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Les capacités hautement créatives sont considérées comme une composante clé des capacités dynamiques de l’entreprise (Napier et al., 2006; Bjork et al., 2010; Anderson et al., 2014) permettant de s’adapter rapidement à un environnement turbulent (Canels et Rietzschel, 2015). Elles permettent de produire des idées originales et utiles en rupture avec les représentations dominantes de l’entreprise (Woodman et al., 1993). Elles reposent le plus souvent sur une stratégie délibérée et mobilisent des ressources et des compétences dédiées (Tushman et al., 2010). La production d’idées hautement créatives repose sur l’articulation de connaissances distantes les unes des autres (Weisberg, 1999) et leur transformation en idées nouvelles (Anderson et al., 2013), hors des schémas existant dans l’entreprise (Nijstad et Stroebe, 2006). Les idées hautement créatives ne sont pas assimilables à des connaissances mais les deux concepts sont intrinsèquement reliés. Au contraire des activités routinières fondées en général sur la rationalisation des connaissances ainsi que le contrôle et la verticalisation des fonctions (Cohendet et al., 2006; Grant, 2013), les activités créatives impliquent que l’entreprise facilite l’accès à une variété de connaissances distantes les unes des autres, leur articulation et la gestion de leur redondance (Nijstad et Stroebe, 2006; Weisberg, 1999; Tang et Ye, 2015). Dans un contexte d’innovation ouverte, les opportunités d’accéder à des connaissances variées augmentent (Chesbrough, 2003; Björk et Magnusson, 2009). Cela implique de nouveaux modes de management des connaissances (Huizingh, 2011; Bergendahl et Magnusson, 2015; Gassmann et al., 2010; Wallin et Van Krogh, 2010). Pour autant, la nature des capacités créatives (ressources, compétences, processus) requises pour transformer cette variété de connaissances en idées nouvelles a été peu investiguée (Bjork, 2012; Anderson et al., 2014).

Pour développer de telles capacités, les entreprises doivent gérer un paradoxe majeur : le management doit à la fois favoriser la liberté d’exploration des connaissances par les équipes et l’alignement des activités créatives avec la stratégie de l’entreprise (Bjork, 2012; Harvey et Kou, 2013). La littérature scientifique reste relativement muette pour identifier dans la pratique comment le management gère ces tensions alors même que celles-ci s’accentuent. Tirer parti de l’innovation ouverte implique des changements organisationnels et culturels importants voire l’adoption d’un nouveau design organisationnel. Chesbrough (2006) met en évidence que l’entreprise doit adopter un mode d’organisation fluide au sein de laquelle la distinction entre l’interne et l’externe s’estompe. Les processus d’innovation tendent à être décentralisés (Chesbrough, 2010) et ouverts (Ollila et Elmquist, 2011). Kumar et Mann (2009) vont plus loin en mettant en évidence que le contrôle managérial est impossible dans un contexte d’innovation ouverte et qu’une stratégie ne peut tirer pleinement avantage de l’innovation ouverte que si elle accepte l’autonomie des salariés et manifeste sa pleine confiance dans leur action. Schreyogg et Sydow (2010) vont dans le même sens et soulignent la nécessité de repenser l’organisation autour du concept de fluidité organisationnelle : la structure, le contrôle, la frontière des organisations doivent être repensés pour faciliter les échanges et la mobilité des individus. Créer de la porosité est présenté par Hirschorn et Gilmore (1992) comme un défi organisationnel que les auteurs analysent en proposant le concept d’organisation sans frontières (« boundaryless organization ») : l’enjeu repose sur la capacité (des managers) à promouvoir un modèle qui casse les silos. Centrés sur la créativité organisationnelle, les travaux de Bjork (2012) aboutissent au même constat : les capacités créatives impliquent des ressources, compétences et processus mobilisés dans un design organisationnel permettant un nouvel équilibre entre contrôle et autonomie. La littérature académique a toutefois peu investigué la manière dont ce nouveau design organisationnel opère pour accéder, articuler, et créer la redondance d’une variété de connaissances.

Cet article vise à contribuer à combler le gap de l’analyse des capacités hautement créatives dans un contexte d’innovation ouverte. Il s’agit de répondre aux questions suivantes : Quels sont les ressources, processus et compétences nécessaires au développement des idées hautement créatives ? Quel est le design organisationnel requis pour les développer ?

Cette recherche se focalise sur une étude exploratoire dans trois grandes entreprises françaises qui ont installé de nouveaux laboratoires d’innovation ouverte (LIO) pour accroitre leurs capacités créatives. Ces initiatives de LIO occupent une place croissante dans les entreprises (Magadley et al., 2009). Les LIO sont des espaces physiques de travail collaboratif au sein desquels des outils et modes de fonctionnement spécifiques sont adoptés pour explorer et développer des idées créatives (Magadley et Birdi, 2009; Mérindol et al., 2016). Quelle que soit leur dénomination dans l’entreprise (creative lab, open lab, ideas labs), ces laboratoires sont en général dédiés au développement d’idées hautement créatives (Mahmoud-Jouini, 2016). Ils ont en charge de favoriser et de générer des flux d’idées nouvelles pour renouveler les portefeuilles d’activités de l’entreprise (Tushman et al., 2010). De nombreuses entreprises françaises développent aujourd’hui des LIO porteurs d’un mode d’organisation inspiré du fonctionnement du monde des makers (Mérindol et al., 2016).

Nos résultats mettent en évidence que l’installation du LIO illustre la mise en place d’un modèle d’« organisation sans frontières » au sein d’entreprises établies, dans le but de gérer la fluidité des échanges. Ce design organisationnel crée les conditions qui permettent aux équipes de mobiliser une variété de ressources distribuées entre le LIO, l’entreprise et les partenaires au cours du processus créatif. Cette recherche précise aussi les nouveaux modes de management qui permettent aux équipes d’utiliser ces ressources. Elle clarifie ainsi non seulement la nature des compétences et ressources nécessaires pour gérer une variété de connaissances non articulées au cours du processus créatif, mais aussi comment s’installe un nouvel équilibre entre liberté d’exploration et pilotage managérial.

L’article se compose de cinq sections. La première propose un cadre théorique caractérisant les capacités hautement créatives des entreprises. La deuxième détaille la méthode qualitative et le protocole de recueil de données pour les trois LIO étudiés. L’analyse de cas est présentée dans la troisième section. La discussion met en perspective les enrichissements apportés par l’étude de cas à la construction d’un modèle d’analyse des capacités hautement créatives. La conclusion présente les implications managériales et les limites de cette recherche.

Cadre théorique

Cette section présente les compétences et ressources pour développer des capacités hautement créatives. Chaque sous-section identifie les tensions entre contrôle et autonomie pour utiliser ces ressources afin d’accéder, articuler et préserver la redondance des connaissances.

