jugés les plus insalubres et à la modernisation du grand marché central et des rues adjacentes. Au cours de la décennie 1980, ces opérations s’appuient sur des plans de développement urbain et dessinent une première couronne périphérique, lieu d’accueil d’équipements collectifs et d’opération de lotement, jusqu’alors privilège du centre-ville. La dichotomie centre-périphérie s’en trouve atténuée. Cependant, ce nouveau territoire urbain, en favorisant des lotements « cités », développe dans le même temps des logiques ségrégatives puisque l’accès à ce type de construction est plus facile pour les populations aisées. Les opérations d’urbanisme menées à partir des années 2000 tracent une seconde couronne périphérique. Mais elles ne parviennent pas à endiguer la prolifération de quartiers spontanés en raison d’une forte spéculation foncière (Fournet, ema, Salem, 2008 : 13). Malgré tout, l’attention des autorités reste concentrée sur le centre-ville qui bénéficie d’opérations de restructuration, comme la Zone d’activité commerciale et administrative (ZACA). Ces opérations participent à la construction d’une image de ville vitrine (Sory, 2013 : 67). À Ouagadougou, les opérations de lotements constituent la préoccupation première des autorités municipales et les instruments de planification progressivement adoptés tentent de répondre aux différents maux de cette capitale : inondation, assainement et accès à l’eau, etc.; mais sans les anticiper ou pouvoir les prévenir. Quant à la mobilité, elle est un domaine d’investissement tardif.

Méthodologie

Cet article repose sur une recherche menée en 2015 sur les accidents de la route et les traumatismes à Ouagadougou qui avait pour objectif de tester l’efficacité, l’acceptabilité et la capacité d’un système de surveillance à évaluer le nombre des accidents et leurs conséquences sur la santé des populations. Une plateforme de surveillance des accidents de la route (www.traumatismes.africasys.com) a été élaborée avec des technologies mobiles et des outils de collectes (des géotraceurs, GPS dotés d’une puce téléphonique capable d’envoyer la position à un serveur cartographique). Les géotraceurs étaient activés par les agents de la Police nationale sur les lieux de l’accident. Cette activation permettait d’envoyer un SMS contenant la position géographique du lieu d’accident à un serveur pour la cartographier. Les agents de police remplaient un questionnaire relatif aux circonstances de l’accident et à l’état des personnes impliquées. Toutes les sections chargées des accidents dans les commariats (n=7) de la Police nationale ont participé à cette collecte pendant six mois, de février à juillet 2015.

Les données de cet article reposent sur un devis de recherche mixte de type séquentiel explicatif (Pluye, 2012). Autrement dit, nous analysons les données quantitatives sur la distribution des accidents de la route produites dans le cadre de cette étude, ainsi que des données qualitatives collectées de façon simultanée pour affiner la compréhension des résultats.

Les positions d’accidents enregistrées dans le serveur ont été exportées et intégrées à un système d’information géographique (ArcGis). L’analyse de la densité d’accidents dans l’espace a été réalisée avec une méthode d’analyse de densité de noyaux (Kernel density Estimator). Les questionnaires complétés par les policiers ont été saisis et analysés avec un logiciel de traitement d’enquêtes quantitatives (Le Sphinx). En complément de ces données quantitatives, quatre entretiens qualitatifs ont été réalisés auprès d’experts et d’acteurs de l’urbanisme et de la sécurité urbaine de Ouagadougou : un urbaniste de l’Agence Perspective, un responsable de la Direction des infrastructures routières et de la mobilité de la ville (DIRMO), le responsable de l’Observatoire de la sécurité de la commune (OSCO) et un responsable de la direction des études statistiques et de la planification (cellule SIG). Ces entretiens avaient pour but de comprendre des outils d’urbanisme existants qui intervenaient directement ou indirectement sur la sécurité routière. Il s’agissait également de collecter des données relatives à l’aménagement, le plan d’occupation des sols et l’entretien de la voirie.

