Article body

Les conflits liés au logement étudiant datent d’aussi loin que les universités elles-mêmes. Les processus contemporains d’« étudiantisation », ou studentification, par lesquels la population étudiante se retrouve concentrée dans certains quartiers urbains, sont associés à des perturbations sociales relatives au bruit et à la fête, au vandalisme et au mauvais entretien des propriétés (Smith, 2005). Dans de nombreuses villes universitaires, on a assisté à l’émergence de logements étudiants spécialement développés par des investisseurs privés, suivie d’une financiarisation du secteur. Ces tendances ont contribué à la ségrégation des jeunes étudiants au sein de la population générale, les autres ménages étant contraints de se déplacer, ainsi qu’à l’existence d’inégalités entre les étudiants les plus riches et ceux qui n’ont pas les moyens de vivre dans les résidences privées coûteuses (Smith et Hubbard, 2014 ; Revington et August, 2020).

Je soutiens que les manifestations contemporaines de l’étudiantisation sont intrinsèques du capitalisme dans la mesure où elles sont générées par l’urbanisation capitaliste et qu’elles en favorisent la perpétuation. Cette configuration repose sur la capacité du capitalisme à exploiter la nature « générationnée », ou divisée selon l’âge, de l’espace urbain (McDaniel, 2004 ; Moos, 2014). Ainsi, je propose une autre explication à la ségrégation générationnelle. Elle complète les théorisations existantes qui l’envisagent comme le résultat de processus naturels, de préférences culturelles en matière de consommation ou d’une discrimination fondée sur l’âge (La Gory, Ward et Juravich, 1980), ou comme un simple corollaire de la distribution spatiale existante d’habitations qui correspondent mieux à certaines étapes du parcours de vie (Damhuis et al., 2019). Je démontre également comment, à travers le secteur de l’immobilier, les différences générationnelles jouent un rôle dans l’inégalité sociale, allant ainsi à l’encontre des perspectives qui ont réduit ces questions à des problèmes de classe, de race ou de genre (Christophers, 2018).

Alors que les recherches existantes ont mis en évidence les caractéristiques novatrices du style de vie associé aux nouveaux logements étudiants (Smith et Holt, 2007 ; Hubbard, 2009), je m’appuie sur l’exemple de Waterloo, en Ontario, pour souligner la façon dont ces styles de vie sont liés au parcours de vie et sont donc « générationnés ». Waterloo est un cas notable ; la ville a été le théâtre d’une étudiantisation rapide dans les années 2000, et elle abrite aujourd’hui près de la moitié des résidences étudiantes privées construites au Canada (Revington et August, 2020). Le mode de vie estudiantin est associé à des idéaux socialement construits de la vie étudiante comme étant une période transitoire de courte durée (Chatterton, 1999). Suivant cette vision, l’étape de la vie étudiante s’oppose à d’autres étapes telles que l’enfance ou la parentalité chez les adultes. Le secteur de l’immobilier a contribué à cette distinction en développant des résidences étudiantes privées, dont la construction, selon le souhait des associations de résidents de maintenir les logements étudiants en dehors de leurs quartiers afin de préserver la valeur des propriétés, a été régie par les mesures locales d’urbanisme. De ce fait, le parcours de vie est profondément imbriqué dans le développement urbain capitaliste.

L’article est structuré comme suit : dans un premier temps, en tenant compte des débats sur l’économie politique critique, je passe en revue le lien entre le parcours de vie et le logement, en incluant la ségrégation selon l’âge et le concept d’intergénérationnalité, puis je présente le concept d’espace générationné. Deuxièmement, à la lumière de ce cadre théorique, je montre comment l’étudiantisation et les conflits qui en découlent peuvent être compris comme une forme d’espace générationné. Troisièmement, je propose une analyse du cas de Waterloo en soulignant les rôles de divers acteurs, parmi lesquels le secteur immobilier, les associations de résidents et l’aménagement à l’échelle locale, dans la création d’un sous-marché de logements étudiants, déterminée par une vision particulière du parcours de vie, à plusieurs échelles. Quatrièmement, je réitère les principales observations théoriques de la recherche et leurs implications, en réfléchissant à la manière dont les interventions en matière d’aménagement local et de politique pourraient contribuer à une ville « post-étudiantisation » plus équitable, avant de conclure brièvement dans la dernière section.

