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« France is usually regarded as a country that has been quite resistant to the NPM ideas which have emerged from the UK […] since the early 1980s. »

C. Pollitt & G. Bouckaert, 2017, p. 287

Étymologiquement relative à la résistance des matériaux aux chocs, la résilience a gagné la recherche en sciences humaines. C’est « la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères » (Manciaux, 2001) ou « la description de son comportement après perturbation, c’est-à-dire la description de la façon dont il reste autour de son état initial » (Dron, 2013). Désignant par extension l’aptitude à surmonter une altération de son environnement, la résilience serait-elle devenue indispensable à la fonction d’élu local ? Les organisations sont désormais communément étudiées comme objets de résilience. La résilience financière des gouvernements locaux (Padovani et al., 2017) est particulièrement envisagée depuis la crise économique et financière, grevant les marges de manoeuvre budgétaires des collectivités décentralisées en Europe. Au sein de ces dernières, les élus eux-mêmes sont confrontés à la recherche d’une résilience plus politique, comme « le réservoir […] dont dispose les agents sociaux pour nommer, affronter et surmonter ce qui leur arrive » (Offerlé, 2006, p. 249).

Parallèlement, une volonté politique a émergé pour impulser un « mouvement international de réforme de la gestion publique » (Huteau, 2008, p. 185) : le New Public Management (NPM) au sein du pouvoir central mais aussi des échelons territoriaux, depuis les années 1970. La démarche est claire : une transposition des méthodes issues du secteur privé (Hood, 1998) et une optimisation des moyens engagés (Pettigrew, 1997). Mais le phénomène peut revêtir des intensités (Turner, 2002) et des formes (Ingraham, 1997) diverses. Ainsi, en 2017, Christopher Pollitt et Geert Bouckaert écrivaient dans la réédition de leur ouvrage de référence, Public Management Reform, la réticence française pour le New Public Management. Celle-ci contraste avec un Royaume-Uni tout acquis à cette idéologie. Les gouvernements conservateurs britanniques[1] ont en effet largement adhéré à un schéma de pensée unique, directement inspiré du management privé.

Aussi international soit-il, ce NPM ne serait pas pour autant devenu universel. La distance culturelle et institutionnelle entre une Europe du Nord et une Europe du Sud, entre une Europe occidentale et une Europe centrale ou orientale, perdure-t-elle (Ferlie, 2015) ? La réalité est sans doute plus complexe, en témoigne la « variété des transformations des bureaucraties européennes » (Bezes, Jeannot, 2019, p. 47). Par exemple, la singularité française de la collaboration entre élus locaux et fonctionnaires territoriaux (Huron, 1998) pourrait conduire à une certaine « politisation administrative » (Duran, Thoenig, 1996) et donc un NPM moins piloté par les managers. Pourtant, le contexte de crise et de contraction des budgets publics donnerait-il plus de légitimité à la recherche de performance et la culture du résultat ? Les questions du « pour quoi » ou « pourquoi engage-t-on de l’argent public ? » (Ughetto, 2006) pourraient-elles devenir plus prégnantes et changer la donne ?

Les mises en oeuvre du NPM composent aussi avec les évolutions du management public vers un post-NPM ou ses prémisses. Un état des lieux des pratiques s’impose à ce jour dans les métropoles européennes. Nous proposons de considérer le spectre Royaume-Uni - France, respectivement pour un des berceaux du NPM et pour l’expression forte d’une réticence historique. Nous ajoutons l’Italie à cette étude, pour éviter le biais institutionnel d’une unique comparaison Royaume-Uni / France (cf. système électoral, gestion des agents territoriaux, structure des ressources locales…). Alors que l’administration territoriale italienne s’est inspirée d’un modèle « franco-napoléonien » ou a pu se le voir imposer (Bobbio, 2005).

Résultats de rapports de force différents, le NPM et le post-NPM se rejoignent toutefois dans une érosion du pouvoir politique de l’élu local. En effet, si le NPM prononce l’avènement du manager dans la gestion des affaires, le post-NPM rend le premier rôle au citoyen décideur, susceptible à terme de court-circuiter la démocratie représentative dans l’action territoriale. Dans les deux cas de figure, un transfert du pouvoir politique est en marche. Quelle est alors l’attitude de l’élu face à un phénomène largement enclenché ? Une résilience politique pourrait-elle y être détectée ? Nous choisissons comme marqueur de la stratégie à l’oeuvre, la communication publique locale, dans la mesure où il en possède la maîtrise.

Après avoir rappelé le déploiement du New Public Management dans les administrations publiques, nous en montrons aussi les limites et les prolongements en un courant post-NPM. Nous discutons ensuite en Europe, des mises en oeuvre d’une nouvelle gestion publique locale et d’un management post-moderne (par la détection d’items clés dans une Analyse des Correspondances Multiples), que nous confrontons à la communication territoriale pratiquée en la matière (via une analyse textuelle systématique des contenus des discours). Les résultats de l’étude empirique sont présentés puis discutés au regard d’une stratégie de résistance, source de résilience pour l’élu.