Accéder à une diversité de connaissances pour développer des idées hautement créatives

L’accès à une grande diversité de connaissances est essentiel pour favoriser le développement d’idées hautement créatives (Amabile et al., 1996; Woodman et al., 1993). Dans un contexte d’innovation ouverte, les dispositifs se multiplient pour permettre d’interagir avec les clients, les startups, les compétiteurs ou encore les étudiants (West et Borgers, 2014). Ceux-ci apportent des connaissances non articulées avec la base de connaissances de l’entreprise en termes de contenus, de formes, et/ou de sources (Piezunka et Dahlander, 2015). Ces initiatives peuvent prendre la forme d’alliances structurées en Recherche et Développement (R&D), de concours à idées (Bergendahl et Magnusson, 2015), de plateformes de crowdsourcing (Parmentier et Mangematin, 2014), ou encore la participation à des activités de réseaux (Bjork et Magnusson, 2009) et de communautés (Cohendet et al., 2010). Avec l’introduction de ces dispositifs, la co-création se développe. Au-delà d’accroître les échanges, ces dispositifs permettent d’élargir les compétences mobilisées au cours des projets d’exploration, facilitant ainsi l’accès dans la durée à une variété de connaissances (Bjork, 2012).

De nombreux auteurs soulignent les changements organisationnels nécessaires pour mettre en place de tels dispositifs sans pour autant parvenir toujours aux mêmes conclusions. Pour certains, le contrôle managérial qui existe dans un modèle d’innovation fermée ne peut plus s’appliquer dans le cadre de l’innovation ouverte (Jelinek et al., 2008; Kumar et Mann, 2009). Pour Huizingh (2001) et Harvey et al. (2013), une liberté accrue accordée aux salariés est nécessaire pour participer à différentes configurations de réseaux et choisir les partenaires pertinents.

D’autres auteurs mettent davantage en évidence que ces nouveaux dispositifs modifient voire réinventent les modes de contrôle exercés par le management plutôt que de les abolir (Ollila et Ystrom, 2016). Sandstrom et Bjork (2010) mettent en évidence que les deux stratégies coexistent : ou bien les dispositifs de gestion des idées (crowdsourcing, concours à idées…) sont orientés (contrôlés) par le management, ou ils sont laissés à la discrétion des salariés pour explorer. Le management peut alors intervenir sur la définition des cibles prioritaires des dispositifs (clients, startups, fournisseurs), les thématiques concernées, ou la formulation des problèmes à traiter en relation avec l’extérieur. Il peut encore agir sur les modalités de sélection des connaissances les plus pertinentes (Frey et al., 2011).

L’acquisition de nouvelles compétences se trouve au coeur de la capacité à comprendre la gestion des tensions entre autonomie et contrôle (Frey et al., 2011; Lichthenthaler, 2008). Créer de nouvelles connexions dépend du degré d’ouverture et de la curiosité des individus (Laursen, 2012; Thanasopon et al., 2016) ainsi que de leur capacité à construire des relationnels fondés sur la confiance et l’absence d’a priori (Tang et Ye, 2015; Piezunka et Dahlander, 2015). Le degré d’autonomie des salariées pour accéder à de nouvelles connaissances est alors associé à l’acquisition de compétences d’ouverture. Celles-ci représentent une nouvelle manière d’aborder la capacité d’absorption de l’entreprise (Cohen et Levinthal, 1990) moins centrée sur la variété des compétences techniques maîtrisées en interne que liée aux aptitudes individuelles et collectives d’ouverture des individus. Thanasopon et al. (2016) complètent cette approche en soulignant que les compétences d’ouverture doivent être adossées à des compétences de coordination. Ces dernières permettent de comprendre les besoins en connaissances (aussi bien tournés vers l’interne que vers l’externe), de convaincre une diversité d’acteurs de s’engager dans l’échange, d’aligner les objectifs et de synchroniser leurs attentes.

Dans ce contexte, nous formulons les deux propositions suivantes :

Prop #1 : Les ressources nécessaires pour accéder à une diversité de connaissances impliquent la recherche d’un équilibre entre liberté des salariés et contrôle du management.

Prop #2 : La recherche d’un équilibre entre contrôle et autonomie dépend des compétences d’ouverture et de coordination des individus pour absorber et aligner les activités avec les attentes stratégiques de l’entreprise.

Combiner des connaissances non articulées au cours du processus créatif

Si l’accès à une variété de connaissances favorise le potentiel de créativité des équipes, il ne suffit pas pour produire des idées hautement créatives. Les individus ont tendance à ne reconnaître comme seules valables que les connaissances proches de leurs propres schémas de pensée (Piezunka et Dahlander, 2015). Une trop grande distance cognitive entre les individus peut inhiber la créativité au sein d’un groupe en rendant impossible l’articulation des connaissances (Nooteboom, 2000; Reagans et McEvily, 2003).

Une littérature abondante a mis en perspective que l’entreprise doit mettre en place des processus et ressources spécifiques (Bjork, 2012; Brann, 1991) pour aider les individus à construire des ponts entre des champs de connaissances non reliées. Harvey (2014) évoque un ensemble de dispositifs qui facilitent la transgression et les explorations aux frontières de ce que les individus connaissent. Il s’agit des méthodes de créativité qui favorisent un mode de pensée divergente (McFadzean, 2001), ou encore de la matérialisation des idées (prototypes, scénarios d’usages, dessins) pour aider les individus à partager des représentations, faire des liens et créer de nouvelles idées (Schulz et al., 2015; Harvey, 2014). Enfin, une littérature récente insiste sur le rôle de l’espace physique, reconfigurable et convivial, pour inciter les individus à décaler leur point de vue (Coradi et al., 2015). Ces espaces facilitent l’inclusion d’une variété de compétences au cours du processus créatif et aident les individus à expérimenter de nouvelles pratiques (Moultrie et al., 2007).

Le plus souvent, la combinaison des ressources variera en fonction des projets créatifs (Schulz et al., 2015). Georges (2007) et Harvey (2014) soulignent l’ambiguïté des équipes hautement créatives : certaines deviennent créatives en adoptant une démarche chaotique et improvisée au sein de laquelle l’utilisation des ressources reste aléatoire et change en permanence. Dans ces cas précis, la liberté d’exploration des individus est essentielle pour permettre l’improvisation (Amabile et Fisher, 2009).

Pour favoriser cette liberté d’exploration, les processus doivent faciliter des démarches itératives et réflexives entre les trois moments de l’idéation, de l’expérimentation et du prototypage (Harvey, 2014; Schultz et al., 2015). C’est pourquoi les processus structurés[1] sont généralement perçus comme un frein la créativité. Les revues de projets régulières que le management opère au stade du développement de l’idée inhibent la capacité des individus à proposer de nouvelles combinaisons de connaissances (Woodman, 1993).

La liberté des individus pour articuler des connaissances distantes dépend de leur expérience à mener des projets créatifs (Schulz et al., 2015) et de leur capacité à faire des liens entre des champs de connaissances différents. De nombreux auteurs ont mis en évidence le rôle des intermédiaires (Tushman, 1977; Howells, 2006) ou des courtiers (Hsiao et al., 2012). Ouverts et curieux, les individus agissent comme des courtiers. Ils ne se limitent pas à traduire et à redonner du sens à des connaissances dans un nouveau contexte. Ils sont aussi des créatifs dans la mesure où ils articulent des connaissances pour produire de nouvelles idées originales. Les compétences de courtiers sont clés pour utiliser les ressources apportées dans les projets créatifs de manière pertinente (Schulz et al., 2015; Levina et Vaast, 2005).