1. Logement, parcours de vie et espace générationné

Les besoins, les préférences et les contraintes en matière de logement peuvent varier considérablement selon l’étape du parcours de vie (Beer et al., 2011 ; Damhuis et al., 2019). Par exemple, le fait d’avoir des enfants peut entraîner un déménagement dans une maison plus grande, tandis que le déclin de la santé chez les personnes âgées peut amener un départ vers un établissement de soins. Dans de nombreux pays, les politiques de soutien à l’accession à la propriété sont justifiées par le fait qu’elles permettent aux ménages d’accumuler un patrimoine immobilier tout au long de leur vie, lequel peut ensuite être utilisé pour garantir un certain confort après la retraite (Ronald, 2008). Cette forme néolibérale d’aide sociale fondée sur les actifs fait l’objet de nombreuses critiques. L’une d’entre elles a récemment attiré l’attention sur le fait que les coûts élevés de l’immobilier et la précarité du marché du travail auxquels doivent faire face les jeunes adultes peuvent entraver leur capacité à acheter un bien immobilier, les empêchant ainsi d’accumuler un patrimoine et creusant les inégalités entre les jeunes adultes actuels et les générations précédentes (Stebbing et Spies-Butcher, 2016).

Or, Christophers (2018) avance de façon convaincante que les différences générationnelles croissantes en matière de richesse — dans lesquelles l’immobilier joue un rôle central — sont principalement le résultat de l’aggravation des inégalités structurelles liées à la classe, à la race et au genre, plutôt qu’à l’âge. Dans une certaine mesure, la différence de richesse entre les jeunes et les aînés est prévisible étant donné que les salaires, l’accumulation de patrimoine immobilier et la possession d’autres actifs (y compris la possession directe ou indirecte de capital générateur de revenus) ont tendance à augmenter, en moyenne, au cours de la vie active. Ces tendances ne suffisent pas à expliquer l’aggravation des inégalités intergénérationnelles. Cependant, selon Christophers (2018), elles signifient que, dans le cadre du néolibéralisme, les jeunes sont sujets à une exploitation toujours plus sévère et inégale au travail, ce qui explique l’écart croissant de richesse entre les générations. De surcroît, les inégalités intragénérationnelles sont susceptibles d’être perpétuées d’une génération à l’autre en raison des transferts de richesse au sein de la famille (par des dons, des prêts ou des héritages ; McKee, 2012 ; Worth, 2018). Par conséquent, conclut Christophers (2018), les actions en matière de logement devraient se concentrer sur les causes structurelles sous-jacentes à l’augmentation des inégalités plutôt que sur les différences entre les générations.

Quelles que soient les causes des disparités entre les âges dans le domaine du logement, il est de plus en plus reconnu que l’espace urbain est « générationné » (Moos, 2014 ; s’inspirant de la notion de « société générationnée », ou generationed society, de McDaniel [2004]), en ce sens que ces disparités façonnent l’espace urbain (Hochstenbach, 2019). Les générations peuvent être comprises comme « des fonctions liées à l’âge exercées dans un système social plus large » (Vanderbeck, 2019 : 79 [traduction libre]). Cette perspective du parcours de vie est utile, car ce sont les transitions tout au long de la vie (le départ du nid familial, la fin des études, le mariage/concubinage, la naissance d’enfants) plutôt que l’âge qui tendent à façonner les parcours de logement. La ségrégation résidentielle fondée sur l’âge représente une dimension importante de l’espace générationné.

La littérature sur la ségrégation selon l’âge est peu abondante et se concentre généralement sur la ségrégation des aînés (65 ans et plus). Elle est parfois descriptive et ne fournit que peu de discussions théoriques sur les causes du phénomène (Winkler et Klaas, 2012 ; Winkler, 2013). La Gory, Ward et Juravich (1980) ont cependant proposé trois théories pour l’expliquer. La première est basée sur les modèles d’écologie urbaine de l’École de Chicago. Les jeunes ont tendance à être mobiles, et lorsqu’ils quittent un quartier, ils laissent derrière eux des résidents plus âgés. De même, les différents besoins en matière de logement au cours de la vie signifient que la distribution spatiale des populations à différents stades de la vie peut simplement refléter la distribution de différents types de parc de logements (Damhuis et al., 2019). Deuxièmement, un modèle culturel postule que les individus peuvent préférer les environnements résidentiels ségrégués, soit pour des raisons de mode de vie (comme on le verra dans les communautés de retraités, par exemple), soit à cause des stimuli urbains complexes associés à des environnements diversifiés. Enfin, un modèle politique suggère que la ségrégation selon l’âge est le résultat de la discrimination, conséquence de la stigmatisation du vieillissement. Toutefois, après avoir analysé plusieurs régions métropolitaines américaines, les auteurs ont trouvé peu de preuves en faveur des théories culturelle et politique. Si on peut se demander dans quelle mesure leur approche quantitative est efficace pour mesurer les phénomènes culturels et politiques pertinents, ils ont néanmoins fait valoir que ces derniers devraient être « subsumés » (La Gory, Ward et Juravich, 1980 : 76) dans le modèle écologique. Okraku (1987) est parvenu à des conclusions semblables sur la base d’une analyse de villes canadiennes.