De l’avènement du New Public Management au post‑NPM dans les administrations publiques

La très large diffusion du NPM dans les administrations publiques centrales et locales a conduit à l’expression de nombreuses critiques et modulations. L’idéologie jusque-là majoritaire s’infléchit alors au profit d’un post-NPM.

New Public Management : une application massive jusqu’aux métropoles

Les grandes réformes de l’administration publique « ont en commun de s’inscrire en pensée dans un mainstream, celui du NPM ou New Public Management » (Pupion, 2017). Son idéologie fondatrice prend sa source dans les pays anglo-saxons des années 1970 et 1980 et vise à une convergence des gestions dans le secteur privé et le secteur public. S’« il n’existe pas de véritable définition unifiée de ce que sont ces idées et ces méthodes » (Hernes, 2005), celles-ci sont globalement au service de modèles de performance publique, dont les objectifs politiques font l’objet d’une optimisation financière (Pettigrew, 1997). Ainsi, les organisations publiques passent d’une culture des moyens à une culture du résultat : le budget par nature devient par exemple une budgétisation par programme, à laquelle il est alors cohérent d’attacher des objectifs et des indicateurs de suivi.

Une formalisation sous la forme de quelques grands principes peut s’établir comme suit (Hood, 1998) :

  • Principe n° 1 : Construction d’objectifs et d’indicateurs pour manager par les résultats;

  • Principe n° 2 : Instauration de mesures pour évaluer les politiques publiques;

  • Principe n° 3 : Suivi de la qualité des services publics pour une satisfaction client;

  • Principe n° 4 : Mise en place d’une comptabilité analytique pour assainir les finances publiques (par externalisation ou privatisation des services publics);

  • Principe n° 5 : Certification des comptes publics pour en assurer la sincérité.

Si la littérature sur le NPM au sein de l’appareil étatique demeure la plus abondante, les réformes dans les collectivités locales françaises n’y font pas exception (Bezes, 2009). Malgré la pluralité des entités décentralisées et une certaine hétérogénéité de leurs compétences, il est de la même façon, question d’une nouvelle gestion publique locale (Huteau, 2008). En effet et de façon de non exhaustive, la comptabilité publique locale (nomenclatures M14, M51, M72) s’est alignée sur le plan comptable général des entreprises; les instruments de la gestion de la dette et de la trésorerie sont ceux du secteur privé et le recours à l’emprunt passe par un contrat de droit privé; la gestion des ressources humaines s’exerce sur un schéma privé via le recrutement sur une liste d’aptitudes et des primes au résultat dans les rémunérations (Michel-Clupot, Rouot, 2015).

Il en est de même dans les villes européennes. Les évolutions institutionnelles majeures répondent à un « desserrement de la contrainte étatique » (Le Gales, 2012, p. 357). S’en suivent « un renforcement des régulations de marché » et « l’introduction de modèles de gestion privée » (Le Gales, 2012, p. 357). C’est en ce sens que le management se déploie dans les collectivités et que les managers gagnent du terrain au sein de l’organisation et des processus décisionnels, vraisemblablement au détriment des élus locaux.

Limites du NPM : vers un post-NPM

Si l’application du New Public Management s’avère massive dans les administrations publiques, la critique de celui-ci dans la littérature l’est tout autant. Une objection majeure touche à l’essence même du NPM, à savoir une remise en cause des méthodes privées dans la sphère publique. Sont-elles toujours « compatibles avec les fondements et les valeurs du secteur public » (Amar, Berthier, 2007, p. 9) ? Ses dimensions politiques, éthiques, constitutionnelles et sociales complexifient considérablement la définition des responsabilités, puis l’atteinte des objectifs (Mongkol, 2011), de performance notamment.

En outre, le NPM promettait plus de transparence et plus d’éthique dans la gestion des deniers publics, en permettant une détection plus aisée de la corruption dans les affaires (Mongkol, 2011). Or, est suspecté un « affaiblissement de l’éthique publique » (Van Haeperen, 2012), comme une moindre valorisation de l’intérêt général, au profit des valeurs de marché (au premier rang desquelles : efficacité et performance).

La nouvelle gestion publique est aussi marquée par un recours aux consultants privés (Geledan, 2019) et un processus d’« agencification » de la fonction publique (Van Haeperen, 2012). La multiplication des agences a conduit à une « siloisation », comme « une fragmentation du secteur public, un manque de clarté du système organisationnel et une difficulté croissante de coordination » (Van Haeperen, 2012, p. 88). La réalité est celle de pouvoirs publics moins prégnants. Plus globalement, un affaiblissement du contrôle politique est mentionné dans les conséquences inattendues du New Public Management (Jun, 2009), que les exécutifs ne se résolvent pas à accepter (Christensen, 2012). L’élu cherchera à contrer l’érosion de ses prérogatives. La figure n° 1 synthétise des principes NPM et leurs conséquences en termes de transfert du pouvoir de l’élu vers le manager.