Résultats

Selon la Police nationale, le nombre d’accidents de la circulation à l’échelle de la ville est en croissance constante depuis 2005 (graphique 1). Entre 2011 et 2016, le nombre d’accidents a doublé. Deux explications peuvent être avancées. L’une se rapporte à la forte croissance démographique de la capitale et son corollaire, la mobilité. L’autre concerne le recueil statistique. À partir de 2012, six sections « accidents » sont venues s’ajouter au Commariat central qui, jusque-là, intervenait seul sur le terrain pour effectuer les constats. Toutefois, un grand nombre d’accidents sont résolus à l’amiable. Les données du graphique 1 peuvent donc sous-estimer leur nombre réel.

Graphique 1

Évolution du nombre de décès et d’accidents de la route à Ouagadougou entre 2005 et 2016

Évolution du nombre de décès et d’accidents de la route à Ouagadougou entre 2005 et 2016
Source : Police nationale du centre

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Les fluctuations de la courbe des décès (graphique 1) peuvent être mises au passif d’une collecte informatisée qui ne débute qu’à partir de 2012 et l’absence d’un archivage bien organisé.

Des voies bitumées : principaux axes de concentration des accidents

La carte 1 de l’accidentologie routière en 2015 est le reflet de la répartition de la voirie revêtue de Ouagadougou. La mobilité dépend d’un réseau routier caractérisé par une structure radiale, prolongement des routes nationales qui convergent vers le centre-ville. Ces axes font partie d’un ensemble de voies bitumées peu nombreuses et concentrant la majorité du trafic. En 1984, la voirie de la capitale totalisait une longueur de 348 km, dont 93 km bitumés (Bamas, 1995). En 2012, le réseau routier ouagalais s’est densifié puisque sa longueur est estimée à 2 300 km, dont seulement 420 km sont revêtus (Dolly, 2013). La part des voies bitumées est donc faible et en recul entre 1984 et 2012 (passant de 27 % à 18 %).

La carte montre également des mouvements pendulaires centre-périphérie occasionnant une forte densité de circulation dans le centre-ville. Elle laisse deviner des pratiques de déplacement privilégiant les grands axes rarement contournés, même en cas d’engorgement aux heures de pointe. En effet, la hiérarchie du réseau routier est associée à des aménagements et des modes de circulation source de situations accidentogènes.

Carte 1

Densité des accidents de la route à Ouagadougou en 2015

Densité des accidents de la route à Ouagadougou en 2015
Source : PIGEO, Enquêtes Traumatismes, Ouagadougou 2015

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En quatre mois, l’enquête a recueilli 2 736 fiches de renseignements complétées, dont 1 376 (50 %) concernaient des constats avec blessés. Toutefois, la carte 1 ne s’appuie que sur 872 points GPS effectivement transmis par les géotraceurs. Quelques dysfonctionnements liés à la chaleur et à la qualité du réseau téléphonique ont perturbé la collecte (Bonnet et al., 2017). Les fiches de constat continuaient toutefois d’être remplies par les agents, signe de l’adhésion du personnel policier et de son intérêt pour le projet. La cartographie rend donc compte d’une situation avec un nombre de points de géolocalisation limité, mais nous informe sur leur répartition spatiale. Seule l’intensité du phénomène peut être sous-estimée par cette perte de quantité de données.

La carte 1 montre plusieurs « points noirs ». L’avenue du Yatenga concentre un trafic très dense, en moyenne 35 000 véhicules par jour (DIRMO 2014). Elle est également l’unique voie qui relie plusieurs quartiers de la périphérie ouest au centre-ville. En 2015, cette voie représentait à elle seule 8 % des accidents avec blessés et 64 % des blessés étaient des usagers vulnérables. L’avenue Bassawarga, à proximité du rond-point de la Patte d’Oie, et le rond-point des Nations Unies, où convergent les routes de la capitale, sont des lieux caractérisés par la forte présence d’accidents sur des voies étroites. Lorsque les aménagements ont prévu une piste cyclable, nos observations montrent que celle-ci est jalonnée par des commerces informels attirés par le trafic routier et les clients potentiels. Enfin, le boulevard Tensoba Kiema, communément appelé « circulaire », se distingue par une fréquence élevée d’accidents. Cet axe, constitué de 2x2 voies séparées d’un terre-plein central, favorise la prise de vitesse sans assurer la protection des deux roues sur un axe réservé.