Au vu de la ségrégation croissante des jeunes adultes se traduisant par leur concentration dans des environnements urbains plus denses, Moos (2015 ; 2016) propose des explications semblables, bien que légèrement différentes. Le phénomène comporte un élément culturel, les jeunes adultes étant présents dans les quartiers centraux pour profiter de certains attraits (par exemple, la vie nocturne) et des infrastructures publiques issues de la revitalisation du coeur de nombreuses villes. Ces caractéristiques témoignent des différences de style de vie associées aux diverses étapes du parcours de vie. Cependant, Moos (2014 ; 2016 ; Moos et al., 2019a et 2019b) souligne que la ségrégation des jeunes adultes résulte également de contraintes structurelles dans le cadre de la restructuration urbaine néolibérale. À titre d’exemple, les défis liés au logement et au marché du travail auxquels sont confrontés les millénariaux (nés entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) favorisent la location de logements plus petits ou partagés et le recours aux transports en commun et aux transports actifs, qui, en Amérique du Nord, se trouvent généralement dans les centres urbains plus denses. De plus, la revitalisation des centres-villes et les aménagements qui y sont liés sont associés à l’embourgeoisement et à la concurrence entrepreneuriale interurbaine, qui sont eux-mêmes le produit de la restructuration urbaine néolibérale (Hackworth, 2007 ; Harvey, 1989). La ségrégation des jeunes (et plus généralement la ségrégation selon l’âge) n’est donc pas entièrement le résultat d’un processus écologique naturalisé, mais le produit de configurations politico-économiques particulières.

Les théoriciens de la ville ont noté la propension du capitalisme à produire de l’espace pour ses besoins et, ce faisant, à reproduire les inégalités de classe et les déséquilibres de pouvoir qui en découlent au sein de la population citadine (Lefebvre, 1970 ; 1974). L’environnement bâti occupe une place prépondérante dans cette tendance, car il sert de point de sortie à l’investissement en capitaux lors de crises de l’accumulation du capital. Grâce à un processus de transfert de capitaux, les crises peuvent être temporairement évitées en créant des occasions d’investissement rentable dans de nouveaux secteurs immobiliers et de nouvelles régions géographiques (Harvey, 1985 ; voir également Charney, 2001 ; Christophers, 2011). Ces dynamiques sont responsables d’un développement inégal au sein des régions urbaines et entre celles-ci, par exemple lorsque la banlieusardisation aggrave le déclin des centres-villes, ce qui crée ensuite de nouvelles occasions de réinvestir dans le noyau urbain (Smith, 1982).

La rentabilité des investissements dans l’environnement bâti repose sur le revenu foncier (Ward et Aalbers, 2016). Harvey (1985) a soutenu que, dans le cas de Baltimore, la coordination entre les institutions financières et les instances gouvernementales permettait aux propriétaires de percevoir des loyers plus élevés en confinant les résidents dans des logements situés dans des sous-marchés artificiels, et ce, sur la base de la race et de la classe. Anderson (2019) a identifié des stratégies semblables utilisées par les promoteurs qui veulent donner à certains quartiers une image unique. Les nouvelles techniques de titrisation des biens immobiliers, souvent facilitées par les politiques gouvernementales, ont fait de l’immobilier un actif de plus en plus attrayant pour une variété d’investisseurs (Gotham, 2006). Ce processus de financiarisation a suscité une attention particulière dans le cas des logements collectifs, où des stratégies agressives visant à maximiser les loyers ont mené à la perte des logements pour les locataires y habitant et à l’augmentation des inégalités sociospatiales (August, 2020 ; Fields, 2015). Crucialement, la poursuite de la rente sous cette forme est intrinsèquement liée à l’urbanisation capitaliste, car elle permet un investissement continu dans l’environnement bâti.

Lorsque la ségrégation selon l’âge reflète des différences de mode de vie associées à des phases particulières du parcours de vie, elle peut ne pas être considérée comme problématique (La Gory, Ward et Juravich, 1980 ; Moos, 2015). Or, certains chercheurs s’inquiètent du fait qu’elle pourrait aggraver l’isolement social des personnes âgées, en plus de nuire à la transmission des connaissances sociales et de la culture entre générations en réduisant la possibilité de contacts entre les personnes âgées et les enfants, qui sont importants pour la socialisation de ces derniers (Biggs et Lowenstein, 2011 ; Hagestad et Uhlenberg, 2006 ; Vanderbeck, 2019). Si le fait de vivre à proximité les uns des autres (par exemple, dans des quartiers où les personnes âgées sont intégrées) n’entraîne pas nécessairement une augmentation des contacts entre les groupes d’âge, leur séparation y fait assurément obstacle et peut renforcer l’âgisme (Hagestad et Uhlenberg, 2005).

