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Larkosh, Christopher (2011) : Re-Engendering Translation. Transcultural Practice, Gender/Sexuality and the Politics of Alterity. Manchester : St. Jerome Publishing, 151 p.[Record]

  • Georges L. Bastin

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  • Georges L. Bastin
    Université de Montréal, Montréal, Canada

On prête rarement attention aux remerciements de l’auteur ou du directeur d’un ouvrage collectif. Ceux-ci sont pourtant éloquents. Ils donnent le ton à un ouvrage revendicateur mais également intimiste. On retrouve ce même ton dans la première des deux exergues, de Holmes (1970) citant Roland Barthes à propos d’un genre d’écriture qui « …ne traite pas du ‘monde’ mais des formulations linguistiques faites par d’autres ; il s’agit d’un commentaire sur un commentaire ». Christopher Larkosh fait toutefois remarquer que son intention derrière ces exergues ne signifie ni un assentiment ni un refus de leur contenu, mais bien l’occasion de susciter un débat. Précisément d’un débat, celui de la conceptualisation de l’intersubjectivité sexuelle, traitent précisément les textes recueillis par Larkosh et réunis dans l’une des dernières parutions de St. Jerome Publishing. Dans son introduction, et de retour aux exergues, Larkosh met au jour l’appartenance de Holmes à la communauté gay d’Amsterdam, aspect de la vie du célèbre traducteur et traductologue passé sous silence. Et c’est dans le deuxième exergue qu’il trouve le bien-fondé de sa revendication : « There is so much still to be done ! » (Holmes 1984). Par exemple, dépasser les délimitations sexuelles courantes, soit les oppositions binaires conventionnelles, pour aborder des positionnements sexuels jugés ambigus tels que bisexuels, hermaphrodites ou transsexuels. En somme, revisiter la traduction sous l’angle du genre, c’est-à-dire, dans ses termes, « re-engendering translation ». Sans se réclamer de l’exhaustivité ni même de la représentativité, Larkosh réunit ici des travaux qui pointent vers de nouvelles possibilités de recherche, vers une véritable « politique de l’altérité » (p. 7) qui consiste à s’identifier à ceux qui sont différents de nous, voire d’eux-mêmes, et à leur donner publiquement un soutien actif et concret (p. 7). L’ouvrage comprend sept chapitres de traducteurs et chercheurs issus de diverses traditions culturelles, linguistiques et littéraires. Chaque chapitre, en plus de son titre, s’est vu attribuer un thème sauf le dernier. C’est ainsi qu’on trouve les thèmes suivants : « Writing on race and sexuality in the Harlem Renaissance », « Speaking to the dead », « Transformations of violence », « Two in translation », « The creation of ‘A Lady’ » et « Western Others (and ‘Other’ Westerns) ». Le premier texte se penche sur une série d’écrivaines afro-américaines au cours de la période connue comme la Harlem Renaissance, soit les années 20 et 30. C’est dans des revues telles que Fire ! !, The Crisis, Opportunity, Messenger, Challenge et Black Opals qu’elles font entendre leurs dénonciations de la violence raciale et sexuelle. Des revues émaillées de visuel qui sont autant de sites de résistance et de combat idéologique. Par leur écriture, ces femmes s’élèvent contre les préjugés entourant leur corps et visent à définir leur identité culturelle et sexuelle afin de contrer l’idéologie discriminatoire dominante. Elles publient aussi de nombreux textes méconnus, à compte d’auteur, sans lieu ni date. L’auteure, Annarita Taronna, trace de ces écrivaines un profil bio-bibliographique en insistant sur leurs constantes migrations tant nationales qu’internationales, à Paris principalement, ainsi que sur leur contribution à la tenue de salons littéraires et d’ateliers d’écriture pour jeunes écrivaines. Ces activités de réseautage et d’engagement dans des organisations sociales qui tenaient la question sexuelle comme le facteur le plus fécond pour donner aux femmes un « sentiment d’unité » ont profondément marqué les années 30. Intitulé « Translation as Retelling and Rememory », le texte s’attèle ensuite à la remémoration, rôle assumé par la traduction, notamment celle de certains de ces textes afro-américains traduits en italien par l’auteure. La traduction agit alors en …