Ces voies s’avèrent exiguës compte tenu du volume de trafic qu’elles doivent supporter. La plupart ont été tracées à une époque où l’automobile était rare et la ville peu peuplée. En outre, l’absence de piste cyclable ou leur mauvais état conduit à la coexistence de différents moyens de transport sur la même chaussée, ce qui accroît les risques d’accident. Seulement 8 % des routes secondaires qui relient les quartiers entre eux sont bitumées et en bon état (Kiettyetta, 2013). Enfin, la carte montre de grands axes pénétrants très accidentogènes, particulièrement dans la partie nord.

Une voirie urbaine au profil très varié

La caractéristique majeure des voies de la capitale est l’absence de trottoirs aménagés. Quand ils existent, ils sont encombrés par les étals et les pancartes des commerces ou le stationnement des véhicules, qui constituent autant d’obstacles à des déplacements sécurisés.

Les axes de circulation doivent avant tout permettre la fluidité du trafic, ce dont témoignent l’absence d’aires de stationnement et la priorité accordée aux voies larges. Toutefois, en une décennie, la voirie bitumée a peu progressé. Elle s’est surtout développée à la périphérie, afin de désengorger les voies les plus saturées.

Au regard de la carte 2, qui présente l’évolution de la voirie bitumée entre 2007 et 2015, deux constats principaux peuvent être faits.

Carte 2

Évolution de la voirie bitumée entre 2007 et 2015

Évolution de la voirie bitumée entre 2007 et 2015
Source : PIGEO, Enquêtes Traumatismes, Ouagadougou 2015, BNSP 2007

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D’abord, la superposition des zones les plus accidentogènes avec les axes bitumés met en évidence un grand nombre de carrefours à risque. Ensuite, la majorité des nouveaux aménagements routiers se sont faits au profit d’axes secondaires, selon des plans variés, et peu sur les axes primaires anciens, excepté les pénétrants (routes nationales). Ceci donne un aspect très hétérogène à la voirie de cette capitale. Ainsi, le boulevard de la jeunesse, voie ouverte depuis 2015 dans la ZAD (A sur la carte 2) et l’axe de Bendogo (B sur la carte 2), larges bandes d’asphalte bitumées la même année, se présentent sous une forme différente. La première dispose d’une division centrale, avec marquage au sol, ralenteurs et voie protégée pour les deux roues; la seconde ne dispose que de ralenteurs. Sur le plan de l’accidentologie, ces deux voies présentent des profils très différents. La première, malgré ses aménagements, est plus sujette aux accidents que la seconde. Ici, la fonction de l’axe est fondamentale. Le premier est une desserte interquartier alors que le second a davantage pour rôle d’assurer le lien avec les axes tertiaires, permettant d’accéder aux habitations et dans une moindre mesure d’établir un lien interquartier. L’aménagement propre de la voie est tout aussi important. En effet, dans la ZAD, le terre-plein central forme une bande continue rarement interrompue laissant le passage aux flux transversaux, qui imposent aux véhicules débouchant des voies tertiaires perpendiculaires de parcourir une longue distance pour les contourner. Or, de nombreuses personnes, circulant en deux roues motorisés (ou non) sans obligation de permis de conduire, et débouchant des voies transversales, n’effectuent pas ce contournement et roulent à contresens, face à des voitures ne respectant pas la limitation de vitesse à 50km/h (loi de 2002[2]). En revanche, sur l’axe du quartier Bendogo, aucun obstacle ne vient contrarier les mouvements des circulants et les accidents y sont beaucoup moins fréquents. Enfin, malgré la forte présence de commerces, leur retrait par rapport à la voie permet le stationnement, ce qui est impossible dans la ZAD où l’aménagement n’a pas tenu compte du besoin pour les résidents ou les clients des commerces de s’arrêter. Il est donc fréquent de voir le boulevard de la jeunesse encombré par des véhicules stationnés, entraînant de nombreuses manoeuvres d’évitement à des vitesses souvent supérieures à celles autorisées. Les données montrent que les choix municipaux d’aménagement routier constituent des sources de risques contribuant à créer des situations accidentogènes en l’absence de prise en compte des pratiques de circulation et d’occupation des voies par les populations.