Un corpus théorique en pleine émergence prône donc le concept d’intergénérationnalité, ou de relations entre les générations (Vanderbeck, 2019 ; Van Vliet, 2011). L’intergénérationnalité repose sur la compréhension des besoins des groupes générationnels autres que le sien, et met l’accent sur les intérêts mutuels de divers groupes d’âge (Vanderbeck, 2019), offrant ainsi une approche politique ou une éthique pour aborder les conflits générationnels. Elle se distingue de concepts tels que « la ville-amie des aînés » ou « la ville pour tous les âges » en ce qu’elle appréhende les tensions dues à la prise en compte des besoins spécifiques liés aux nombreuses phases du parcours de vie, ces besoins devant continuellement trouver leur équilibre, tant individuellement que collectivement (Biggs et Carr, 2015 ; Biggs et Lowenstein, 2011). L’intergénérationnalité, en tant que perspective relationnelle, peut faire l’objet d’une analyse qui intègre la classe, la race, le genre ou d’autres différences qui constituent des dimensions saillantes de l’inégalité, par exemple en matière de durabilité environnementale (Manderscheid, 2012) ou de richesse (Christophers, 2018), mais qui sont souvent négligées dans les approches des villes-amies des aînés (Buffel et Phillipson, 2016). Dans la suite de cet article, j’intégrerai l’approche du parcours de vie à celle de l’économie politique critique de la ville afin d’éclairer la manière dont l’urbanisation capitaliste et la production d’espace générationné sont intriquées au sein du processus d’étudiantisation.

2. L’étudiantisation comme espace générationné

En dépit des avantages que la présence d’étudiants confère aux villes, l’étudiantisation contemporaine, qu’il s’agisse d’étudiants partageant un logement ou vivant dans une résidence étudiante (Sage, Smith et Hubbard, 2013), est associée à une multitude de problèmes. Ces problèmes peuvent inclure de la nuisance sonore et des soirées turbulentes (impliquant parfois des fêtes de rue non autorisées, voire des émeutes), du vandalisme mineur et d’autres formes de criminalité, un mauvais entretien des lieux, une incapacité à respecter l’horaire de collecte des déchets et des problèmes de stationnement (voir, entre autres, Evans-Cowley, 2006 ; Hubbard, 2008 ; Sage, Smith et Hubbard, 2012a ; Smith, 2005 ; Smith et Holt, 2007 ; Munro et Livingston, 2012 ; Woldoff et Weiss, 2018). L’« habitus étudiant » présente une temporalité différente de celles de la plupart des autres résidents, les activités sociales se déroulant souvent jusqu’aux petites heures du matin, même les soirs de semaine (Chatterton, 1999). Les perturbations subies par les autres résidents, notamment les personnes âgées et les familles avec enfants, et la réorientation des services commerciaux et publics du quartier, comme la fermeture des écoles, peuvent entraîner leur déplacement physique ou émotionnel (Collins, 2010 ; Lager et Van Hoven, 2019 ; Sage, Smith et Hubbard, 2012a et 2012b).

La gestion des effets de l’étudiantisation est un problème de planification urbaine majeur dans de nombreuses villes (Hubbard, 2008 ; Smith et Fox, 2019). La littérature savante a fait état du phénomène d’étudiantisation tant dans les pays du Nord que du Sud, avec des variations locales dues à des différences entre les systèmes d’enseignement postsecondaire, les politiques urbaines et de logement, et d’autres facteurs contextuels locaux. Si les premiers écrits universitaires étaient centrés sur le cas du Royaume-Uni (Smith, 2005 ; Smith et Holt, 2007), des études récentes ont constaté l’étudiantisation en Australie (Haghighi, 2018), au Chili (Prada, 2019), en Chine (He, 2015), en Israël (Avni et Alfasi, 2018), aux Pays-Bas (Lager et Van Hoven, 2019), en Afrique du Sud (Gregory et Rogerson, 2019) et aux États-Unis (Woldoff et Weiss, 2018), entre autres. Les principaux cabinets de conseil en immobilier considèrent le logement étudiant comme une « catégorie d’actifs immobiliers pleinement établie dans le monde entier » (Savills World Research, 2016 : 3 [traduction libre]).

L’étudiantisation peut être considérée comme la création d’un espace générationné dans la mesure où elle implique la concentration d’une population de jeunes étudiants et le déplacement d’autres groupes de la population (Smith et Hubbard, 2014). Bien que tous les étudiants postsecondaires ne soient pas de jeunes adultes, l’étudiantisation est généralement associée aux jeunes étudiants de premier cycle pour lesquels le déménagement à l’extérieur du campus constitue leur première expérience de vie en dehors du foyer parental ou de l’environnement institutionnel des résidences du campus (Rugg, Ford et Burrows, 2004). Apprendre à vivre par ses propres moyens, loin de la surveillance des parents ou des institutions, est donc une des caractéristiques de la vie étudiante. Bon nombre des problèmes de comportement associés à l’étudiantisation découlent de la façon dont les étudiants gèrent cette transition.

Toutefois, les conceptions normatives de la vie étudiante sont socialement construites, par le biais de représentations dans la culture populaire et par des commerces tels que les bars qui servent une clientèle étudiante (Chatterton, 1999). Ces constructions sociales différencient les étudiants des autres résidents non étudiants. La section suivante se penche sur le cas de Waterloo, à partir duquel il sera démontré que le processus générationné de l’étudiantisation est à la fois un produit de l’urbanisation capitaliste et un moyen de faciliter sa continuation.