Si la liberté d’exploration revêt une importance majeure dans l’articulation des connaissances dans les processus créatifs, le rôle du management n’est pas pour autant inexistant. Amabile et al. (1996), par exemple, soulignent son rôle pour inciter les individus à explorer et créer un climat de confiance. Certains auteurs vont plus loin en accordant un rôle plus intrusif du management dans le processus créatif lorsque les individus ont une expérience limitée de ce genre de projets ou qu’ils éprouvent des difficultés à s’engager dans des pratiques éloignées de leur quotidien (Harvey, 2014; Gumusluoglu et al., 2009). Dans ces cas, le management joue un rôle de coach ou de facilitateur pour orienter les équipes dans l’utilisation de l’espace et des outils de prototypage ou encore dans la mise en oeuvre des méthodes (Schultz et al., 2015). Ces manageurs sont souvent présentés comme des leaders transformationnels (Gumusluoglu et al., 2009). Ils installent un environnement stimulant; ils encouragent les individus à sortir de leurs domaines de confort et à se confronter à d’autres approches. Ils aident les groupes à modifier leurs perceptions, en particulier lorsque l’expérience créative des équipes est faible (Schultz et al., 2015). Le leader transformationnel contribue à lever des barrières cognitives et organisationnelles qui inhibent la créativité individuelle et collective (Rickards et Moger, 2000).

Dans ce contexte, nous introduisons les deux propositions suivantes :

Prop #3 : Le contrôle managérial inhibe l’articulation de connaissances; le rôle du management dans une démarche de créativité est fondé sur l’accompagnement des équipes et non sur le contrôle des ressources.

Prop #4 : Le rôle des managers repose sur des compétences de leader transformationnel. Ce rôle est essentiel lorsque les compétences de courtiers des équipes sont faibles.

Maintenir la redondance de connaissances au cours du processus créatif

Plusieurs auteurs soulignent l’importance de la redondance de connaissances (Nonaka, 1994; Tang et Ye, 2015). La terme « redondance » signifie ici que les idées et connaissances non directement exploitées par l’entreprise doivent pouvoir rester accessibles afin d’être mobilisables ultérieurement pour d’autres projets (Laursen, 2012; Harvey et al., 2013).

Deux raisons expliquent que préserver cette redondance reste complexe. Tout d’abord, les idées nouvelles non exploitées ont tendance à être marginalisées dans l’entreprise (Laursen, 2012). Ensuite, dans un contexte d’innovation ouverte, la redondance des connaissances s’inscrit principalement dans un espace inter-organisationnel car les résultats créatifs sont souvent issus de la co-création (Naqshbandi et Kaur, 2011). Lichtenthaler (2008) et Smith et al. (2005) évoquent alors des « capacités relatives » pour caractériser les moyens mis en oeuvre par l’entreprise pour préserver un vivier d’idées et de connaissances accessibles. Ces auteurs ne clarifient pas la nature de ces moyens mais une littérature issue du management des connaissances définit deux modalités pour construire la redondance : le recours à la codification et les échanges interpersonnels informels (Deloule et al., 2004; Hansen et al., 1999). La codification rend accessibles les idées dans le temps long. Elle donne au management le moyen de contrôler les étapes de la codification (quoi ? comment ?) et l’utilisation de ces connaissances codifiées (Deloule et al., 2004). Codifier les connaissances et les idées requiert des compétences techniques et managériales, la maîtrise des outils techniques (les supports utilisés et les logiciels de codification, stockage, etc.) et la capacité à organiser, structurer et construire les codes (Perrin, 2011). La qualité des interactions au sein de l’organisation, et de l’interaction de l’organisation avec son environnement permet aussi de construire la redondance des connaissances. Les espaces d’échange (virtuels ou physiques) contribuent à préserver un vivier d’idées qui facilite la recombinaison de connaissances (existantes et nouvelles) au cours du processus créatif (Chen et al., 2010; Nonaka et al., 2000).

Dans la suite de cette approche, Cohendet et Simon (2007) et Harvey et al. (2013) proposent le concept de ressources créatives « relâchées » ou « slack créatif » qui renvoie à l’existence d’idées maintenues « vivantes » grâce aux échanges au sein de communautés d’exploration. Ces processus de socialisation permettent de préserver la mémoire des idées et connaissances à moindre coût pour l’organisation, contrairement à des dispositifs fondés sur la codification (Harvey et al., 2013). Le pilotage de ces interactions repose sur des pratiques très peu visibles. Il fait le lien avec des comportements et des attitudes comme la bienveillance (Nonaka et al., 2000). Le manageur peut certes être attentif à laisser du temps aux individus pour participer à ces activités sociales (Harvey et al., 2013). En revanche, par essence, la forme et le contenu de ce qui est véhiculé par ces espaces d’échanges échappe au management et repose sur les qualités de communication et relationnelles des individus qui participent à ces échanges.

Dans ce contexte, nous introduisons les deux propositions suivantes :

Prop #5 : Créer la redondance des connaissances peut reposer sur des ressources, processus de natures différentes qui ont des incidences diamétralement opposées sur les formes de pilotage et de contrôle managérial des ressources.

Prop #6 : Le choix entre des approches fondées sur la codification et la constitution d’un « slack créatif » dépend des compétences et ressources disponibles.

Nous proposons donc un modèle d’analyse des capacités hautement créatives en fonction de la diversité des ressources et compétences mises en place pour accéder, articuler et créer la redondance de connaissances non articulées. Nos six propositions amènent à investiguer les compétences des équipes, les caractéristiques des manageurs et leurs rôles, et les modes de gestion des connaissances qui servent à développer les capacités hautement créatives.

Méthode

Pour répondre à la problématique, nous avons utilisé une étude de cas comparative. Ce protocole offre la possibilité d’étudier des phénomènes complexes dont l’explication est intrinsèquement liée à l’interaction entre une variété de dimensions, d’actions et de relations (Yin, 2009). L’approche est fondée sur l’abduction, c’est-à-dire un processus itératif de validation de concepts et d’hypothèses et d’enrichissement de la théorie à partir des données issues du terrain (Strauss et Corbin, 1990; Thomas, 2010). A travers cette comparaison, nous avons investigué les différentes dimensions théoriques proposées dans la section précédente.

Les trois entreprises étudiées, le groupe Bouygues, Dassault Systèmes et Air Liquide, ont mis en place de nouveaux laboratoires d’innovation ouverte (LIO). Ces entreprises sont considérées comme des leaders dans leurs domaines respectifs, mais évoluent dans un environnement turbulent caractérisé à la fois par une concurrence intense et par une digitalisation de l’économie, qui modifie les frontières de leurs secteurs d’activités. Renouveler les idées est donc vital pour ces entreprises et, dans les trois cas, la création du LIO s’inscrit dans des entreprises où les processus et le contrôle sont importants. La sélection de ces cas est donc liée à la fois à la similitude de l’environnement des entreprises et aux propriétés des LIO eux-mêmes en termes d’objectifs, de positionnement dans l’organisation et d’ouverture à l’extérieur.