Le profil des victimes de la route caractéristique des modes de déplacement dominants

La majorité des victimes des accidents sont des usagers vulnérables, c’est-à-dire des piétons, des cyclistes et des motocyclistes (graphique 2). Toutefois, les enquêtes fondées sur les interventions de la Police nationale ne permettent pas d’identifier les circonstances dans lesquelles ils ont été blessés puisqu’elles compilent l’ensemble des accidents par type de véhicule impliqué, qu’il y ait des victimes ou non. Globalement, les véhicules quatre-roues (majoritairement des voitures) sont les plus impliqués dans les collisions. Les deux roues, motorisés ou non, sont le deuxième mode de déplacement le plus impliqué dans les collisions. Par ailleurs, la rareté des aménagements piétonniers explique la difficulté de se déplacer à pied. Les passages piétons sont peu fréquents et peu respectés par les circulants. Ainsi, Ouagadougou est l’une des capitales ouest-africaines où l’on marche le moins (Diaz-Olvera, Plat et Pochet, 2005 : 147) et, au regard des statistiques relevées sur une période très courte, ce mode de déplacement interpelle sur sa dangerosité comparée à d’autres modes.

Graphique 2

Les modes de déplacement impliqués dans les accidents en 2015

Les modes de déplacement impliqués dans les accidents en 2015
Source : Enquêtes Traumatismes, Ouagadougou 2015

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Au fil des années, la voirie de Ouagadougou apparait de plus en plus inadaptée au trafic routier. Or, le nombre de véhicules immatriculés au Burkina Faso ne cesse de croître. En 2013, les deux roues à moteurs dépassaient largement les véhicules automobiles dont le parc constitue à peine 10 % du nombre de véhicules motorisés dénombrés (graphique 3). La capitale regroupait 67 % du parc automobile et 42 % du parc des deux roues du Burkina Faso (UNEP et PNUD, 2012).

Graphique 3

Évolution du nombre de véhicules immatriculés au Burkina Faso de 2004 à 2013

Évolution du nombre de véhicules immatriculés au Burkina Faso de 2004 à 2013
Source : DGTTM

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S’ajoute à l’inadaptation de la voirie, l’absence de signalisation verticale (absente ou détériorée) sur la majorité des avenues. Certains carrefours de la ville sont dangereux car leur géométrie est inadaptée, la localisation des feux tricolores inadéquate et la traversée de piétons difficile, voire impossible. S’ajoute le faible respect de la signalisation routière[3] et les nombreuses incivilités. Ces éléments contribuent à aggraver les blessures des personnes les plus exposées sur la route. Selon les informations collectées lors de l’enquête auprès des accidentés admis au service urgences traumatologiques du CHU Yalgado, 80 % d’entre eux étaient des usagers de deux-roues, majoritairement des personnes de moins de 30 ans. Les blessures à la tête touchaient 43 % des hospitalisés qui présentaient également les blessures les plus graves (Fillol et al., 2016). Les enquêtes montrent également qu’un quart des blessés souffraient encore des conséquences de l’accident trente jours après sa survenue[4].

Discussion

L’accident est un phénomène complexe dépendant du dysfonctionnement du système de circulation dans lequel plusieurs composantes interagent comme le type de véhicule, la voie, le comportement de l’usager, les politiques locales, etc. (Huguenin-Richard, 1999). Les recherches montrent que les actions de régulation menées en faveur de la sécurité routière interviennent à deux échelles. Le niveau micro est du ressort des usagers de la route. Le niveau macro dépend des choix effectués par les élus, aménageurs et autres acteurs (Fleury, 2004). Les déterminants sont donc nombreux et notre recherche descriptive, dont on a présenté plus haut les limites, n’est pas encore en mesure de les analyser tous. Cependant, quelques enseignements peuvent être tirés à partir des données déjà disponibles et de leur comparaison avec d’autres plus anciennes.

1. Réseau routier et accidents : quels liens ?

Les voies bitumées sont des artères structurantes de l’économie marchande, caractérisées par une densité et une mixité de mobilité. Elles deviennent « une polarité linéaire où se superpose une multiplicité d’usages » (Awal, 2015 : 356). Ces voies, en faible nombre à Ouagadougou, soit moins de 20 % du réseau routier, présentent un double aspect. Elles sont un facteur de risque, car elles concentrent le trafic et sont fréquentées par des véhicules divers et dans le même temps, elles sont un facteur d’atténuation de la gravité des accidents (Millot, 2003).

