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Le père Emmanuel Durand o.p. présente une christologie brève et actuelle qui se déploie en sept chapitres, une christologie qui cherche à objectiver un portrait de Jésus de Nazareth à travers les témoignages de nos contemporains. L’auteur affirme qu’une telle démarche donnerait aujourd’hui un accès à Jésus « de façon plus directe et moins intellectuelle » (p. 9). Ainsi, il soulève quelques traits distinctifs des martyrs contemporains pour en faire l’identification objective avec le Crucifié. L’auteur livre par exemple le portrait de Jésus de John Dominic Crossan (p. 37-44 : une restitution de Jésus dans la société de son temps comme fils de charpentier, en le comparant avec Jean le Baptiste, et en faisant de lui un révolutionnaire en ses pratiques, un sage radical). L’objectif de Durand ne consiste pas à « transposer Jésus dans nos coordonnées culturelles » (p. 8), mais plutôt à cibler l’influence de Jésus encore présente à travers des générations de disciples. Il relève ainsi une problématique commune à la christologie biblique et à la christologie conciliaire : « Y a-t-il un gouffre entre le Christ de Paul, le Jésus des Synoptiques, le Logos de Jean et le Christ des conciles ? » (p. 15). Après avoir esquissé cette question centrale, il déplace la problématique vers l’enjeu de l’identité de Jésus, dans ses particularités historiques et son influence sur ses premiers auditeurs, et ce, sans pour autant disjoindre le Jésus historique du Christ de la foi.
Les trois premiers chapitres sont caractérisés par une approche historico-biblique, en particulier, le premier chapitre qui porte sur Jésus vu par les historiens. Le deuxième chapitre fait connaître Jésus à partir des martyrs contemporains. Le troisième chapitre traite de la contemplation du Christ de la foi à partir de laquelle Paul partage sa découverte du langage de la Croix et son adhésion à celui-ci. Bref, par la figure de Jésus, sur le plan historique et sur le plan des martyrs, l’ouvrage permet de relier une autre figure de Jésus à travers ce que l’apôtre Paul propose à la communauté de Corinthe et à celle de Philippes. La mission de Paul consiste à annoncer l’Évangile sans user de la sagesse du monde. Paul fait du langage de la Croix sa mission singulière sans rien occulter de la folie de la Croix. D’ailleurs, Paul fonde sa prédication sur les grands faits de l’histoire de Jésus (1 Co 15,3.7), et plus précisément sur l’expérience de Jésus ressuscité, et non sur le Jésus terrestre (p. 13-148).
Le quatrième chapitre fait état des périodes agitées de l’Église sur le plan christologique. D’abord, ces périodes furent délimitées par deux conciles : Nicée en 325 et Éphèse en 431. Ensuite, les débats christologiques du ve siècle ont eu lieu principalement entre deux grands courants christologiques qui représentent deux manières de saisir la personne du Christ. Ces courants sont issus de deux écoles, celle d’Alexandrie et celle d’Antioche. Cette période de crise ne s’est vraiment résolue qu’au concile de Chalcédoine en 451. Ce chapitre se termine sur les récentes déclarations échangées par les Églises pré-chalcédoniennes et l’Église catholique. L’auteur en cite plusieurs, en particulier celles de Paul VI et de Jean-Paul II s’adressant à des patriarches. Les uns comme les autres parlent d’une foi commune au Christ avec des tournures compatibles, des affirmations fondamentales communes, dont l’unité de personne dans le Christ, l’intégrité des natures et de leurs propriétés respectives, leur union inséparable (p. 149-196).
À partir du cinquième chapitre jusqu’au septième, des regards nouveaux sur l’Incarnation sont inspirés par les paroles de Jésus en Croix, par le pardon et par la Transfiguration. En ce sens, l’Incarnation, la Croix et la Gloire sont réinvesties par la pensée à l’aide d’expériences structurantes pour nos contemporains, comme l’indignation, l’empathie et la compassion, l’affrontement à l’impardonnable, la disparition du Ressuscité, etc. Ce n’est pas de l’apport des historiens que la christologie reçoit son objet, mais de la confession par les chrétiens d’un Jésus crucifié et ressuscité. Même si le Jésus historique est en relation avec la foi des chrétiens et ne peut totalement être évacué, comme le rappelle John Paul Meier (p. 197-319), la totalité du Jésus réel ne sera jamais connue.
Comme le titre de l’ouvrage l’indique, il s’agit d’une synthèse destinée à procurer aux lecteurs éventuels un ensemble de réflexions sur la christologie. De façon générale, cet ouvrage ne prétend pas élaborer une christologie nouvelle, mais plutôt une nouvelle façon de voir la christologie. Il s’agit en outre d’un ouvrage cohérent et agréable à lire, dont on peut toutefois regretter qu’il ne donne pas beaucoup de références bibliographiques.