3. Le cas de Waterloo

Cette recherche s’appuie sur un travail de terrain considérable, effectué à Waterloo, en Ontario, à environ 100 km à l’ouest de Toronto. Elle comprend des entrevues avec des étudiants (n = 27) et des acteurs de l’aménagement local, du secteur immobilier, du milieu universitaire et des associations de résidents (n = 44), ainsi que des analyses qualitatives de documents d’urbanisme, de littérature grise du secteur immobilier et de documents produits par les principales entreprises de logements pour étudiants. Ville moyenne d’environ 133 000 habitants au sein d’une région urbaine de 560 000 habitants, Waterloo est un pôle du secteur de la haute technologie et de l’assurance, le revenu moyen des ménages y dépassant celui de la région et de la province (tableau 1). Waterloo se singularise par le fait qu’il s’agit du plus grand marché de résidences étudiantes privées au pays. On y compte plus de 17 000 lits, ce qui représente près de la moitié du marché canadien (Revington et August, 2020). Bien que cette situation soit unique au Canada, la même dynamique d’étudiantisation est sans doute présente dans d’autres villes où la population étudiante est considérable et où le marché immobilier est capitaliste. Waterloo est un point de comparaison pertinent par rapport aux pays où les résidences étudiantes privées sont plus courantes, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni.

Tableau 1

Profil socioéconomique de Waterloo, 2016

Profil socioéconomique de Waterloo, 2016
Source : Statistique Canada (2021)

-> See the list of tables

Bien que les étudiants vivent un peu partout dans la ville de Waterloo (et dans la ville voisine de Kitchener), ils se concentrent surtout dans le quartier de Northdale et ses environs, là où se trouvent les résidences étudiantes privées (figure 1). Northdale est situé entre les deux universités de la ville, l’Université de Waterloo et l’Université Wilfrid-Laurier, qui ont connu une augmentation rapide de leur nombre d’inscriptions au cours des années 2000. Si les deux universités logent environ 80 % des étudiants de première année dans des résidences sur le campus, près de 23 000 étudiants ont eu besoin d’un logement à l’extérieur du campus en 2000, chiffre qui est passé à plus de 40 000 au début des années 2010 (McLerie, 2016). Un régime de planification urbaine permissive a autorisé le développement substantiel de résidences étudiantes privées pour répondre à cette demande (figure 2) (Revington et al., 2020).

Figure 1

Développements de résidences étudiantes privées et campus universitaires à Waterloo

Développements de résidences étudiantes privées et campus universitaires à Waterloo
Source : Créée par l’auteur avec des données de DMTI Spatial et de la Région de Waterloo

-> See the list of figures

Figure 2

Permis de construction, résidences étudiantes privées à Waterloo

Permis de construction, résidences étudiantes privées à Waterloo
Source : Créée par l’auteur avec des données de la Région de Waterloo

-> See the list of figures

L’investissement dans les résidences étudiantes privées (par opposition aux appartements ordinaires) se fonde sur la construction sociale de l’étape de la vie étudiante. Brève et transitoire, elle serait l’occasion de mener une vie sociale dynamique et de s’amuser. Le secteur de l’immobilier lui-même a favorisé cette distinction en mettant en avant une vision particulière du mode de vie étudiant à travers les commodités et les dispositifs de sécurité proposés (Chatterton, 2010 ; Hubbard, 2009 ; Smith et Hubbard, 2014). Le directeur d’une entreprise de logements pour étudiant (L01) explique ainsi :

Notre philosophie a toujours été de nous éloigner de ce que les gens considèrent « pour étudiant », à savoir de petits appartements construits à peu de frais, pour plutôt nous rapprocher de ce que nous croyons être pour les étudiants, à savoir du béton coulé, des immeubles à plusieurs étages, comprenant des espaces commerciaux hautement aménagés, avec des appartements de deux, trois, quatre ou cinq pièces[1].

Un taux d’occupation élevé par unité, avec des espaces communs comme des cuisines partagées entre plusieurs locataires, augmente la rentabilité de cette catégorie d’actif (Revington et August, 2020).

Il en va de même pour un autre investisseur (L05) :

Les installations sont conçues pour les étudiants, nous aurons donc des salles d’études, par exemple, des salles de conférence pour que les étudiants puissent travailler en groupe, des espaces sociaux où il y a un grand écran de télévision, des divans, etc., et ensuite, généralement, il y aura une salle de jeux avec des choses comme du ping-pong, une piscine, ou une table de baby-foot, puis un centre de conditionnement physique.

Une consultante (R05) résume la situation ainsi : « Les logements ordinaires ne deviennent pas des logements étudiants simplement parce qu’ils sont près de l’université. » La distinction s’opère donc à une échelle qui dépasse le quartier universitaire. L’objectif derrière cette définition du logement étudiant est la recherche de profit. En effet, ces installations permettent de fixer un coût de location plus élevé, « plus que le simple coût des installations et d’Internet, et ce, afin d’avoir une expérience sans faille » (courtier et gestionnaire immobilier [L09]).