La comparaison des résultats de 2015 avec les travaux menés en 2007 à Ouagadougou à partir des données de la Brigade nationale des Sapeurs-Pompiers (BNSP) montre une récurrence des accidents sur certains axes de la ville (Bénard, 2007). Les lieux de plus forte concentration d’accidents avec victimes sont le centre-ville et les voies desservant les périphéries sud et ouest (carte 3). On constate une permanence des lieux accidentogènes dans les zones où se trouvent des voies pénétrantes même si elles font l’objet de réaménagements progressifs, notamment par la création d’échangeurs. Ces infrastructures routières, présentées comme le symbole d’une ville moderne, sont à l’origine d’un risque accru d’accidents pour les usagers vulnérables qui ne sont pas habitués à circuler sur ce type de voies.

Carte 3

Lieux de plus forte concentration des accidents de la route en 2007 à Ouagadougou

Lieux de plus forte concentration des accidents de la route en 2007 à Ouagadougou
Source : C. Bénard, BNSP, IRD, INSS, Ouagadougou 2007

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Le réseau viaire ouagalais est conçu selon le modèle Buchanan (Fleury, 2004), décomposé en primaire, secondaire et tertiaire. Si l’aménagement des rues de la capitale n’a pas été conçu dans un but de sécurité des déplacements, le modèle urbanistique y contribue indirectement par la création d’un tu urbain élaboré depuis des décennies sur le modèle du lotement. La largeur des voies tertiaires, toujours en terre et peu entretenues, ne permet pas la prise de vitesse. Par ailleurs, les modes de vie des populations participent à la modération de la circulation par l’implantation de petites boutiques devant les pas-de-porte encombrant le passage.

2. Insécurité routière, le paradoxe de la population

L’ouverture récente de larges voies aménagées dans le but de fluidifier le trafic et l’absence de rappel de la limitation de vitesse peuvent être perçues comme autant d’informations favorables à une accélération des déplacements afin d’éviter l’encombrement des voies, engendrant une multiplication des accidents. Dans 45 % des cas, les infrastructures et leur environnement contribueraient à produire les défaillances des conducteurs (Clabaux, 2007 : 31).

S’il est indéniable que les usagers de la route prennent des risques, leur comportement reflète un paradoxe entre incivisme et « autorégulation » qui révèle dans les deux cas l’impuissance des autorités locales. Alors que le port du casque a été décrété dès 1978 pour les motocyclistes, réaffirmé par un décret de 2003 (pour les 150 cm3) et élargi à l’ensemble des deux roues motorisés par le décret de 2005, la population ne le porte pas. Selon une enquête récente, seulement 9,3 % des motocyclistes possédant[5] un casque l’utiliseraient. De plus, parmi la population interrogée ayant été victime d’un accident, seulement 3,6 % le porteraient après l’accident (Drabo, 2014), justifiant leur comportement par l’inconfort et la faible qualité des casques. Soulignons que cet équipement a symbolisé le refus de l’autorité de l’État pendant une période politique tourmentée. Ainsi, les territoires de la répression ont fait place aux territoires de la contestation (Sory, 2012 : 2). En effet, en 2006, la mise en place d’un contrôle du port du casque par les polices nationale et municipale s’est soldée par « les émeutes des casques », qui ont entraîné la destruction de biens publics et l’attaque des agents chargés de l’application des textes de loi. Ces émeutes ont traduit l’opposition des Ouagalais face aux représentants de l’ordre étatique, considéré comme corrompu et garant d’une impunité pour certaines catégories de la population. Elles permettent de mieux comprendre les attitudes inciviques observées dans les pratiques de circulation aujourd’hui.

Depuis la transition politique vécue par le Burkina Faso en 2014, l’autorité municipale a peu réinvesti le territoire, les contrôles sur les voies publiques sont sporadiques. Selon un responsable de la police municipale, les évènements politiques n’ont pas permis le recrutement de nouveaux agents, ce qui limite les actions de terrain. Le personnel de la police municipale est au nombre de 500 pour une population estimée aujourd’hui à près de deux millions d’habitants.