Recueil et analyse des données

Pour étudier les ressources et compétences mises en oeuvre pour développer la créativité au sein de ces LIO, nous avons pris en compte leur fonctionnement ainsi que les partenariats structurants que ces entités ont initiés car ceux-ci se sont révélé clés dans la construction des capacités des LIO. Ces partenariats ont été mis en place avec des entités qui leur ressemblent; ils ont abouti à la mise en place d’autres LIO co-managés.

Pour cette étude de cas comparative, la collecte de données a eu lieu en 2015 et 2016. Elle a été réalisée sur la base de 3  sources complémentaires.

Tout d’abord, 15 entretiens semi-structurés ont été réalisés en 2015 et 2016 avec les directeurs des LIO, des membres de leurs équipes et les responsables associés aux partenariats structurants des LIO (Ideas Laboratory, Usine IO et ICI Montreuil) dans le cadre de leurs contributions directes aux projets. La liste et la durée des entretiens sont précisées dans le tableau 1. Ces entretiens ont été enregistrés et des verbatim ont été produits pour le codage des contenus. Les entretiens ont porté sur trois thèmes : les pratiques pour développer des projets créatifs; les ressources et dispositifs mis en place par les LIO pour accéder à de nouvelles connaissances et travailler avec des acteurs extérieurs; les modalités pour préserver la mémoire des idées.

Tableau 1

Liste des entretiens

Liste des entretiens

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Autre source de données, des visites des lieux ont été réalisés en 2015. Elles ont permis des échanges informels avec les équipes des LIO. Le travail de terrain a aussi permis d’assister à cinq événements organisés dans les espaces des LIO (restitution de challenges, showroom…).

Enfin, en 2015, les auteurs ont aussi animé un groupe de travail. Ce groupe comprenait une vingtaine de personnes, dont les représentants des entreprises étudiées. D’autres grandes entreprises ayant aussi créé des LIO étaient présentes. Le groupe de travail s’est réuni 6 fois pour des séances de 4 heures qui ont permis de réfléchir ensemble sur les pratiques, processus et ressources mobilisées dans les LIO. Trois des séances de travail ont été particulièrement dédiées aux témoignages des entreprises. Ce travail, réalisé sur une année, a donné lieu à la réalisation d’un livre blanc par l’équipe de chercheurs (Mérindol et al., 2016).

Le protocole de codage des données (Miles et Huberman, 1994) a reposé sur des catégories élaborées en fonction des dispositifs, du rôle du management et des compétences requises pour accéder à une diversité de connaissances, combiner des connaissances non reliées, et enfin créer une redondance de connaissances accessibles pour les membres des LIO. La codification a reposé sur les catégories proposées dans le cadre théorique. Elle a été réalisée séparément par chaque membre de l’équipe, puis les codifications ont été comparées pour valider la convergence des résultats.

Le tableau 2 montre les différents travaux réalisés tout au long des 23 mois de cette recherche, ainsi que la démarche de saturation théorique mise en place.

Analyse des cas

Cette section se décompose en trois sous-sections : l’analyse du design organisationnel du LIO, puis la distribution des ressources pour accéder, articuler et créer la redondance de connaissances et, enfin, la manière de mobiliser ces ressources au cours du processus créatif.

Les LIO comme nouveau design organisationnel

Les LIO étudiés visent à renouveler la créativité au sein de l’entreprise en collaboration avec des acteurs extérieurs comme des startups, des étudiants et des clients ou encore des fab labs[2]. L’objectif est de trouver de nouveaux relais de croissance. Rattachés à une fonction « corporate » de l’entreprise depuis leur création, les LIO étudiés impliquent la mise en place d’un espace physique et d’outils dédiés à la créativité. Ils mobilisent des équipes de taille réduite qui proviennent à la fois de recrutements internes et externes à l’entreprise (voir tableau 3).

Le mode d’organisation interne des trois LIO présente des similitudes. Il n’y a pas d’organigramme. Les hiérarchies sont aplaties. Les codes usuels liés au poste de travail sont volontairement cassés. Le responsable du LIO a pour rôle de favoriser la confiance, l’échange et la prise d’initiatives.

« On n’a pas de bureau attitré. On peut travailler aussi bien chez nous que dans le lieu ou dans un café. On ne demande pas aux gens de badger […]. Le management est très présent mais il est comme invisible. »

I-lab d’AI project manager 2

Dans les activités quotidiennes, il est facile d’entrer et de sortir du LIO. Pour l’I-lab d’Air Liquide, situé en dehors des locaux physiques de l’entreprise, le principe passe par l’absence de badge pour entrer et sortir du LIO. Pour les deux autres LIO, des règles spécifiques rendent les modalités d’accès plus simples que dans le reste de l’entreprise.

Volontairement, l’espace physique se veut très décalé du reste de l’organisation en promouvant un lieu ouvert, convivial, flexible dans sa structure. Le lieu est considéré comme un élément clé. Il cristallise les nouveaux modes de travail au sein des LIO étudiés.

« Le point important, c’est le lieu. C’est un endroit qui casse les codes, qui est tourné vers l’échange et vers l’extérieur. Les gens viennent, passent, repassent. C’est une forme de chaos organisé. »

I-lab d’AI project Manager 1

Pour développer les activités créatives, ces LIO ont mis aussi en place des partenariats stables afin de développer et/ou de mobiliser des LIO extérieurs à l’entreprise.

« Le lieu est important, c’est convivial… Je travaille ici [Ideas Labs de Dassault Systèmes] ou à l’extérieur, dans d’autres lieux qui lui ressemblent comme Usine IO. J’y vais parce que j’y trouve d’autres outils, mais aussi d’autres personnes. »

Resp 1 Ideas Labs DS

« On cherche des lieux et des gens qui ont le même état d’esprit que nous. [P]lus on travaille avec l’extérieur, plus c’est riche… Il y a comme un continuum entre le lieu, ici [e-Lab], et notre partenaire l’Ideas Laboratory. »

Resp. 1 e-Lab de Bouygues

De ces partenariats résultent parfois des dispositifs pérennes. Créé en 2001, l’Ideas Laboratory se présente comme un « laboratoire d’innovation ouverte mutualisé par plusieurs entreprises » [Dir 1 Ideas Laboratory]. L’e-Lab de Bouygues, et plus récemment, l’I-lab d’Air Liquide y participent. Plusieurs grandes entreprises partenaires y investissent des ressources financières et humaines pour travailler ensemble avec des écoles, des collectivités locales et le Commissariat à l’énergie atomique et aux nouvelles énergies (CEA). L’Ideas Laboratory est un espace de plusieurs centaines de mètres carrés sur trois étages. Il est localisé à Grenoble car il s’agit d’une initiative impulsée dans cette ville par le CEA Tech, avec le soutien des collectivités locales qui y facilitent les expérimentations pour les projets. Le CEA assure la gestion et le support administratif de l’Ideas Laboratory en plus d’y affecter du personnel pour l’animation (trois à quatre ETP). La participation d’Air Liquide et de Bouygues y est portée par leurs LIO. Pour l’e-Lab de Bouygues, certaines thématiques (par exemple les smart cities) sont explorées uniquement dans le cadre de l’Ideas Laboratory de Grenoble.