Afin de contrecarrer ces érosions de la publicitude[2] dans les services publics, le NPM est sérieusement remis en cause (Guenoun, Matyjasik, 2019) et des pratiques d’un post-NPM émergent (Christensen, 2012). Le post modernisme est un « sujet aux identités multiples, instables et en perpétuelle construction » (Allard-Poesi, Perret, 2002, p. 262). Une synthèse (Hajnal, Rosta, 2015) révèle à la fois une remise en cause des pratiques (De Vries, Nemec, 2013) et des propositions nouvelles. D’une part, apparait un retour marqué à la centralisation (Christensen, Laegreid, 2008; Jun, 2009; Zafra-Gomez et al., 2012), dont un rejet massif de l’agencification (Goldfinch, Wallis, 2010). D’autre part, on compose avec des dimensions nouvelles : collaborative (Christensen, Laegreid, 2008), culturelle et environnementale (Jun, 2009), éthique et citoyenne (Goldfinch, Wallis, 2010). Quelles places relatives pour le citoyen et l’élu dans cette configuration nouvelle ?

Il s’agit désormais pour la puissance publique d’intégrer les évolutions de la société et leurs interactions avec les politiques menées, pour davantage peser sur celles-ci : le citoyen et une participation citoyenne (Pasquier, Villeneuve, 2018) gagnent la décision publique (Jun, 2009; Christensen, 2012). Non seulement l’élu avait appris à composer avec les outils du manager, il doit désormais intégrer la vision du citoyen, qui devient « un agent public comme les autres » (Brandsen, Guenoun, 2019, p. 1). La littérature post-moderne oriente explicitement l’administration publique vers le citoyen et lui donne un rôle central en tant qu’individu : « une approche axée sur le citoyen est mentionnée comme les caractéristiques de base d’administration publique post-moderne » (Ozcan, Agca, 2010, p. 14). Par conséquent, une gouvernance post-moderne « exige naturellement la participation et le pluralisme au lieu de la souveraineté absolue de la bureaucratie, affaiblissant la structure hiérarchique stricte » (Ozcan, Agca, 2010, p. 22). Elle prend une dimension numérique avec une vaste digitalisation des processus (Dunleavy et al., 2005) : l’émergence d’une e-gouvernance et la disparition du papier sont au centre de la gestion post-moderne des administrations et en deviennent une caractéristique forte (Ozcan, Agca, 2010).

Figure 1

NPM et transfert du pouvoir du politique au manager

NPM et transfert du pouvoir du politique au manager

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Le développement de la gestion par projet n’est pas en soi en concept post-moderne, mais c’est un « concept recyclable dans la post modernité » (Auregan, Joffre, 2004, p. 4). Il permet de surcroit de lutter contre la siloisation, issue notamment de l’agencification du NPM (Christensen, 2012). « Le monde se construit [désormais] dans l’interaction et l’interdépendance, au travers de micro-comportements et de pratiques qui se définissent mutuellement » (Allard-Poesi, Perret, 2002, p. 259) : une conception « fragmentée » de la culture organisationnelle (Allard-Poesi, Perret, 2002) est proposée. Elle renvoie à la restructuration des appareils politiques et administratifs (Christensen, Laegreid, 2008). Elle invite vraisemblablement à davantage de collaborations entre managers, citoyens et exécutifs. Au final, dans les affaires publiques, l’élu ne devient qu’une partie prenante sur trois.

De même, « les politiques publiques font de plus en plus appel à des groupes divers [...], églises, associations, communautés locales » (Le Gales, 2012, p. 302) et la notion de « communauté » est de plus en plus considérée. Le post-NPM s’efforce d’intégrer une dimension culturelle (Zafra-Gomez, et al., 2012), collaborative (Christensen, Laegreid, 2008) et les aspirations des différentes communautés (Jun, 2009). La parole des administrés pourrait être amplifiée par une structuration en sous-groupes aux intérêts similaires.

Enfin, les « problèmes soulevés par la société du risque, caractéristique du monde post-moderne, permettent de tester et de concrétiser les enjeux du gouvernement politique » (Padioleau, 1999, p. 111). C’est l’avènement de la gestion du risque : l’action publique post-moderne en deviendrait un gouvernement politique des risques. La figure n°2 synthétise les préceptes post-NPM et leurs conséquences en termes de transfert du pouvoir de l’élu vers le citoyen.

Après avoir parcouru les concepts de NPM et de post-NPM, nous abordons les questions de recherche dans une deuxième partie.

NPM et post-NPM : quelle communication pour quelle mise en oeuvre ?

La mise en place du NPM ou du post-NPM ne doit pas être confondue avec sa communication. Nous proposons d’appréhender ces deux éléments. Beaucoup moins étudiée, la dimension communicationnelle est parfois pourtant indispensable à une implémentation complète. Ainsi, on ne pourra pas parler d’un post-NPM abouti sans une véritable participation, outil d’une réelle interaction entre élus locaux et administrés.