À l’intérieur des quartiers, des actions de sécurisation routière émergent de l’initiative populaire. Des aménagements spontanés installés par les riverains ponctuent les routes des quartiers périphériques de la capitale : des ronds-points matérialisés par un empilement de pneus, ou des ralenteurs sous forme de cordon de terre. Construits hors de toute norme et de signalisation, ils témoignent du sentiment de délaissement des populations vivant dans ces quartiers. Ce type de dispositif est réalisé pour suppléer l’absence ou les insuffisances d’action étatique. Selon le responsable de l’OSCO, c’est un moyen pour la population de faire pression auprès des autorités communales. Dans la capitale, les maires d’arrondissements constatent les besoins d’aménagements, mais ne disposent pas de l’autonomie financière pour intervenir. Ils doivent transférer leurs demandes à la commune centrale, peu soucieuse des axes tertiaires.

Des organisations de la société civile s’investissent depuis de nombreuses années en faveur de la sécurité routière. La Brigade des jeunes volontaires pour la sécurité et l’éducation routières, créée en 1996, est l’une d’entre elles. Elle intervient sur les axes bitumés des carrefours dépourvus de signalisation routière et encombrés aux heures de pointe. Bien que reconnue officiellement, elle ne dispose pas d’une autorité de répression. Pourtant, les conducteurs respectent le plus souvent les ordres donnés par ces volontaires assurant la fluidité de la circulation et réduisant le risque routier. Aux périodes de délestage (lorsque l’électricité est coupée momentanément), il est fréquent de voir des jeunes, hors de toute structure, investir les carrefours les plus encombrés et réguler la circulation. Si l’action a plutôt pour vocation d’assurer un petit financement, sollicité auprès des conducteurs, il en résulte malgré tout une régulation du trafic, soulignant la capacité des populations à respecter les initiatives locales.

3. Les accidents de la circulation face à l’étalement urbain

Les quartiers périphériques devraient être caractérisés par un niveau d’insécurité routière faible du fait de leurs fonctions résidentielles et de vitesses de déplacement faibles. Dans la capitale burkinabè, ceci vaut pour les axes tertiaires, mais pas pour les axes primaires périphériques, qui sont caractérisés par un taux d’accidents élevé. La superficie de Ouagadougou a plus que doublé en vingt ans, passant de 126 km² en 1987 (Fournet, ema et Salem, 2008 : 43) à 268,3 km² en 2008 (Boyer et Delaunay, 2009 : 137). Les distances à parcourir entre le centre et les marges de la ville sont de plus en plus importantes. Contrairement aux centres urbains européens, le choix d’occuper la périphérie de la ville en Afrique ne correspond pas à un besoin de desserrement du centre-ville, mais, selon Guézéré (2013 : 46), « à une obligation pour les populations pauvres » qui ne peuvent se loger à coût modique au centre-ville. Se déplacer vers la périphérie est aussi une opportunité d’accéder à la propriété pour les jeunes couples (Fournet, ema et Salem, 2008 : 52). Globalement, dans la capitale, les déplacements sont effectués en majorité en deux roues motorisés, accessibles au plus grand nombre depuis l’introduction des marques chinoises sur le marché en 2003. La domination des transports individuels est la conséquence d’une offre de transports en commun publics (bus SOTRACO) ou collectifs privés très faibles.

Ewing et al. (2016 : 263) reconnaissent un lien significatif entre la forme urbaine marquée par l’étalement et l’insécurité routière, entraînant une mortalité routière élevée, associée à un trafic moins dense et une prise de vitesse. Toutefois, cette relation « clé » reconnue dans les villes développées est à relativiser pour les villes du Sud. Bien que caractérisée par un étalement de l’habitat, Ouagadougou est aussi marquée par un faible réseau routier bitumé où se localisent de fortes densités de véhicules. Sa situation est donc comparable aux villes compactes, où la mortalité routière est peu importante malgré un nombre d’accidents élevé, ce que tend à confirmer la comparaison de la mortalité routière entre la capitale et la seconde ville du Burkina Faso, Bobo-Dioulasso. Les statistiques d’accidentologie des deux centres urbains montrent une évolution à des rythmes différents. En 2009, Ouagadougou dénombrait 102 morts par accident de la circulation contre 45 à Bobo-Dioulasso. En 2013, ces chiffres étaient respectivement de 132 et 103. La population de la capitale à ces dates représentait près du triple de celle de Bobo-Dioulasso, évaluée à 645 000 habitants (INSD, 2012) et un parc roulant plus important[6]. Si le risque d’« accident » résulte de la conjonction d’un ensemble de facteurs, ce rapport, inversement proportionnel à la taille de la population, interroge sur le rôle d’aménagements urbains potentiellement accidentogènes (densité de la circulation, largeur des axes routiers, etc.).

