Recensions

Jean Granier, Le combat du sens. Essai sur la destination humaine. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « La nuit surveillée »), 2002, 287 p.[Record]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane, Québec

En s’engageant dans une réflexion rationnellement disciplinée, l’homme arrive à se rendre compte, à l’aube de son existence, que la vie humaine soulève inéluctablement le problème du Sens. Aucun être humain ne peut esquiver la question du Sens. Tout homme, livrant quotidiennement son combat existentiel, se bute à la question du Sens. Et toutes les motivations humaines dépendent, en dernière instance, de l’adhésion accordée ou refusée, à ce combat personnel du Sens de la vie. C’est ici que la philosophie entre en scène. Pour l’A., la tâche du philosophe est double : d’abord, sa mission est de bâtir une anthropologie systématique permettant d’expliquer les modalités de ce combat du Sens qui définit en dernier ressort l’ensemble de la praxis humaine dans l’histoire ; ensuite, il doit, à partir de ces enseignements dégagés, s’efforcer de prouver en détail, comment le combat dit du Sens, se rattache à la question de l’Ultime, en explorant les chances d’une « approche de Dieu » par les moyens de l’intelligence métaphysique. Pour y arriver, l’A., dans une première partie, essaie de montrer comment l’homme n’est pas du tout fait, mais bien un être en quête de lui-même. L’A. développe d’abord une esquisse de l’être humain. La constitution de l’homme désigne simultanément ce que l’homme est et le fait d’être ce qu’il est. En d’autres mots, l’homme est en tant qu’il s’efforce aussi d’être. L’homme ne se donne pas lui-même sa constitution d’être. Il n’est pas le fondement de son être ; il reçoit son être de ce que nous pourrions appeler de Quelque-Autre. C’est à partir de ce donné qu’il se construit lui-même. La destination humaine est donc originale. Les concepts d’essence et de nature ont été souvent sources de graves malentendus, si on les applique à l’homme : ils donnent à entendre souvent que l’être de l’homme est fixé une fois pour toutes et, en conséquence, l’alignent habituellement sur celui des espèces biologiques. Or l’homme a un statut absolument original, puisqu’en vertu de la Délégation, il ne reçoit pas son être tout achevé, mais comme une aptitude à… Et c’est donc en tant que sujet d’une praxis qu’il doit accomplir son être, en déployant son historicité, qui fait de sa vie une destinée, tandis que les autres êtres vivants n’ont que des schèmes de comportement réglés sur le code génétique, avec une certaine proportion d’acquis. Selon l’enseignement de Platon et d’Aristote, la philosophie débute par l’étonnement. Et si, fidèle à sa vocation, elle pousse l’enquête jusqu’à la réflexion sur le sens ultime de l’existence humaine dans le monde, c’est-à-dire sur la destination de l’homme, elle ne peut s’épargner la crainte et le tremblement que suscite l’affrontement du mal. L’être humain ressent un mal-être devant l’omniprésence du mal et une angoisse souvent indescriptible devant l’approche du néant possible. Paradoxalement, le néant, qui est un manque de Sens, continue de s’inscrire dans le système des valeurs. Il relève encore du Sens ! Le non-sens, c’est l’absurdité de la vie. L’absurdité, c’est le néant du Sens. Et puisque l’intelligence est la gardienne du Sens, le mal, en tant qu’il agresse le Sens par l’absurde, est pour elle le défi mortel. Et le mal, de cette façon, fournit depuis toujours au scepticisme et à l’athéisme l’objection la plus percutante contre l’existence de Dieu, qui, en bout de piste, est le Sens Ultime de l’homme. Il revient au philosophe, malgré les difficultés perceptibles et évidentes, de montrer que, malgré le mal, le mal-être, la présence d’un certain goût pour la néantisation, la destinée humaine et le combat du Sens l’emportent sur le non-sens. Le …