Figure 2

Post-NPM et transfert du pouvoir du politique au citoyen

Post-NPM et transfert du pouvoir du politique au citoyen

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Mise en oeuvre du NPM et du post-NPM : scoring des sites Internet des métropoles européennes

Les réformes d’inspiration NPM dessinent en « un quart de siècle une sorte de nouveau paradigme global en matière d’administrations publiques [qui] semble s’être imposé à la surface de la planète » (Eymeri-Douzans, 2008, p. 15). Pourtant, la littérature décline des modèles de réforme, selon les pays et leurs contextes politiques, institutionnels, économiques (Ingraham, 1997), administratifs et culturels (Ferlie, 2015). Elle va jusqu’à la métaphore de l’acclimatation (Eymeri-Douzans, 2008), comme on a pu la pratiquer pour les plantes tropicales importées dans les serres des jardins des plantes en Europe. Le NPM deviendrait polymorphe, s’adaptant alors à chaque environnement.

A l’échelle territoriale, la mise en oeuvre du NPM se déroule dans des contextes administratifs, juridiques et culturels plus ou moins favorables (Kuhlmann, 2010). Elle sera naturelle pour le Royaume-Uni, du fait d’un contexte très porteur pour l’idéologie : le libéralisme thatchérien, une tradition managériale à l’anglo-saxonne, des citoyens réceptifs à la qualité des services publics et aux privatisations, des fonctionnaires locaux familiers d’une culture des affaires (Pollitt, Bouckaert, 2017). Alors que dans les pays de tradition napoléonienne, comme la France et l’Italie, sont toujours constatés la prédominance d’une administration centralisée et l’existence d’un découpage territorial historiquement comparable à la France. En outre, les réformes convergent fortement : « renforcement du pouvoir des régions, création d’un statut particulier pour les métropoles, suppression des provinces ou des départements, intégration des communes entre elles, par la fusion ou le regroupement » (De Briant, 2014, p. 2); « réformer l’Etat, par la décentralisation territoriale et par la rationalisation de son fonctionnement […], car la contrainte financière s’y exerce d’autant plus fortement que les deux pays sont endettés et que, […] subsiste un « millefeuille » territorial dont il semble urgent de se défaire » (De Briant, 2014, p. 2). Si le processus décentralisateur français a bien créé un cadre propice à la mise en place du NPM, il ne l’a pas autoritairement imposé. En revanche, la réforme Bassanini[3] a fourni en Italie, une multitude de règles formelles, définissant les instruments et les mesures, que les exécutifs locaux ont été contraints de mettre en place. Ainsi, la forme de l’application du NPM à l’échelon territorial n’a aucune raison d’être identique dans les trois pays européens et l’hypothèse d’une acclimatation est la plus probable (Eymeri-Douzans, 2008).

Face à cette diversité des contextes et l’évolution des pratiques managériales, un élément d’analyse fédérateur doit s’imposer. La question de la performance semble le dénominateur commun de la mouvance NPM et le moteur de ses caractéristiques : « la plupart des pays développés prennent la même voie […], cette direction a impliqué le développement de la gestion de la performance » (Pollitt, Bouckaert, 2017, p. 9). Cette recherche de performance constitue précisément une critique du NPM et l’essence du post-NPM.

Par ailleurs, au niveau local, on relève l’apparition de nouvelles pratiques de management, parfois qualifiées de post-NPM avec des outils favorisant la participation citoyenne, les innovations collaboratives (Bommert, 2010) ou encore la co-production de services publics (Pestoff, 2006). Valorisantes pour le politique, ce sont autant de pratiques, que devrait confirmer l’étude empirique dans les métropoles de tous les pays.

Le terrain d’étude est constitué par les grandes villes du Royaume-Uni, de France et d’Italie, présentes dans la base Eurocities[4] (à l’exclusion des capitales, répondant à une logique propre et des effets de structure). Pour le Royaume-Uni, l’étude intègre 12 villes : Belfast, Brighton&Hove, Bristol, Cardiff, Edinburgh, Glasgow, Leeds, Liverpool, Manchester, Newcastle, Sheffield et Sunderland. Pour la France, 11 villes figurent dans l’application : Angers, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nancy, Nice, Rennes, Saint-Etienne, Strasbourg et Toulouse. Pour l’Italie, nous intégrons 5 villes : Bologne, Gênes, Palerme, Turin, Venise.

Devant cette multiplicité et cette diversité de territoires administratifs, une base de comparaison s’impose. Or, le dénominateur commun de cette hétérogénéité est l’existence de territoires numériques : « le territoire est en train d’être […] technologisé grâce aux réseaux et à la numérisation […], donc dématérialisé » (Musso, 2008, p. 15). Le site Internet est aujourd’hui devenu le reflet du territoire administratif, au point que « l’engagement sur le web [soit devenu] une représentation des pratiques » (Deprez, Bertacchini, 2015, p. 226). Ainsi, considérer le territoire dans son acception numérique présente l’intérêt de l’homogénéisation de la collecte de données.

L’étude empirique débute par un recensement des pratiques de NPM et post-NPM sur les sites Internet des métropoles. Concernant le NPM, celles-ci se focalisent sur la dimension performance de la ville. Une grille de collecte des informations relatives à ces pratiques est construite. Ses items (détaillés dans la figure n° 1) ont été élaborés pour renvoyer efficacement aux cinq principes du NPM selon Hood (1998). Concernant le post-NPM, les pratiques sont nettement moins formalisées. Le choix a alors été d’identifier les tendances évocatrices des pratiques post-NPM au regard de la revue de la littérature (cf. infra), qui sont traduites en items (cf. figure n° 3).