L’e-Lab de Bouygues a aussi créé une plateforme physique avec l’école informatique Epitech au sein de laquelle les deux entités collaborent sur des projets numériques. Il s’agit d’un espace de 100m2, dans les locaux d’Epitech, destiné à héberger des projets étudiants sur des sujets intéressant Bouygues. Cette plateforme fonctionne selon le principe d’un fab lab. Les locaux et les outils de prototypage sont financés par Bouygues. La plateforme est co-animée par un enseignant chercheur et par deux salariés de l’e-Lab qui y sont affectés à mi-temps.

Les LIO mobilisent aussi des LIO extérieurs à l’entreprise, qu’ils vont solliciter régulièrement pour des activités précises. C’est le cas pour les Ideas Labs et l’I-lab avec Usine IO, ou pour l’I-lab avec ICI Montreuil. Situé à Paris, Usine IO a été créé en 2012 et propose à ses adhérents des services d’accompagnement en matière de prototypage rapide en phase de pré-industrialisation. Usine IO dispose d’une grande variété d’outils de prototypage. Situé à Montreuil, en proche banlieue de Paris, ICI Montreuil est un « makerspace » qui dispose d’ateliers de fabrication et d’un espace de coworking. Constitué en société coopérative d’intérêt collectif avec le label « Economie sociale et solidaire », ICI Montreuil héberge depuis 2012 une communauté composée d’une grande diversité de métiers de l’artisanat et des industries créatives.

La distribution des ressources et des compétences

Pour accéder, articuler et gérer la redondance des connaissances, les LIO mobilisent des ressources localisées dans l’entreprise, propres au LIO, et co-managées avec des partenaires.

Tableau 2

Articulation des activités de collecte des données

Articulation des activités de collecte des données

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Tableau 3

Présentation des laboratoires d’innovation ouverte de Bouygues, Air Liquide et Dassault Systèmes

Présentation des laboratoires d’innovation ouverte de Bouygues, Air Liquide et Dassault Systèmes

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Les ressources pour accéder à une diversité de connaissances

Les équipes des LIO développent une variété d’activités de networking. En dehors des contacts personnels entretenus par chaque membre des équipes, de nombreux dispositifs leur permettent d’accéder à de nouvelles connaissances.

Un seul LIO, l’I-lab, met en place des dispositifs dédiés à partir de ressources internes. Il s’agit principalement d’initiatives temporaires comme des challenges et hackathons[3] avec des étudiants des écoles de design et/ou d’architectures (sur des sujets comme l’usine du futur d’Air Liquide par exemple). Pour deux des LIO étudiés, l’I-lab et les Ideas Labs, les équipes mobilisent de manière prépondérante des dispositifs mis en place par d’autres entités de leur entreprise, facilitant par là la prise de contact avec de nouveaux acteurs. « On est des explorateurs […] et on nous aide à explorer plus loin… » [Membre d’une équipe du I-lab]. Ainsi l’I-lab mobilise les centres de R&D et les équipes dédiées à l’innovation ouverte d’Air Liquide positionnées un peu partout dans le monde pour rencontrer des entrepreneurs ou des chercheurs dans différents pays. Pour les Ideas Labs, les équipes utilisent le réseau de contacts du directeur de l’innovation de Dassault Systèmes. Celui-ci les met régulièrement en contact avec de nouvelles startups. Les équipes des Ideas Labs sont aussi très impliquées dans la communauté virtuelle « 3D Experience » initiée et managée par un community manager situé dans une autre entité de l’entreprise. Comprenant 150 000 personnes (dont 80 % hors de l’entreprise), cette plateforme permet aux équipes du LIO d’y chercher des idées venant d’étudiants, de développeurs indépendants ou de startups.

Les deux autres LIO, l’I-lab et l’e-Lab, mobilisent les LIO extérieurs à l’entreprise pour se connecter dans la durée à de nouveaux écosystèmes. Ainsi, le fab lab commun de l’e-Lab et d’Epitech permet d’explorer une variété d’applications digitales dans tous les métiers de Bouygues. La participation de l’e-Lab et de l’I-lab à l’Ideas Laboratory leur permet de se connecter aussi à des startups situées dans les clusters aux États-Unis ou en Israël.

« Pour nous [l’Ideas Laboratory Grenoble] est un lieu pour absorber des idées et se connecter à des choses nouvelles, pour rencontrer de nouvelles personnes…

Dir 1 e-Lab de Bouygues

La même démarche existe pour les échanges entre ICI Montreuil et l’I-lab. Les équipes du LIO peuvent aller travailler dans les locaux d’ICI Montreuil et se confronter aux visions et aux savoirs des artisans et des indépendants des industries créatives. L’I-lab accède ainsi à des compétences nouvelles en échangeant avec des individus aux points de vue éloignés de ceux portés par les ingénieurs d’Air Liquide.

Enfin, pour accroitre l’accès à de nouvelles connaissances, le recours à la co-création est essentiel. Les équipes en charge d’explorer comprennent parfois des salariés d’autres unités de l’entreprise et, le plus souvent, des acteurs extérieurs comme des entrepreneurs (pour tous les LIO), des designers, des ethnologues, d’autres spécialistes des sciences humaines et sociales, des artistes (pour l’e-Lab et l’I-lab), et des grandes entreprises clientes (pour les Ideas Labs). Tous les LIO mobilisent une grande variété de profils.

« Quand on veut vraiment explorer, on le fait en open innovation, c’est-à-dire en collaboration. Plus les équipes sont composées d’acteurs différents, plus on enrichit les perspectives. »

Dir e-Lab Bougyues

Les ressources pour articuler les connaissances

Une part majeure des ressources clés pour articuler des connaissances se situe à l’intérieur des LIO. Ceux-ci mettent en place des ressources propres qui n’existent nulle part ailleurs dans le reste de leur entreprise. Les interviews et visites des lieux ont permis d’identifier la concomitance de plusieurs dispositifs au sein des trois LIO : tout d’abord, un espace convivial et reconfigurable; ensuite, des méthodes de créativité (comme le design thinking, les méthodes CK ou CAUTIC, ou encore les 6 chapeaux); enfin, le recours à la matérialisation des idées. Chacun des LIO étudiés dispose d’un espace fonctionnant comme un fab lab avec les moyens de prototyper. Dans les trois cas étudiés, matérialiser les idées autrement que par une présentation orale ou des diapositives sous Powerpoint facilite la combinaison des connaissances. L’objectif est d’entrer dans le concret par l’utilisation de dessins, de scénarios d’usage, la simulation ou des expérimentations.

« On accepte de faire vite, que les choses ne fonctionnent pas parfaitement pour tester des choses improbables a priori. On n’a pas besoin de prototyper pour se rendre concrètement compte de ce que cela implique en termes d’usage. »

Resp 1 Ideas Lab DS

En complément, les LIO sont parfois amenés à exploiter des ressources distribuées dans d’autres entités de l’entreprise, comme par exemple des infrastructures d’expérimentation des centres de R&D d’Air Liquide pour l’I-lab, ou encore des chantiers de construction d’immeubles de Bouygues pour expérimenter de nouvelles technologies pour l’e-Lab. Enfin, les LIO mobilisent des ressources externes, mises en place dans le cadre des partenariats. Ces ressources complètent celles du LIO qui sont parfois insuffisantes pour prototyper ou expérimenter. C’est le cas par exemple pour les Ideas labs et l’I-lab qui utilisent les outils de prototypages et les conseils d’usine IO.

