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Que mangeait-on dans l’Israël ancien ? Comment préparait-on cette nourriture ? Quelles sont les fonctions de l’alimentation dans les textes bibliques ? Ce livre de 31 chapitres offre un excellent tour d’horizon de la nourriture en Israël ancien et dans la Bible hébraïque. La première, et plus brève, partie du volume délimite le contexte environnemental et socioéconomique de ce thème. La deuxième section s’intéresse à la production de la nourriture avec des chapitres sur l’élevage d’animaux, la consommation d’animaux sauvages, les produits céréaliers, les olives, les raisins, les autres fruits, noix et légumes ainsi que les épices. Cinq chapitres traitent des méthodes de préparation et de préservation des aliments. La quatrième partie du collectif décrit les rapports culturels à l’alimentation en lien avec les fêtes, la mort, la faim, le genre et l’identité israélite notamment dans sa démarcation par rapport aux Cananéens. La dernière section regroupe des réflexions sur les textes anciens et l’art en regroupant des chapitres sur l’iconographie, les sources épigraphiques, le vocabulaire de l’alimentation ainsi que des synthèses du rapport à l’alimentation dans les diverses sections de la Bible hébraïque.

La nourriture est bien entendu fondamentale à la vie humaine. Étudier le rapport à l’alimentation permet de voir les valeurs et les pratiques d’une communauté. Ce collectif permet un regard plus profond sur un sujet qui traditionnellement était abordé surtout par les aspects religieux des sacrifices et des lois alimentaires.

Une des forces du livre se trouve dans l’apport multidisciplinaire important qui y est déployé. Les études bibliques croisent notamment l’archéologie et l’ethnographie. Le rapport au porc est un enjeu important qui revient dans quatre chapitres. L’étude archéologique des restes d’ossements d’animaux vient avec d’importantes questions méthodologiques. Les données demandent toujours à être interprétées et les biais des chercheurs jouent un rôle dans leurs interprétations. Max Price indique que les tabous médiévaux et modernes concernant la consommation du porc dans le judaïsme et l’islam ont été projetés de manière anachronique sur les royaumes d’Israël et de Judas (p. 423). Un débat émerge entre, d’une part, Faust et Lev-Tov, qui voient un lien important entre le rapport au porc et la délimitation des identités Israélites et Cananéennes et, d’autre part, Sapir-Hen et ses collègues qui relativisent l’importance d’un tel lien. Max Price propose une voie moyenne, celle d’une évolution allant d’une « non-consommation passive » (l’élevage de porc était peu développé, mais pas explicitement interdit), à un « évitement actif » ethnopolitique de la consommation du porc propagé par une forme de dégoût.

Le chapitre de Carol Meyers sur le rapport entre l’alimentation et le genre est particulièrement intéressant. Les experts s’entendent sur le fait que les femmes s’occupaient de la grande majorité des tâches reliées au repas de leur famille. Ce chapitre permet de prendre conscience du temps et de l’énergie qui devaient être déployés pour rendre le grain mangeable, une différence majeure entre notre monde et celui de la Bible. Par exemple, Meyers estime qu’une femme devait moudre le grain pendant deux à quatre heures par jour, et cela chaque jour, pour sustenter une famille de deux adultes et quatre enfants (p. 387).

Dans l’ensemble, il s’agit d’une excellente contribution pour comprendre les divers aspects de l’alimentation dans les textes bibliques et les sociétés qui les ont composés. Il restera toujours un bon nombre d’incertitudes qui rendent impossible un portrait précis de la culture culinaire des Israélites, mais ce collectif est un bon tremplin pour la poursuite des recherches.