Abstracts
Résumé
L’article compare plusieurs traductions françaises de deux haïkus de Bashô (1644-1694). Il s’agit moins d’observer l’amélioration accomplie au travers des années que de voir encore en quoi peut consister la soi-disant intraduisibilité de la poésie d’une langue si éloignée des langues indo-européennes. Si l’harmonie d’une langue mise en valeur dans la poésie n’est pas traduisible comme l’a dit Dante, il faudrait, concernant le chinois ou le japonais, ajouter « l’harmonie imitative » (Claudel), que propose la picturalité des signes et qui joue un certain rôle dans la poésie écrite dans ces langues. Pour la traduction d’un poème aussi bref (et dont l’énoncé risque de paraître si plat dans la traduction), doit-on se contenter de rendre seulement le sens ? Et s’il n’y a pas d’autres moyens, comment entreprendre cette traduction ? L’article aborde ces questions à travers l’analyse des versions françaises de deux haïkus. Or, même pour la restitution du sens, il y a des problèmes : le premier exemple soulève la question de l’ellipse agrammaticale de l’original, devant être complétée dans les traductions, et le deuxième, le rôle de la particule de ponctuation servant de césure, idiomatique et intraduisible. Il s’agit des rapports au non-dit ou aux sentiments inexprimables que la brièveté met encore en relief.
Mots-clés :
- haïku,
- Bashô,
- traductions françaises,
- intraduisibilité,
- brièveté
Abstract
This article compares several French translations of two haikus of Bashō (1644-1694). The aim of comparison is not to observe the improvement of translation over the years but rather to rethink the so-called untranslatability of poetry, in the case of a language so far from the Indo-European languages. If the harmony of a language harnessed by the poetry is not translatable (according to Dante), we must add “the imitative harmony” of the ideograms (Claudel) for the poetry written in Chinese or Japanese. In translating a poem so brief as a haiku, is only the meaning to be considered, even if the translation seems insipid? And, if there is no other solution than a semantic translation, should aesthetic factors be totally ignored? Yet, even as a semantic translation, the two haikus examined each offer a symbolic problem: the first presents an ungrammatical ellipsis which always has to be completed in translation; in the second, the particle of punctuation serves as a caesura, idiomatic and untranslatable. In each case the translation has to deal with an unstated feeling or thought which the brevity of the poem brings out all the more.
Keywords:
- haiku,
- Bashō,
- french translations,
- untranslatability,
- brevity
Resumen
Este artículo compara varias traducciones al francés de dos haikus de Bashô (1644-1694) no con el mero objetivo de observar el avance en las técnicas de traducción a través de los años, sino más bien para reconsiderar la llamada “intraducibilidad de la poesía” en el caso de una lengua tan diferente de las lenguas indoeuropeas. Si la armonía del lenguaje poético es intraducible (según Dante), será necesario agregar “la armonía imitativa” de los ideogramas (Claudel) de la poesía escrita en caracteres chinos o japoneses, pues juega un papel importante en dichas lenguas. En la traducción de un poema tan breve, ¿solo el significado debe ser rescatado, aunque la traducción corra el riesgo de ser insípida?, ¿se pueden ignorar totalmente los aspectos estéticos? Incluso la traducción semántica plantea problemas: el primer ejemplo presenta el caso de las elipsis agramaticales que deben ser siempre complementadas en las traducciones y el segundo, el de la partícula de la puntuación que servirá de cesura idiomática e intraducible. Se trata de la relación con lo “no dicho” de los pensamientos y de los sentimientos inexplicables puestos de manifiesto a través de la brevedad si cabe aún más todavía.
Palabras clave:
- haiku,
- Bashô,
- traducción francesa,
- intraducibilidad,
- brevedad
Appendices
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