Certains étudiants se sont montrés très favorables à ce mode de vie. William a été « convaincu par l’idée, c’est certain », comme Michael : « Les équipements — comme la salle de sport, le terrain de basketball, la terrasse sur le toit —, tout ça m’a attiré. Juste l’aspect de la chambre. Avoir une télé dans sa chambre et tout. Tout ça m’a attiré et m’a donné envie d’y vivre. » D’autres avaient des attentes plus conventionnelles en matière de logement étudiant. John confie ainsi : « Nous pensions que c’était l’expérience universitaire, de vivre dans une vieille bâtisse minable qui n’a rien à voir avec un appartement de luxe. »

Cette division témoigne d’un système à deux pôles en matière de perception des loyers, dans lequel on tire profit des étudiants-locataires soit par le biais de nouveaux appartements de luxe à coût élevé, soit par le biais d’anciens logements de mauvaise qualité. William et Michael ont tous deux noté que l’immeuble de luxe où ils avaient loué un appartement était encore en construction le jour prévu de leur arrivée, et qu’une fois qu’ils avaient emménagé, la direction n’était pas réceptive quant aux problèmes d’entretien. Bien qu’il s’agisse d’une situation extrême, d’autres ont constaté que les installations de leur immeuble ne correspondaient pas à ce qui était promis. L’immeuble de Sandra était doté d’une salle de sport, mais « les appareils étaient vraiment vieux et la plupart d’entre eux ne fonctionnaient pas, mais la salle de sport était annoncée ». Certains étudiants habitant dans des logements plus anciens ont rencontré des propriétaires négligents. Katie et ses colocataires ont passé un week-end sans eau chaude, et trois semaines avec une salle de bain inondée. Il a également fallu « une éternité » au propriétaire « pour qu’il remplace la fenêtre cassée d’un [des] colocataires. C’était assez dangereux parce qu’il y avait du verre et qu’avec la fenêtre cassée, quelqu’un aurait pu entrer […] ». Samuel fait remarquer que, malgré ces problèmes, « l’année précédente, […] les prix étaient plus bas. Chaque année, ils augmentent », ainsi que le lui ont confirmé ses vérifications.

Les étudiants ont toutefois peu de possibilités de se loger ailleurs. Alors qu’elle cherchait un appartement plus abordable en dehors de la zone étudiante, dans le centre-ville de Kitchener, Tanya a dû se rendre à l’évidence : « Dès que [le propriétaire] a su que nous étions des étudiantes, il s’est désintéressé de nous. » Tanya et sa colocataire se sont finalement contentées d’un appartement illégal dans un sous-sol sans fenêtre, qui a été condamné peu après par les pompiers, les laissant sans-abri. Les associations de quartier opposent souvent l’étape de la vie étudiante à d’autres étapes, comme celles de l’enfance ou de la parentalité, et cherchent à exclure les étudiants sur cette base. Ainsi que le relate un représentant du quartier Beechwood (N01) :

[…] il y a des familles de longue date dans ces ménages, et lorsqu’elles vendent, elles savent qu’elles veulent garder la communauté vivante. Elles vendront donc à des familles… Il y a certainement une pression de la part de la communauté pour que cela reste une communauté familiale, des résidences familiales plutôt que des résidences d’étudiants.

Un autre (N03) explique pour sa part que « la présence de jeunes familles est quelque chose que les gens aiment dans le quartier » et que « si les étudiants qui s’y installent perturbent cette situation, il y aura une réaction négative des résidents », notamment par le signalement du bruit ou de la violation des normes de propriété aux responsables de l’application des règlements municipaux (N01). Les répondants ont laissé entendre qu’il était important de préserver la valeur des propriétés en maintenant une image esthétique : « C’est un quartier plus riche, c’est sûr, mais c’est aussi un quartier très bien entretenu. » (N01)

Le plan d’urbanisme de Waterloo permet aux promoteurs immobiliers d’investir dans des résidences étudiantes privées tout en les détournant des quartiers résidentiels établis. En 2005, en partie en réponse aux préoccupations des résidents au sujet de l’accélération de l’étudiantisation dans le quartier de Northdale, la Ville a adopté un modèle de planification fondé sur une combinaison de points nodaux et de corridors qui a permis un développement à plus forte densité le long des artères aux abords du quartier. On espérait que les appartements pour étudiants construits dans ces corridors allégeraient la pression sur le reste du parc immobilier. Cependant, selon un urbaniste (P04), « quelques années plus tard, ce sont les mêmes résidents, et peut-être quelques nouveaux, qui ont dit que ça ne fonctionnait pas… [La Ville avait] besoin d’une nouvelle vision ». Le plaidoyer de ces résidents a conduit à l’élaboration d’un nouveau plan pour Northdale, en 2012, qui a autorisé l’intensification dans tout le quartier. Les propriétaires actuels pouvaient désormais vendre leurs maisons à un prix plus élevé aux promoteurs de logements étudiants. Parallèlement, dans le quartier adjacent de MacGregor-Albert, les résidents ont réussi à obtenir la mise en place d’un district de conservation du patrimoine en 2006. Cette désignation patrimoniale interdit le réaménagement, ce qui a empêché l’implantation de logements étudiants dans le quartier, la réorientant vers Northdale.