Figure 3

Items utilisés dans les moteurs de recherche des sites Internet

Items utilisés dans les moteurs de recherche des sites Internet

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Les items NPM et post-NPM sont saisis dans les moteurs de recherche des sites Internet des métropoles afin de déterminer s’ils renvoient à une information pertinente[5] relative aux cinq principes fondamentaux de Hood (1998) ou aux concepts post-NPM. Les items sont traduits dans les trois langues pour la collecte sur les sites Internet. La présence d’une information pertinente sur le site Internet est révélatrice des pratiques NPM et post-NPM de la métropole.

Les données recueillies pour chaque ville sur l’ensemble de ces variables qualitatives font l’objet d’une analyse des correspondances multiples (ACM) et d’un scoring. L’ACM est une méthode factorielle adaptée aux données dans lesquelles des individus (les villes) sont décrits par un ensemble de variables qualitatives (les items clés du NPM et du post-NPM). L’ACM produit alors une représentation graphique : un nuage de points dans un espace factoriel, où les proximités entre les modalités des variables d’une part et les proximités entre les individus d’autre part peuvent être interprétées, pour caractériser aussi bien les groupes d’individus que les groupes de variables. Afin de disposer d’une vision synthétique des résultats par pays, un scoring est calculé sur chacun des items de la grille d’analyse. Il établit un pourcentage en rapportant le nombre de réponses pertinentes au nombre total de villes dans chaque pays. Ce pourcentage révèle ainsi le degré de mise en oeuvre de chaque item.

Communication sur le NPM et le post-NPM : analyse textuelle des contenus des discours des métropoles européennes

La gouvernance locale implique désormais des parties prenantes parmi lesquelles le citoyen : il y tient une place centrale au travers de la participation. Cette participation impose l’exposé de l’action publique et par conséquent, une forte « pédagogie de l’action » (Mégard, 2012). La communication publique devient un outil central de la gouvernance, outil de l’interaction avec les citoyens (Martin, 2003). Gage de transparence, la communication territoriale découle directement d’une valeur publique fondamentale, de portée universelle : « le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, art. 15). Le suivi d’une performance publique impose en effet dans le cadre d’une gouvernance territoriale, de communiquer à la fois sur les actions menées et les moyens engagés (Pollitt, Bouckaert, 2017). Ainsi, elle devrait à la fois véhiculer les grands principes de gouvernance du NPM mais aussi du développement d’éléments relevant davantage d’un post-NPM.

Si les préceptes du NPM peuvent être imposés dans les territoires par le pouvoir central, au travers de vastes réformes, il n’en est rien pour la communication de l’élu local sur son action. En effet, si celle-ci est produite par des fonctionnaires territoriaux ou externalisée dans des agences de communication, ses contenus sont orientés et in fine, validés par les exécutifs locaux. Elle est le discours du politique, elle devient un outil au service du politique. « La communication des collectivités est par nature politique […], c’est l’essence même de la démocratie » (Mégard, Deljarrie, 2009, p. 16). Cette communication traduit donc l’opinion profonde du politique face à cette nouvelle gestion publique. L’hypothèse d’une acclimatation du NPM fait douter de l’uniformité de la communication afférente : elle serait le résultat d’adaptations contextuelles, notamment des rapports qu’entretiennent élus et managers.

Pour le post-NPM, l’intérêt de la dualité mise en oeuvre / communication est encore plus prégnant : vouloir prétendre à la participation sans réelle communication n’est pas tenable. L’application des principes post-NPM exige une valorisation de celle-ci auprès des administrés, pour ne pas dire une adhésion. Seule cette dernière permettra d’ouvrir une voie vers la co-construction des politiques publiques entre exécutifs et administrés. Toutefois, le post-NPM entraine un transfert de pouvoir vers les citoyens, une atteinte à la démocratie représentative et un questionnement sur la place laissée à l’élu. Celui-ci va résister. Des expériences de participation citoyenne à l’échelle locale montrent que « les élus ne supportent pas qu’on vienne contester leur monopole de la légitimité démocratique » (Talpin, 2016, p. 9). La résistance va s’opérer par le biais de son outil politique, la communication. En effet, la participation suppose la détention d’informations. Or, « l’information rendue officiellement disponible pour les citoyens n’est guère formatée pour favoriser leur insertion […] dans le débat démocratique » (Thomas, 2003, p. 148). Si la communication s’avère effectivement être l’outil de résilience de l’élu, elle devrait au contraire, demeurer limitée, alors que la nature valorisante du post-NPM pouvait laisser penser à une communication massive.