4. Quelle place pour la sécurité routière dans la politique communale ?

Le Burkina Faso est, à l’image du continent africain, un territoire d’estimation de l’accidentologie routière (Bonnet, 2015) sans données rigoureuses. Il existe une multiplicité d’acteurs (Police nationale, Brigade des Sapeurs- Pompiers, Gendarmerie nationale), chacun producteur de données statistiques peu ou mal localisées puisque l’identification approximative du lieu dans les rapports d’accidents n’a que la vocation de faciliter la procédure judiciaire et l’action des assurances. De plus, ces données sont ensuite reprises et agrégées à l’échelle des découpages administratifs par l’OSCO, ce qui limite encore leur précision.

L’implication de l’échelle locale dans la gestion de l’ensemble des équipements urbains — en matière de santé publique et d’aménagement urbain — est récente et fait suite à la communalisation intégrale. Deux lois fondamentales guident sa mise en place. La loi n° 055-2004 portant code général des collectivités territoriales (CGCT) précise le domaine de compétences des communes urbaines. Par un décret de 2009, portant application de cette loi[7], l’État leur a transféré le rôle de gestionnaire dans le domaine de la santé. La gestion des structures sanitaires de base et de la salubrité dépendent de leur ressort territorial. La loi n° 017-2006/AN portant le Code de l’urbanisme et de la construction règlemente le domaine.

En 2010, l’élaboration du Schéma directeur d’aménagement du Grand Ouaga (SDAGO) à l’horizon 2025 privilégie un réseau routier destiné à développer la circulation, en favorisant la fluidité du trafic. Mais de tels documents d’urbanisme n’intègrent pas les préoccupations relatives à la dénonciation des externalités négatives liées à la circulation automobile (pollution, bruit, insécurité) comme dans les pays du Nord, alors qu’ils inspirent largement les politiques de mobilité des villes du Sud. Ainsi, la communauté urbaine et l’agence d’urbanisme de Lyon accompagnent les services techniques de la commune de Ouagadougou pour renforcer leurs capacités. À cet effet, la Direction des routes a fait place à la DIRMO, en charge du contrôle de la mobilité en plus de la gestion de la voirie. À l’initiative du Programme d’appui à la mobilité de Ouagadougou (PAMO), dont la première phase a débuté en 2011, un Observatoire des déplacements urbains de Ouagadougou (ODUO) devrait voir le jour en 2017. Il doit centraliser les données relatives aux déplacements à des fins de contrôle des indicateurs clés de suivi. Il constituera, à terme, un outil d’aide à la décision pour la régulation de la mobilité, et composera la future Autorité organisatrice des transports urbains (AOTU).

La redéfinition du service technique responsable de l’aménagement routier et l’implication de partenaires du Nord mettent en évidence l’intérêt accordé aux déplacements. La sécurité routière n’est pas ignorée dans ces redéfinitions de la politique de mobilité, mais elle fait pâle figure. Elle a pourtant bénéficié pendant quelques années d’un intérêt politique soutenu par le dynamisme d’un maire soucieux de rendre sa ville plus sûre. Comme le souligne un des responsables des services municipaux : « la politique communale, c’est avant tout celle d’un individu qui est le maire ». Trois événements majeurs soulignent l’intérêt politique accordé à la sécurité routière pendant une courte période.

En 2009, l’adoption du Programme conjoint de renforcement de la sécurité urbaine (PCRSU), sur financement extérieur, dégage une dimension sécuritaire dans les outils de planification et de gestion urbaine, confiée à l’OSCO en 2011. Sa fonction est de réaliser la « cartographie » du risque routier dans la capitale en soutien aux interventions répressives de la police municipale. L’expérience du PCRSU prend fin en 2013, une année après la fin du mandat d’un maire réélu plusieurs fois depuis son investiture en 1995 et qui avait soutenu les initiatives de sécurité routière. L’OSCO est alors rattaché à la police municipale sur budget communal, limitant considérablement sa capacité financière et réduisant le nombre de ses activités et leur impact.