Les ressources pour préserver la redondance

Les idées produites par les LIO ne vont pas toutes être exploitées par les entreprises mais elles ne doivent pas pour autant disparaître.

« Lorsque les gens viennent dans le lieu, ils peuvent aborder une question en commençant par regarder ce qui a déjà été fait auparavant. »

I-lab d’AI, responsable projet 2

Si les efforts pour préserver la mémoire des idées sont réels, les ressources mobilisées dans ce but restent assez disparates. Elles reposent tantôt sur la codification tantôt sur l’informel et la communication.

Pour codifier les idées, les LIO privilégient toujours la même approche : une codification abstraite (dessins, schémas) et concrète (présentations enregistrées par vidéo, prototypes physiques et documentation technique sur comment l’élaborer), avant d’organiser le classement thématique pour que les idées soient facilement accessibles. Au final, il y a peu de contenus écrits mais beaucoup de visuels. Les dispositifs sont gérés à l’intérieur du LIO ou dans le cadre de ses partenariats. Par exemple, au sein des Ideas Labs, chaque projet doit être documenté. Ce travail est assuré par le chef de projet : c’est parfois un membre des Ideas Labs, un partenaire du projet, ou un membre de la communauté « 3D Experience ». Au sein de l’I-lab, la codification est réalisée LIO par les designers du LIO (à l’exception des projets menés avec l’Ideas Laboratory). Chaque prototype est aussi conservé.

Dans l’e-Lab de Bouygues, la codification requiert des ressources trop importantes pour la réaliser en interne. Cette activité est déléguée soit aux équipes de l’Ideas Laboratory soit aux étudiants d’Epitech pour les projets qui sont menés dans le cadre du fab lab commun. Pour ce dernier, chaque groupe d’étudiants doit documenter le projet dans un wiki avec l’aide des manageurs de l’e-Lab. Pour les autres projets, l’e-Lab n’a pas mis en place de dispositif spécifique de codification.

La seconde démarche pour préserver la mémoire des idées repose sur le « story telling » qui prend en compte les relations informelles et la communication interpersonnelle. Elle peut se manifester sous forme d’interviews dans des articles ou prendre la forme de pages de blog gérées par l’entreprise pour faire connaitre les initiatives du LIO (e-Lab et Ideas Labs).

« Le meilleur moyen de garder la mémoire des idées [pour les Ideas labs], c’est de préserver les relations de communautés au sein de ‘3D Expérience’. […] Garder la mémoire, c’est garder la relation avec les gens qui ont participé aux projets. »

Dir Ideas Labs DS

Le tableau 4 synthétise la distribution des ressources et la fréquence de leur utilisation par les membres du LIO au cours du processus créatif.

Tableau 4

Synthèse sur la distribution des ressources mobilisées au cours du processus créatif

Synthèse sur la distribution des ressources mobilisées au cours du processus créatif

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L’utilisation des ressources au cours du processus créatif

Les équipes des LIO utilisent les ressources décrites plus haut pour explorer des domaines non maîtrisés par l’entreprise : « ouvrir de nouveaux territoires d’exploration, de nouveaux champs » [Dir I-lab AI] et « identifier de nouveaux partenaires » [Resp Ideas Labs 1 DS].

Une liberté d’exploration exercée dans un « espace défini »

La liberté d’explorer représente une des clés de fonctionnement des LIO. C’est aussi une des raisons pour lesquelles les individus veulent y travailler.

« L’Ideas Lab est un espace un peu plus libre où on se donne le droit de regarder ailleurs. On ne nous dit pas où regarder, ni quoi explorer… »

Resp 1 Ideas Lab DS

Les LIO sont composés d’individus ouverts et curieux. En raison de la variété de leurs expériences, ils vont aborder des problématiques d’une manière nouvelle et ne vont pas hésiter à « se connecter à des choses apparemment sans lien immédiat avec l’entreprise » [Dir 1 Ideas Laboratory Grenoble].

Les LIO matérialisent des endroits où on peut « lâcher prise » [expression issue des échanges dans le groupe de travail 2015] et où les processus structurés pour organiser et sécuriser les activités n’existent plus. L’autonomie individuelle se manifeste à plusieurs niveaux. Les équipes sont libres de choisir les acteurs extérieurs pertinents pour coopérer sur un projet d’exploration. Parfois, le management des LIO prescrit des règles de composition des équipes. C’est le cas pour les Ideas Labs, même si les équipes sont libres de trouver les interlocuteurs pertinents.

« On [Ideas Labs de Dassault Systèmes] doit toujours être en co-création, en particulier avec nos clients. Les équipes doivent trouver un client « qui nous ressemble », c’est-à-dire [un client] qui a mis en place un dispositif analogue au nôtre avec des équipes qui ont le même mindset. »

Dir Ideas Lab DS

Au cours des explorations, les équipes sont libres de retenir une option plutôt qu’une autre, d’utiliser un outil ou un espace physique (celui du LIO ou d’un des partenaires) plutôt qu’un autre. Les évaluations des idées par le management de l’entreprise sont réalisées seulement à la fin du processus sur la base d’un prototype présenté le plus souvent dans un showroom.

« Les comités tuent l’idée. Nous, on fait travailler ensemble les gens sur des temps concentrés par projet, un jour, deux jours voire trois. On ne fait que ça et on créée un vrai collectif… Après, on évalue… »

Dir 1 Ideas Laboratory

Enfin, les équipes du LIO sont également libres de communiquer sur leurs projets et de remobiliser des idées produites antérieurement au sein du LIO. La liberté d’exploration est très importante mais elle s’inscrit toujours en relation avec les préoccupations de l’entreprise. Elle s’exerce le plus souvent dans des « espaces d’exploration délimités […] qui sont plus importants que dans le reste de l’entreprise, sans être infinis. On est libre mais on n’est pas déconnecté des priorités de l’entreprise. » [Groupe de travail 2015].

Lorsque les équipes du LIO mobilisent des ressources de l’entreprise, elles doivent expliquer comment elles s’inscrivent dans les thématiques prioritaires de l’entreprise. Elles n’ont pas une obligation d’obtenir des résultats immédiats mais plutôt de montrer que leurs explorations s’inscrivent dans le cadre de la stratégie générale de l’entreprise. Le rattachement du LIO à une fonction « corporate » facilite aussi l’identification d’un « sponsor », c’est-à-dire d’un décideur dans un niveau hiérarchique élevé de l’entreprise qui est convaincu de l’intérêt du projet créatif et va faciliter la mobilisation des ressources de l’entreprise dans ce sens.

Les membres du LIO cherchent constamment à réarticuler les connaissances provenant de l’interne et de l’externe. Ils cherchent à « rester dans cet espace d’exploration qui fait sens pour l’entreprise » [membre e-Lab Bouygues] et établissent des connections entre le positionnement marché de l’entreprise et les nouvelles opportunités de développement.

Le pilotage des ressources créatives par le management

Le manageur du LIO n’assure pas de contrôle managérial au sens traditionnel du terme : « on ne leur [les équipes du LIO] dit pas quoi faire, ni comment s’organiser… on leur fait confiance » [issus des échanges avec le groupe de travail 2015]. En revanche, le manageur du LIO est très présent au cours du processus créatif. Il se définit comme celui qui aide, challenge et aligne l’activité créative des équipes par rapport à la stratégie de l’entreprise.