Or, en excluant les logements étudiants des quartiers tels que Beechwood et MacGregor-Albert, on fait grimper la valeur des propriétés dans ces secteurs, tout en créant un sous-marché de logements étudiants à Northdale, dans lequel il est possible de soutirer des loyers plus élevés aux étudiants, comme l’a démontré Harvey (1985) en se penchant sur les sous-marchés de Baltimore, pour leur part définis en fonction de la race et de la classe sociale. Samuel a expliqué la position précaire dans laquelle se trouvent dès lors les étudiants : « L’argent que [les étudiants] reçoivent du RAFEO [prêts étudiants] doit aller en grande partie à la résidence. Il ne leur reste donc pas beaucoup d’options. » Ces dynamiques à l’échelle du quartier agissent parallèlement à des dynamiques plus globales dont le discours présente les logements pour étudiants comme étant distincts des autres types de logements. Sur tous les plans, la distinction entre les étudiants et les autres résidents repose sur la construction sociale de certains modèles types du mode de vie étudiant.

4. De l’espace générationné à la ville post-étudiantisation

La dynamique du marché du logement étudiant de Waterloo démontre comment la ségrégation selon l’âge, du moins sous la forme qu’elle prend dans le contexte de l’étudiantisation contemporaine (Sage, Smith et Hubbard, 2012a ; Lager et Van Hoven, 2019), est le résultat de l’urbanisation capitaliste, et vice versa. En revanche, la littérature relativement restreinte qui cherche à expliquer (plutôt qu’à simplement documenter) la ségrégation selon l’âge met l’accent sur les processus socioécologiques naturalisés de sécession des quartiers. Selon ce point de vue, la ségrégation selon l’âge résulte du fait que les jeunes résidents mobiles en pleine ascension sociale quittent les quartiers d’où ils viennent, laissant derrière eux des résidents âgés moins mobiles (La Gory, Ward et Juravich, 1980 ; Okraku, 1987). Par ailleurs, certains ont cherché à expliquer la ségrégation selon l’âge comme le résultat de la superposition du parcours de vie à la distribution spatiale des logements (Damhuis et al., 2019 ; Moos, 2015). Les plus petits logements (tels que les appartements du centre-ville) conviennent mieux aux ménages moins nombreux et plus jeunes, tandis que les plus grands logements (les maisons unifamiliales de banlieue par exemple) sont plus susceptibles d’être occupés par des ménages plus âgés et plus nombreux qui ont pu accumuler des ressources financières pendant plus longtemps. Si certains ménages âgés décident éventuellement de déménager dans un logement de taille inférieure, ceux qui « vieillissent sur place » peuvent continuer à occuper des logements plus grands après le départ de leurs enfants (Clark et Deurloo, 2006). Mon propos n’est pas de dire que ces approches sont incorrectes, mais plutôt qu’elles ne rendent pas compte de toutes les formes de ségrégation liée à l’âge. L’urbanisation capitaliste peut également perpétuer l’espace générationné, et ce dernier peut servir à reproduire l’urbanisation capitaliste.

On pourrait faire valoir qu’au sein des villes capitalistes, la distribution spatiale des logements est déjà le fruit de l’urbanisation capitaliste, et que le regroupement des ménages en fonction de l’âge en découle. Mon argumentaire se distingue par deux points essentiels. Premièrement, la distribution spatiale des logements n’est pas déterminée de manière exogène à la ségrégation selon l’âge. La direction de la causalité est plutôt inversée : l’urbanisation capitaliste produit de l’espace générationné, ce qui se traduit par une distribution spatiale spécifique aux logements. Deuxièmement, la ségrégation selon l’âge n’est pas seulement un résultat de l’urbanisation capitaliste, mais permet en fait la poursuite de l’urbanisation capitaliste par la création de divisions dans l’espace qui peuvent être exploitées de manière rentable par de nouveaux investissements dans l’environnement bâti. L’urbanisation capitaliste et la production d’espace générationné entretiennent ainsi un rapport dialectique.