Pour répondre à ces questionnements, une analyse des contenus de la communication des métropoles est nécessaire. L’étude empirique est donc enrichie par une analyse textuelle automatisée des discours, par le logiciel Alceste[6]. Le texte étudié (appelé « corpus ») est découpé par ce logiciel en une suite de segments (les Unités de Contexte Élémentaires ou UCE). Dans ces segments, on observe la distribution des mots (Reinert, 2007). Ainsi, cette analyse textuelle s’appuie sur une « déstructuration » du corpus (Gavard-Perret, et al., 2008). Cette méthode est issue de l’analyse factorielle des correspondances et repose une classification descendante hiérarchique des UCE. L’objectif est de repérer la répétition des mots détectés dans les UCE et la proximité de certains mots les uns par rapport aux autres, cette proximité étant appelée « cooccurrence ». Le logiciel procède alors à la décomposition du corpus en différentes classes en maximisant les oppositions, c’est-à-dire en termes techniques, les Khi-2 des marges. A l’issue du traitement, le corpus est ainsi rangé en différentes classes. A partir des mots qu’elles contiennent, les classes peuvent alors être caractérisées par le chercheur, à la fois sur le fond (les thématiques repérées) et la forme (les mots identifiés).

Trois corpus (villes Royaume-Uni, villes France et villes Italie) sont constitués à partir des documents collectés sur leurs sites Internet. Les corpus sont ici constitués par les documents financiers (2016 et 2017) collectés sur les sites Internet de ces villes en février et septembre 2017 (Débat d’Orientation Budgétaire et rapport sur le Budget Primitif), des documents équivalents pour les villes du Royaume-Uni (Budget Proposals, Annual Governance Statement, Corporate Strategy Report, Financial Report) et les villes italiennes (Piano dettagliato degli Obiettivi, Documento di Programmazione, Bilancio di Previsione).

Les analyses successives sur les mises en oeuvre de gestion et la communication afférente sont confrontées, pour examiner l’écart éventuel entre l’action et le discours. Plutôt considérée comme outil de management, la notion de découplage (Meyer, Rowan, 1977) est une forme de déconnexion volontaire entre structures formelles et pratiques de gouvernance. Elle pourrait être appliquée en l’espèce à une déconnexion entre discours et pratiques sur les NPM et post-NPM. Nous y retrouverions une sorte d’hypocrisie, non pas de l’organisation et du dirigeant au sens de Brunsson (1993), mais de l’élu local ici. Des stratégies communicationnelles partielles et limitées constituent-elles une forme de résistance du politique pour la préservation de son pouvoir ?

Aussi, la démarche de recherche est construite comme suit :

  • D’abord, un état des lieux des pratiques effectivement mises en oeuvre dans les métropoles européennes est établi. Il s’orienterait vers une acclimatation du NPM selon les pays et a priori, une diffusion très large des idées post-NPM.

  • Ensuite, une analyse des discours est menée. Elle refléterait l’adaptation contextuelle du NPM, mais aussi et surtout, l’utilisation par l’élu de la communication comme l’outil de sa résilience.

  • Enfin, un rapprochement entre pratiques et communications est réalisé, révélant le découplage entre action et discours.

Après l’exposé des questions de recherche, nous présentons et discutons les résultats dans une troisième partie.

Mise en oeuvre acclimatée du NPM et stratégie de communication limitée sur le post-NPM

Un état des lieux des mises en oeuvre du NPM puis du post-NPM est conduit pour les villes britanniques, françaises et italiennes. Celui-ci est ensuite rapproché des stratégies de communication des exécutifs locaux. L’écart constaté entre pratiques managériales et discours est discuté : il apparait comme un outil de résistance, source de résilience pour l’élu.

Mise en oeuvre du NPM et du post-NPM : résultats

Pour apprécier la présence du New Public Management dans les finances locales européennes, nous avons opté pour les cinq grands principes de Hood (1998) comme le cadre de référence de cette nouvelle gestion publique. Les moteurs de recherche sont interrogés pour juger de la pertinence à laquelle les items renvoient : des exemples de contenus figurent en annexe n° 1. Les résultats de cette collecte font tout d’abord l’objet d’une ACM.

Tout d’abord, au sein de l’Analyse des Correspondances Multiples (cf. annexes n° 2 et n° 3), les villes britanniques affichent une grande proximité. Celle-ci révèle clairement la présence des pratiques caractéristiques de tous les principes recherchés, sans exception :

  • Objectif, indicateur;

  • Mesure, évaluation, performance;

  • Satisfaction, client, qualité;

  • Privatisation, externalisation, coûts;

  • Certification, audit, comptes.

Au Royaume-Uni, les sites Internet des villes renvoient systématiquement à des contenus qui traduisent des pratiques caractéristiques d’un NPM abouti.

Concernant les métropoles françaises, une certaine dispersion des individus est constatée. L’essentiel d’entre eux (Angers, Lyon, Toulouse, Saint-Etienne, Grenoble, Rennes) se trouve dans une zone caractéristique des mots : indicateur, résultat, évaluation, performance, coûts. En revanche, les termes comme : mesure, satisfaction, client, privatisation, externalisation, certification, audit, compte sont absents des sites de certaines métropoles. Le NPM apparait dans une application assez diffuse et très partielle dans les métropoles françaises.