Dans les trois cas étudiés, les manageurs du LIO cherchent à établir la complémentarité entre les activités créatives du LIO et l’activité de l’entreprise. L’un des enjeux majeurs mentionnés explicitement dans le groupe de travail tenu en 2015 consiste à « ne pas dupliquer les activités déjà réalisées dans l’entreprise, mais apporter quelque chose de diffèrent et d’utile ». Le manageur de l’I-lab utilise même l’image du satellite qui tourne autour de la terre : « trop loin, il sort de l’orbite se déconnecte; trop près, il n’est plus utile non plus pour assurer sa mission ». Ainsi les manageurs des LIO cherchent continûment à préserver la liberté d’exploration des équipes tout en alignant les intérêts (internes et externes à l’entreprise). C’est le cas par exemple pour construire des challenges et des hackathons. Ils travaillent à la définition des sujets, interviennent dans les modes de sélection des projets, participent au choix des acteurs extérieurs qui vont y participer. Tout repose sur l’action et l’intermédiation constante du management du LIO afin d’aligner les intérêts entre les équipes internes du LIO, la direction de l’entreprise et les acteurs extérieurs. Une partie de ce travail de coordination est parfois déléguée à des individus situés à l’extérieur des frontières de l’organisation auprès de partenaires mais qui, par leurs expériences et leur connaissance interne de l’organisation, sont à même d’aligner les intérêts et de trouver les points de convergence.

« Les équipes de l’Ideas Laboratory sont au contact direct des entrepreneurs beaucoup plus que nous… Ils savent identifier les « pépites » qui nous intéressent car ils connaissent nos enjeux. »

Dir 1 e-Lab de Bouygues

Enfin, le management du LIO joue un rôle clé dans la constitution d’un vivier d’idées qui reste accessible au cours du processus créatif. Pour codifier les idées, le manager définit les ressources humaines et technologiques consacrées au projet et l’espace organisationnel dans lequel elles sont mises en oeuvre (interne au LIO ou avec un partenaire). Le choix de mobiliser des ressources propres ou un partenariat dépend principalement de la taille des équipes du LIO. Le manageur intervient aussi sur les règles d’utilisation de ces connaissances codifiées (en interne et/ou en partenariat). Quand la codification des idées est réalisée en partenariat, les règles sont co-définies. Par exemple, dans le cadre du fab lab commun entre l’e-Lab et Epitech, les manageurs ont défini comment l’e-Lab et les étudiants pourraient réutiliser les idées codifiées pour des projets communs ou menés hors du cadre partenarial.

Le management du LIO joue aussi un rôle clé pour supporter les individus dans l’articulation des connaissances distantes. Tout est mis en oeuvre pour aider des équipes aux compétences hétérogènes à travailler ensemble et à « penser en dehors de la boite » [issus des échanges dans le groupe de travail 2015]. Ainsi, les outils et méthodes utilisés sont choisis par les responsables projet qui ont une expérience importante dans la conduite des projets créatifs. Très souvent, il s’agit du directeur du LIO lui-même ou d’une personne de l’équipe d’exploration qui dispose d’une expérience importante. Le manageur de projet n’est pas toujours un salarié du LIO; il peut se révéler une personne travaillant pour l’un des partenaires du projet. C’est le cas pour l’e-Lab de Bouygues concernant les projets menés au sein de l’Ideas Laboratory de Grenoble. C’est le cas aussi pour les Ideas Labs de Dassault Systèmes où le responsable du projet est parfois un individu issu d’une entreprise cliente et partenaire. Tout dépend de la disponibilité des compétences.

« Le bon manager de projet [créatif] est quelqu’un qui sait aider les groupes à articuler et à décaler les points de vue. Il peut être chez nous ou chez un de nos partenaires. »

Resp 2 du e-Lab Bouygues

Pour chaque exploration, le responsable du projet doit être familier avec différentes méthodes de créativité. Il doit aussi pousser chacun des membres de l’équipe à entrer dans un processus d’inconfort (chercher l’inconnu) tout en favorisant l’émergence de relations de confiance. Dans les trois cas étudiés, il s’agit le plus souvent d’individus qui ont des parcours atypiques et des expériences multiples dans différents domaines.

« Le choix des méthodes, c’est du feeling et de l’expérience. On adapte les méthodes en fonction du caractère hétéroclite de la composition des équipes. »

Dir 2 Ideas Laboratory

Enfin, le management soutient aussi l’activité de communication sur les projets des membres de son équipe. Ce soutien est particulièrement important lorsque les ressources dédiées à la codification sont limitées, comme par exemple dans l’e-Lab. Le management est non seulement favorable à la mise en histoire des projets menés dans les communautés auxquelles participent les membres du LIO, mais il facilite aussi la mobilisation des ressources (du LIO, des partenaires ou de l’entreprise) pour mieux communiquer sur les événements. Les personnes interviewées ont cité des interviews des membres des équipes dans les journaux internes de l’entreprise (pour l’e-Lab) ou encore l’utilisation de l’espace du LIO ou des partenaires pour organiser des évènements, construire des showrooms temporaires dans lesquels sont présentés les prototypes et les films sur les projets (pour les Ideas Labs).

Discussion

Cette recherche propose un cadre d’analyse des capacités hautement créatives en mettant en évidence les caractéristiques associées à la gestion des connaissances dans un espace dédié à l’exploration. A partir de l’analyse de LIO dans des grandes entreprises établies, cet article permet de clarifier les modalités qui servent à gérer les tensions entre liberté d’exploration des équipes et le pilotage managérial des activités créatives.

Le rôle des modèles « d’organisation sans frontières »

Dans la lignée des travaux de Schreyogg et Sydow (2010) et d’Hirschhorn et Gilmore (1992), cette recherche permet de mettre en évidence qu’un design organisationnel fondé sur un modèle d’« organisation sans frontières » facilite le développement de capacités hautement créatives dans un contexte d’innovation ouverte car il contribue à casser les silos (internes et externes). Ce design organisationnel permet ainsi de comprendre comment les LIO assurent une des fonctions clés présentées Mahoud Jouini (2016) : faire facilement le lien entre l’environnement externe et des acteurs internes à l’entreprise comme des intrapreneurs. Il permet aussi une utilisation flexible des ressources. On constate des ressources spécifiques aux LIO comme le souligne Mahmoud-Jouini (2016) : les outils d’expérimentations et de prototypage rapide. Toutefois, les LIO ne concentrent pas en leur sein l’ensemble des ressources et compétences nécessaires au processus créatif, mais ils servent de « catalyseur » à la mise en place et à une utilisation facile de ressources et de compétences situées, pour partie, dans le LIO et, pour partie, dans l’entreprise ou hors de cette dernière.

Dans la continuité des travaux de Coradi et al. (2015), cette recherche souligne aussi que la gestion de l’espace physique de travail n’est pas neutre dans la construction du design du LIO : les individus y sont plus libres d’explorer que dans le reste de l’organisation parce que les règles et les modes de management y sont différents. En tant qu’espace physique, le LIO casse les codes de travail de l’entreprise. Il favorise l’informel et l’ouverture.