Qui plus est, la ségrégation selon l’âge n’est pas uniquement un problème d’ordre intergénérationnel. Bien que la socialisation entre les générations et l’âgisme soient des préoccupations légitimes (Hagestad et Uhlenberg, 2006), il ne faudrait pas perdre de vue que la ségrégation selon l’âge sert également à reproduire les inégalités inhérentes à l’urbanisation capitaliste. Il est peu probable que cette imbrication de l’urbanisation capitaliste et de l’espace générationné se limite au phénomène de l’étudiantisation contemporaine. Il y a fort à parier qu’elle se retrouve également dans les résidences de personnes âgées haut de gamme et les communautés planifiées pour adultes actifs ou autrement dotées d’un critère d’âge (Bosman, 2014 ; McHugh et Larson-Keagy, 2005). De futures recherches pourraient ainsi examiner dans quelle mesure la ségrégation selon l’âge résultant de phénomènes écologiques, culturels ou politiques (La Gory, Ward et Juravich, 1980) peut quoi qu’il en soit être exploitée par le capital pour accroître l’accumulation de gains.

Je partage avec Christophers (2018 : 116) la crainte que les représentations populaires de l’inégalité croissante entre les générations en occultent les causes sous-jacentes, en plus de « risque[r] de faire émerger une politique antagoniste des jeunes contre les vieux » (traduction libre). Cependant, en ce qui concerne l’étudiantisation, si les différences de style de vie entre les jeunes étudiants et les résidents non étudiants généralement plus âgés peuvent souvent être liées à la classe (Sage, Smith et Hubbard, 2012a), elles ne s’y réduisent pas. L’étape de la vie étudiante, en tant que statut générationnel, est centrale pour le capital, qui en retire une rente par le biais du sous-marché du logement étudiant. En d’autres termes, le rôle des différences générationnelles dans l’inégalité sociale va à mon sens bien au-delà de la conceptualisation étroite de Christophers (2018).

L’une des contributions de cet article est de faire dialoguer les théories de l’économie politique critique, du parcours de vie et de l’intergénérationnalité, afin de révéler comment l’étudiantisation et les conflits qui y sont liés découlent à la fois des questions de classe sociale (étudiants locataires contre propriétaires et investisseurs) et du parcours de vie (jeunes adultes contre adultes plus âgés et enfants), lesquelles sont simultanément convoquées et se renforcent mutuellement. Dans le but de permettre la venue d’une ville « post-étudiantisation » plus équitable, la planification urbaine et la politique doivent donc prendre en compte tant les dimensions politico-économiques que générationnelles. Une approche intergénérationnelle, parallèlement à une politique anticapitaliste générale, serait pertinente dans la mesure où contrer la logique de l’espace générationné empêcherait la reproduction de l’urbanisation capitaliste et de ses rapports de classe.

Il est nécessaire de proposer une diversité de types de logements et des services publics adaptés à un large éventail de personnes, notamment des parcs, des garderies, des écoles, des centres communautaires et des habitations pour personnes âgées. Les lieux publics doivent être attrayants pour les résidents autres que les étudiants, mais il faut également prévoir des ressources pour créer et maintenir des logements qui ne sont pas soumis aux lois du marché, y compris des aides financières venant de tous les paliers de gouvernement. Les établissements postsecondaires peuvent également avoir un rôle à jouer en fournissant eux-mêmes des logements aux étudiants, ou encore par le biais de formules inédites telles que les communautés de retraités universitaires ou les programmes intergénérationnels de partage de maison (Montepare et al., 2019 ; Sánchez et al., 2011). L’aménagement local doit inclure les résidents de toutes les étapes de vie, y compris les étudiants, qui sont généralement considérés comme étant seulement de passage et qui sont donc sous-représentés. Bon nombre des problèmes auxquels les étudiants de Waterloo font face sur le marché du logement locatif sont semblables à ceux vécus par d’autres locataires de la ville, mais les divers groupes de défense des droits en matière de logement sont restés largement isolés les uns des autres. L’unification de ces luttes permettrait de créer des liens intergénérationnels tout en construisant un mouvement plus fort, attirant davantage l’attention sur les problèmes de logement.

Conclusion

J’ai soutenu que la production de l’espace générationné, qui est circonscrit par les différences d’âge ou de statut générationnel, existe dans une relation de renforcement mutuel avec l’urbanisation capitaliste. Le cas des logements étudiants à Waterloo illustre comment le secteur de l’immobilier a tiré profit des différences entre les diverses étapes du parcours de vie pour s’approprier les loyers des étudiants, à la fois dans les logements haut et bas de gamme, à l’échelle du quartier et à une échelle plus large. Les associations de résidents, jugeant le mode de vie des étudiants comme étant incompatible avec celui des enfants et des adultes plus âgés, ont cherché à exclure les étudiants de leur quartier. Bien que ces dynamiques aient eu des répercussions négatives sur l’expérience des étudiants en matière de logement, l’aménagement local a tout de même renforcé la production d’espaces générationnés. Étant donné l’interaction entre l’urbanisation capitaliste et le parcours de vie, une planification urbaine et une politique en faveur d’une communauté plus juste, ou d’une ville post-étudiantisation, devraient donc tenir compte à la fois de la classe sociale et de l’âge, par le biais d’une approche intergénérationnelle.