Il existe enfin une très grande proximité des villes italiennes entre elles, toutes présentes dans la zone correspondant aux mots caractéristiques de tous les principes de Hood (1998). Nous retrouvons les items : objectif, indicateur;mesure, évaluation, performance;satisfaction, client, qualité; privatisation, externalisation, coûts;certification, audit, comptes. Il s’agit donc d’une implémentation très aboutie du NPM dans les villes italiennes, comme c’est le cas dans les villes britanniques.

Afin de compléter et synthétiser cette première analyse, un scoring des pratiques NPM révélées sur les sites Internet a été établi (figure n° 4).

Pour 10 items sur 15, 100 % des villes britanniques voient leur moteur de recherche mener à une information pertinente. Pour les villes italiennes, ces scores de 100 % sont affichés pour l’ensemble des items. Confirmant l’ACM, ces résultats attestent que les pratiques du NPM sont très largement mises en oeuvre dans ces deux pays. Les scores des métropoles françaises sont en revanche, plus contrastés : ils atteignent les 100 % uniquement pour les items « objectif » et « qualité »; ils sont nuls pour les items « privatisation » et « certification », révélant que ces usages n’existent pas (encore ?) en France.

La figure n° 5 dresse différents constats et interprétations. En définitive, les résultats présentés par le Royaume-Uni étaient assez attendus : laisser faire les exécutifs locaux dans un environnement anglo-saxon très porteur mène à un NPM abouti dans les pratiques managériales. Dans les pays post - napoléoniens, au contexte beaucoup moins propice, les expériences sont diverses : la France a très peu contraint ses collectivités décentralisées, qui se sont satisfaites d’une implémentation limitée; l’Italie à l’inverse a choisi d’imposer les principes NPM dans ses territoires, où leur application est au final observée en totalité. Ces résultats sont conformes aux pratiques observées (Huron, Spindler, 2019).

Figure 4

Présence (en %) des pratiques du NPM sur les sites Internet des métropoles

Présence (en %) des pratiques du NPM sur les sites Internet des métropoles

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Figure 5

Mise en oeuvre du NPM selon les pays

Mise en oeuvre du NPM selon les pays

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Dans des cultures spontanément peu enclines à l’idéologie NPM, imposer par la contrainte fonctionne. En revanche, une moindre autorité du pouvoir central en la matière conduirait bel et bien à une acclimatation du NPM selon les pays (Eymeri-Douzans, 2008). Ainsi, le NPM s’adapte effectivement aux environnements culturel et réglementaire.

L’application des préceptes du post-NPM dans les métropoles européennes apparait quant à elle, large et massive, au regard du scoring établi (cf. figure n° 6).

Les villes italiennes, sans exception, couvrent l’intégralité des thématiques recherchées. Au-delà, les notions de « projet » et de « citoyen » apparaissent systématiquement dans les métropoles des trois pays. Celles de « risque » et de « communauté » sont très largement rencontrées. Seules « participation » et « gouvernance numérique » sont un peu plus en retrait au Royaume-Uni. Comme attendu, les pratiques post-NPM se sont donc très largement diffusées dans les métropoles.

Figure 6

Présence (en %) des pratiques du post-NPM sur les sites Internet des métropoles

Présence (en %) des pratiques du post-NPM sur les sites Internet des métropoles

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Communication sur le NPM et le post-NPM : résultats

Plus ou moins contrainte par l’État central, la mise en oeuvre du NPM et du post-NPM dans les territoires échappe souvent, à l’exécutif local. Inversement, ce dernier décide de sa stratégie de communication et des contenus, qui traduiront notamment sa position sur ces formes de management. Nous posons la question de l’existence d’une communication sur un management d’inspiration NPM ou post-NPM dans les métropoles européennes. Lorsqu’elle existe, cette communication reflète-t-elle bien les pratiques à l’oeuvre ?

Nous avons mené trois analyses textuelles, dont les résultats bruts sont présentés en annexes 4, 5 et 6. L’annexe 7 expose des verbatim, à titre l’illustration. La figure n° 7 synthétise les mots significativement révélés.

Figure 7

Mots significativement révélés par l’analyse textuelle

Mots significativement révélés par l’analyse textuelle

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L’analyse textuelle menée révèle la présence significative dans les discours des villes italiennes, des termes évocateurs des principes n° 1 « management par les résultats » avec les mots obiettivo (objectif), strumento (instrument[7]), et n° 2 « évaluation des politiques publiques » avec misura (mesure). Ces deux premiers principes sont également présents dans les discours des villes françaises avec les mots objectif et évaluation[8]. S’y ajoute et d’une façon partielle, le principe n° 3 « recherche d’une satisfaction client » avec le mot qualité.

Enfin, concernant les villes britanniques, les trois premiers principes existent dans les discours avec les mots report (rapport), gap (écart), valuation (évaluation), performant (performant), customer (client[9]), mais avec en sus, les deux derniers principes, n° 4 « assainissement des finances publiques » avec monitoring (contrôler), partnership (partenariat[10]) et n° 5 « sincérité des comptes publics » avec accounting (comptabilité). En définitive, dans les pays de tradition napoléonienne comme l’Italie et la France, le discours existe sur le NPM mais reste cantonné aux premiers principes (n° 1, 2 et 3 partiellement), alors que les villes britanniques valorisent la totalité des principes.

