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Présentation
À travers cet ouvrage collectif, les auteurs présentent les fondements épistémologiques, les concepts et les influences qui ont constitué différents courants de l’analyse ergonomique de l’activité enseignante, et notamment la théorie du cours d’action et la clinique de l’activité, dans le but de dresser un portrait d’ensemble juste sur ces courants de recherche complexes.
Dans l’introduction de la première partie, Yvon et Saussez situent l’intérêt pour l’activité laborieuse au sein de la tradition ergonomique dite de langue française. La distinction entre tâche et activité constitue la principale prémisse analytique de l’analyse de l’activité. L’ouvrage analyse de manière minutieuse une variété d’appareillages méthodologiques et conceptuels utilisés selon les différents objets d‘étude qui convergent ainsi en une trame de fond commune de l’activité, soit rendre réel le travail des enseignants et en comprendre la dynamique.
Cet ouvrage est structuré en trois parties distinctes qui exposent plusieurs perspectives d’analyse: 1) deux approches pour analyser l’activité enseignante, 2) les cadres théoriques sous-jacents à ces deux approches et 3) différentes démarches qui se situent à la marge de l’analyse de l’activité. Dans des contextes de formation et de formation des formateurs, le premier chapitre de la première partie présente une technologie de la formation développée dans le cadre du programme de recherche du cours d’action. Le deuxième chapitre détaille une démarche d’intervention auprès d’enseignants, inspirée de la clinique de l’activité. Le troisième chapitre discute la question de la part langagière du travail enseignant en confrontant deux cadres d’analyse des interactions enseignant-élèves: l’approche dialogique et l’analyse interlocutoire.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage et ses chapitres subséquents, les auteurs présentent succinctement un inventaire des principaux cadres théoriques qui fondent les deux approches discutées dans la première partie. Le chapitre 4 présente clairement les principaux concepts fondant l’analyse du cours d’action et de sa sémiologie. Ainsi, on y fait une distinction importante entre la théorie de l’action et celle de la clinique de l’activité d’abord développée par des psychologues russes. Le chapitre 5 introduit à l’histoire et à l’évolution de la psychologie ergonomique selon Leontiev, et ce, en précisant l’apport de Vygotsky quant à la signification des mots vus comme une représentation du siège de la conscience. Le chapitre 6 discute en profondeur les différentes reconfigurations conceptuelles de la clinique de l’activité. Pour terminer, le dernier chapitre de cette partie met en perspective le dialogisme Bakhtinien en insistant sur la dynamique sociale façonnant la forme et le contenu de l’énoncé via notamment les langages sociaux et le genre de l’énoncé. Ce faisant, ce chapitre met l’accent sur la production de significations ainsi que sur l’importance des sens dans un contexte de travail et de l’activité enseignante.
Enfin, la troisième partie apporte un éclairage détaillé sur la migration de certains outils de l’analyse du travail dans le champ de l’analyse de pratiques, ou encore sur les pratiques en tant qu’instruments d’analyse dans un contexte de formation, notamment dans le cadre d’un développement professionnel des enseignants. Au fil des chapitres 7 à 11, les auteurs présentent les analyses et discutent des études menées dans le champ de l’analyse des pratiques en formation pour mieux les distinguer de la tradition de recherche reliée à l’analyse ergonomique du travail. En effet, ces deux champs sont difficiles à distinguer. À ce titre, on pourrait d’ailleurs reprocher aux auteurs de ne pas avoir poussé plus loin l’analyse des différences entre analyse de l’activité et analyse de pratique. La conclusion critique de Claude Lessard met en perspective l’analyse du travail de l’enseignant ou de son activité en fonction de postures épistémologiques et de différentes traditions de recherche qui ont structuré ce champ de recherche et d’intervention.
Point de vue
L’une des forces de cet ouvrage est que les auteurs présentent l’analyse de l’activité comme un dispositif méthodologique et théorique pluriel et souple qui s’adapte aux problématiques reliées aux contextes de l’enseignant et de ses pratiques. En outre, le cadre de l’analyse ergonomique, alimenté d’autres champs disciplinaires comme la sociologie et la psychologie, permet d’ouvrir plusieurs perspectives pour comprendre le travail et intervenir auprès des enseignants et, de façon plus générale, auprès des personnes oeuvrant dans les métiers de la relation humaine. Ce faisant, cet ouvrage éclaire certains des rapports à développer entre la recherche, la formation et la pratique en éducation. C’est un ouvrage riche dont je conseille la lecture aux personnes qui désirent s’initier à l’analyse ergonomique du travail enseignant et notamment aux approches du cours d’action et de la clinique de l’activité. Une seule faiblesse réside dans le fait qu’on aurait pu reconnaître davantage, dans l’ouvrage, l’apport de la communication, en tant que processus au coeur de l’activité et non en périphérie ou en partie réelle, et son rôle fondamental lors des situations de transmission de l’information et de transformation des pratiques. Sans faire le lien, les auteurs abordent la communication sous l’angle de la réception des acteurs, des effets des activités enseignantes ainsi que des pratiques sur autrui ou sur eux-mêmes, sans la nommer clairement comme une dimension déjà investie de manière intrinsèque dans la théorie de l’activité enseignante et du cours d’action.