Faciliter et manager la liberté d’exploration dans un espace délimité

Cette recherche contribue aux travaux sur la créativité organisationnelle (Harvey, 2014; Bjork, 2012) en distinguant ce qui relève des actions pilotées par le management de celles qui reposent sur la liberté d’exploration des individus. Les résultats de cette recherche s’inscrivent dans la suite des travaux d’Olila et al. (2011) et Olila et Ystrom (2016) : les formes de contrôle traditionnelles du management sont remplacées par du leadership transformationnel mieux adapté à l’innovation dans un contexte de diversité importante de connaissances.

Cette recherche permet toutefois d’aller plus loin et de préciser la variété des formes de pilotage managérial des activités créatives. En effet, la liberté d’exploration des individus doit rester connectée aux préoccupations de l’entreprise. Notre travail de terrain révèle que c’est une préoccupation constante du management mais aussi des équipes qui cherchent à faire le lien entre l’interne et l’externe. Notre analyse retrouve ainsi les termes de la prop #1. Alors que Kumar et Mann (2009) expliquent qu’il est nécessaire de laisser une autonomie complète aux équipes, nous soulignons qu’il faut plutôt trouver un nouvel équilibre entre liberté et contrôle managérial pour gérer l’accès aux connaissances dans le cadre d’activités créatives. Pour le manageur, l’enjeu vise moins à prescrire l’utilisation de dispositifs (orientation thématique, définition de filtres pour sélectionner les idées…) qu’à chercher à aligner les intérêts de l’ensemble des parties prenantes (équipes d’exploration, direction de l’entreprise, acteurs extérieurs) pour optimiser l’utilisation de ces dispositifs. L’étude de cas identifie que les compétences de coordination se situent principalement au niveau du management, confirmant ainsi la prop #2.

L’étude de cas permet aussi de valider la pertinence des prop #3 et #4. Pour articuler des connaissances distantes au cours du processus créatif, le rôle du manageur évolue d’une fonction de contrôle à celui de facilitateur. Il emmène avec lui les membres des équipes des LIO pour aller toujours plus loin dans l’utilisation des ressources distribuées entre l’interne et l’externe. Allant plus loin que les résultats d’Olila et al. (2011), cette recherche permet d’identifier les étapes où le leader transformationnel révèle un impact pertinent sur le cours du processus créatif. En revanche, l’étude de cas remet en cause l’existence de la substitution évoquée par Schulz et al. (2015) entre les compétences de leader transformationnel du manageur et celles de courtier. Notre travail de terrain souligne que les deux compétences, courtier et leader transformationnel, se renforcent l’une l’autre pour mobiliser les ressources et articuler des connaissances distantes au service du développement d’idées hautement créatives. Les deux compétences sont donc moins substituables que complémentaires.

Pour la redondance des connaissances, on constate que les stratégies de codification des connaissances et d’amplification du « slack créatif » sont présentes. Ces deux stratégies reposent sur des compétences et des modes de management de nature très différente. La pertinence de la prop #5 est donc confirmée. L’étude de cas permet d’aller plus loin sur la compréhension des modes de management mis en oeuvre. Tout d’abord pour la codification des connaissances, le management intervient moins sur les modalités de codification (qui sont déléguées aux équipes en fonction de leurs compétences techniques) que dans le choix des ressources mobilisées (internes au LIO ou en partenariat) et dans les règles d’accès pour utiliser ce vivier de connaissances. Ensuite, le management n’est pas absent pour favoriser le slack créatif fondé sur des échanges informels et la communication, même s’il n’intervient pas sur le contenu des échanges. Son rôle ne se limite pas à de la bienveillance vis-à-vis des actions de communication des équipes comme le suggèrent les travaux de Nonaka et al. (2000) et Harvey et al. (2013). Il concerne aussi la mobilisation de ressources accessibles par le LIO pour soutenir ces activités. Nous avons constaté une complémentarité conduisant à redéfinir la prop #6 : le travail de terrain mené dans les trois LIO permet de constater la coexistence des deux types de stratégies plutôt qu’un choix privilégiant une option par rapport à une autre. L’équilibre entre les deux stratégies dépend des ressources technologiques et humaines que le management du LIO est prêt à consacrer à la codification. Les entreprises ne privilégient pas nécessairement le développement des communautés pour favoriser la redondance des connaissances comme le suggèrent les travaux de Cohendet et Simon (2007) et Harvey et al. (2013). Nous proposons donc la reformulation suivante :

Prop #6 : Les approches fondées sur la codification et la constitution d’un « slack créatif » sont complémentaires et leur combinaison dépend des compétences et ressources disponibles.

Conclusion

La figure 1 ci-dessous synthétise nos résultats sur l’analyse des capacités hautement créatives dans un contexte d’innovation ouverte qui découle de notre démarche abductive et des études de cas. Les LIO permettent une liberté d’exploration, limitée à un espace spécifique qui mobilise un continuum de ressources internes et externes. Les compétences techniques, la logique d’ouverture et le comportement de courtier impactent directement la liberté d’exploration vécue dans le LIO. Les compétences de leader transformationnel expliquent le rôle du management, qui à son tour impacte l’exercice de la liberté d’expression. Sur la figure, le sens des flèches indique la causalité. Cet article a donc permis de clarifier les ressources et compétences requises pour gérer les connaissances au profit de la production d’idées hautement créatives. Nos résultats permettent d’identifier comment les entreprises établies construisent un nouveau design organisationnel fondé sur la fluidité organisationnelle.

FIGURE 1

Les dimensions clés des capacités hautement créatives

Les dimensions clés des capacités hautement créatives

Légende du sens des flèches : l’origine de la flèche explique sa destination

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Nous clarifions les domaines qui relèvent du pilotage managérial et ceux dans lesquels l’autonomie et la liberté d’individus peuvent s’exercer de façon autonome. Nous avons identifié les ressources, compétences et processus nécessaires pour accéder, articuler et créer la redondance de connaissances distantes. A partir de ces éléments, la figure montre une grille d’analyse qui permet d’opérationnaliser le déploiement de capacités hautement créatives dans des entreprises établies à partir de trois niveaux : le design organisationnel, les compétences des collaborateurs, les caractéristiques et les rôles des managers de ces espaces.

Nous identifions au moins une limite à notre recherche. Cet article n’avait pas pour objectif d’étudier l’efficacité des processus mis en oeuvre dans les LIO, ou les liens de causalité mis en évidence sur la figure, au prisme d’une analyse de la « performance » du LIO. La notion même de critères de performances appliqués aux LIO constitue un sujet qui nécessite d’autres approches pour être étudié.

Des investigations supplémentaires seront aussi nécessaires pour tendre vers une généralisation des résultats. Il sera utile d’investiguer d’autres cas d’entreprises aux caractéristiques différentes et de contraster les cas, par exemple, avec des entreprises qui développeraient des idées hautement créatives sans recourir à la mise en place de laboratoires d’innovation ouverte. Il faudrait aussi couvrir d’autres secteurs d’activités, des niveaux de maturité différents de développement des entreprises ou encore des entreprises qui ont développé des LIO dont le rattachement ne se situe pas au niveau des fonctions de direction de l’entreprise.