L’analyse textuelle conduite sur la terminologie du post-NPM conclut à une faible présence des thématiques dans les discours : l’humain à travers people, ou citoyen est significativement présent au Royaume-Uni et en France; la notion de communauté existe dans les villes britanniques (communities[11]) et italiennes (comunita), celle de projet (progetto[12]) dans les villes italiennes. Enfin, le risque est révélé de manière significative dans les discours des villes britanniques (risk).

Aux deux extrêmes du spectre, les villes britanniques communiquent abondamment sur le NPM, en cohérence avec une implémentation aboutie, alors que les villes françaises font à la fois preuve de discrétion dans leur discours et exercent un NPM finalement assez limité. Les métropoles italiennes interpellent davantage : leur très partielle communication en matière de NPM contraste avec une mise en oeuvre massive. La figure n° 8 synthétise ces résultats.

Sur les aspects post-NPM, la recherche montre une communication très limitée dans les trois pays, malgré des thématiques humanistes ou participatives aisément valorisables par les exécutifs locaux.

Figure 8

NPM et post-NPM : mise en oeuvre et communication

NPM et post-NPM : mise en oeuvre et communication

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La communication, outil de résistance et source de la résilience de l’élu

Instaurée par un contexte culturel propice (Royaume-Uni) ou par l’autorité du pouvoir central (Italie), l’idéologie NPM a largement contribué au transfert de compétences, de l’exécutif local vers les managers. La littérature enseigne qu’une dichotomie très claire existe dans les administrations anglo-saxonnes, entre les prérogatives des managers territoriaux et des politiques, alors que fonctionnaires et élus collaborent plus systématiquement dans les collectivités locales en France (Huron, 1998), comme si les politiques français s’effaçaient moins devant les managers que les politiques britanniques.

En revanche, le post-NPM a besoin de communication pour exister : la participation citoyenne doit se jouer au travers d’échanges avec les administrés. L’absence d’une communication pleine et entière est ici lourde de conséquences : elle freine la mise en place de ce post-NPM, alors que la communication publique (Thomas, 2003) devrait être une innovation dans les modes de gouvernance et l’outil d’une interaction avec les citoyens (Martin, 2003).

Ainsi, la mise en oeuvre du NPM puis de la participation post-NPM pourraient à terme, voir la démocratie participative se substituer à la démocratie représentative et l’élu remplacé par un binôme manager – citoyen.

Les stratégies de communication du politique deviennent un outil de lutte contre un transfert de pouvoir. Il s’agit en l’espèce, d’une absence délibérée de communication, signe d’un découplage volontaire (Meyer, Rowan, 1977) entre pratiques et discours. L’élu fait preuve d’une résistance (Talpin, 2016) contre un transfert de pouvoir vers le citoyen. En ce sens, c’est l’expression d’une résilience, comme l’adaptation aux injonctions de la société vers davantage de participation (cf. figure n° 9).

Les quelques éléments de participation ou de gouvernance numériques constatés dans la communication n’attestent pour l’instant que d’une démocratie de proximité, où « les participants sont considérés comme de simples porteurs des doléances » (Bastien, 2014, p. 47), plutôt que d’une démocratie participative effective.

A travers une analyse comparative Royaume-Uni / France / Italie, nous avons conclu à un large spectre de pratiques d’implémentation du NPM et de discours afférents, malgré l’universalité d’une contrainte financière toujours plus prégnante et le développement international de cette nouvelle gestion publique locale.

Aux contours non strictement bornés, les idées post-NPM semblent plus uniformément appliquées en Europe, alors que leur valorisation au sein de leur communication territoriale dénote par sa discrétion. Une telle posture interroge également le sens d’une démocratie représentative (Coleman, 2011). Plus largement encore, l’idéologie postmoderne pourrait invalider le schéma classique de citoyens électeurs, de politiques décideurs et de fonctionnaires gestionnaires. Faisant corps avec cette société postmoderne, l’élu pourrait contribuer à disperser la puissance publique (Thuot, 1994). De facto, pour bloquer le processus à l’oeuvre, il ne pratique pas toute la communication territoriale nécessaire pour une participation citoyenne véritable. Nous faisons le constat d’une démocratie de proximité, au sein de laquelle les administrés sont certes écoutés, mais non systématiquement associés dans une co-production de services publics.

L’élu témoigne en l’espèce de sa capacité de résilience face aux assauts répétés contre son pouvoir politique. La prochaine bataille pourrait se jouer au sein de la Smart City, « ville durable, résiliente, autosuffisante, ingénieuse, connectée, ouverte, collaborative, participative » (Emmerich, 2014, p. 5), avenir de la métropole européenne et synthèse des territoires administratif et numérique. La digitalisation des services publics conduirait directement à une production d’informations par le citoyen-usager pour le manager territorial, alors à même de prendre des décisions de gestion, excluant le politique du processus. La résilience de l’élu local devrait s’en trouver de nouveau mise à rude épreuve.

Figure 9

NPM et post-NPM : transferts de pouvoir, résistance et résilience

NPM et post-NPM : transferts de pouvoir, résistance et résilience

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