En 2011, un plan d’action communal en matière de sécurité routière a été élaboré pour la période 2012-2016. Il a pour objectif de réduire de 50 % le nombre d’accidents par des actions de sensibilisation de la population, par l’entretien du réseau de voirie, etc.

Enfin, la création des Volontaires communaux pour la Sécurité routière (VCSR) en 2010 illustre l’intérêt du maire de l’époque pour cet enjeu. Cette fonction s’appuyait alors sur 100 jeunes pour réguler la circulation et sensibiliser les usagers au respect du Code de la route. En 2013, la fonction devient nationale avec les volontaires adjoints de sécurité (VADS). Dans le cadre d’une politique ministérielle de création d’emplois, 3 000 jeunes sont recrutés pour être déployés dans les villes, dont 1 000 à Ouagadougou. Sous la tutelle de la police municipale, ils sont placés aux carrefours les plus accidentogènes identifiés à partir des données produites par l’OSCO. Malgré tout, on peut s’interroger sur l’objectif de la démarche, qui paraît plus économique que sécuritaire. En effet, les VADS n’ont aucune autorité pour intervenir en cas de non-respect des règles de circulation. Pourtant, ils assurent la fluidité de la circulation aux carrefours dotés de feux tricolores, surtout lors des coupures d’électricité.

La question de la localisation précise des accidents reste à l’ordre du jour en l’absence d’un système de surveillance permettant une collecte d’informations centralisée, exhaustive et géoréférencée. Elle est exprimée comme un besoin non satisfait par le service communal de la mobilité.

Conclusion

L’insécurité routière est une conséquence évidente du lien entre urbanisme et santé. Pourtant, ce lien est souvent négligé par les autorités locales dans les villes du Sud. La capitale du Burkina Faso illustre ce phénomène à travers les résultats relatifs à la cartographie des accidents de la route en 2015. Les lieux les plus accidentogènes se concentrent sur les axes bitumés et sont caractéristiques d’une ville marquée par l’étalement urbain, où distance à parcourir et vitesse de déplacement sont favorables à la survenue de collisions. Cependant, le modèle est à reconsidérer par une mortalité routière relativement faible liée aux fortes densités de véhicules sur les axes.

Les choix réalisés en matière d’aménagement s’appuient sur des principes d’apaisement de la circulation. Cela se traduit par la création de carrefours giratoires et de ralenteurs pour réduire la vitesse de circulation. Paradoxalement, ces mesures d’apaisement de la circulation sont souvent associées à des doubles voies pour assurer la fluidité de la circulation, mais sont sources de déplacements à grande vitesse. Les nouveaux aménagements routiers facilitent la prise de vitesse alors qu’en parallèle la loi réaffirme sa limitation en milieu urbain. Le pouvoir local ne semble pas avoir pour vocation d’agir sur le comportement des automobilistes, la valeur dominante en matière de conception du réseau routier reposant sur la garantie d’une mobilité toujours plus fluide. Entre la défaillance de la politique de transport en commun, qui a contribué à la multiplication des transports individuels, et la politique urbaine limitée dans sa capacité à développer la voirie, les autorités locales semblent disposer d’un éventail assez restreint d’actions sur la sécurité routière, ces dernières étant avant tout dépendantes des priorités du maire et des soutiens financiers extérieurs. Pourtant, les nouveaux aménagements de la voirie urbaine à Ouagadougou laissent deviner l’enjeu sanitaire important que masque un réseau routier jusqu’alors sous-dimensionné. Ne seraient-ils pas potentiellement « pathogènes » ? Le problème viendrait des dynamiques qui produisent et transforment la mobilité urbaine. Dans ce schéma, la capacité d’investissement citoyen apparait à la fois originale et paradoxale. La multiplication des aménagements routiers « spontanés » des habitants s’oppose à des comportements routiers sur les grands axes, en discordance avec une législation favorable à la sécurité routière (port du casque). Les interventions citoyennes s’opposent à un incivisme grandant en circulation lequel fait référence à la perte des valeurs sociales en milieu urbain au Burkina Faso. Ainsi, la mobilité appréhendée d’un point de vue de l’organisation du territoire, et ignorée d’un point de vue sanitaire, fait écho à l’absence d’une réelle politique sociale urbaine.